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10/01/2002 | MONACO | N°6108

Monaco | Tribunal du travail, 10 janvier 2002, T. c/ SAM Entretien Technique Service (ETS)


Abstract

Contrat de travail

Licenciement

- Faute grave de l'employé non établie : caractère involontaire de la faute

- Motif valable : comportement professionnel fautif de l'employé

- Absence de caractère abusif en l'état du comportement de l'employé

Procédure civile

Attestation

- Non conforme aux prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile : nullité

Résumé

S'agissant d'un licenciement prononcé pour faute grave, la charge de la preuve des éléments propres à le justifier incombe exclusivement à

l'employeur.

Pour démontrer l'existence de la détérioration du comportement professionnel de l'intéressée, dans les cinq m...

Abstract

Contrat de travail

Licenciement

- Faute grave de l'employé non établie : caractère involontaire de la faute

- Motif valable : comportement professionnel fautif de l'employé

- Absence de caractère abusif en l'état du comportement de l'employé

Procédure civile

Attestation

- Non conforme aux prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile : nullité

Résumé

S'agissant d'un licenciement prononcé pour faute grave, la charge de la preuve des éléments propres à le justifier incombe exclusivement à l'employeur.

Pour démontrer l'existence de la détérioration du comportement professionnel de l'intéressée, dans les cinq mois précédant la rupture, ainsi que des faits survenus les 5, 6 et 7 septembre 2000 la SAM ETS verse aux débats :

- trois lettres infligeant chacune à F. T. un avertissement,

* le 12 avril 2000, pour sanctionner son insuffisance professionnelle (aspiration de la moquette sur le chantier G. très mal exécutée)

* le 25 avril 2000, pour sanctionner un mouvement d'humeur (aspirateur délibérément jeté sur le sol à la suite d'une remarque d'un responsable)

* le 28 août 2000, pour sanctionner une absence non justifiée...

- un rapport adressé à l'employeur le 6 septembre 2000 par Monsieur G.-A., relatant l'incident survenu dans les locaux de la Banque Monégasque de Gestion,

- deux témoignages établis par Madame F. et Monsieur G.

Force est de constater en premier lieu que le bien fondé des trois avertissements successivement infligés à F. T. n'a pas été contesté par cette dernière au moment où ces sanctions lui ont été notifiées ; qu'en conséquence les contestations formulées dans le cadre de la présente procédure, compte tenu d'une part de leur caractère pour le moins tardif et d'autre part de l'absence de toute pièce pouvant étayer les dires de la salariée, ne sauraient être admises par ce Tribunal.

Dans ces conditions, les faits qui ont donné lieu à ces trois sanctions doivent être tenus pour acquis.

Dès lors qu'elles ne comportent pas les mentions prescrites par l'article 324 du Code de procédure civile et qu'elles ne sont au surplus accompagnées d'aucun document officiel justifiant de l'identité de leur auteur, les «attestations» rédigées par Madame F. et Monsieur G. sont entachées de nullité et doivent donc être écartées des débats.

En l'absence de tout autre élément de preuve et en l'état des dénégations de la salariée, la réalité des incidents survenus les 6 et 7 septembre 2000 dans les locaux du Centre Cardio Thoracique n'est pas suffisamment démontrée.

Il résulte en revanche incontestablement à la fois du rapport d'incident établi le 6 septembre 2000 par M. G.-A. et des correspondances adressées par F. T. à son employeur que cette dernière a bien déclenché le même jour le système d'évacuation d'urgence, en cas d'incendie, de la Banque Monégasque de Gestion et provoqué l'intervention consécutive de la Société Monaco Sécurité pour assurer la fermeture des issues.

Si cette manœuvre revêt certes un caractère fautif, seul le chef d'équipe étant habilité à manipuler les interrupteurs, elle ne peut en revanche être qualifiée de «manifestement volontaire».

En indiquant en effet dans son rapport d'incident que F. T., en voulant «ouvrir les portes coulissantes du chantier avait malheureusement appuyé sur le mauvais interrupteur», le chef d'équipe a lui-même reconnu le caractère involontaire de la faute commise par cette dernière.

En l'absence d'intention de nuire aux intérêts de son employeur, le geste malencontreux de F. T. ne saurait, nonobstant les conséquences qu'il a pu engendrer, s'analyser en une faute grave rendant impossible le maintient de l'intéressée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'état des trois avertissements précédemment infligés, illustrant la dégradation progressive de son comportement professionnel, la violation par F. T. des consignes précises reçues de son employeur constitue en revanche incontestablement un motif valable de rupture de son contrat de travail.

Le caractère abusif du licenciement, au regard des circonstances factuelles l'ayant entouré, n'étant nullement démontré, F. T. doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La faute grave ayant été écartée, cette dernière est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité de préavis égale, compte tenu d'une ancienneté de service d'un an et cinq mois à la date de la rupture, à un mois de salaire brut.

Motifs

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Embauchée le 23 mars 1999 par la SAM Entretien Technique Service en qualité d'agent de propreté, F. T. a été licenciée de cet emploi par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 septembre 2000, pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture.

Les motifs de ce licenciement, tels qu'ils sont contenus dans la lettre en date du 7 septembre 2000, convoquant l'intéressée à un entretien préalable et lui notifiant en outre sa mise à pied conservatoire, s'énoncent comme suit :

« Mademoiselle,

Malgré nos nombreuses mises au point, trois avertissements circonstanciés des 12 avril 2000, 25 avril 2000, 28 août 2000, et votre comportement au travail continue de se dégrader au point de menacer aujourd'hui la continuité des marchés commerciaux sur lesquels vous êtes affectée.

Ainsi le 5 septembre 2000 vous avez déclenché l'alarme de la Banque Monégasque de Gestion, obligeant les services de sécurité à intervenir, manœuvre manifestement volontaire. Nous avons aussi appris que le 6 septembre 2000 vous aviez projeté votre chariot ménage contre le mur de ladite banque, ainsi que le 7 septembre 2000 vous avez une nouvelle fois projeté votre chariot ménage contre le mur du Centre Cardio Thoracique en élevant la voix. Nous vous rappelons qu'il s'agit d'un chantier hospitalier où le silence est de rigueur.

Nous ne pouvons tolérer ces agissements irresponsables qui nuisent à l'image de notre entreprise de services intervenante, comme aux relations commerciales ».

Soutenant d'une part que son congédiement ne reposait ni sur une faute grave, ni même sur un simple motif valable et d'autre part que cette mesure, au regard des circonstances de fait l'ayant entourée, revêtait un caractère manifestement abusif, F. T., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 26 février 2001, a attrait la SAM ETS devant le Bureau de Jugement du Tribunal de Travail afin d'obtenir l'allocation à son profit, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes suivantes :

* 3 611,52 francs à titre d'indemnité de licenciement,

* 7 331,24 francs à titre de solde de préavis,

* 20 000 francs à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont toutes deux régulièrement comparu.

Puis, après quatre renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue le 22 novembre 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour, 10 janvier 2002.

F. T. expose, à l'appui de ses prétentions, qu'après avoir pendant plus d'une année donné toute satisfaction à son employeur, ce dernier s'est « acharné » sur elle à partir du mois d'avril 2000, en lui infligeant successivement, pour des motifs futiles, et au demeurant non avérés, la SAM ETS n'ayant justifié d'aucune doléance de ses clients, pas moins de trois avertissements en moins de cinq mois, lesquels ont été suivis le 7 août 2000 d'une convocation à un « entretien préalable », puis d'une notification de licenciement pour faute grave.

Soutenant d'une part que les attestations rédigées par Madame F. et Monsieur G. versées aux débats par l'employeur sont entachées de nullité et ne peuvent donc constituer la preuve des fautes professionnelles alléguées (aspirateur, chariot ménage), lesquelles revêtent en tout état de cause un caractère mineur, d'autre part qu'elle avait bien averti son employeur, le 26 août 2000, de son absence, et enfin que le déclenchement intempestif de l'alarme de la Banque Monégasque de Gestion, visé dans la lettre de licenciement, ne présente aucun caractère volontaire, s'agissant d'une simple confusion commise par ses soins, elle estime que la SAM ETS ne justifie pas en l'espèce de l'existence de la faute grave qu'elle invoque, ni même d'un simple motif valable de rupture.

Prétendant en outre qu'en multipliant les avertissements afin de la pousser à la faute, et en profitant de la moindre erreur pour déclencher le licenciement pour faute grave, la SAM ETS a fait un usage abusif de son droit unilatéral de rupture, F. T. demande au Tribunal du Travail de faire droit à l'intégralité des prétentions contenues dans sa requête introductive d'instance, telles qu'elles ont été exposées et détaillées ci-dessus.

La SAM ETS conclut pour sa part au rejet de l'intégralité des prétentions formées à son encontre par F. T.

Elle invoque à cette fin, en substance, les moyens suivants :

* Les trois sanctions, infligées à F. T., les 12 avril, 25 avril et 28 août 2000 n'ont pas été contestées par l'intéressée avant l'introduction de la présente procédure,

* Ces trois avertissements, s'ils ne constituent certes pas le motif du licenciement qui repose quant à lui sur les faits commis les 5, 6 et 7 septembre 2000, illustrent en revanche incontestablement le comportement professionnel adopté par l'intéressé et « fondent en outre la récidive » en matière de détérioration du matériel.

* Les événements survenus les 5, 6 et 7 septembre 2000 dans l'enceinte du Centre Cardio-Thoracique d'une part et de la Banque Monégasque de Gestion d'autre part sont suffisamment établis par le rapport d'incident dressé par Monsieur H. G.-A., ainsi que par les attestations délivrées par Monsieur G. et Madame F.

* Le déclenchement de l'alarme de la Banque Monégasque de Gestion, compte tenu de son caractère volontaire et du danger que cette mauvaise manœuvre a fait courir à l'équipe de nettoyage, auquel s'ajoutent les violences verbales et la détérioration de matériel de travail perpétrées dans les locaux du Centre Cardio Thoracique, constituent incontestablement, en l'état des trois avertissements précédemment infligés, dont un pour des faits de même nature, une faute grave, privative du préavis et de l'indemnité corrélative.

* Eu égard à son ancienneté de service, F. T. ne peut prétendre au titre du préavis à une indemnité supérieure à un mois de salaire brut, soit la somme de 5 016,35 francs,

* Le licenciement de l'intéressée reposant à tout le moins sur un motif valable, cette dernière ne saurait davantage obtenir le bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Sur ce :

S'agissant d'un licenciement prononcé pour faute grave, la charge de la preuve des éléments propres à le justifier incombe exclusivement à l'employeur.

Pour démontrer l'existence de la détérioration du comportement professionnel de l'intéressée, dans les cinq mois précédant la rupture, ainsi que des faits survenus les 5, 6 et 7 septembre 2000 la SAM ETS verse aux débats :

* trois lettres infligeant chacune à F. T. un avertissement,

* le 12 avril 2000, pour sanctionner son insuffisance professionnelle (aspiration de la moquette sur le chantier G. très mal exécutée),

* le 25 avril 2000, pour sanctionner un mouvement d'humeur, (aspirateur délibérément jeté sur le sol à la suite d'une remarque d'un responsable),

* le 28 août 2000, pour sanctionner une absence non justifiée.

* un rapport adressé à l'employeur le 6 septembre 2000 par Monsieur G.-A., relatant l'incident survenu dans les locaux de la Banque Monégasque de Gestion,

* deux témoignages établis par Madame F. et Monsieur G.

Force est de constater en premier lieu que le bien fondé des trois avertissements successivement infligés à F. T. n'a pas été contesté par cette dernière au moment où ces sanctions lui ont été notifiées ; qu'en conséquence les contestations formulées dans le cadre de la présente procédure, compte tenu d'une part de leur caractère pour le moins tardif et d'autre part de l'absence de toute pièce pouvant étayer les dires de la salariée, ne sauraient être admises par ce Tribunal.

Dans ces conditions, les faits qui ont donné lieu à ces trois sanctions doivent être tenus pour acquis.

Dès lors qu'elles ne comportent pas les mentions prescrites par l'article 324 du Code de procédure civile et qu'elles ne sont au surplus accompagnées d'aucun document officiel justifiant de l'identité de leur auteur, les « attestations » rédigées par Madame F. et Monsieur G. sont entachées de nullité et doivent donc être écartées des débats.

En l'absence de tout autre élément de preuve et en l'état des dénégations de la salariée, la réalité des incidents survenus les 6 et 7 septembre 2000 dans les locaux du Centre Cardio Thoracique n'est pas suffisamment démontrée.

Il résulte en revanche incontestablement à la fois du rapport d'incident établi le 6 septembre 2000 par Monsieur G.-A. et des correspondances adressées par F. T. à son employeur que cette dernière a bien déclenché le même jour le système d'évacuation d'urgence, en cas d'incendie, de la Banque Monégasque de Gestion et provoqué l'intervention consécutive de la société Monaco Sécurité pour assurer la fermeture des issues.

Si cette manœuvre revêt certes un caractère fautif, seul le chef d'équipe étant habilité à manipuler les interrupteurs, elle ne peut en revanche être qualifiée de « manifestement volontaire ».

En indiquant en effet dans son rapport d'incident que F. T., en voulant « ouvrir les portes coulissantes du chantier avait malheureusement appuyé sur le mauvais interrupteur », le chef d'équipe a lui-même reconnu le caractère involontaire de la faute commise par cette dernière.

En l'absence d'intention de nuire aux intérêts de son employeur, le geste malencontreux de F. T. ne saurait, nonobstant les conséquences qu'il a pu engendrer, s'analyser en une faute grave rendant impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'état des trois avertissements précédemment infligés, illustrant la dégradation progressive de son comportement professionnel, la violation par F. T. des consignes précises reçues de son employeur constitue en revanche incontestablement un motif valable de rupture de son contrat de travail.

Le caractère abusif du licenciement, au regard des circonstances factuelles l'ayant entouré, n'étant nullement démontré, F. T. doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La faute grave ayant été écartée, cette dernière est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité de préavis égale, compte tenu d'une ancienneté de services d'un an et cinq mois à la date de la rupture, à un mois de salaire brut.

En l'état des variations sensibles ayant affecté sa rémunération, consécutivement à l'accomplissement à de nombreuses reprises d'heures complémentaires, cette indemnité doit être calculée sur la base du salaire mensuel brut moyen perçu au cours des douze mois précédant la rupture, soit (cf. attestation ASSEDIC) une somme de 5 895,83 francs, correspondant à 898,81 Euros.

Il doit être ajouté à cette somme de 898,81 Euros, l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante, soit 89,88 Euros.

En l'absence d'arguments propres à la justifier, l'exécution provisoire de la présente décision, qui n'apparaît au surplus pas nécessaire, n'a pas à être ordonnée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du Travail, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de F. T. ne repose pas sur une faute grave, mais sur un motif valable.

Dit en outre que cette mesure ne revêt aucun caractère abusif.

Condamne en conséquence la Société Anonyme Monégasque Entretien Technique Service à payer à F. T. la somme totale de :

* 988,69 Euros (neuf cent quatre-vingt-huit Euros et soixante-neuf centimes), à titre d'indemnité de préavis, (soit 6 485,38 francs), en ce compris les congés payés y afférents, laquelle portera intérêts de retard au taux légal à compter du 6 février 2001, date de la citation en conciliation, valant mise en demeure.

Déboute F. T. du surplus de ses prétentions.

Composition

Mme Coulet-Castoldi, juge de paix, près. ; MM. Orecchia, Mas membres employeurs ; M. Asso, Mme Martet membres salariés ; Mes Karczag-Mencarelli, av. déf., Marquet, av. stag.

Note

NOTE : Ce jugement est devenu définitif.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6108
Date de la décision : 10/01/2002

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : T.
Défendeurs : SAM Entretien Technique Service (ETS)

Références :

article 324 du Code de procédure civile
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2002-01-10;6108 ?

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