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13/03/2003 | MONACO | N°6579

Monaco | Tribunal du travail, 13 mars 2003, g. CO c/ la SAM Jet Travel Monaco


Abstract

Demande de sursis à statuer - Conditions de l'article 3 du Code de procédure pénale non réunies en l'espèce

Résumé

Il faut pour que soient réunies les conditions de sursis à statuer, outre une instance engagée devant la juridiction répressive et une action publique engagée avant ou pendant le cours du procès civil, que la décision à intervenir sur l'action publique soit susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile.

Un salarié licencié pour raison économique avait attrait son employeur en paiement d'indemn

ités de rupture dont il contestait la validité du motif. Son employeur excipait d'une plai...

Abstract

Demande de sursis à statuer - Conditions de l'article 3 du Code de procédure pénale non réunies en l'espèce

Résumé

Il faut pour que soient réunies les conditions de sursis à statuer, outre une instance engagée devant la juridiction répressive et une action publique engagée avant ou pendant le cours du procès civil, que la décision à intervenir sur l'action publique soit susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile.

Un salarié licencié pour raison économique avait attrait son employeur en paiement d'indemnités de rupture dont il contestait la validité du motif. Son employeur excipait d'une plainte pénale contre X postérieure au licenciement pour demander le sursis à statuer. Le Tribunal, rappelant les conditions d'application de la règle suivant laquelle le criminel tient le civil en état, énoncée par l'article 3 du Code de procédure pénale, constate que deux des trois conditions sont réunies mais non la troisième. Si une instance a bien été engagée devant une juridiction répressive et si l'action publique a bien été engagée avant ou pendant le procès « civil », en revanche, pour justifier le sursis à statuer, il est nécessaire en outre et surtout que la décision à intervenir sur l'action publique soit susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile.

Or, en l'espèce, les faits imputés au salarié ont été commis alors que ce dernier ne se trouvait plus au service de son employeur depuis plus de quatorze mois et quand bien même ils s'avèreraient pénalement établis, ne pourraient ni justifier ni même expliquer le licenciement survenu.

La demande de sursis à statuer n'est pas justifiée.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 2 août 2001, reçue le 6 août 2001 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 9 octobre 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur g. CO., en date des 11 avril 2002, 24 octobre 2002 et 16 janvier 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE JET TRAVEL MONACO, en date des 22 juillet 2002 et 28 novembre 2002 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur g. CO., et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE JET TRAVEL MONACO, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauché par la SAM JET TRAVEL MONACO le 19 juillet 1996 en qualité d'agent de comptoir, selon contrat à durée indéterminée, g. CO. a été licencié de cet emploi par lettre en date du 10 août 2000.

Le motif de la rupture du contrat de travail, tel qu'il est mentionné dans la correspondance susvisée, s'énonce comme suit :

« Monsieur,

» Par la présente nous avons le regret de confirmer notre récent entretien pendant lequel nous vous avons indiqué qu'étant donné les mauvais résultats financiers de l'entreprise, il était impossible de maintenir votre poste de travail.

« Votre préavis de deux mois, pour licenciement économique, débute dès présentation de ce courrier. ».

Soutenant d'une part que son licenciement ne reposait sur aucun motif valable, au sens de l'article 2 de la loi n° 845, et d'autre part que la rupture de son contrat de travail revêtait, au regard des circonstances factuelles dans lesquelles elle était intervenue, un caractère manifestement abusif, g. CO., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 8 octobre 2001, a attrait la SAM JET TRAVEL MONACO son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir paiement à son profit sous le bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes suivantes :

* 4.694,84 F, à titre d'indemnité de licenciement,

* 250.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Après de nombreux renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a reçu fixation à l'audience du 30 janvier 2003, afin qu'il soit statué sur la demande aux fins de sursis à statuer présentée par la SAM JET TRAVEL dans ses conclusions en date du 28 novembre 2002.

La SAM JET TRAVEL MONACO, demandeur à l'incident, a exposé, lors de ladite audience, avoir déposé le 28 mars 2002 une plainte avec constitution de partie civile du chef d'abus de confiance, après avoir constaté que sa raison sociale avait été utilisée par une personne pouvant être identifiée, sous réserve des investigations à intervenir, comme étant g. CO.

Qu'en effet les transactions (réservations ou achats de billets) litigieuses avaient été effectuées au moyen du service minitel et par utilisation d'un code d'identification strictement personnel et confidentiel dont g. CO. disposait à titre exclusif lorsqu'il était encore en fonction au sein de la SAM JET TRAVEL.

Elle a précisé que son dépôt de plainte avait été suivi d'une Ordonnance le 16 juillet 2002 ayant ordonné une consignation conformément à l'article 77 du Code de procédure pénale, et qu'elle avait satisfait à cette condition en versant la somme prévue entre les mains du greffier en chef le 24 juillet 2002.

Qu'en conséquence les conditions requises pour qu'un sursis à statuer puisse être ordonné par la présente juridiction étaient bien réunies en l'espèce.

Soutenant en définitive que les faits incriminés, même s'ils se situent postérieurement à la notification du licenciement, sont en relation directe avec l'emploi que g. CO. occupait en son sein et qu'en conséquence la décision qui sera rendue, à l'issue de la procédure pénale, exercera nécessairement une influence sur le sort du présent litige, il a demandé à la présente juridiction de surseoir à statuer.

Estimant pour sa part qu'à partir du moment où d'une part la plainte dont se prévaut la SAM JET TRAVEL n'a pas été déposée contre lui nominativement, mais contre X, et où d'autre part ladite plainte vise des faits intervenus postérieurement au licenciement, à une époque où il ne se trouvait plus au service de la société JET TRAVEL, le sort qui lui sera réservé par la juridiction pénale n'est pas de nature à influer sur l'issue du litige civil porté devant le Tribunal du Travail, g. CO. conclut au rejet de l'exception de sursis à statuer.

SUR CE,

Il est constant en droit que la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état, énoncée par l'article 3 du Code de procédure pénale, doit recevoir application s'il est établi :

* qu'une instance a été engagée devant une juridiction répressive, la constitution de partie civile valant à cet égard mise en mouvement de l'action publique,

* que l'action publique a été engagée avant ou pendant le cours du procès civil.

Dès lors qu'il résulte des pièces produites aux débats :

* que la SAM JET TRAVEL MONACO a déposé plainte, avec constitution de partie civile, entre les mains du Juge d'Instruction près le Tribunal de Première Instance de Monaco, à l'encontre de toute personne physique et/ou morale non identifiée, pour abus de confiance et pour tous délits que l'instruction révèlera, le 28 mars 2002, soit pendant le cours du procès civil engagé par g. CO. à l'encontre de son ancien employeur,

* que selon les propres écritures de la SAM JET TRAVEL la personne visée par cette plainte peut être identifiée «sous réserve des investigations à intervenir, comme étant g. CO. ».

* que le montant de la consignation fixé à la somme de 800 euros le 16 juillet 2002 par le Magistrat instructeur a été versé le 24 juillet 2002 par la SAM JET TRAVEL au greffe général,

les deux premières conditions énoncées ci-dessus sont bien réunies en l'espèce.

Pour justifier le sursis à statuer réclamé par la SAM JET TRAVEL, il est nécessaire en outre ET SURTOUT que la décision à intervenir sur l'action publique soit susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile.

Force est de constater en l'espèce, à l'examen des pièces versées aux débats par les parties et notamment du contenu de la plainte, que le sort qui sera réservé par les juridictions pénales à la plainte pénale pour abus de confiance déposée par la SAM JET TRAVEL contre X ne conditionne en rien l'issue de la procédure en contestation de son licenciement introduite par g. CO. devant le Tribunal du Travail.

Qu'en effet, dès lors que les faits imputés à g. CO. énoncés dans la plainte dont s'agit, (réservation de place sur un vol de la Compagnie THAI AIRWAYS effectuée à l'aide du service AMADEUS, sous couvert de l'agence JET TRAVEL) ont été commis le 6 novembre 2001, soit à une époque où g. CO. ne se trouvait plus, depuis plus de quatorze mois, au service de la SAM JET TRAVEL, ces agissements, quand bien même ils s'avéreraient pénalement établis, ne peuvent ni justifier ni même expliquer la mesure de licenciement survenue le 10 août 2000 dont la régularité et le bien fondé sont aujourd'hui contestés devant la présente juridiction.

Le sursis à statuer sollicité par la SAM JET TRAVEL n'apparaissant ainsi, en définitive, nullement justifié, il convient de rejeter l'exception soulevée à cette fin et de renvoyer l'affaire à l'audience du jeudi 10 avril 2003, pour les conclusions AU FOND de la SAM JET TRAVEL en réponse à celles déposées le 24 octobre 2002 par g. CO., ou, à défaut fixation à plaider sur le fond du litige.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, par jugement avant-dire-droit au fond, insusceptible d'appel immédiat par application des dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile.

Rejette l'exception de sursis à statuer soulevée par la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE JET TRAVEL MONACO.

Renvoie l'affaire à l'audience du jeudi 10 avril 2003 pour les conclusions au fond de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE JET TRAVEL MONACO en réponse à celles déposées le 24 octobre 2002 par g. CO., ou à défaut fixation à plaider sur le fond du litige.

Réserve les dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6579
Date de la décision : 13/03/2003

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Procédure pénale - Général


Parties
Demandeurs : g. CO
Défendeurs : la SAM Jet Travel Monaco

Références :

article 3 du Code de procédure pénale
article 77 du Code de procédure pénale
article 423 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2003-03-13;6579 ?

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