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27/09/2001 | MONACO | N°6500

Monaco | Tribunal du travail, 27 septembre 2001, c GE c/ la SAM EURO SERV MANAGEMENT


Abstract

Rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée - Conditions - Initiative de la rupture

Résumé

Un contrat à durée déterminée ne peut cesser avant terme, par la volonté d'une seule partie, que pour de justes motifs ou dans le cas de faute grave, de force majeure ou dans ceux prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur.

Un conseiller de clientèle embauché pour une durée déterminée d'une année à compter du 29 mai 2000, est licencié par lettre en date du 30 aout 2000. Il soutient avoir été invité à quitter les lieux

par la directrice de la société tandis que l'employeur allègue un abandon de poste délibéré.

Le Tr...

Abstract

Rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée - Conditions - Initiative de la rupture

Résumé

Un contrat à durée déterminée ne peut cesser avant terme, par la volonté d'une seule partie, que pour de justes motifs ou dans le cas de faute grave, de force majeure ou dans ceux prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur.

Un conseiller de clientèle embauché pour une durée déterminée d'une année à compter du 29 mai 2000, est licencié par lettre en date du 30 aout 2000. Il soutient avoir été invité à quitter les lieux par la directrice de la société tandis que l'employeur allègue un abandon de poste délibéré.

Le Tribunal constate que pour rapporter la preuve dont la charge lui incombe de la réalité de l'abandon de poste que le salarié conteste formellement, l'employeur verse aux débats des attestations qui ne permettent pas d'établir l'effectivité de cette faute. La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée présente ainsi un caractère illégitime. Par ailleurs, la SAM E.S.M. ayant demandé, au précédent employeur, des informations sur « la discipline, l'honnêteté et l'intégrité »du salarié, sous prétexte d'une prétendue embauche alors que la rupture était déjà consommée et qu'elle cherchait en réalité à obtenir a postériori des éléments lui permettant de motiver sa décision, la SAM E.S.M. a fait preuve d'une attitude particulièrement déloyale qui, ajoutée à la brutalité de la rupture, confère à celle-ci un caractère abusif. Une somme de 30.000 F à titre de dommages et intérêts est allouée par le Tribunal.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 18 septembre 2000 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 3 octobre 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Monsieur c GE, en personne, en date des 9 novembre 2000 et 10 janvier 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE EURO SERV MANAGEMENT, en date des 14 décembre 2000 et 8 mars 2001 ;

Après avoir entendu Monsieur c GE, comparaissant en personne, en ses observations et explications ;

et Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE EURO SERV MANAGEMENT, en sa plaidoirie ;

Vu les pièces du dossier ;

Aux termes d'une lettre d'embauche en date du 10 mai 2000, c GE a été engagé par la SAM EURO SERV MANAGEMENT en qualité de conseiller de clientèle pour une durée déterminée d'une année « éventuellement renouvelable », commençant à courir le 29 mai 2000 pour se terminer le 31 mai 2001, moyennant paiement d'une rémunération mensuelle de 10.000,00 F.

Ce contrat de travail était par ailleurs assorti d'une période d'essai de deux mois, laquelle a été ultérieurement prolongée d'un mois.

Par une lettre datée du 30 août 2000 la SAM EURO SERV MANAGEMENT a notifié à c GE son « licenciement à effet de ce même jour, par anticipation du terme de son contrat à durée déterminée.».

Soutenant que la rupture unilatérale, à l'initiative de l'employeur, du contrat de travail à durée déterminée dont il était titulaire revêtait un caractère manifestement abusif, c GE, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 2 octobre 2000, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 90.000,00 F, représentant le montant des salaires restant dus jusqu'au terme du contrat,

* 30.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 15.000,00 F, à titre de dommages et intérêts complémentaires en compensation des frais de procédure exposés.

Il sollicitait en outre la rectification de l'attestation ASSEDIC qui lui a été délivrée.

À la date fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu, en personne en ce qui concerne c GE et par son conseil en ce qui concerne la SAM EURO SERV MANAGEMENT.

Puis, après six renvois successivement intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue le 31 mai 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé, après prorogation, ce jour 27 septembre 2001.

c GE soutient en premier lieu en substance à l'appui de ses prétentions qu'à partir du moment où il n'a pas volontairement abandonné son poste de travail le 30 août, mais a au contraire été invité à quitter les lieux par Madame BO, l'abandon de poste qui lui est reproché n'est pas caractérisé.

Il estime dans ces conditions que la rupture anticipée de son contrat de travail revêt un caractère abusif et qu'il est dès lors en droit de prétendre au paiement des neuf mois de salaires restant dus jusqu'au terme dudit contrat.

Il prétend par ailleurs qu'en contactant, alors que la rupture des relations contractuelles était d'ores et déjà consommée, son précédent employeur sous le couvert d'une prétendue embauche pour obtenir des renseignements sur son attitude au travail, notamment au regard de la discipline de l'honnêteté et de l'intégrité, la SAM EURO SERV MANAGEMENT a en réalité cherché à posteriori à trouver des motifs à un « licenciement » qui ne reposait sur aucune justification ; qu'il s'agit là manifestement d'un comportement déloyal, révélateur d'une intention délibérée de lui nuire.

Soulignant enfin l'ampleur du préjudice que lui a causé la rupture brutale et irrégulière de son contrat de travail, en le laissant du jour au lendemain sans ressources alors qu'il a une compagne et un enfant à charge et en le présentant comme un incompétent alors qu'il avait toujours donné satisfaction à son employeur, il demande au Tribunal du travail de faire droit à l'intégralité de ses prétentions, telles qu'elles ont été exposées ci-dessus.

La SAM EURO SERV MANAGEMENT conclut pour sa part à titre principal à l'entier débouté des demandes formées à son encontre.

Elle sollicite subsidiairement la limitation à la somme de 78.876,00 F, (soit neuf mois de salaires nets) du montant des dommages et intérêts qu'elle pourrait être amenée à verser à c GE.

Elle fait valoir à cet effet :

– qu'il résulte des pièces versées par ses soins aux débats que c GE a délibérément abandonné son poste de travail le 30 août 2000, à la suite du différent professionnel bénin qui l'avait opposé à Madame BO ; qu'en agissant de la sorte ce dernier a fait preuve d'une « totale irresponsabilité et violé très gravement son contrat de travail » ; qu'en conséquence, en l'état de cette attitude fautive et de cette mauvaise foi, elle ne pouvait que procéder au « licenciement » de l'intéressé pour abandon de poste,

– que si elle n'a pas dans un premier temps mentionné le motif du « licenciement » dans la lettre datée du 30 août 2000, pour préserver l'avenir professionnel de son ancien salarié, elle s'est trouvée toutefois contrainte dans un second temps, face à l'entêtement de l'intéressé et à son refus d'accepter « les documents qui avaient été préparés à son intention » de lui adresser une lettre recommandée avec accusé de réception mentionnant le motif exact de la rupture, à laquelle était joints tous les documents utiles,

– qu'il y a lieu d'écarter des débats les pièces cotées 12-13 et 14 qui ne sont pas conformes aux règles de procédure applicables en Principauté de MONACO,

– qu'elle n'a contacté le précédent employeur de c GE que pour tenter de comprendre l'attitude adoptée par ce dernier, le motif avancé à l'appui de cette demande, à savoir une éventuelle embauche, étant exclusivement destiné à préserver la carrière de l'intéressé.

Soutenant en outre avoir subi, consécutivement à l'attitude irresponsable de c GE, à la fois un préjudice d'image et un préjudice financier, elle sollicite reconventionnellement l'allocation d'une somme de 50.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

Estimant quant à lui que la SAM EURO SERV MANAGEMENT, à défaut d'avoir justifié de la réalité du préjudice allégué par des arguments sérieux, ne peut prétendre à l'octroi de dommages et intérêts, c GE conclut au rejet de la demande formée à son encontre à cette fin.

SUR CE,

Sur la légitimité de la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée

En application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail à durée déterminée ne peut cesser avant terme, par la volonté d'une seule partie, que pour de justes motifs où dans les cas de faute grave, de force majeure ou dans ceux prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur.

En l'espèce la SAM EURO SERV MANAGEMENT invoque, comme unique motif de rupture, le fait que c GE aurait délibérément abandonné son poste le 30 août à 10 h 30, à la suite d'un incident bénin, un tel comportement s'analysant, selon elle, en une faute grave.

Pour rapporter la preuve, dont la charge lui incombe, de la réalité de l'abandon de poste dont elle se prévaut et que le salarié conteste formellement, la SAM EURO SERV MANAGEMENT verse aux débats diverses attestations émanant notamment de :

– madame g BO,

– monsieur g MO.

Si Madame BO exerce certes les fonctions de Directeur Commercial au sein de la SAM EURO SERV MANAGEMENT, il apparaît, à l'examen de l'extrait du répertoire du commerce et de l'industrie produit aux débats, qu'elle occupe également, au sein de cette société, la fonction d'Administrateur.

Par ailleurs l'identité des adresses fournies par Madame BO et par Monsieur BE (tous deux déclarent habiter à MENTON […] ) démontre que l'attestante entretient des relations étroites avec le Président Administrateur Délégué de la SAM EURO SERV MANAGEMENT.

Dans ces conditions le témoignage rédigé par Madame BO ne présente pas de garanties suffisantes d'impartialité et ne pourra dès lors qu'être écarté des débats.

L'attestation de Monsieur MO, dont la régularité formelle n'est pas contestable, ne permet pas d'établir l'effectivité de l'abandon de poste reproché à c GE.

En effet, Monsieur MO se contente d'indiquer, dans le document versé aux débats :

– que c GE a demandé au Directeur Commercial, quelques minutes après son arrivée la diffusion immédiate des « news » qu'il avait lui-même rédigées,

– que le Directeur Commercial a subordonné la diffusion de ces news à leur vérification préalable par Mademoiselle ES,

– que c GE mécontent est sorti du bureau suivi du Directeur Commercial,

– qu'il est revenu quelques minutes plus tard, a pris ses affaires et est sorti du bureau.

Les circonstances exactes dans lesquelles c GE a été amené à quitter les locaux de la SAM EURO SERV MANAGEMENT demeurant ainsi inconnues, rien ne permet d'affirmer que c GE, qui soutient pour sa part avoir été licencié sur le champ et sommé de quitter les lieux par Madame BODELON, ait volontairement abandonné son poste de travail.

La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de c GE présentant ainsi un caractère illégitime, la SAM EURO SERV MANAGEMENT sera condamnée à payer à son ancien salarié la somme de 90.000,00 F, représentant le montant des salaires échus à compter du 31 août 2000 et jusqu'au 31 mai 2001 terme du contrat (soit 10.000,00 F brut par mois x 9).

En demandant le 31 août 2001 par fax à la société « CAVALIER PROPERTY CORPORATION LTD », précédent employeur de c GE, des informations sur l'attitude au travail de ce dernier, spécialement en ce qui concerne « la discipline, l'honnêteté et l'intégrité », sous le prétexte d'une prétendue embauche, alors que la rupture des relations contractuelles avec l'intéressé était d'ores et déjà consommée à son initiative, et qu'elle cherchait donc ainsi manifestement à obtenir à posteriori des éléments lui permettant de motiver sa décision, la SAM EURO SERV MANAGEMENT a fait preuve d'une attitude particulièrement déloyale.

Compte tenu de cet élément d'une part et de la brutalité avec laquelle elle a été notifiée d'autre part, la rupture anticipée du contrat de travail de c GE revêt un caractère manifestement abusif.

Il sera donc alloué à ce dernier, sur le fondement des dispositions de l'article 13 de la loi susvisée, en réparation du préjudice essentiellement d'ordre moral subi, une somme complémentaire de 30.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

Pour faire reconnaître le bien fondé de ses droits, c GE a été contraint, du fait du refus opposé par son employeur à ses diverses démarches amiables, d'agir en justice et a de ce fait exposé des frais qui ne seront pas compris dans les dépens.

Dans ces conditions la SAM EURO SERV MANAGEMENT sera enfin condamnée à lui verser la somme de 5.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE EURO SERV MANAGEMENT à payer à c GE les sommes suivantes :

* 90.000,00 F, (quatre-vingt-dix mille francs), représentant les salaires bruts échus jusqu'au terme du contrat,

* 30.000,00 F, (trente mille francs), à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi par l'intéressé,

* 5.000,00 F, (cinq mille francs), à titre de dommages et intérêts complémentaires, au titre des frais de justice exposés pour faire valoir ses droits.

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE EURO SERV MANAGEMENT aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6500
Date de la décision : 27/09/2001

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : c GE
Défendeurs : la SAM EURO SERV MANAGEMENT

Références :

article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2001-09-27;6500 ?

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