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29/11/2001 | MONACO | N°6059

Monaco | Tribunal du travail, 29 novembre 2001, s. DE. c/ la société monégasque Hôtel Métropôle


Abstract

Licenciement pour faute grave - Charge de la preuve à l'employeur - Moyens de preuve - Attestations du personnel de l'entreprise valables - Notification du licenciement pendant un arrêt de maladie - Indifférence

Résumé

La seule circonstance que des attestations émanent des salariés de l'entreprise ne saurait pour autant leur ôter toute valeur probante, dès lors que les témoignages satisfont aux conditions de forme de l'article 324 du Code de procédure civile. Le licenciement pendant un arrêt de maladie est possible dès lors que cette maladie ne consti

tue pas la cause de la rupture.

Une salariée embauchée en qualité « d'équipiè...

Abstract

Licenciement pour faute grave - Charge de la preuve à l'employeur - Moyens de preuve - Attestations du personnel de l'entreprise valables - Notification du licenciement pendant un arrêt de maladie - Indifférence

Résumé

La seule circonstance que des attestations émanent des salariés de l'entreprise ne saurait pour autant leur ôter toute valeur probante, dès lors que les témoignages satisfont aux conditions de forme de l'article 324 du Code de procédure civile. Le licenciement pendant un arrêt de maladie est possible dès lors que cette maladie ne constitue pas la cause de la rupture.

Une salariée embauchée en qualité « d'équipière linge sale » par un grand hôtel, a attrait son employeur devant le Tribunal du travail, après procès- verbal de non conciliation, demandant des indemnités de rupture, à la suite de son licenciement pour faute grave dont elle conteste le motif et allègue le caractère abusif. La salariée, dont la preuve du comportement indiscipliné au cours des deux mois précédent le licenciement était attestée, avait, selon l'employeur, quitté son poste sans autorisation, à la suite d'une lettre de mise à pied de trois jours consécutive à une altercation avec une autre salariée et aux injures proférées.

La salariée contestait le bien-fondé de la mesure disciplinaire et la fiabilité d'attestations émanant du seul personnel de l'entreprise. Elle estimait, en outre, intempestive et illégale la mesure notifiée pendant son arrêt de maladie.

Le tribunal du travail souligne d'abord que s'agissant d'un licenciement pour faute grave, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Puis, considérant les éléments de preuve fournis et la survenance des faits reprochés dans l'enceinte de l'hôtel, estime que la provenance des attestations, toutes établies par des salariés de l'entreprise, ne saurait pour autant leur ôter toute valeur probante alors qu'ils satisfont aux conditions de forme posées par l'article 324 du Code de procédure civile. L'absence d'avertissements passés ne suffit pas à amoindrir la portée des témoignages et du « cahier des consignes » établissant la dégradation du comportement de la salariée et son abandon de poste. La circonstance, ajoute le tribunal, que la salariée se soit vue prescrire un arrêt de travail de sept jours « ne constitue pas un obstacle à son licenciement, dès lors que la maladie du salarié ne constituait pas la cause de la rupture de son contrat de travail ».

La faute grave étant donc avérée, sans aucun abus commis dans la mise en œuvre du droit unilatéral de rupture, la salariée était déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Motifs

Le Tribunal du travail,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 30 octobre 2000 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 28 novembre 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur, au nom de Madame s. DE., en dates des 21 décembre 2000 et 1er mars 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE HÔTEL MÉTROPÔLE, en dates des 25 janvier 2001 et 24 avril 2001 ;

Après avoir entendu Maître Yann LAJOUX, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame s. DE., et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE HÔTEL MÉTROPÔLE, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu à ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal.

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée à compter du 27 mars 1995 par la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE en qualité « d'équipière linge sale », s. DE. a été licenciée de cet emploi pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 février 2000.

Soutenant d'une part que les griefs invoqués à son encontre ne constituaient ni une faute grave ni même un motif valable de rupture de son contrat de travail, et d'autre part que son licenciement, au regard des circonstances l'ayant entouré, revêtait un caractère manifestement abusif, s. DE., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 27 novembre 2000, a attrait la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail afin d'obtenir l'allocation à son profit, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation introductive d'instance, des sommes suivantes :

* 14.793 ,14 F, à titre d'indemnité compensatrice de préavis (soit deux mois de salaires),

* 3.698,36 F, à titre d'indemnité de congédiement,

* 14.781,64 F, à titre d'indemnité de licenciement (déduction faite de l'indemnité de congédiement),

* 1.469,35 F, à titre de congés payés sur le préavis,

* 44.380,30 F, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

À la date fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils.

Puis, après cinq renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 25 octobre 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 29 novembre 2001 ;

s. DE. prétend en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'il ne peut lui être sérieusement reproché d'avoir abandonné son poste le 23 février 2000, alors qu'elle n'a quitté l'établissement, à l'issue de l'entretien qu'elle avait eu avec le responsable du personnel (Madame RO.), que sur l'ordre exprès et formel de cette dernière ; qu'en effet, après l'avoir informée de ce que la Direction avait décidé de sanctionner l'incident l'ayant opposé le 19 février 2000 à Madame JA. par une mise à pied de trois jours commençant à courir le 23 février 2000 pour se terminer le 25 suivant, Madame RO., lui a indiqué, devant son refus d'accepter la remise en main propre de la correspondance lui notifiant cette sanction, que celle-ci lui serait adressée par la voie postale et demandé dans ces conditions de rejoindre immédiatement son domicile.

Elle conteste par ailleurs le bien-fondé de la mesure de mise à pied estimant que sa responsabilité dans la survenance de l'incident l'ayant opposé à Madame JA. n'est nullement démontrée ; que de même l'employeur est mal fondé à soutenir que son comportement se serait considérablement détérioré depuis quelques mois et qu'elle n'aurait pas effectué correctement son travail, alors qu'aucune sanction ne lui a jamais été infligée avant la mise à pied du 24 février 2000 ; qu'il appartiendra sur ce point au Tribunal d'examiner avec la plus grande circonspection les attestations versées aux débats par la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE pour rapporter la preuve des griefs qu'elle invoque, dans la mesure où l'ensemble de ces témoignages émanent de préposés de l'employeur.

Elle prétend au surplus que son licenciement ne pouvait valablement lui être notifié le 24 février 2000, dès lors qu'à cette date elle se trouvait en arrêt de travail pour maladie.

Soutenant enfin avoir subi, consécutivement à la notification de son licenciement, un préjudice important dans la mesure où elle n'est pas parvenue à retrouver d'emploi, elle demande au Tribunal du Travail de faire droit à l'intégralité de ses prétentions, telles qu'elles ont été exposées et détaillées ci-dessus.

La SAM HÔTEL MÉTROPÔLE conclut pour sa part au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre par s. DE.

Elle invoque à cette fin en substance les moyens suivants :

- le licenciement se trouve justifié par l'abandon de poste commis le 23 février 2000 par s. DE., qui constitue une faute grave compte tenu des perturbations occasionnées dans le fonctionnement de l'Hôtel, et légitime donc à lui seul la rupture immédiate du contrat de travail, auquel s'ajoutent d'une part les évènements survenus le 19 février 2000, à savoir l'altercation violente ayant opposé s. DE. à Madame JA., qui ont été sanctionnés par une mise à pied de trois jours et d'autre part la dégradation progressive du comportement de l'intéressée.

- Dès lors en effet qu'elle avait été informée non seulement de la sanction prise à son encontre,, mais également ainsi qu'en atteste le témoignage délivré par Madame PE., de la période précise durant laquelle devrait s'effectuer la mise à pied, en quittant brutalement l'Hôtel quelques instants plus tard, sans en avoir informé son employeur et alors qu'aucun ordre en ce sens ne lui avait été donné, s. DE. s'est bien rendue coupable d'un abandon de poste caractérisé.

- L'arrêt de travail pour maladie prescrit à cette salariée le 24 février 2000 ne peut vicier la procédure de licenciement introduite à son encontre, puisqu'il est postérieur à la faute grave constatée.

- En outre la disposition issue de l'article 16 de la loi n° 729, selon laquelle le contrat de travail se trouve suspendu pendant une durée limitée à six mois, en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constaté, ne constitue pas un obstacle à une éventuelle mesure de licenciement, dès lors que celle-ci trouve son origine, comme c'est précisément le cas en l'espèce, dans une cause étrangère à la maladie du salarié.

- En tout état de cause s. DE. ne justifie nullement avoir adressé à la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE son certificat d'arrêt de travail dans le délai de deux jours prévu par la Convention Collective Nationale du Travail, étant observé que la transmission en temps et en heure de ce document à la Caisse de Compensation des Services Sociaux ne saurait suppléer le défaut de notification à l'employeur.

- Le préjudice allégué par s. DE. n'est pas avéré.

Soutenant en outre que l'attitude de cette dernière lui a causé un préjudice considérable, dans la mesure où elle a été contrainte d'une part de pallier sa défection pendant la période cruciale du festival de la Télévision et d'autre part de se défendre dans le cadre de la présente procédure, elle sollicite reconventionnellement l'allocation à son profit d'une somme de 50.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

s. DE. réplique à son tour aux arguments développés par son ancien employeur :

- qu'elle se trouve bien actuellement à la recherche d'un emploi, ainsi qu'en atteste le document émanant de l'ASSEDIC qu'elle a versé aux débats,

- que la demande en dommages et intérêts formée par la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE doit être rejetée dès lors qu'elle n'a fait qu'exercer en l'espèce son droit légitime de voir constater par les juridictions compétentes le caractère infondé de son licenciement.

SUR CE,

S'agissant d'un licenciement mis en œuvre pour faute grave, la charge de la preuve des éléments propres à le justifier incombe à l'employeur.

Pour démontrer l'existence des manquements qu'elle reproche à sa salariée, la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE verse aux débats, outre deux extraits du « cahier des consignes », diverses attestations établies par Mesdames et Messieurs TA., TA., DE., RA., FI., ME., PE. et VI.

Si ces témoignages émanent certes tous de salariés de la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE, unis à cette société par un lien de subordination, cette circonstance ne saurait pour autant leur ôter toute valeur probante, alors qu'ils satisfont aux conditions de forme exigées par l'article 324 du Code de procédure civile.

Dès lors au surplus que l'intégralité des faits dont l'employeur se prévaut aujourd'hui se sont produits dans l'enceinte de l'hôtel et plus particulièrement dans une partie des locaux habituellement inaccessible à la clientèle (buanderie lingerie Direction du personnel), seules les personnes travaillant au sein de ces services ont été à même de les constater et donc de les relater.

Les annotations apposées sur « le cahier des consignes » du service buanderie les 30 décembre 1999 et 12 février 2000 ainsi que les attestations rédigées par Mesdames TA. et TA. confirment en premier lieu, même si aucun avertissement n'a été infligé à l'intéressée de ce chef, la dégradation du comportement professionnel de s. DE., « au cours des deux mois précédant le licenciement » et plus particulièrement sa réticence à effectuer le travail qui lui était demandé et à obéir aux consignes qui lui étaient données par ses supérieurs hiérarchiques.

L'existence de la vive altercation survenue le 19 février 2000 vers 13 h 00 ayant opposé pendant plus d'une demi-heure Madame JA. et Madame DE., est établie par les témoignages circonstanciés et concordants émanant de Mesdames DE., RA. et FI.

s. DE. ne peut sérieusement soutenir « n'avoir eu aucune responsabilité » dans la survenance de cet incident, qui aurait été selon elle « délibérément provoqué par Madame JA. », alors que sa participation active, tout comme l'existence des injures et des propos « violents et racistes » qu'elle a proférés tant à l'encontre de sa collègue de travail (Madame m. JA.) que de la responsable de service (Madame TA.) sont amplement démontrés par l'attestation émanant de l'Assistante Gouvernante Générale (Madame FI.), laquelle a non seulement assisté à la scène mais également recueilli les explications des deux protagonistes.

Enfin, à partir du moment où l'attestation émanant de Madame PE. secrétaire au bureau du personnel établit clairement d'une part que Madame RO. chef du bureau du personnel a précisé expressément le 23 février 2000 en début d'après-midi à s. DE. que la mise à pied de trois jours qui venait de lui être notifiée s'exécuterait du 25 au 27 février 2000, et d'autre part qu'à aucun moment cette dernière n'a reçu l'ordre de rentrer immédiatement à son domicile, l'abandon de poste dont se prévaut la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE est parfaitement caractérisé.

L'attestation rédigée par Monsieur VI., selon lequel « s. DE., dès qu'elle avait un problème relationnel en lingerie, s'absentait du service et allait au vestiaire, pendant un long moment, sans dire où elle allait et sans avertir le chef de service », confirme, si besoin était que le départ de l'intéressée de l'établissement le 23 février 2000 en début d'après-midi était bien volontaire.

Compte tenu du court laps de temps dans lequel les faits reprochés à s. DE. se sont produits, de leur répercussion sur le fonctionnement de l'établissement dans une période d'activité intense et enfin de la gravité intrinsèque des évènements survenus les 19 et 23 février 2000, la faute grave, privative du droit au préavis et aux indemnités de rupture, est suffisamment caractérisée en l'espèce.

Si s. DE. s'est certes vu prescrire par le Docteur LE. un arrêt de travail de sept jours commençant à courir le 24 février 2000 pour se terminer le 1er mars 2000, cette circonstance ne représente pas en droit un obstacle à son licenciement, dès lors que la maladie de la salariée ne constituait pas la cause de la rupture de son contrat de travail.

La faute grave étant ainsi en définitive avérée, s. DE. doit être déboutée de ses demandes en paiement d'indemnité de préavis, de congédiement et de licenciement.

La salariée ne rapportant nullement la preuve, dont la charge lui incombe, de la faute qu'aurait commis l'employeur dans la mise en œuvre de son droit unilatéral de rupture, cette dernière ne peut prétendre à l'allocation des dommages et intérêts qu'elle sollicite.

Dès lors enfin qu'en saisissant la présente juridiction s. DE. n'a fait qu'user du droit, reconnu à tout salarié par la loi n° 446 du 16 mai 1946, de soumettre au Tribunal du Travail le différend l'opposant à son ancien employeur, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la SAM HÔTEL MÉTROPÔLE sera également rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de s. DE. repose bien sur une faute grave.

Dit en outre que cette mesure ne revêt aucun caractère abusif.

Déboute en conséquence s. DE. de l'intégralité de ses prétentions.

Déboute la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE HÔTEL MÉTROPÔLE de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Condamne s. DE. aux dépens qui seront recouvrés conformément à la législation régissant l'Assistance Judiciaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6059
Date de la décision : 29/11/2001

Analyses

Contrat - Preuve ; Contrats de travail ; Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : s. DE.
Défendeurs : la société monégasque Hôtel Métropôle

Références :

article 324 du Code de procédure civile
loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2001-11-29;6059 ?

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