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26/09/2002 | MONACO | N°611887

Monaco | Tribunal du travail, 26 septembre 2002, k MA c/ la SAM Maryka


Abstract

Refus de modification du salaire à la baisse par le salarié - Intérêt réel pour l'entreprise confrontée à une baisse d'activité - Licenciement économique justifié - Priorité de réembauchage non applicable en l'absence de licenciement pour suppression d'emploi

Résumé

Le refus de la diminution de salaire proposée par l'employeur, en raison d'une forte baisse d'activité, si elle répond à un intérêt réel pour l'entreprise, peut constituer un motif valable de licenciement.

Une vendeuse est licenciée pour raison économique, après avoir ref

usé une diminution de sa rémunération, proposée par son employeur, confronté à une forte baisse...

Abstract

Refus de modification du salaire à la baisse par le salarié - Intérêt réel pour l'entreprise confrontée à une baisse d'activité - Licenciement économique justifié - Priorité de réembauchage non applicable en l'absence de licenciement pour suppression d'emploi

Résumé

Le refus de la diminution de salaire proposée par l'employeur, en raison d'une forte baisse d'activité, si elle répond à un intérêt réel pour l'entreprise, peut constituer un motif valable de licenciement.

Une vendeuse est licenciée pour raison économique, après avoir refusé une diminution de sa rémunération, proposée par son employeur, confronté à une forte baisse d'activité. Devant le Tribunal du Travail, où il est attrait par son ex-salariée qui conteste la validité du motif de rupture et sollicite un complément d'indemnité de congédiement, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour perte d'une chance de retrouver un emploi, l'employeur oppose d'abord la forclusion liée à l'absence de dénonciation du reçu pour solde de tout compte. Il justifie, par ailleurs, la rupture intervenue, par la réalité des comptes produits, faisant apparaître la diminution du volume d'affaires.

Le Tribunal rejette la demande de complément d'indemnité de congédiement en l'absence de dénonciation régulière du reçu pour solde de tout compte. Sur l'appréciation de la validité du motif de rupture du contrat de travail, le Tribunal décide qu'en l'état de la situation financière désastreuse, la réduction des frais généraux s'avérait indiscutablement nécessaire à la survie de l'entreprise et la réduction du montant du salaire proposée aux deux vendeuses présentait un intérêt réel pour l'entreprise. Le licenciement n'ayant pas été mis en œuvre pour suppression de personnel, aucune priorité de réembauchage ne s'appliquait et aucun abus de droit n'est caractérisé en l'espèce. La salariée est déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 25 octobre 2000 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 28 novembre 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Madame k MA, en dates des 12 juillet 2001, 20 décembre 2001 et 11 avril 2002 ;

Vu les conclusions rectificatives et au fond déposées par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Madame k MA, en date du 20 décembre 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MARYKA, en dates des 29 novembre 2001, 7 février 2002 et 16 mai 2002 ;

Ouï Maître Déborah LORENZI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame k MA, et Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MARYKA, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée par la SAM MARYKA en qualité de vendeuse à compter du 1er août 1997, k MA a été licenciée de cet emploi, par lettre recommandée avec avis de réception dont le contenu s'avère le suivant :

« Madame, en réponse à notre courrier du 6 décembre 1999, vous » nous avez informé par votre lettre du 10 janvier 2000 que vous « n'acceptiez pas les nouvelles conditions que nous vous proposions.

» Nous prenons acte de votre décision et nous sommes au regret de « vous notifier votre licenciement pour motif économique. ».

Soutenant d'une part que le montant de l'indemnité de congédiement lui revenant aurait dû tenir compte des commissions qui lui étaient habituellement versées, d'autre part que le motif économique de licenciement invoqué par son employeur n'était pas avéré et enfin qu'en l'état du non-respect par ce dernier de la priorité de réembauchage prévue par l'article 7 de la loi n° 629, son licenciement revêtait un caractère abusif, k MA, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 27 novembre 2000, a attrait la SAM MARYKA devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts de droit à compter de la citation introductive d'instance, des sommes suivantes :

• 381,52 F, représentant le solde lui restant dû sur l'indemnité de congédiement,

• 11.262,26 F, à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement, non cumulable,

• 39.161,80 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

• 27.322,40 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

À la date fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après treize renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 11 juillet 2002 pour être le jugement rendu ce jour 26 septembre 2002.

k MA expose, à l'appui de ses prétentions, qu'alors que sa rémunération brute s'élevait à la fin de l'année 1999 à la somme de 10.245,90 F, son employeur lui a proposé, par courrier du 6 décembre 1999, en considération des difficultés économiques qu'il rencontrait à cette période, de ramener ce montant à la somme de 8.000,00 F brut.

Elle précise que devant son refus d'accepter cette offre, qu'elle considérait « logiquement comme inacceptable », elle s'est vu notifier son licenciement économique.

Elle prétend en premier lieu, à l'appui de ses prétentions, qu'à défaut pour l'employeur de justifier des difficultés financières qu'il aurait rencontrées consécutivement à la crise économique asiatique et à la perte du marché GUCCI en Principauté, le motif allégué à l'appui du licenciement n'est pas avéré.

Elle estime par ailleurs qu'en l'état de la priorité de réembauchage prévue au bénéfice des salariés précédemment licenciés par l'article 7 de la loi n° 629 la SAM MARYKA ne pouvait procéder, comme elle l'a fait, au recrutement de deux nouvelles employées, sans lui avoir préalablement proposé les postes qui leur ont été attribués ; qu'il importe peu, à ce sujet, que les conditions offertes à ces salariées aient été inférieures à celles qui lui avaient été proposées.

Soutenant avoir ainsi perdu une chance de retrouver un emploi, elle demande en définitive au Tribunal de réparer l'important préjudice tant matériel que moral qu'elle a subi, en faisant droit à l'intégralité des prétentions contenues dans sa requête introductive d'instance, telles qu'elles ont été exposées et détaillées ci-dessus.

La SAM MARYKA conclut pour sa part à titre principal à l'irrecevabilité, et à titre subsidiaire au débouté de l'intégralité des prétentions formées à son encontre.

Elle fait valoir, à cet effet, en substance les moyens suivants :

– k MA n'a pas dénoncé le reçu pour solde de tout compte dans le délai de deux mois qui lui était imparti à cet effet,

– le motif économique l'ayant conduit d'abord à proposer à cette salariée une diminution du montant de ses salaires et ensuite, devant le refus de celle-ci, à la licencier est amplement justifié par les pièces versées aux débats : il réside dans une forte baisse d'activités s'expliquant par la crise économique asiatique d'une part et par la perte du droit de commercialiser les articles de marque GUCCI en Principauté de Monaco d'autre part,

– les nouvelles vendeuses embauchées en remplacement de Mesdames MA et PR ont été engagées à des conditions financières inférieures à celles que ces deux salariées avaient refusées,

– l'Inspection du travail a implicitement validé ces deux nouvelles embauches, en ne dressant aucun procès-verbal à son encontre.

k MA réplique pour sa part à ces divers arguments :

• que la forclusion ne s'opposant qu'aux demandes afférentes aux sommes portées dans le reçu, le salarié demeure en droit de réclamer une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts s'il estime abusif le licenciement dont il a fait l'objet,

• qu'eu égard à l'endroit où est situé son domicile (Nice) les services de la main d'œuvre monégasque n'étaient pas tenus de porter à sa connaissance l'offre d'emploi déposée par la SAM MARYKA.

SUR CE,

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la non-dénonciation du reçu pour solde de tout compte

Il est constant, en l'espèce, que le reçu pour solde de tout compte délivré le 25 mars 2000 par k MA à son employeur, qui satisfait à toutes les conditions de forme exigées par l'article 7 de la loi n° 638, n'a pas été dénoncé par la salariée dans le délai qui lui était imparti à cet effet.

Il résulte toutefois de l'examen de ce document que ce reçu, qui n'a nullement été rédigé en termes généraux, détaille au contraire très précisément les sommes allouées à savoir une somme de 26.803,00 F, « en paiement de mon salaire du 1er août 1997 au 25 mars 2000, de mes congés payés ainsi que de mon indemnité de licenciement », laquelle correspond en réalité, au vu du bulletin de paie annexé au reçu, à l'indemnité monégasque de congédiement.

Ce reçu détaillé, qui est censé exclure les éléments qui n'y figurent pas, ne peut donc avoir d'effet libératoire qu'à l'égard des éléments de rémunération ou d'indemnisation qu'il vise expressément.

Dès lors, si la demande de complément d'indemnité de congédiement formée le 25 octobre 2000 à hauteur de la somme de 381,52 F, à défaut de dénonciation régulière du reçu pour solde de tout compte, ne peut être examinée par ce Tribunal, aucune forclusion ne peut en revanche être opposée à k MA relativement aux demandes formées à titre d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts.

2) Sur le fond du litige

Dès lors qu'elle affectait sensiblement le montant de sa rémunération, ramenée de 10.245,90 F à 8.000,00 F par mois, la proposition faite le 6 décembre 1999 par la SAM MARYKA à k MA ne constitue pas un simple changement des conditions de travail de cette salariée, entrant dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur, mais une modification d'un élément substantiel de son contrat de travail.

Elle ne pouvait donc lui être unilatéralement imposée par la SAM MARYKA.

Le refus de k MA d'accepter la proposition qui lui avait été faite ne revêt en conséquence, en lui-même, aucun caractère fautif.

Il appartient dans ces conditions à la présente juridiction, pour apprécier la validité du motif de la rupture du contrat de travail de k MA, d'une part de rechercher si, à la date où elle a été formulée, la modification proposée par l'employeur à sa salariée répondait à un intérêt réel pour l'entreprise et d'autre part de s'assurer que le comportement de la SAM MARYKA ne fait apparaître ni abus de droit ni détournement de pouvoir.

Il ressort des éléments versés aux débats par l'employeur :

– que la SAM MARYKA, qui avait réalisé au cours de l'exercice 1996/1997 un chiffre d'affaires de 7.227.923,39 F, une marge brute de 2.539.284,00 F et un bénéfice net de 55.742,25 F a vu, à compter de la clôture de cet exercice, sa situation économique se dégrader de manière très sensible, en raison d'une part de la crise asiatique et d'autre part et surtout de l'arrêt de la collaboration avec la Maison GUCCI, cette détérioration s'étant concrètement traduite par les éléments suivants :

• un chiffre d'affaires ramené à 3.945.297,22 F au cours de l'exercice clôturé le 31 août 1998, puis, après une remontée éphémère et ponctuelle pendant l'exercice suivant provoquée par la vente à prix coûtant sur le marché export du reste de marchandise GUCCI en stock, en dernier lieu à 1.498.081,23 F au cours de l'exercice clôturé le 31 août 2000,

• un résultat net, qui s'est encore avéré bénéficiaire le 31 août 1998 à hauteur de 13.598,95 F, mais qui s'est traduit, dès le 31 août 1999, par une perte de 240.437,50 F, ramenée à 66.216,64 F le 31 août 2000,

• la mise en place, au cours de l'année 1999, de premières mesures de restructuration ayant consisté dans un premier temps en la suppression du poste de comptable.

En l'état de cette situation financière désastreuse, la réduction des frais généraux s'avérait indiscutablement nécessaire, voire même indispensable, à la survie économique de l'entreprise.

Dans ces conditions, la réduction du montant de leur salaire proposée par la SAM MARYKA aux deux vendeuses qui se trouvaient alors employées au sein de l'établissement présentait incontestablement un intérêt réel pour cette entreprise.

Aucune violation des dispositions de l'article 7 de la loi n° 629 ne peut par ailleurs être reprochée à la SAM MARYKA, dès lors qu'il ressort de la formulation même de ce texte que celui-ci n'a vocation à s'appliquer que lorsque les licenciements sont la conséquence d'une suppression d'emploi ou d'une compression de personnel.

Le licenciement n'ayant pas été mis en œuvre en l'espèce pour suppression d'emploi ou compression de personnel, mais en raison du refus par la salariée de la modification de son contrat de travail qui lui avait été proposée, k MA ne disposait d'aucune priorité de réembauchage au sein de la SAM MARYKA.

Dès lors en outre et en tout état de cause qu'il résulte des demandes d'autorisation d'embauchage produites par l'employeur que les deux salariées recrutées en remplacement de k MA et de Madame PR, sa collègue, ont été embauchées sur la base d'un taux horaire de 43,75 francs (4.550,00 F pour 24 heures de travail hebdomadaire) encore inférieur à celui de 47,33 F (8.000 : 169) que k MA avait estimé devoir refuser, aucun abus de droit ni détournement de pouvoir n'est caractérisé en l'espèce.

Le licenciement de k MA ayant en définitive été mis en œuvre pour un motif valable, celle-ci doit être déboutée de sa demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845.

La rupture du contrat de travail de cette salariée ne revêtant en outre, au regard des circonstances qui l'ont entourée, aucun caractère abusif, celle-ci ne peut davantage prétendre à l'octroi de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Déclare irrecevable pour cause de forclusion la demande formée par k MA tendant à obtenir paiement d'une somme de 381,52 F, (trois cent quatre-vingt-un francs et cinquante-deux centimes), à titre de complément d'indemnité de congédiement.

Déclare en revanche recevable le surplus des demandes de l'intéressée.

Dit que le licenciement de k MA a été mis en œuvre pour un motif valable.

Dit en outre que cette mesure ne revêt aucun caractère abusif.

Déboute en conséquence k MA de ses demandes d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts.

Condamne k MA aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à la législation régissant l'assistance judiciaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 611887
Date de la décision : 26/09/2002

Analyses

Social - Général ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : k MA
Défendeurs : la SAM Maryka

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2002-09-26;611887 ?

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