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27/09/2001 | MONACO | N°6506

Monaco | Tribunal du travail, 27 septembre 2001, r HA c/ la SAM CINCOM


Abstract

Licenciement pour motif économique allégué - Refus du salarié de remettre en cause une offre acceptée - Faux motif

Résumé

En tentant de renégocier « à la baisse » un contrat de travail par lui proposé et dont les conditions ont été acceptées par son cocontractant, un employeur, qui procède à un prétendu licenciement économique, face au refus du salarié de revoir le contrat, agit d'une particulière mauvaise foi ce qui confère un caractère abusif au licenciement.

Un salarié, entré au service d'une société dépendant d'un groupe en

1975, après divers postes en Belgique et Amérique du Sud, est licencié pour raison économique allégu...

Abstract

Licenciement pour motif économique allégué - Refus du salarié de remettre en cause une offre acceptée - Faux motif

Résumé

En tentant de renégocier « à la baisse » un contrat de travail par lui proposé et dont les conditions ont été acceptées par son cocontractant, un employeur, qui procède à un prétendu licenciement économique, face au refus du salarié de revoir le contrat, agit d'une particulière mauvaise foi ce qui confère un caractère abusif au licenciement.

Un salarié, entré au service d'une société dépendant d'un groupe en 1975, après divers postes en Belgique et Amérique du Sud, est licencié pour raison économique alléguée alors qu'il était à nouveau basé à Monaco. Il soutient avoir accepté une nouvelle offre de contrat que son employeur a, peu après, essayé de revoir « à la baisse », ce qu'il n'a pas accepté et ce qui a entrainé la rupture. Ayant attrait son cocontractant devant le Tribunal du travail, en paiement de solde de congés, bonus, prime d'ancienneté, solde de salaires, remboursement de frais et dommages intérêts, ce salarié tient son licenciement pour non valable et abusif.

L'employeur soutient qu'aucun accord sur les nouvelles conditions d'affectation n'est, en réalité, intervenu, l'écrit formulant l'offre n'étant pas signé par une autorité qualifiée ni expédié par une personne ayant qualité pour formuler celle-ci restée en discussion. Le contrat de travail ne pouvait donc être maintenu. Il conteste en outre devoir salaires et frais.

Le Tribunal du travail, s'attachant tout d'abord à l'éventualité d'un accord intervenu sur une nouvelle affectation, estime que cette offre, effectivement conçue par la direction, même si formulée par le service des relations humaines, sans signature de celle-ci, a été immédiatement acceptée en son principe par le salarié. En tentant, dès lors, de renégocier à « la baisse » un contrat de travail, proposé par lui et accepté par le salarié, l'employeur qui procède à un licenciement, devant le refus légitimement opposé par son cocontractant, qui lui avait toujours donné satisfaction et bénéficiait d'une ancienneté importante, sous le couvert d'un prétendu motif économique, fait preuve d'une mauvaise foi qui confère au licenciement non fondé, un caractère abusif. Sur les autres chefs de demande, notamment les congés payés, le salarié bénéficiaire des indemnités compensatrices de congés payés afférents à l'exercice en cours, ne justifie pas avoir été mis dans l'impossibilité par l'employeur d'exercer ses droits à congés pour les années antérieures et ne peut prétendre à leur report. La prime d'ancienneté, consistant selon l'usage de l'entreprise à offrir aux salariés comptant plus de vingt ans d'ancienneté, une horloge, doit être versée, sans condition d'achat préalable de ladite horloge.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 4 juin 1998 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 30 juin 1998 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur r HA, en date des 17 décembre 1998 et 10 février 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE CINCOM, en date des 7 octobre 1999 et 13 juillet 2000 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur r HA, et Maître Alexis MARQUET, avocat-stagiaire à la Cour d'Appel de Monaco, substituant Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE CINCOM, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

*

r HA est entré au service de la Société CINCOM Angleterre, dépendant du groupe CINCOM, à compter du 17 mars 1975.

Selon contrat de travail en date du 31 octobre 1990, il a été affecté pour la première fois en Principauté de MONACO au service de la SAM CINCOM MONACO en qualité « d'agency manager ».

Après avoir été transféré durant quinze mois au service de la CINCOM Systems International – Belgique en qualité de Senior Business Dévelopment Manager (du 1er mars 1994 au début juin 1995), r HA a été chargé du suivi du développement commercial du groupe CINCOM en Amérique du Sud, ledit poste étant à nouveau « basé » à MONACO.

Par lettre datée du 18 décembre 1997, la SAM CINCOM MONACO a notifié à r HA son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

« Monsieur,

» Nous sommes au regret de vous confirmer que les marchés sur « lesquels vous étiez affecté ne sont plus, depuis plusieurs mois, traités » avec l'assistance de notre bureau à MONACO et aucune solution « recevant votre agrément n'a pu être trouvée.

» Le poste que vous occupez à MONACO n'ayant plus de justification, « nous procédons à sa suppression et en conséquence nous vous notifions » par la présente votre licenciement, qui prendra effet au terme d'un « préavis de trois mois qui débutera le 1er janvier 1998 pour se terminer le » 31 mars 1998 et dont nous vous dispensons de présence dès ce jour. «.

Soutenant d'une part que le licenciement dont il avait fait l'objet, était à la fois abusif et injustifié et d'autre part que son employeur ne lui avait pas versé l'intégralité des sommes auxquelles il avait contractuellement droit, r HA, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 29 juin 1998, a attrait la SAM CINCOM devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail de MONACO, afin d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 116.521,00 F, au titre des congés payés restant dus,

* 50.000,00 F, au titre du » bonus « restant à percevoir,

* 12.000,00 F, à titre de prime d'ancienneté (clock),

* 354.863,00 F, représentant, selon plan de capitalisation, ses droits à pension de retraite,

* 6.000,00 F, représentant le solde de l'indemnité d'entretien et de réparation de véhicule lui revenant,

* 370,00 F, au titre des frais de » compuserve « lui restant dus,

* 2.000.000,00 F, à titre de dommages et intérêts, soit approximativement une année de salaires et accessoires.

À la date fixée par les convocations, les parties ont comparu par leurs conseils respectifs puis, après vingt et un renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue le 7 juin 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 27 septembre 2001.

r HA expose, à l'appui de ses prétentions qu'au début de l'année 1997, alors qu'il venait de terminer sa mission de Directeur des opérations Latino Américaines, il lui a été proposé, lors d'une rencontre avec le Directeur Régional, » Grand Pacifique « un poste de Directeur, au sein de cette division, en charge d'un système de télécommunication intitulé » SPECTRA CARES « ; que ladite proposition ayant recueilli son accord de principe, il a immédiatement débuté ces nouvelles fonctions.

Il précise avoir reçu le 23 avril 1997 une offre de contrat de travail qu'il a, après discussion et échanges de courriers électroniques, finalement acceptée en tous points par un e-mail du 27 juillet, cette acception ayant en outre été verbalement confirmée à Monsieur NI. le 9 août de la même année ; que nonobstant l'existence de cet accord de volontés, la société CINCOM a essayé de » renégocier « les termes du contrat d'ores et déjà conclu, en tentant de lui imposer des conditions financières nettement moins favorables, qu'il s'est trouvé contraint de refuser ; que devant ce refus il a été procédé purement et simplement à son licenciement.

Soulignant qu'au cours des vingt-deux années passées au service de la société CINCOM il a toujours donné satisfaction à son employeur, ainsi qu'en attestent son parcours professionnel et les nombreux témoignages de félicitation qu'il a reçus tout au long de sa carrière, il considère le licenciement dont il a fait l'objet comme à la fois abusif et injustifié.

Il fait valoir en substance à cet effet :

– que la SAM CINCOM ne peut sérieusement dénier toute valeur à la proposition de contrat qui lui a été adressée par courrier électronique le 23 avril 1997, au motif qu'elle ne constituerait que le » reflet de ses propres exigences «, alors d'une part que cette offre a été établie par Madame SI, Responsable des Ressources Humaines de la société CINCOM, et d'autre part et surtout que les conditions financières qu'elle contenait ont été arrêtées par Monsieur SA, Directeur GPA, avec la pleine approbation du Président du groupe CINCOM, Monsieur t NI,

– qu'à partir du moment où il a non seulement accepté ladite offre verbalement et par écrit, mais en outre adressé à la Direction du groupe CINCOM un exemplaire du contrat signé, le contrat de mission qui avait d'une part fait l'objet d'un consentement mutuel des parties et d'autre part reçu concrètement un commencement d'exécution à partir du 1er avril 1997 se trouvait valablement formé,

– que la société CINCOM, qui ne justifie ni de l'existence ni de la validité du motif économique de licenciement allégué par ses soins, n'a pas davantage respecté dans ce domaine les dispositions légales spécifiques applicables en Principauté de Monaco (ordre de licenciement – reclassement éventuel dans une catégorie inférieure).

Soutenant en outre que le licenciement intervenu sous le prétexte d'une prétendue restructuration, alors qu'il avait accepté une nouvelle mission très loin de MONACO dans laquelle il donnait toute satisfaction, lui cause le plus grand préjudice, il sollicite l'allocation à son profit de la somme de deux millions de francs, à titre de dommages et intérêts.

Il prétend par ailleurs ne pas avoir bénéficié de tous les avantages auxquels il avait contractuellement droit ; qu'ainsi :

– alors qu'il n'a pas pu prendre, en raison de son emploi du temps très chargé, tous ses jours de congé, l'indemnité compensatrice correspondante ne lui a pas été totalement versée,

– il n'a pas reçu le bonus de 50.000,00 F que la société CINCOM, en la personne de Monsieur NI, n'avait pourtant pas contesté lui devoir,

– la SAM CINCOM ne pouvant valablement subordonner le paiement de la prime d'ancienneté lui revenant à la justification de l'achat préalable d'une horloge, il est fondé à réclamer à ce titre l'allocation d'une somme de 12.000,00 F,

– il est en droit de prétendre au paiement, non seulement de la part de son salaire qui aurait dû être versée sur un fonds de pension, soit une somme en capital de 252.580 F, mais aussi aux intérêts qui auraient été produits par ladite somme s'il avait pu retenir, comme le prévoyait le contrat de travail, le plan de capitalisation de son choix, soit sur la base d'un taux moyen de 10 % une somme totale de 354.863 F,

– il lui reste dû au titre d'une part de la prise en charge des frais d'entretien et de réparation de son véhicule, et d'autre part des frais d'accès au réseau INTERNET, directement liés à son activité professionnelle ainsi qu'à ses nombreux déplacements, les sommes respectives de 6.000,00 F et 370,00 F,

Il demande enfin au Tribunal du travail, compte tenu du caractère non sérieusement contestable de sa créance, d'assortir la décision à intervenir du bénéfice de l'exécution provisoire, à concurrence de la somme de 539.754,00 F.

La SAM CINCOM conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre.

Elle fait valoir en premier lieu au soutien de ses prétentions que nonobstant l'équivoque que tente d'introduire r HA entre ses prétentions et les offres qui lui ont été réellement faites, aucun accord sur les conditions d'affectation de ce dernier à Singapour n'a jamais pu être trouvé entre les parties.

Elle souligne à cet effet que le document daté du 23 avril 1997 dont se prévaut r HA ne peut être considéré comme une offre de la part de la SAM CINCOM, dans la mesure où :

1) il n'est signé ni par une autorité qualifiée de la société ni par r HA,

2) l'expéditeur de ce document, à savoir Madame SI, tout comme Monsieur SA n'avaient pas qualité pour formuler une telle offre.

Qu'en outre et en tout état de cause, cette proposition n'a jamais été acceptée, en tant que telle, par r HA, ce dernier ayant lui-même indiqué qu'il souhaitait »discuter de certains aspects de la rémunération et des avantages directement avec b «.

Elle soutient dans ces conditions que les faits confirmés par les pièces produites par le demandeur » démontrent bien que les discussions n'ont jamais cessé ni abouti sur les conditions de travail et de compensation concernant l'affectation envisagée de r HA à SINGAPOUR « ; qu'en conséquence dans ce contexte précis l'argument tenant au commencement d'exécution par r HA de sa mission en Asie ne peut suffire à établir que le contrat de travail ait été scellé sur la base des seuls desiderata de l'intéressé.

Elle prétend par ailleurs qu'en l'état du refus de r HA de rejoindre l'unité de Singapour dans des conditions de statut et de rémunération conformes au marché de cette région du monde, elle s'est trouvée contrainte, n'ayant aucun autre emploi à lui proposer, de mettre un terme au contrat de travail.

Elle fait valoir sur ce point précis qu'à défaut de satisfaire aux conditions prévues par l'article 1er de la loi n° 729, à savoir un lien de subordination, un travail effectif au profit de l'employeur et un salaire en contrepartie, le contrat de travail conclu avec r HA ne pouvait être maintenu, ce dernier se trouvant sans affectation et sans travail.

En ce qui concerne les autres chefs de demande formés par r HA, elle invoque en substance les arguments suivants :

Congés payés

– le demandeur ne justifie pas précisément de sa demande, étant observé au surplus qu'il a bénéficié de congés au cours de l'année 1997,

– l'usage au sein de la société est de ne pas admettre les reports d'année en année.

Bonus de 50.000,00 F

– ainsi qu'il le lui a été clairement et expressément indiqué, r HA n'a pas droit à cette prime.

Prime d'ancienneté

– si l'usage au sein de la société CINCOM consiste certes à offrir à tout salarié comptant plus de vingt ans d'ancienneté une horloge, il appartient toutefois à r HA, pour pouvoir prétendre au remboursement de la somme de 12.000,00 F, de justifier qu'il a préalablement fait l'acquisition d'une horloge.

Fonds de retraite

Si le principe de la demande formée par r HA à ce titre n'est pas contestable, ce dernier ne démontre nullement que les fonds lui revenant, placés ailleurs, auraient » représenté un accroissement de 15 % «. Dans ces conditions sa demande visant à obtenir 10 % de revalorisation ne peut être prise en compte.

Entretien du véhicule

Le contrat de travail de r HA ayant pris fin à l'expiration du mois de mars, soit six mois après le début de l'année fiscale retenue par la société, ce dernier, qui ne peut prétendre au bénéfice du forfait d'entretien prévu par le contrat de travail que prorata temporis, a été rempli de ses droits par le versement de la somme de 6.000,00 F, (12.000 : 2) qu'il a d'ores et déjà reçue à ce titre.

Factures compuserve

Dès lors que r HA n'avait au cours des mois de novembre 1997 à mars 1998 aucun travail à effectuer pour le compte de la société, le règlement des factures compuserve versées aux débats n'incombent pas à son employeur.

SUR CE,

1) Sur la rupture des relations contractuelles

En application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 729 le contrat de travail, qui peut être stipulé dans la forme qu'il convient aux parties d'adopter, est soumis aux règles du droit commun.

Il est donc valablement formé, conformément aux règles du droit civil, dès que les parties se sont mises d'accord sur ses éléments essentiels.

Cette rencontre de volonté peut notamment résulter de l'acceptation pure et simple par le salarié des conditions de travail qui lui ont été proposées par l'employeur.

En l'espèce, il résulte de l'analyse des nombreux courriers électroniques échangés entre les parties qu'au début de l'année 1997 la société CINCOM, en la personne de Monsieur t NI son plus haut dirigeant, a proposé à r HA une affectation à Singapour, en qualité de Directeur de l'Opération SPECTRA CARES, au sein du secteur GAP (Grand Pacifique Asiatique), offre que ce dernier a immédiatement acceptée en son principe ; (cf. message de Monsieur SA à r HA en date du 12 mars 1997 et réponse de l'intéressé du même jour).

Qu'après un premier échange de vue sur les conditions matérielles de ce transfert, la SAM CINCOM, en la personne de son Directeur des Relations Humaines, a fait parvenir à r HA par un courrier électronique en date du 23 avril 1997 un projet de contrat d'affectation internationale.

Qu'enfin par un courrier électronique adressé au Président du groupe CINCOM le 27 juillet 1997 confirmé par un mémo personnel et confidentiel en date du 9 août 1997, r HA, qui avait obtenu entre temps les assurances et les renseignements complémentaires qui lui semblaient nécessaires, a formellement accepté, sans aucune restriction ni réserve, et » dans tous ses termes et conditions «, la proposition qui lui avait été faite le 23 avril 1997.

Conformément au principe ci-dessus rappelé, le contrat d'affectation internationale, qui d'une part a fait l'objet d'un consentement mutuel des parties et d'autre part et en outre a reçu un commencement d'exécution, doit être considéré comme valablement formé à la date du 27 juillet 1997, ou au plus tard le 9 août 1997.

La SAM CINCOM ne saurait en effet dénier toute valeur à l'offre du 23 avril 1997 en soutenant que ce document ne constituerait que le reflet des exigences financières de r HA et n'émanerait pas au surplus d'une autorité qualifiée, habilitée à l'engager, alors qu'il ressort des pièces produites :

– que cette proposition de contrat, complète et détaillée qui ne comporte pas moins de quatre pages a été élaborée par le service des Relations Humaines de SYDNEY à partir des instructions données par Monsieur NI et répercutées par Monsieur SA (cf. mémo du 17 mars 1997).

– que si elle ne comporte certes pas la signature d'un des dirigeants de la SAM CINCOM, Monsieur NI y fait lui-même expressément référence dans le courrier électronique qu'il a adressé le 5 août 1997 à r HA.

Par ailleurs, si r HA a certes dans un premier temps tenté de négocier les conditions qui lui avaient été proposées (cf. courrier électronique adressé à Madame g SI le 29 avril 1997), ce dernier a clairement pris position dans ses courriers et mémo des 27 juillet 1997 et 9 août 1997 en acceptant » en vertu de tous ses termes et conditions « la proposition qui lui avait été faite le 23 avril 1997.

En tentant dès lors dans un premier temps de renégocier » à la baisse « un contrat de travail qu'elle avait elle-même proposé et dont les conditions, élaborées par ses soins, avaient été expressément acceptées par le salarié, puis en procédant, devant le refus que lui avait légitimement opposé l'intéressé, à son congédiement pur et simple, sous le couvert d'un prétendu motif économique qui n'apparaît à ce jour toujours pas avéré, la SAM CINCOM a fait preuve à l'égard d'un collaborateur qui lui avait toujours donné satisfaction et disposait au sein du groupe d'une ancienneté considérable (23 ans) d'une particulière mauvaise foi, doublée d'une grande légèreté conférant au licenciement un caractère manifestement abusif.

Si r HA fournit certes au Tribunal du travail un certain nombre d'éléments permettant d'apprécier l'étendue de son préjudice (âge – ancienneté – montant de sa rémunération annuelle), force est de constater en revanche qu'il ne précise pas sa situation professionnelle actuelle ; qu'il n'indique pas notamment s'il a retrouvé un emploi et ne communique pas davantage le montant des revenus dont il dispose à ce jour.

Le Tribunal du travail n'étant pas en mesure de statuer en l'état, il convient d'ordonner la réouverture des débats à l'audience du 8 novembre 2001, en enjoignant pour cette date à r HA de produire les renseignements et les justificatifs susvisés.

2) Sur les autres chefs de demande

a) Congés payés

Dès lors que r HA, qui a d'ores et déjà reçu paiement des indemnités compensatrices de congés payés afférentes à l'exercice en cours à la date de rupture de son contrat de travail (une somme de 26.580,00 F, lui a été versée à ce titre le 31 mars 1998 ainsi qu'en atteste la fiche de paie), ne justifie pas avoir été mis dans l'impossibilité par la SAM CINCOM d'exercer ses droits à congé pour les années antérieures, ce dernier ne peut prétendre, en l'absence d'accord formel de l 'employeur, à leur report ni encore moins exiger le paiement d'une indemnité compensatrice.

b) Bonus de 50.000,00 F

Cette somme correspond, au vu du courrier électronique adressé le 1er décembre 1997 à Monsieur BA par r HA, aux primes de rendement qui lui sont dues par la SAM CINCOM pour la 1re moitié de l'année fiscale 1997.

Monsieur NI a clairement accepté, dans le message qu'il a adressé le 16 mai 1997 à r HA, concernant son plan de compensation pour l'année fiscale 1997, de lui verser cette prime, pour la période d'octobre à mars » à 50 % comme vous le suggérez «, la » clarification importante « apportée par ses soins ne portant que sur le second semestre de l'année fiscale considérée.

Le calcul de la somme réclamée par r HA ayant bien été effectué sur la base de 50 % des commissions des six premiers mois acceptée par Monsieur NI, la demande en paiement de la somme de 50.000,00 F est bien fondée et il convient dès lors d'y faire droit.

c) Prime d'ancienneté

Il ressort des propres écritures de la SAM CINCOM que l'usage en son sein consiste à offrir aux salariés comptant, comme r HA, plus de vingt ans d'ancienneté, une horloge.

La Société défenderesse indique en outre que devant l'impossibilité de transporter dans des conditions raisonnables de telles horloges d'Amérique du Nord en Europe, il a été décidé pour ne pas déroger à la tradition que les salariés concernés exerçant leur fonction en Europe achèteraient eux même une horloge, dont le prix leur serait remboursé par la société dans la limite de 12.000,00 F.

r HA ayant reçu confirmation de son employeur qu'il remplissait bien les conditions requises pour bénéficier de cette mesure, il est en droit d'obtenir paiement dans le cadre de la présente procédure de la somme de 12.000,00 F, susvisée, la SAM CINCOM ne pouvant valablement subordonner le règlement de cette somme à la justification préalable de l'achat de ladite horloge.

d) Abonnement internet

La somme de 370,00 F, réclamée à ce titre par r HA, correspond au montant de cinq factures d'accès au réseau INTERNET couvrant la période de novembre 1997 à mars 1998.

La prise en charge de ces frais par l'employeur, compte tenu des contraintes inhérentes à l'emploi exercé par le salarié, n'est pas contestée par la SAM CINCOM qui se contente d'indiquer qu'en l'espèce ils ne lui incomberaient pas, au motif qu'ils se rapporteraient à une période où r HA n'aurait eu aucun travail à effectuer pour son compte.

Le salarié devant bénéficier, pendant le cours de son préavis et même s'il est dispensé de l'exécuter, du maintien de tous les éléments de sa rémunération, la SAM CINCOM doit être condamnée au paiement de la somme de 370,00 F.

e) Frais d'entretien de voiture

Il résulte de la lettre adressée le 21 janvier 1991 à r HA par le Directeur de la SAM CINCOM que cette société s'est engagée :

– à lui verser une allocation mensuelle spécifique » véhicule« d'un montant de 5.600,00 F,

– à couvrir les frais d'assurance et d'entretien normaux dudit véhicule pour un montant maximum de 12.000,00 F, par an.

Compte tenu de la formulation utilisée par l'employeur, cette indemnité n'a vocation à couvrir, dans la limite maximale de 12.000,00 F, que les dépenses effectivement exposées par le salarié, sous réserve qu'elles soient en outre effectivement justifiées.

En l'espèce r HA, qui réclame la somme de 6.000,00 F, ne verse aux débats en tout et pour tout qu'une facture de 647,83 F.

Seule cette dernière somme lui sera dès lors allouée.

f) Pension de retraite

Il est constant en l'espèce que certains collaborateurs du groupe CINCOM, dont r HA fait partie, bénéficient en contrepartie de leur travail et en sus de leur salaire d'une retraite » sur complémentaire par capitalisation «.

Il est également constant que les fonds concernant r HA n'ont pas été investis dans le plan commun à tous les cadres de MONACO souscrit à leur profit par la SAM CINCOM, à la suite du refus opposé par ce dernier.

La SAM CINCOM reconnaît devoir à ce titre à r HA un capital de 252.280,00 F, » qu'elle n'entend pas discuter " quant à son quantum.

r HA s'étant vu reconnaître, lors de son entrée au service de la SAM CINCOM, le droit de choisir lui-même son plan de retraite (cf. lettre de Monsieur WI, Directeur de la SAM CINCOM en date du 23 novembre 1990), son refus de voir les fonds le concernant investis dans le plan commun à tous les cadres de MONACO ne peut être qualifié de fautif.

Il est donc fondé à obtenir, en sus du capital de 252.280,00 F, les intérêts sur ladite somme.

Les taux qu'il réclame, qu'il s'agisse de 15 ou même seulement de 10 % ne sont justifié par aucune pièce, quelle qu'elle soit (les excellents résultats du plan Equitable Life, cité par le demandeur dans ses écritures ne sont nullement établis).

Il convient en conséquence en l'état du marché monétaire, de retenir le taux de l'ordre de 7 % par an amiablement offert par la SAM CINCOM et de fixer en conséquence la somme revenant à ce titre à r HA à la somme de 320.000,00 F.

3) Sur la demande au titre de l'exécution provisoire

Compte tenu du caractère non sérieusement contestable de la plupart des demandes formées par r HA, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision dans les limites prévues par l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 à concurrence de la somme de 229.087,00 F.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en premier ressort.

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE CINCOM à payer à r HA, les sommes suivantes :

* 320.000,00 Francs (trois cent vingt mille francs), à titre de pension de retraite, suivant plan de capitalisation,

* 12.000,00 Francs (douze mille francs), à titre de prime d'ancienneté,

* 50.000,00 Francs, (cinquante mille francs), au titre de la prime de rendement afférente à la première partie de l'exercice 1997,

* 370,00 Francs, (trois cent soixante-dix francs), au titre des frais d'abonnement au réseau internet,

* 647,83 Francs, (six cent quarante-sept francs et quatre-vingt-trois centimes), au titre des frais d'entretien et de réparation de son véhicule,

Déboute r HA du surplus des demandes formées au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Dit que le licenciement de r HA revêt un caractère manifestement abusif.

Surseoit à statuer sur l'évaluation du préjudice subi par ce dernier.

Ordonne sur ce point la réouverture des débats à l'audience du 7 novembre 2001 et enjoint à r HA de justifier pour cette date, par la production de tous documents utiles, de sa situation professionnelle actuelle ainsi que du montant des revenus dont il dispose depuis la mise en œuvre effective de son licenciement.

Réserve à la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE CINCOM la faculté de conclure ultérieurement sur ces pièces, si elle l'estime utile.

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, conformément aux dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 à concurrence de la somme de 229.087,00 Francs (deux cent vingt-neuf mille quatre-vingt-sept francs).

Réserve les dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6506
Date de la décision : 27/09/2001

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : r HA
Défendeurs : la SAM CINCOM

Références :

article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2001-09-27;6506 ?

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