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18/10/2001 | MONACO | N°6109

Monaco | Tribunal du travail, 18 octobre 2001, g. TO. c/ la SAM Monaco Maritime


Abstract

Clause de non concurrence et de non rétablissement - Conditions de licéité - Licenciement pour faute grave - Condamnation du salarié au paiement de la clause pénale

Résumé

La clause de non concurrence est valable si elle protège les intérêts légitimes de l'entreprise et ne met pas le salarié dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle. La contrepartie financière n'est pas une de ses conditions de validité.

Un actionnaire de plusieurs sociétés d'agences maritimes et de voyages ayant cédé la totalité de sa part de capital

social de l'une d'elles, avait conclu un contrat de travail à durée déterminée renouvelable,...

Abstract

Clause de non concurrence et de non rétablissement - Conditions de licéité - Licenciement pour faute grave - Condamnation du salarié au paiement de la clause pénale

Résumé

La clause de non concurrence est valable si elle protège les intérêts légitimes de l'entreprise et ne met pas le salarié dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle. La contrepartie financière n'est pas une de ses conditions de validité.

Un actionnaire de plusieurs sociétés d'agences maritimes et de voyages ayant cédé la totalité de sa part de capital social de l'une d'elles, avait conclu un contrat de travail à durée déterminée renouvelable, avec la société cessionnaire, dans lequel figuraient notamment un article 7 comportant deux interdictions, l'une de non concurrence pendant l'exercice du contrat de travail, l'autre de non-rétablissement prenant effet après la rupture. Il avait été licencié pour faute grave constituée par différents griefs tenant à des déloyautés (violation de la clause précitée, détournement de fonds, perte de confiance, détournement de clientèle) et à d'autres manquements à ses obligations (abandon de poste, validation indue d'heures supplémentaires de certains salariés, perte de clientèle). Il avait attrait son employeur devant le Tribunal du travail en paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts. Estimant que ce salarié avait commis diverses fautes gravement préjudiciables, tant en cours d'exécution du contrat que postérieurement à la cessation de leurs relations contractuelles, la société employeur avait, à son tour attrait son ex salarié devant la même juridiction en paiement de dommages et intérêts liés à ses différents manquements et notamment celui relatif à la violation de la clause de non concurrence. Le salarié avait, alors, à nouveau attrait son ex employeur devant le Tribunal du travail en sollicitant la nullité de la clause de non-rétablissement qui portait, selon lui, atteinte à la liberté du travail, en assortissant sa demande d'une réclamation de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. Il soutenait que la clause portait atteinte à sa liberté d'exercice de son activité professionnelle, n'avait pas pour objet la défense des intérêts légitimes de la société et avait, quant à son exigibilité, fait l'objet d'une renonciation implicite par l'employeur qui avait apposé la mention « libre de tout engagement » sur le certificat de travail.

Après jonction des instances, le Tribunal saisi analyse la clause de non-rétablissement qui, dès lors qu'elle porte atteinte au principe de la liberté du travail garantie par l'article 25 de la Constitution, n'est licite que si elle protège les intérêts légitime de l'entreprise et ne met pas le salarié dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle compte tenu de son étendue dans le temps, l'espace et de la nature de l'activité. Il importe peu, en revanche, qu'aucune contrepartie financière n'ait été prévue au bénéfice du salarié puisque, sauf stipulation conventionnelle contraire, il ne s'agit pas là d'une condition de validité de ce type de clause. Le Tribunal décide après une analyse de ces conditions, en l'espèce, que la clause est licite et que l'employeur n'y a pas renoncé. En remettant en cause la licéité de cette clause, le salarié fait preuve de mauvaise foi. Sur le licenciement, le tribunal valide les motifs de perte de confiance et surtout d'infraction manifeste et délibérée à l'obligation de non concurrence. Le salarié ayant effectivement concurrencé l'activité de son ancien employeur pendant 1208 jours l'application de la clause pénale assortissant cette obligation de non concurrence aboutit à une somme de 1.208.000 F au paiement de laquelle le salarié, débouté de ses propres demandes, est reconventionnellement condamné.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 3 décembre 1998 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 5 janvier 1999 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MONACO MARITIME, en dates des 15 avril 1999 et 9 novembre 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur g. TO. en dates des 23 mars 2000 et 17 mai 2001 ;

Après avoir entendu Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MONACO MARITIME, et Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur g. TO., en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs, tous deux absents lors du prononcé de jugement, ayant, par l'intermédiaire de leurs collaboratrices, sollicité en l'état de la modification intervenue dans la composition du Tribunal, le bénéfice de l'intégralité des conclusions d'ores et déjà déposées devant cette juridiction ;

Vu les pièces du dossier ;

Selon protocole en date du 21 septembre 1995, l'intégralité du capital de la SAM MONACO MARITIME a été cédé par ses trois actionnaires, à savoir g. TO., la SCP CROTALE et Monsieur j.-l. GL. à la société INCHCAPE SHIPPING SERVICES CYPRUS ltd.

Par ailleurs, en vertu d'un protocole distinct, la société INCHCAPE France s'est pour sa part portée acquéreur d'une partie du fonds de commerce d'agence maritime exploitée par la SARL Nice Maritime, dont les associés étaient constitués par les mêmes actionnaires d'origine que la SAM MONACO MARITIME.

Dans ces circonstances précises un contrat de travail a été établi le 22 septembre 1995, aux termes duquel g. TO. a été embauché à temps partiel à raison de 84 heures 30 par mois, en qualité de Directeur Commercial de la SAM MONACO MARITIME, moyennant paiement d'un salaire annuel brut de 367.835,00 F payable sur treize mois.

Il est expressément spécifié à l'article 12 de ce contrat que l'engagement de g. TO. au sein de la SAM MONACO MARITIME prendra effet le 1er septembre 1995, pour une durée déterminée de deux années à compter de cette date, le contrat prenant automatiquement fin à l'issue de cette période initiale, sauf si le salarié en demande la continuation par écrit avant son terme, auquel cas la convention sera prolongée pour une période supplémentaire d'un an de date à date ; qu'en outre, à l'issue de cette période supplémentaire, le contrat deviendra à durée indéterminée sauf « non-renouvellement notifié à l'autre partie moyennant un délai de prévenance spécifique de six mois ».

Le contrat de travail conclu entre g. TO. et la SOCIETE MONACO MARITIME comporte, de surcroît en son article 7 une clause dite de « non concurrence », couvrant la Principauté de MONACO et le département des Alpes Maritimes, aux termes de laquelle g. TO. s'est engagé pendant la durée du contrat de travail et pendant une période de trois ans suivant l'éventuelle cessation de ce contrat, à ne pas directement ou indirectement « gérer, s'intéresser à, s'occuper de, ou travailler dans une activité concurrente, même partiellement ou potentiellement avec l'activité actuelle de la SAM MONACO MARITIME ».

Par une lettre datée du 21 août 1998, remise en main propre à g. TO. le même jour, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de constat dressé par Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, Huissier de Justice à MONACO, la SAM MONACO MARITIME a notifié à g. TO. son licenciement immédiat, et sans indemnités de rupture, pour faute grave.

Les griefs invoqués par la SAM MONACO MARITIME à l'encontre de g. TO., tels qu'ils sont énoncés dans cette correspondance, sont les suivants :

* violation de la clause de non concurrence et d'exclusivité,

* détournement de fonds,

* perte de confiance,

* détournement de clientèle au profit de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE,

* abandon de poste,

* approbation fautive des heures supplémentaires réalisées par certains salariés au cours des mois de mai à juillet 1998,

* perte de l'intégralité de la clientèle des yachts.

Soutenant d'une part que ce licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni même sur un motif valable, au sens de l'article 2 de la loi n° 845 et d'autre part que cette mesure revêtait en outre un caractère manifestement abusif, g. TO., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 14 décembre 1998, a attrait la SAM MONACO MARITIME devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 90.000,00 F, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 11.169,00 F, au titre des congés payés sur le préavis et sur le 13e mois,

* 7.500,00 F, au titre du 13e mois, calculé prorata temporis,

* 74.716,00 F, à titre d'indemnité de licenciement,

* 24.548,00 F, à titre d'indemnité de congédiement,

* 1.170.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et injustifiée.

Estimant pour sa part que g. TO. avait commis diverses fautes, d'une part au cours de l'exécution du contrat de travail, et d'autre part postérieurement à la cessation des relations contractuelles, lui ayant occasionné un important préjudice dont elle s'estime fondée à réclamer réparation, la SAM MONACO MARITIME, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 4 janvier 1999, a attrait à son tour g. TO. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir la condamnation de ce dernier au paiement des sommes suivantes :

* 135.151,25 F, au titre de l'approbation fautive d'heures supplémentaires effectuées par ses subordonnées,

* 1.084.000,00 F, au titre de l'application de l'article 7 du contrat de travail, en l'état de la violation de la clause de non concurrence,

* 1.307.886,00 F, au titre du préjudice commercial dû à la perte de clientèle du fait de la concurrence déloyale exercée par l'intéressé,

* 200.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal.

Prétendant quant à lui que la clause de non concurrence stipulée à l'article 7 du contrat de travail est entachée de nullité, dans la mesure où d'une part elle porte atteinte au principe de la liberté du travail proclamée par la Constitution et d'autre part elle s'étend sur l'ensemble du territoire de la Principauté de MONACO et le département Français limitrophe, g. TO., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 13 septembre 1999, a à nouveau attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin que cette juridiction annule purement et simplement ladite clause et lui alloue en outre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts de droit, une somme de 900.000,00 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice par lui subi, consécutivement à l'atteinte portée à ses droits.

Aux dates fixées par les diverses convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs.

Puis, après plusieurs renvois intervenus à la demande des avocats, les trois affaires, respectivement enrôlées sous les numéros 40/98-99, 48/98-99 et enfin 9/99-2000, ont été contradictoirement débattues lors de l'audience du 5 juillet 2001 et les jugements mis en délibéré pour être prononcés, après prorogation, ce jour 18 octobre 2001.

g. TO. fait valoir en substance, à l'appui de ses prétentions les moyens suivants :

• EN CE QUI CONCERNE LA VALIDITÉ DE LA CLAUSE DE NON-RÉTABLISSEMENT INSÉRÉE À L'ARTICLE 7 DU CONTRAT DE TRAVAIL

• Si les parties au contrat de travail ont certes entendu régir dans le cadre de l'article 7 deux situations différentes, en stipulant d'une part une clause de non concurrence s'appliquant durant l'exercice du contrat de travail et d'autre part une clause de non-rétablissement devant prendre effet après la rupture des relations salariales, il ne conteste pour sa part dans le cadre de la présente instance la validité que de la clause de non-rétablissement,

• En apposant sur le certificat de travail qui lui a été délivré lors de la cessation des relations contractuelles la mention « libre de tout engagement », la SAM MONACO MARITIME a implicitement renoncé au bénéfice de ladite clause, reconnaissant ainsi elle-même son inapplicabilité,

• En tout état de cause, la clause de non-rétablissement, dont la validité doit être appréciée par rapport à l'activité réelle de l'entreprise, n'est licite que si elle ne place pas l'intéressé, compte tenu d'une part de son étendue dans le temps et dans l'espace et d'autre part de la formation et de l'expérience du salarié concerné, dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle.

Or en l'espèce :

* la clause de non-rétablissement prévue à l'article 7 du contrat de travail n'a pas pour objet la défense des intérêts légitimes de la SAM MONACO MARITIME et n'est donc pas contractuellement justifiée,

* ladite clause compromet en outre sérieusement la conservation de ses moyens d'existence en l'empêchant, compte tenu de son champ géographique (Principauté de Monaco et département Français limitrophe des Alpes Maritimes) d'exercer l'activité d'agent maritime et d'agent de voyages qui constitue son activité essentielle et dont il tire sa source principale de revenus.

En l'absence, au surplus, de toute contrepartie financière, de nature à compenser le préjudice par lui subi, il estime en définitive que la clause de non-rétablissement litigieuse constitue une « entrave illicite au droit du salarié à exercer son activité professionnelle, et se trouve dès lors contraire au principe de la liberté du travail proclamée par la Constitution ».

Il demande en conséquence au Tribunal du Travail d'annuler purement et simplement ladite clause et de lui allouer la somme de 900.000,00 F, à titre de dommages et intérêts, correspondant à trois ans de salaire, période durant laquelle la clause illicite à néanmoins reçu application, en lui occasionnant un préjudice incontestable.

• EN CE QUI CONCERNE LA MESURE DE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE DONT IL A FAIT L'OBJET

g. TO. estime qu'aucun des griefs énoncés à son encontre dans la lettre de notification de la rupture ne sont matériellement établis dans la mesure où :

• en ce qui concerne la violation de la clause de non-concurrence et d'exclusivité

1) Il n'a jamais dissimulé à la SAM MONACO MARITIME son activité au sein de la Société MONACO SCHIP SHANDLER, dont le siège social est fixé dans des locaux contigus à ceux de MONACO MARITIME et dont il avait même proposé à cette dernière d'acquérir le capital « sans augmentation de prix » le 19 avril 1995,

2) il a été engagé par la SAM MONACO MARITIME à mi-temps précisément pour lui permettre de poursuivre ses autres activités au sein de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE et de MONACO SCHIP SHANDLER.

• En ce qui concerne le prétendu détournement de fonds

S'il a certes encaissé, les 27 juin 23 et 30 septembre 1997, par l'intermédiaire d'un sabot carte bleue BUDGET dont il est le franchiseur une somme totale de 55.785,25 F en règlement de factures établies par la SAM MONACO MARITIME, ce procédé non seulement n'a rien de singulier, mais ne saurait de surcroît revêtir le moindre caractère fautif dès lors que :

* cette façon de faire remonte à l'année 1995 et a été appliquée en 1995, 1996 et 1997 sans susciter la moindre objection de la part de la Société MONACO MARITIME, qui ne possédait pas elle-même de sabot de carte bancaire,

* les sommes en question ont été prises en compte dans le cadre de la compensation effectuée entre MONACO MARITIME et l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE, avec lequel cette dernière société était en rapport d'affaires.

• en ce qui concerne les faits qualifiés de perte de confiance

L'encaissement par la SARL NICE MARITIME de fonds dus à la Société INCHCAPE SHIPPING SERVICES ne revêt en l'état des compensations effectuées sans problèmes depuis 1995 entre l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE et ISS, (seule une facture de 92.000,00 F a suscité une contestation et abouti à un partage entre les deux sociétés à raison de 50 % chacune) aucun caractère fautif, étant observé en outre que la SAM MONACO MARITIME demeure redevable à ce jour envers l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE d'un solde de 300.000,00 F.

• en ce qui concerne le « détournement » de clientèle

Si les trois fax adressés à la société ISS les 9, 13 et 15 juillet 1998 sur papier à en tête de la SAM MONACO MARITIME mentionnent certes, à la suite d'une banale erreur de secrétariat, les numéros de téléphone et de fax de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE, cette circonstance, s'agissant au surplus de simples mémos à usage interne, ne constitue pas la preuve d'une quelconque volonté de détournement de clientèle.

• en ce qui concerne les faits d'abandon de poste

1) Dès lors d'une part qu'il avait informé par fax le 9 juillet 1998 Monsieur SICARD de son indisponibilité du 9 au 15 juillet 1998, d'autre part qu'il a effectivement assuré personnellement l'escale du Paquebot Renaissance VIII le 13 juillet 1998 et enfin et surtout qu'il était seulement employé à mi-temps au sein de la SAM MONACO MARITIME, son absence ne peut être considérée comme un abandon de poste,

2) L'employeur n'établit pas en outre les problèmes qu'aurait générés cette absence.

• en ce qui concerne l'approbation « fautive d'heures supplémentaires »

1°) Ces heures correspondent très exactement au temps de travail accompli par le personnel concerné, durant les escales, en dehors et en sus de leurs horaires normaux de travail, la prime dite « d'escale », instituée par ses soins pour compenser ces suggestions particulières et ce surcroît d'activité, ayant été unilatéralement et sans concertation préalable, supprimée à compter du mois d'avril 1998 par Monsieur SI.

2°) Le paiement de ces heures supplémentaires est intervenu suite à l'intervention de l'inspecteur du travail, lequel avait été saisi du différend les opposant sur ce point à la SAM MONACO MARITIME par les salariés concernés.

• en ce qui concerne la perte de l'intégralité de la clientèle yachts

La baisse depuis 1996 de l'activité « Yachts » ne lui est nullement imputable, puisqu'elle résulte du départ, intervenu contre son avis, de Monsieur CA., responsable dudit secteur, ce dernier ayant, aussitôt après la notification de son licenciement constitué une société en commandite simple, dont l'activité est entrée directement en concurrence avec celle de son ancien employeur.

Rappelant pour le surplus que le licenciement pour faute grave ne peut se justifier que pour des faits récents, nécessitant une sanction immédiate, lesquels doivent bien évidemment s'apprécier à l'instant de la rupture, il estime par ailleurs que les reproches formulés à son égard postérieurement à la notification du licenciement ne peuvent être pris en considération, puisqu'ils ne corroborent pas les motifs de la rupture.

Qu'en outre et en tout état de cause :

• le prétendu débauchage de Madame PA., consécutivement à la démission de cette dernière de l'emploi qu'elle occupait au sein de MONACO MARITIME, résulte en réalité du non-respect par cette société de ses obligations d'employeur,

• aucune interférence de sa part dans le fonctionnement de la société MONACO PORT SERVICE n'ayant été démontrée, le détournement de clientèle, par l'intermédiaire de ladite société, qui lui est reprochée, n'est nullement caractérisé.

Soutenant ainsi en définitive d'une part qu'aucun manquement aux obligations nées de son contrat de travail pouvant constituer une faute grave, ou même un simple motif valable de rupture, n'est établi à son encontre, et d'autre part que son licenciement, intervenu sur la base d'un faux motif et dans un contexte particulier de diffamation et de brutalité revêt un caractère manifestement abusif, il demande au Tribunal du Travail de réparer l'important préjudice tant matériel que moral qu'il a subi en faisant droit à l'intégralité de ses prétentions, telles qu'elles ont été exposées et détaillées ci-dessus.

• EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDE FORMEE PAR LA SAM MONACO MARITIME À SON ENCONTRE AU TITRE DE LA VIOLATION DE LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE ET DE L'APPROBATION FAUTIVE D'HEURES SUPPLEMENTAIRES

* sur la violation de la clause de non concurrence g. TO. conclut à l'irrecevabilité de la demande formée à ce titre à son encontre par la SAM MONACO MARITIME pour les motifs suivants :

* la présente juridiction est simultanément saisie d'une demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause litigieuse et il convient dès lors de surseoir à statuer jusqu'à ce que ce point ait été jugé,

* la présente demande procède des mêmes faits et des mêmes causes que ceux dont se prévaut à son encontre, devant le Tribunal de Première Instance, la Société de droit chypriote INCHAPE SHIPPING SERVICES à l'effet d'obtenir réparation d'un préjudice évalué de manière identique,

* faute pour la SAM MONACO MARITIME d'avoir soumis au préliminaire de conciliation une requête « en laquelle elle aurait explicité les prétendus manquements de son employé à ses obligations contractuelles », la présente réclamation tendant exclusivement à l'allocation d'indemnités, qui se heurte aux surplus aux dispositions de l'article 59 de la loi n° 446, est irrecevable,

Il demande subsidiairement au Tribunal du Travail de surseoir à statuer pour lui permettre de conclure au fond sur ce point précis.

* sur les heures supplémentaires

* En l'absence d'explication, dans une instance principale, des griefs tendant à établir l'approbation fautive par ses soins d'heures supplémentaires, la demande en paiement de la somme de 135.151,25 F est irrecevable.

* Au fond la SAM MONACO MARITIME ne peut sérieusement lui reprocher d'avoir approuvé des heures supplémentaires, dont elle a elle-même après en avoir admis le principe, offert le paiement à deniers découverts à Madame HI. et dont le Tribunal du Travail n'a en tout état de cause, ordonné le remboursement à l'employeur qu'en se fondant sur la qualité de cadre de l'intéressée,

* En outre la charge de travail demandée au personnel de la SAM MONACO MARITIME n'a pas substantiellement varié entre 1997 et 1998.

Soutenant enfin que cette procédure revêt un caractère abusif et vexatoire, il sollicite reconventionnellement l'allocation d'une somme de 100.000,00 F à titre de dommages et intérêts.

La SAM MONACO MARITIME réplique pour sa part à ces divers arguments :

• EN CE QUI CONCERNE LA VALIDITÉ DE LA CLAUSE DE NON-RÉTABLISSEMENT

* que la formule « libre de tout engagement » apposée sur le contrat de travail, qui constitue une simple clause de style, est, aux termes d'une jurisprudence constante, insuffisante pour établir que l'employeur ait entendu libérer le salarié concerné de son obligation de non concurrence,

* que la clause contenue à l'article 7 du contrat de travail était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise compte tenu du fort lien d'intuitu personae existant entre g. TO. et les clients de MONACO MARITIME, dont g. TO. était jusqu'au 21 septembre 1995 à la fois le Président Délégué et l'actionnaire majoritaire, cette situation particulière étant à l'évidence génératrice d'un fort risque de concurrence,

* que ladite clause n'empêchait nullement en tout état de cause g. TO. d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience et ne compromettait ainsi nullement ses moyens d'existence,

* que la procédure introduite par g. TO. à l'effet de voir prononcer la nullité de la clause de non concurrence revêt, dans ces conditions, un caractère manifestement abusif, justifiant l'allocation à son profit d'une somme de 300.000,00 F à titre de dommages et intérêts.

• EN CE QUI CONCERNE LE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE

Après avoir rappelé qu'en droit monégasque la lettre de rupture ne fixe pas les termes du litige et qu'elle est donc en droit d'invoquer d'autres griefs à l'encontre de g. TO., la SAM MONACO MARITIME soutient que ce dernier a commis de graves fautes justifiant son licenciement immédiat.

1) En cherchant à s'approprier la clientèle de son employeur et notamment :

* en faisant effectuer et facturer par la société MONACO SCHIP CHANDLER, dont il était le Président Délégué, des prestations pour des clients de MONACO MARITIME, concurrençant ainsi directement cette société,

* en débauchant du personnel de la SAM MONACO MARITIME au profit de MONACO SCHIP CHANDLER,

* en apposant son tampon personnel de courtier maritime aux lieu et place du tampon de la société MONACO MARITIME sur certains courriers et factures pro forma cherchant ainsi à créer la confusion dans l'esprit des clients de ladite société, afin de se les attacher personnellement,

* en dissimulant ses activités concurrentes déloyales sous la couverture d'autres sociétés écrans telles que l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE dont il est Président Délégué, la SCS CATALANO et enfin la Société MONACO PORT SERVICES dont il est en réalité le dirigeant occulte.

2) En encaissant sur son compte carte bleue BUDGET une somme totale de 55.785,25 F revenant à MONACO MARITIME, d'une part sans en avoir préalablement avisé cette société - ces faits faisant l'objet d'une plainte avec constitution de procédure civile devant le juge d'instruction – et d'autre part sans avoir obtenu l'accord de cette dernière sur le principe de la compensation au profit de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE à laquelle il a cru devoir procéder.

3) En profitant de la confusion qu'il a volontairement laissé se créer pour non seulement encaisser sur le compte de la SARL NICE MARITIME des prestations en réalité exécutées par les sociétés MONACO MARITIME et ISS, mais ensuite refuser de les restituer aux sociétés concernées, en les transférant au contraire à la SAM OFFICE MARITIME MONÉGASQUE, dont il est à la fois le Président Délégué et l'actionnaire majoritaire, laquelle n'a procédé à ce jour en tout et pour tout qu'à un remboursement de 70.666,51 F.

4) En s'absentant de son poste de travail, du 9 au 15 juillet 1998, sans aucune autre justification que son « indisponibilité », alors que son statut de salarié, et notamment le nécessaire lien de subordination qu'il implique, nonobstant sa qualité de cadre, ne l'autorisait nullement à quitter durablement son poste de travail sans autorisation.

La SAM MONACO MARITIME souligne sur ce point que le départ intempestif de g. TO. en violation flagrante des instructions qui lui avaient été données a, en outre, désorganisé l'entreprise.

5) En avalisant, volontairement et selon toute vraisemblance de concert avec certaines des salariées de MONACO MARITIME, dans le but de nuire à son employeur, le nombre d'heures supplémentaires « aberrant » réclamé par ces dernières, alors qu'il savait pertinemment que lesdites heures étaient à la fois fictives et indues et qu'en outre et comme l'a ultérieurement jugé le Tribunal du Travail, Madame HI., en sa qualité de cadre, ne pouvait en tout état de cause y prétendre.

6) En n'attirant pas l'attention de ses supérieurs sur la dissipation « catastrophique » de la clientèle « yachts » ni sur les mesures qu'il comptait prendre pour endiguer cette hémorragie (chiffre d'affaires réalisé de 22.000,00 F pour un prévisionnel de 300 KF), et ce alors que son contrat de travail lui en faisait pourtant l'obligation.

La SAM MONACO MARITIME reproche ainsi à g. TO. d'avoir « activement ou partiellement laissé s'échapper cette clientèle au profit de son ami et compagnon de travail depuis dix-neuf ans ».

Soutenant que l'ensemble de ces faits, dont certains ont été découverts le jour même de la notification du licenciement, sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, elle demande au Tribunal du Travail de débouter g. TO. de l'intégralité de ses prétentions.

• EN CE QUI CONCERNE SA DEMANDE TENDANT À OBTENIR REPARATION DU PRÉJUDICE PAR ELLE SUBI

La SAM MONACO MARITIME conteste tout d'abord le bien fondé des exceptions d'irrecevabilité qui lui sont opposées par g. TO. pour les motifs suivants :

• la demande introduite devant le Tribunal de Première Instance repose sur un fondement juridique totalement distinct de la présente instance, la première résultant de la violation par g. TO. d'obligations qui lui étaient imposées par le contrat de cession d'actions du 21 septembre 1995, alors que la seconde trouve sa source dans la violation par l'intéressé des obligations édictées par le contrat de travail du 22 septembre 1995,

• les sociétés demanderesses à chacune de ces deux procédures sont des entités juridiques parfaitement distinctes,

• le préjudice dont il est réclamé réparation par la Société ISS résulte de la baisse de la valeur des actions de la SAM MONACO MARITIME alors que cette dernière société réclame réparation du préjudice résultant de sa perte de chiffre d'affaires.

Elle soutient par ailleurs qu'à partir du moment où les trois instances pendantes devant le Tribunal du Travail dérivent du même contrat de louage de services, le Tribunal du Travail est tenu en application de l'article 59 de la loi n° 446 d'en ordonner la jonction et de ne se prononcer sur le tout que par un seul et même jugement ; qu'en conséquence la demande de sursis à statuer formulée par g. TO. n'est nullement justifiée et doit donc être rejetée.

Sur le fond elle prétend que les graves manquements à ses obligations contractuelles dont g. TO. s'est rendu coupable, pendant l'exécution de son contrat de travail et après la cessation de celui-ci, en exerçant diverses manœuvres déloyales, énumérées et détaillées supra, aux fins de détourner la clientèle de MONACO MARITIME au profit des sociétés MONACO SCHIPCHANDLER, OFFICE MARITIME MONÉGASQUE, SCS CATALANO et MONACO PORT SERVICE lui ont occasionné un grave préjudice financier et commercial qui s'est traduit par une « baisse catastrophique » du chiffre d'affaires en 1998, et dont elle s'estime fondée à solliciter réparation en réclamant :

* l'application pure et simple de la clause pénale stipulée à l'article 7-2 du contrat de travail soit, en considérant que la concurrence déloyale s'exerce depuis le 21 septembre 1995, une somme de 1.276 F x 1.000 F = 1.276.000 F arrêtée au 21 mars 1999, « outre pénalités de 1.000 F par jour à compter de cette date » à ajouter,

* l'allocation d'une somme de 2.231.000 F correspondant à la baisse de chiffre d'affaires subie depuis 1998, étant observé que celui-ci, qui s'élevait à 8.406.000 F en 1995, au moment de l'acquisition, est tombé à 6.175.000 F en 1998,

* l'allocation d'une somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts complémentaires afin de sanctionner « l'extrême mauvaise foi dont g. TO. a cru impunément pouvoir faire preuve ».

Elle soutient également qu'en approuvant, par sa signature, les relevés d'heures supplémentaires prétendument effectuées par ses subordonnées, alors qu'il savait pertinemment que lesdites heures étaient « parfaitement fantaisistes », g. TO. l'a contrainte à débourser les sommes de :

* 123.258,22 F pour Madame HI.,

* 18.717,60 F pour Madame AZ.,

* 21.893,46 F pour Madame BR.,

soit, en incluant les charges patronales y afférentes, une somme totale de 163.869,28 F dont elle réclame le remboursement par g. TO.

SUR CE,

1) SUR LA JONCTION DES TROIS PROCEDURES SUCCESSIVEMENT INTRODUITES DEVANT LE TRIBUNAL DU TRAVAIL

En application des dispositions de l'article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 modifiée, « Toutes les demandes dérivant du contrat de louage de service entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une seule instance, à peine d'être déclarées non recevables, à moins que le » demandeur ne justifie que les causes des demandes nouvelles ne sont nées à son profit ou n'ont été connues de lui que postérieurement à l'introduction de la demande primitive.

« Sont toutefois recevables les nouveaux chefs de demandes tant que le Tribunal ne se sera pas prononcé en premier ou en dernier ressort sur les chefs de la demande primitive. Il ordonnera la jonction des instances et se prononcera sur elles par un seul et même jugement ».

La lecture et l'analyse de ces dispositions révèlent que le législateur monégasque a manifestement souhaité que le contentieux social soit d'une part délimité dans le temps et d'autre part traité de manière « globale », en imposant pour ce faire aux parties de vider une fois pour toute l'ensemble des différends qui les opposent dans le cadre d'une seule et même instance.

Dès lors qu'en l'espèce les trois instances successivement introduites devant ce Tribunal, qu'elles aient été initiées par MONACO MARITIME ou par g. TO., d'une part dérivent du même contrat de louage de services, à savoir le contrat de travail du 22 septembre 1995, et d'autre part opposent les mêmes parties, il convient d'en ordonner la jonction et de ne statuer en conséquence, sur ces trois instances, que par un seul et même jugement.

2) AU FOND

A) SUR LA VALIDITÉ DE LA CLAUSE DE NON-RÉTABLISSEMENT STIPULÉE À L'ARTICLE 7 DU CONTRAT DE TRAVAIL

Le contrat de travail de g. TO. comporte en son article 7 une clause intitulée « clause de non-concurrence » stipulée dans les termes suivants :

« 7-1 g. TO. s'engage expressément à ne pas directement ou indirectement gérer, s'intéresser à, s'occuper de ou travailler dans une activité concurrente même partiellement ou potentiellement avec l'activité actuelle de la société.

» Cet engagement demeurera en vigueur pendant la durée du contrat de travail de g. TO. avec la Société – À la cessation du contrat de travail, le salarié s'engage à respecter le paragraphe ci-dessus pendant une période de trois ans.

« 7-2 En cas de non-respect de cette clause, g. TO. sera redevable à la société d'une astreinte égale à 1.000 F par jour jusqu'à la » cessation de la concurrence«.

Il apparaît, à la lecture attentive de ces dispositions, que la clause » unique « libellée à l'article 7, qui a vocation à s'appliquer tant au cours de la relation de travail que postérieurement à sa cessation, constitue à la fois une clause de non-concurrence et une clause de non-rétablissement.

Il convient de donner acte liminairement à g. TO. de ce qu'il ne conteste la validité que de la seule clause de non-rétablissement.

Dès lors qu'elle porte atteinte au principe de la liberté du travail garantie par l'article 25 de la Constitution du 17 décembre 1962 de la Principauté de MONACO, la clause de non-rétablissement n'est licite que si les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :

• elle doit être stipulée dans le but de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise,

• elle ne doit pas mettre le salarié dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle compte tenu de son étendue dans le temps et dans l'espace et de la nature de l'activité de celui-ci.

Il importe peu, en revanche, qu'aucune contrepartie pécuniaire n'ait été prévue au bénéfice du salarié, l'octroi d'une telle indemnité, sauf stipulation contraire de la Convention Collective, n'étant pas une condition de validité de la clause de non-rétablissement.

a) Sur la protection des intérêts légitimes de l'entreprise

Il résulte des propres écritures de g. TO. que ce dernier a été le fondateur de la SAM MONACO MARITIME, dont il était, à la date de la cession, le Président Délégué et l'Actionnaire Majoritaire.

En indiquant à la fois dans le préambule et dans l'article 6 de l'acte de cession pour justifier le contrat de travail conclu avec l'intéressé » que la relation personnelle de g. TO. avec les clients est primordiale aux bons résultats de la société « et que » l'assistance continue et personnelle de g. TO. dans la relation de la société avec ses clients actuels est d'une importance extrême et déterminante pour ISS «, les parties ont assurément consacré l'existence d'un fort lien d'intuitu personae entre g. TO. et les clients de MONACO MARITIME.

Compte tenu de ce contexte particulier et de la nature des fonctions (Directeur Commercial) dévolues à g. TO., générateurs d'un risque de concurrence réel, la clause de non-rétablissement susvisée était bien nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la SAM MONACO MARITIME.

Il convient en outre de relever, contrairement à ce que soutient g. TO., que la clause de non-rétablissement ne lui a pas été unilatéralement imposée par la SAM MONACO MARITIME ; qu'en effet, lorsque le contrat de travail a été souscrit, g. TO. se trouvait sur un pied d'égalité avec son futur employeur.

Qu'au surplus et surtout l'établissement définitif du contrat de travail a été précédé de pourparlers aux cours desquels le principe de la clause de » non-concurrence « (en réalité la clause de non-rétablissement) et sa durée ont été sérieusement discutés par les parties.

Qu'ainsi, après avoir dans une première correspondance en date du 28 février 1995 adressée à ISS, indiqué très exactement » si je suis très heureux d'accepter votre offre d'emploi au salaire de 25.000 F net par mois, et bien entendu de ne pas exercer d'activité concurrente à la vôtre pendant la durée du contrat de travail, par contre une clause de non-concurrence d'une durée de cinq années si mon contrat d'emploi venait à cesser est inacceptable «, g. TO. a, dans un deuxième temps expressément consenti à ce qu'une clause de non-rétablissement soit stipulée, à la condition toutefois que sa durée ne soit pas supérieure à deux années, ce qui est en accord avec l'usage (cf. lettre adressée le 19 avril 1995 par g. TO. à ISS).

b) Sur l'impossibilité pour le salarié d'exercer une activité professionnelle suffisamment lucrative, conforme à sa formation et à son expérience

Si la clause litigieuse est certes, comme l'a souligné le Président du Tribunal de Première Instance dans son ordonnance de référé du 21 juin 1999 à la fois précise et contraignante, elle ne peut toutefois être considérée compte tenu d'une part de sa limitation dans l'espace (MONACO et département des Alpes Maritimes) et dans le temps (trois années) et d'autre part de la formation, de l'expérience et surtout de la polyvalence professionnelle de g. TO. comme de nature à priver ce dernier du droit de gagner sa vie.

Il résulte au contraire des pièces versées aux débats par la SAM MONACO MARITIME que g. TO. a pu poursuivre normalement en Principauté de MONACO au cours des années 1999 et 2000 son activité de courtier Maritime, laquelle lui procure des revenus non négligeables ; que de même il a concrètement exercé au cours des mêmes années au sein de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE France, dont il est le Président Général son activité d'agent Maritime (consignation de bateaux et organisation d'escales) dans le cadre du Port autonome de MARSEILLE, soit en dehors du territoire qui lui était interdit ; qu'il aurait pu également s'il l'avait souhaité exercer cette activité dans le département Français du Var (Port de TOULON notamment) ou en Italie (Port de GENES).

Les conditions cumulatives énumérées ci-dessus étant toutes deux remplies, la clause de non-rétablissement stipulée à l'article 7 du contrat de travail, même si elle constitue effectivement une entrave à la liberté du travail, s'avère en définitive licite.

La renonciation au bénéfice de la clause ne pouvant par ailleurs résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de l'employeur en ce sens, aucune conséquence particulière ne doit être tirée du fait que la SAM MONACO MARITIME ait en l'espèce fait figurer sur le certificat de travail délivré à g. TO. lors de son licenciement la clause banale de style » libre de tout engagement «.

Il convient dès lors de débouter purement et simplement g. TO. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause de non-rétablissement ainsi que de sa demande en dommages et intérêts subséquente.

En remettant en cause la licéité d'une clause dont il a accepté le principe et négocié la durée au cours des pourparlers précontractuels dans le but d'échapper à sa responsabilité contractuelle, g. TO. a fait preuve d'une mauvaise foi caractérisée justifiant l'allocation au profit de la SAM MONACO MARITIME d'une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts.

B) SUR LE LICENCIEMENT

S'agissant d'un licenciement mis en œuvre pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture, la charge de la preuve des éléments propres à le justifier incombe exclusivement à l'employeur.

Il est constant par ailleurs que si la faute grave peut certes résulter d'un fait unique, elle peut également résulter d'un ensemble de faits qui isolement auraient pu être considérés comme véniels, mais qui ensemble rendent intolérable la poursuite des relations contractuelles.

Il doit être enfin rappelé que la lettre de licenciement, en droit monégasque, ne fixe nullement les termes du litige et qu'en conséquence l'employeur est en droit de faire état de griefs non formulés dans la lettre de notification de la rupture, dès lors que ceux-ci corroborent les motifs du licenciement.

En l'espèce la SAM MONACO MARITIME reproche essentiellement à g. TO. :

• d'avoir détourné des fonds lui revenant (encaissements carte bleue Budget) ou encaissé indûment des sommes lui revenant au titre de prestations effectuées par ses soins et refusé de les lui restituer en opérant des compensations non autorisées avec la société OFFICE MARITIME MONÉGASQUE, dont il est le Président Délégué et l'actionnaire majoritaire,

• d'avoir, en violation flagrante de ses obligations contractuelles nées du contrat de cession et de son contrat de travail, cherché à s'approprier la clientèle de son employeur,

• d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article 2 de son contrat de travail en approuvant les demandes d'heures supplémentaires exorbitantes et indues formulées par ses subordonnées,

• d'avoir abandonné son poste de travail du 9 au 15 juillet 1998,

• de s'être abstenu, en violation des dispositions de son contrat de travail, de prendre les mesures permettant » d'endiguer l'hémorragie de la clientèle YACHTS «.

1) Sur les trois derniers griefs

a) l'approbation fautive d'heures supplémentaires

L'augmentation disproportionnée des heures supplémentaires réclamées par les salariés du bureau de MONACO à compter du mois d'avril 1997 est la conséquence directe de la suppression unilatérale et sans préavis par la Direction de MONACO MARITIME de la prime de 1.000 F par escale dont ceux-ci bénéficiaient jusque-là.

À défaut d'obtenir par le biais de cette prime la compensation du travail réalisé en dehors de leurs horaires normaux (les samedis et dimanches) consécutivement à la multiplication des escales, les salariés concernés, hormis Madame HI. qui exerçait pour sa part des fonctions de cadre supérieur pour lesquelles les dépassements horaires sont liés à la nature de ses responsabilités et aux impératifs de sa mission, étaient en droit de prétendre à l'allocation d'heures supplémentaires.

L'approbation desdites heures par g. TO. ne revêt, dans ces conditions, aucun caractère fautif.

b) l'abandon de poste

Il est constant en l'espèce que g. TO. exerçait ses fonctions au sein de la SAM MONACO MARITIME à temps partiel seulement à raison de 84 heures 30 par mois correspondant à un mi-temps ; que si la répartition précise de cet horaire, sur la semaine ou sur le mois de travail, n'avait certes pas été précisément arrêtée par les parties, il n'en demeure pas moins que g. TO. était en droit de consacrer la moitié de son temps à d'autres activités que le service de son employeur ; qu'enfin g. TO. exerçait au sein de la SAM MONACO MARITIME des fonctions d'encadrement, si ce n'est de direction.

Dès lors replacée dans ce contexte précis l'» indisponibilité « de l'intéressé, pendant la période du 9 au 15 juillet, qu'il avait pris la précaution de porter officiellement à la connaissance de son employeur ne présente aucun caractère fautif et ne saurait en conséquence, alors au surplus qu'il a personnellement assuré l'escale du 13 juillet, être qualifiée d'abandon de poste.

c) perte de l'intégralité de la clientèle yachts

Si la chute vertigineuse du chiffre d'affaires yachts réalisé par la SAM MONACO MARITIME revêt certes un caractère incontestable, rien ne permet toutefois d'imputer la responsabilité de cette situation à g. TO.

Il résulte au contraire des pièces produites aux débats que ces mauvais résultats sont la conséquence directe du licenciement » pour motif économique « du responsable de cette activité (cf. lettre de rupture en date du 15 octobre 1996), lequel a alors créé une société concurrençant directement dans ce domaine précis la SAM MONACO MARITIME.

2) Sur les détournements de fonds ou les compensations non autorisées

a) détournement » BUDGET «

Il est constant, et au demeurant nullement contesté par g. TO., que deux factures émises par la SAM MONACO MARITIME les 30 juillet 1997 et 23 septembre 1997 à l'encontre des capitaines et propriétaires des bateaux » IDOWOOD « et » BEAUGESTE « d'un montant respectif de 31.746,90 F et 24.100,79 F ont été encaissées au moyen d'un sabot de cartes de crédit (Carte Bleue et Américan Express) sur le compte de l'entreprise à l'enseigne » BUDGET « que g. TO. exploite personnellement.

Si cet encaissement, s'agissant d'entreprises en relations constantes d'affaires et partageant au surplus les mêmes locaux, ne revêt en lui-même aucun caractère fautif, la SAM MONACO MARITIME ne disposant pas pour sa part de sabot de carte bancaire, il reste toutefois que g. TO. n'a à ce jour toujours pas démontré :

• qu'il avait porté ces encaissements à la connaissance de son employeur afin d'éviter à ce dernier tout risque de relance malencontreuse du client,

• qu'il avait effectivement procédé au remboursement effectif de ces deux sommes, celles-ci ne figurant nullement dans le compte de compensation dont il se prévaut, lequel concerne une période antérieure à l'établissement des deux factures litigieuses.

b) encaissements des fonds revenant à la Société ISS exploitant le fonds de commerce NICE MARITIME

Afin d'éviter les confusions entre l'enseigne » NICE MARITIME « achetée par la société INCHCAPE SHIPPING SERVICES SA et la SARL NICE MARITIME dont g. TO. demeurait le gérant, il avait été convenu dans l'acte de cession partielle de fonds régularisée le 21 septembre 1995 que le vendeur (la SARL NICE MARITIME) s'engageait à modifier sa dénomination sociale dans un délai de trois mois et à en justifier par écrit.

Cette modification n'étant intervenue que le 18 juin 1998, date à laquelle la SARL NICE MARITIME est devenue SARL COTE D'AZUR MARITIME, diverses prestations effectuées en réalité par la Société MONACO MARITIME exploitant l'enseigne commerciale cédée » NICE MARITIME « ont été versées sur le compte de la SARL NICE MARITIME, dont g. TO. est le gérant, avant d'être transférées au profit de la société OFFICE MARITIME MONÉGASQUE, dont g. TO. est le Président Délégué et l'actionnaire majoritaire.

Si cette dernière société a certes remboursé une partie de ces sommes le 17 février 1998 à la SAM MONACO MARITIME (70.666,51 F le 17 février 1998) il n'en demeure pas moins que g. TO., en procédant toutefois de son propre chef à des compensations non autorisées a sérieusement compromis par ce mélange des genres entre ses attributions de salarié subordonné à la personne de son employeur et ses fonctions de gérant de la SARL ou de Directeur Délégué d'une Société Anonyme Monégasque la confiance que lui témoignait jusque-là la SAM MONACO MARITIME.

3) Sur le détournement de clientèle

g. TO. ayant expressément indiqué dans ses écritures devant ce Tribunal qu'il ne contestait pas la validité de la clause de non concurrence stipulée à l'article 7 du contrat de travail, il doit être liminairement rappelé que ce dernier s'est formellement engagé, pendant la durée de son contrat, à ne pas directement ou indirectement gérer, s'intéresser à s'occuper de ou travailler dans une activité concurrente même partiellement ou potentiellement avec l'activité actuelle de la SAM MONACO MARITIME.

Compte tenu de la nature des fonctions de g. TO. la violation de cette obligation constitue, sans contestation possible, une faute suffisamment grave pour justifier la cessation immédiate, sans préavis ni indemnités de ruptures, des relations contractuelles.

Or en l'espèce il résulte des pièces qui vont être analysées ci-dessous, versées aux débats par la SAM MONACO MARITIME, que l'obligation de non-concurrence a été manifestement et délibérément enfreinte par g. TO. dans les conditions suivantes :

a) Au profit de MONACO SHIPCHANLER courant mai 1998

Alors que cette dernière société se trouvait, selon les termes employés par g. TO. dans sa correspondance du 19 avril 1995, » sans actif ni passif si ce n'est le bénéfice du bail «, au point qu'il en a proposé la cession à la société ISS, en même temps que ses actions dans MONACO MARITIME, » sans augmentation de prix «, accréditant ainsi l'absence de toute activité, la société MONACO SCHIPCHANDLER a établi courant mai 1998 plusieurs factures de vente de marchandises à des navires faisant partie de la clientèle de la société MONACO MARITIME, dûment listée en annexe du protocole du 22 septembre 1995.

Il importe peu à cet effet que la SAM MONACO MARITIME ait pu avoir connaissance de la qualité de Président Délégué de la SAM MONACO SCHIPCHANDLER de g. TO. avant le 22 septembre 1995, dès lors d'une part qu'en application de l'article 7-1 de son contrat de travail il s'était engagé à ne pas gérer s'intéresser ou s'occuper d'une société potentiellement concurrente et d'autre part et en tout état de cause qu'aux termes de l'article 8 dudit contrat ce dernier n'avait pas été autorisé à poursuivre son activité au sein de la SAM MONACO SHIP.

Dès lors en outre que le voucher figurant sur les factures litigieuses a été apposé par g. TO. lui-même (cf. conclusions de ce dernier) aucune conséquence particulière ne peut être tirée de l'intégration de ces documents dans les comptes d'escale établis par MONACO MARITIME.

Enfin, si les sociétés MONACO MARITIME et MONACO SCHIPCHANDLER n'exercent pas exactement les mêmes activités, il n'en demeure pas moins (cf. extraits d'immatriculation et factures confirmatives) que la première exploite un fonds de commerce d'agence maritime et assure toutes opérations d'avitaillement de navires ainsi que la représentation des compagnies de navigation, alors que la seconde exerce l'activité comparable de » fournitures générales pour la navigation, opérations de représentation ou de courtage «.

Les agissements déloyaux accomplis par g. TO. au profit de MONACO SCHIPCHANDLER et à l'encontre de son employeur sont ainsi incontestablement établis.

2) Au profit de g. TO. Courtier Maritime

En occultant avec des stickers blancs le tampon de la Société MONACO MARITIME, sur une circulaire émanant d'une compagnie de navigation cliente de cette société, en date du 1er juin 1998, pour y apposer son tampon personnel » g. TO., Courtier Maritime « et en utilisant par ailleurs ledit tampon à plusieurs reprises sur des factures proforma établies sur papier à en-tête de la société ISS, g. TO. a manifestement cherché à créer la confusion dans l'esprit des clients de MONACO MARITIME afin de se les attacher personnellement.

Cette volonté se trouve assurément démontrée :

1) par la télécopie en date du 27 avril 1998 adressée sur sa demande expresse à g. TO. par la Société WIND STAR CRUISE dans laquelle cette dernière confirme, à l'attention du Directeur du Port de NICE, que g. TO. est le seul agent et représentant de WIND STAR CRUISES pour toutes les escales de ces vaisseaux dans le port de Nice et agit en leur nom, alors que :

* ladite société fait partie de la clientèle de MONACO MARITIME, listée en annexe du protocole du 22 septembre 1995,

* cette activité est visée dans la clause de non-concurrence,

* le port de Nice (06) entre dans le champ d'application territorial de ladite clause.

2) par la notification officielle en date du 6 mai 1999 dans laquelle WIND STAR CRUISES retire à ISS et MONACO MARITIME leur statut d'agence attitrée dans tout le Sud de la France, MONACO, et les ports Corses, au profit, notamment de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE.

3) Au profit de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE

Si g. TO. a certes été expressément autorisé par son contrat de travail à » continuer son emploi actuel auprès de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE «, il résulte des pièces versées aux débats (lettre de démission, autorisation d'embauchage et de permis de travail, fax de la SAM MONACO SHIP en date du 20 août 1998) que la société OFFICE MARITIME MONÉGASQUE dirigée par g. TO. a embauché f. PA., immédiatement après que celle-ci ait démissionné de la société MONACO MARITIME ; que cette salariée a toutefois adressé des télécopies les 13 juillet et 20 août 1998 pour le compte et sur des documents émanant de MONACO SCHIPCHANDLEER, démontrant qu'elle travaillait en réalité pour cette dernière société.

Ces actes de concurrence déloyale et ces divers agissements déloyaux rendant assurément impossible le maintien de g. TO. au sein de la SAM MONACO MARITIME, même pendant le temps limité du préavis, ce dernier qui a été intégralement rempli de ses droits, ne peut prétendre à l'allocation des indemnités de préavis, de congédiement, de licenciement et enfin aux dommages et intérêts qu'il sollicite et ne pourra dès lors qu'être débouté de l'intégralité de ses prétentions.

C) SUR LA DEMANDE DE MONACO MARITIME TENDANT À OBTENIR RÉPARATION DU PRÉJUDICE FINANCIER ET COMMERCIAL PAR ELLE SUBI

1) Sur les exceptions diverses soulevées par g. TO.

a) litispendance

Aucune irrecevabilité ne peut valablement être opposée à la SARL MONACO MARITIME, du fait de l'instance parallèlement introduite par la Société INCHCAPE SHIPPING SERVICES à l'encontre de g. TO. devant le Tribunal de Première Instance, dans la mesure où :

* les sociétés demanderesses sont juridiquement parfaitement distinctes (ISS et MONACO MARITIME),

* les demandes se fondent sur des rapports contractuels distincts, à savoir :

* le contrat de cession d'actions en date du 21 septembre 1995, pour la demande présentée par la Société ISS,

* le contrat de travail en date du 22 septembre 1995, en ce qui concerne la présente instance,

* le préjudice invoqué par la Société ISS est distinct de celui dont se prévaut la société MONACO MARITIME, la première réclamant réparation du préjudice né de la baisse de la valeur des actions de la SAM MONACO MARITIME, alors que la seconde réclame réparation du préjudice consécutif à sa baisse de chiffre d'affaires.

b) irrecevabilité fondée sur les dispositions de l'article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946

Si l'article 59 susvisé pose certes le principe de l'unicité de l'instance, il admet toutefois expressément la recevabilité des nouveaux chefs de demandes, à la condition cependant que ceux-ci soient formulés avant que le Tribunal ne se soit prononcé en premier ou en dernier ressort sur les chefs de la demande primitive.

La demande formée le 1er décembre 1998 par la SAM MONACO MARITIME, si elle dérive effectivement du même contrat de louage de prestations de services que la demande formée le 12 novembre 1998 par g. TO., doit toutefois être déclarée recevable dès lors qu'elle a été soumise au Tribunal du Travail avant que ce dernier n'ait statué sur la demande primitive, étant observé en tout état de cause que la jonction des trois instances pendantes devant cette juridiction a été ordonnée par le présent jugement.

c) irrecevabilité tenant à l'absence de préliminaire de conciliation

Si la SAM MONACO MARITIME n'a certes pas expressément sollicité du Tribunal du Travail qu'il constate les manquements commis par g. TO., tant au titre de l'approbation fautive d'heures supplémentaires que de la violation de la clause de non-concurrence, force est de constater toutefois qu'une telle demande est implicitement contenue dans la requête formulée le 1er décembre 1998 dans les termes suivants :

» Ma cliente réclame en effet réparation du préjudice engendré par les diverses fautes commises par g. TO. dans l'exercice de ses fonctions de Directeur Commercial salarié de la société du 1er septembre 1995 au 21 août 1998, se décomposant ainsi :

* au titre de l'approbation fautive d'heures supplémentaires effectuées par ses subordonnés : 135.151,25 F,

* au titre de l'application de l'article 7 du contrat de travail en l'état de la violation de la clause de non-concurrence : 1.084.000,00 F.

En outre, si la lettre appelant les parties devant le Bureau de Conciliation prévue par l'article 37 de la loi n° 446 doit certes contenir l'indication de l'objet de la demande, aucun texte n'impose au demandeur, à ce stade de la procédure, d'articuler en outre les moyens qu'il entend développer à l'appui de ses prétentions.

2) Au fond

a) Sur la demande tendant à obtenir paiement de la somme de 135.151,25 F, au titre de l'approbation fautive d'heures supplémentaires

Ce Tribunal ayant considéré, par les motifs exposés supra, que l'approbation par g. TO. des heures supplémentaires effectuées par ses subordonnés ne revêtait pas de caractère fautif, la demande en remboursement formée par la SAM MONACO MARITIME à l'encontre de ce dernier n'est pas juridiquement fondée et doit dès lors être rejetée.

Il convient en outre d'observer que la somme de 163.869,28 F réclamée par la SAM MONACO MARITIME à g. TO. correspond, pour une très large part (105.241,04 F), aux heures supplémentaires payées à Madame HI. « sous toutes réserves » le 19 août 1998.

Le Tribunal de céans, par jugement en date du 18 novembre 1999 intégralement confirmé le 15 mars 2001 par le Tribunal de Première Instance, ayant condamné Madame HI. à restituer ladite somme à la SAM MONACO MARITIME, cette dernière ne peut en tout état de cause en réclamer le paiement à g. TO.

b) Sur la demande au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de non-rétablissement

La jonction des trois procédures pendantes devant ce Tribunal ayant été ordonnée par le présent jugement et la licéité de la clause de non-rétablissement ayant d'ores et déjà été consacrée, le Tribunal est actuellement en mesure d'examiner le bien-fondé de la demande d'indemnisation, en raison des actes de concurrence déloyale reprochés à g. TO., présentée par la SAM MONACO MARITIME.

Il n'y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à la demande de sursis à statuer formulée par g. TO., ce dernier ayant eu la possibilité au cours des deux années et demie durant lesquelles cette affaire a été pendante devant ce Tribunal de conclure au fond, au moins à titre infiniment subsidiaire sur ce point précis.

La violation par g. TO. de son obligation de non-concurrence au cours de l'exécution de la relation de travail, et plus précisément à compter du mois d'avril 1998, a d'ores et déjà été constatée par ce Tribunal.

La SAM MONACO MARITIME démontre par ailleurs au moyen des documents qu'elle communique aux débats que ce dernier a également enfreint, directement ou indirectement, la clause de non-rétablissement à laquelle il était astreint et dont la licéité a été consacrée par le présent jugement.

Ces violations caractérisées et répétées de la clause de non-rétablissement résultent :

* des courriers adressés les 21 août et 25 août 1998 à Messieurs KI. et LE. puis sous forme de circulaire à l'ensemble des clients de la société MONACO MARITIME, les informant de son départ de MONACO MARITIME, et leur proposant ouvertement ses services, en leur communiquant à cette fin ses coordonnées, précises, tant au sein de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE MONACO qu'au sein de l'OFFICE MARITIME MONÉGASQUE France, étant observé que ces courriers d'une part présentent MONACO MARITIME sous un jour particulièrement désagréable et d'autre part véhiculent des informations erronées, laissant notamment entendre que Mesdames HI. et BR. auraient quitté leur emploi par solidarité à son égard,

* du témoignage de Monsieur p. j. KI. qui révèle que g. TO. a démarché le 10 septembre 1998 un des clients de la société MONACO MARITIME, et proposé à ce dernier, pour contourner l'obstacle que constituait la clause de non-rétablissement, les services de la société MONACO PORT SERVICES, par l'intermédiaire de s. HI.,

* des fax adressés le 5 juillet 1999 à la société MONACO PORT SERVICES « à l'attention de s. HI. et g. TO. » par la société PTC et le 28 septembre 1998 à la SAM MONACO MARITIME par SEA CLOUD CRUISES, lesquels consacrent la participation aussi active qu'occulte (« la société de g. TO. : MONACO PORT SERVICES ») de l'intéressé à l'activité de ladite société,

* des nombreuses correspondances d'anciens clients de MONACO MARITIME (HOLLAND AMERICA LINE, WIND STAR CRUISES, SILVERSEA, UNIAGENTS) notifiant à la SAM MONACO MARITIME la résiliation des contrats en cours et la désignation, comme nouvel agent maritime pour l'année à venir, de MONACO PORT SERVICES ou s. HI. pour MONACO, VILLEFRANCHE, NICE et CANNES.

L'exécution par g. TO. de ses obligations de non-concurrence pendant le cours de son contrat de travail et de non-rétablissement en Principauté de MONACO ou dans le département des Alpes Maritimes pendant les trois années suivant la cessation des relations contractuelles est garantie par une clause pénale stipulée dans les termes suivants :

« en cas de non-respect de cette clause g. TO. sera redevable à la société d'une astreinte égale à 1.000 F par jour jusqu'à la cessation de la concurrence ».

g. TO. ayant effectivement concurrencé l'activité de son ancien employeur du 1er avril 1998 jusqu'au 21 août 2001, soit pendant 1.208 jours, est donc redevable envers cette société, au titre de la clause pénale susvisée, dont le montant ne peut être augmenté ou diminué par le Tribunal, de la somme de :

1208 x 1.000 F = 1.208.000 F

au paiement de laquelle il doit être condamné.

La SAM MONACO MARITIME doit en revanche être déboutée de sa demande tendant à obtenir, en outre, l'allocation des sommes de 2.231.000 F et 200.000 F au titre d'une part de son préjudice commercial résultant de la baisse de son chiffre d'affaires et d'autre part du préjudice que lui ont causé les violations délibérées de g. TO. à ses obligations contractuelles.

En application des dispositions de l'article 1084 du Code Civil, la clause pénale étant la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale, celui-ci ne peut en effet demander en même temps le principal et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée pour le simple retard, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

g. TO. succombant dans l'intégralité de ses prétentions celui-ci supportera la charge des dépens du présent jugement.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Ordonne la jonction des procédures respectivement enrôlées sous les numéros 40/1998-1999, 48/1998-1999 et 9/1999-2000.

Déboute g. TO. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause de non-rétablissement stipulée à l'article 7 du contrat de travail ainsi que de ses demandes subséquentes.

Dit que le licenciement de g. TO. repose bien sur une faute grave, privative du droit au préavis et aux indemnités de rupture.

Déboute en conséquence g. TO. de ses demandes d'indemnités de préavis, de congés payés sur le préavis, de congédiement de licenciement et de dommages et intérêts.

Rejette les diverses exceptions d'irrecevabilité soulevées par g. TO. et déclare en conséquence recevable la demande formée le 1er décembre 1998 par MONACO MARITIME tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle aurait subis tant au titre de l'approbation fautive d'heures supplémentaires que des agissements déloyaux reprochés à g. TO.

Déboute la SAM MONACO MARITIME de sa demande tendant à obtenir le remboursement de la somme de 163.869,28 Francs (cent soixante-trois mille huit cent soixante-neuf francs et vingt-huit centimes) au titre des heures supplémentaires qui auraient été indûment approuvées par g. TO.

Constate que g. TO. a enfreint les clauses de non-concurrence et de non-rétablissement auxquelles il était tenu pendant l'exécution du contrat de travail, et après la cessation de celui-ci.

Condamne en conséquence g. TO. à payer à la SAM MONACO MARITIME, au titre de la clause pénale stipulée à l'article 7 du contrat de travail, la somme de :

* 1.208.000,00 Francs, (un million deux cent huit mille francs).

Condamne g. TO. à verser en outre à la SAM MONACO MARITIME une somme de :

* 100.000,00 Francs, (cent mille francs), à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Déboute la SAM MONACO MARITIME du surplus de ses prétentions.

Condamne g. TO. aux entiers dépens.

2) Sur la demande d'indemnisation en raison des actes de concurrence déloyale

La jonction des trois procédures pendantes devant ce Tribunal ayant été ordonnée par le présent jugement et la licéité de la clause de non-rétablissement ayant, d'ores et déjà été consacrée, le Tribunal est actuellement en mesure d'examiner le bien-fondé de la demande d'indemnisation, en raison des actes de concurrence déloyale reprochés à g. TO. présentée par MONACO MARITIME.

Il s'avère toutefois, à la lecture des deux jeux d'écritures déposés pour le compte de g. TO. par son conseil que ce dernier n'a pas conclu au fond sur cette demande.

Afin de respecter le principe fondamental du contradictoire, il convient en conséquence de lui réserver la possibilité de s'expliquer d'une part sur les agissements déloyaux qui lui sont reprochés, postérieurement à la cessation du contrat de travail et d'autre part sur le principe ainsi que sur le calcul du préjudice dont MONACO MARITIME réclame réparation.

Le Tribunal se trouve dès lors dans l'obligation de surseoir à statuer sur la demande susvisée en renvoyant g. TO. à conclure sur les deux points détaillés ci-dessus pour l'audience du 22 novembre 2001.

Il y a lieu enfin de réserver les dépens enfin de procédure.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Ordonne la jonction des trois procédures successivement enrôlées sous les numéros 40/1998-1999, 48/1998-1999 et 9/1999-2000.

Déboute g. TO. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause de non-rétablissement stipulée à l'article 7 du contrat de travail ainsi que de ses demandes subséquentes.

Dit que le licenciement de g. TO. repose bien sur une faute grave, privative du droit au préavis et aux indemnités de rupture.

Déboute en conséquence g. TO. de ses demandes d'indemnités de préavis, de congés payés sur le préavis, de congédiement de licenciement et de dommages et intérêts.

Rejette les diverses exceptions d'irrecevabilité soulevées par g. TO. et déclare en conséquence recevable la demande formée le 1er décembre 1998 par MONACO MARITIME tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle aurait subis tant au titre de l'approbation fautive d'heures supplémentaires que des agissements déloyaux reprochés à g. TO.

Déboute la SAM MONACO MARITIME de sa demande tendant à obtenir le remboursement de la somme de 163.869,28 Francs (cent soixante-trois mille huit cent soixante-neuf francs et vingt-huit centimes) au titre des heures supplémentaires qui auraient été indûment approuvées par g. TO..

Surseoit à statuer sur les demandes de dommages et intérêts présentées par MONACO MARITIME au titre des actes de concurrence déloyale reprochés à g. TO.

Renvoie g. TO. a conclure sur les deux points détaillés dans ces motifs du présent jugement pour l'audience du 22 novembre 2001.

Condamne g. TO. à verser à la SAM MONACO MARITIME la somme de :

* 100.000,00 Francs, (cent mille francs), à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Réserve les dépens en fin de cause.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6109
Date de la décision : 18/10/2001

Analyses

Contrats de travail


Parties
Demandeurs : g. TO.
Défendeurs : la SAM Monaco Maritime

Références :

article 25 de la Constitution
article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 1084 du Code Civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2001-10-18;6109 ?

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