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09/11/2000 | MONACO | N°6519

Monaco | Tribunal du travail, 9 novembre 2000, a-m L. c/ la SAM Laboratoire Theramex


Abstract

Insuffisance professionnelle - Motif valable de licenciement - Nécessité d'éléments objectifs vérifiables par le juge - Dernier manquement constaté permettant de retenir l'ensemble des précédents même déjà sanctionnés

Résumé

L'insuffisance professionnelle constitue un motif valable de licenciement si elle est étayée par des éléments objectifs concrets vérifiables par le juge qui peut, en présence d'un nouveau manquement, retenir l'ensemble des précédents même déjà sanctionnés.

Une « gestionnaire de paie », licenciée pour insuf

fisance professionnelle, estimant la rupture injustifiée et brutale, a attrait son employeur devant le...

Abstract

Insuffisance professionnelle - Motif valable de licenciement - Nécessité d'éléments objectifs vérifiables par le juge - Dernier manquement constaté permettant de retenir l'ensemble des précédents même déjà sanctionnés

Résumé

L'insuffisance professionnelle constitue un motif valable de licenciement si elle est étayée par des éléments objectifs concrets vérifiables par le juge qui peut, en présence d'un nouveau manquement, retenir l'ensemble des précédents même déjà sanctionnés.

Une « gestionnaire de paie », licenciée pour insuffisance professionnelle, estimant la rupture injustifiée et brutale, a attrait son employeur devant le bureau de jugement du Tribunal du travail en paiement d'indemnités de préavis, licenciement sous déduction de l'indemnité de congédiement non cumulable et de dommages et intérêts pour licenciement abusif. L'employeur soutient, quant à lui, que la preuve des manquements est rapportée tant par les documents versés aux débats que par les déclarations des membres de la direction devant huissier.

Le tribunal du travail recense les éléments ayant servi de fondement à l'insuffisance professionnelle alléguée et constate que ces manquements avérés autorisaient la SAM T. nonobstant leur caractère mineur à retenir en outre les autres manquements plus sérieux commis précédemment par Melle a-m L. déjà sanctionnés par deux avertissements. Le cumul de fautes professionnelles commises par la salariée la prive du bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. La brutalité dont a fait preuve l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin unilatéralement au contrat, justifie l'allocation de la somme de 10.000 F par elle demandée dans sa requête et vainement augmentée devant le bureau de jugement qui ne peut connaître que de la demande figurant dans ladite requête.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 14 avril 1998 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception, en date du 6 mai 1998 ;

Vu les conclusions de déconstitution de Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur, au nom de Mademoiselle a-m L., en date du 24 juin 1999 ;

Vu les conclusions déposées par Mademoiselle a-m L., en personne, en date des 24 juin 1999, 18 novembre 1999 et 24 février 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE LABORATOIRE THERAMEX, en date des 14 octobre 1999, 13 janvier 2000 et 13 avril 2000 ;

Ouï Mademoiselle a-m L., comparaissant en personne, en ses observations et explications ;

Ouï Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE LABORATOIRE THERAMEX, en ses plaidoirie et conclusions ;

Lesdits partie et avocat-défenseur ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée le 15 avril 1996 par la SAM LABORATOIRE THERAMEX en qualité de « gestionnaire paie », au coefficient 220 moyennant paiement d'un salaire mensuel brut de 9.000,00 F, a-m L. a été licenciée de son emploi le 12 décembre 1997 ;

Soutenant que son congédiement était fondé sur des motifs non valables et qu'il revêtait en outre un caractère abusif, a-m L., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 4 mai 1998, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir la condamnation de celui-ci au paiement des sommes suivantes :

– 25.514,00 F, représentant le montant de l'indemnité de préavis, correspondant à deux mois de salaire, prévue par la Convention collective,

– 255.140,00 F, représentant, après déduction de l'indemnité de congédiement non cumulable, le montant de l'indemnité de licenciement égale à 20 mois de salaire, à laquelle elle est en droit de prétendre,

– 10.000,00 F, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice par elle subi.

Elle sollicitait en outre, sans en chiffrer le montant, le bénéfice d'une indemnité de congés payés ;

À la date fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs, puis, après quatorze renvois contradictoires intervenus à la demande de celles-ci, l'affaire a été débattue lors de l'audience du 12 octobre 2000 et le jugement mis en délibéré pour être rendu ce jour 9 novembre 2000 ;

a-m L. expose à l'appui de ses prétentions qu'elle faisait partie d'une équipe constituée de douze personnes constituant la Direction des Ressources Humaines de la Société THERAMEX ; que sa mission au sein de ce service consistait à accomplir les tâches administratives en matière de paie et d'administration du personnel qui lui étaient confiées par son supérieur hiérarchique ; qu'elle a répondu aux attentes de son employeur puisque d'une part son contrat de travail s'est poursuivi à l'issue de la période d'essai de deux mois qui avait été convenue entre les parties et d'autre part la SAM THERAMEX lui a servi le 23 avril 1997 une prime exceptionnelle, dont l'objet était de reconnaître son « implication personnelle » ; que toutefois à partir de cette période elle a été victime, de la part de sa hiérarchie directe, de pressions et vexations diverses tendant à l'inciter au départ, alors que dans le même temps il était procédé le 1er juillet 1997 à l'embauche d'un nouveau gestionnaire paie ; qu'ainsi deux avertissements lui ont été successivement notifiés le 30 avril 1997 et 2 décembre 1997, qu'elle a tous les deux contestés, suivis le 8 décembre 1997 d'une lettre de licenciement ;

Soutenant que les griefs formulés à son encontre dans les lettres d'avertissement et de notification de la rupture du contrat de travail, soit ne sont pas matériellement établis, soit ne lui sont pas imputables, les tâches administratives en matière de paie et d'administration du personnel, qu'il s'agisse de l'établissement des bulletins de paie ou de la gestion des contrats d'embauche, étant réparties entre trois salariés, elle demande au Tribunal du Travail, dans le dernier état de ses conclusions, de constater que son licenciement est dépourvu de motif valable et de condamner en conséquence la SAM THERAMEX à lui verser la somme de 7.200,00 F, au titre de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

Soulignant par ailleurs qu'au regard des méthodes employées par son employeur et notamment de la légèreté blâmable avec laquelle il lui a été notifié (en moins d'une heure et en l'humiliant devant l'ensemble du personnel de la Direction des Ressources Humaines), son licenciement revêt un caractère manifestement abusif, elle réclame en outre l'allocation d'une somme de 162.000,00 F, à titre de dommages et intérêts ;

La SAM THERAMEX conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par a-m L. ;

Elle fait valoir, en substance, au soutien de ses prétentions :

– qu'elle a dûment rapporté la preuve des griefs qui ont présidé au licenciement de cette salariée ; qu'en outre, les nouveaux manquements relevés à l'encontre de celle-ci, postérieurement au 2 décembre 1997, l'autorisaient, selon une jurisprudence constante, à retenir également l'ensemble des griefs précédents, lesquels avaient été sanctionnés en leur temps par deux avertissements ; qu'au surplus a-m L. ne peut sérieusement soutenir que les différentes fautes relevées ne lui seraient pas imputables, alors que les documents versés aux débats et les déclarations des membres de la Direction des Ressources Humaines, recueillies par Maître ESCAUT-MARQUET, établissent qu'elles ressortent de sa responsabilité exclusive, s'agissant de tâches qui lui étaient personnellement dévolues ; qu'enfin cette dernière est mal venue à contester aujourd'hui les motifs de son licenciement, alors qu'elle a reconnu la plupart des griefs formés à son encontre ;

– qu'elle n'a pas agi avec légèreté blâmable ni encore moins cherché à lui nuire, les personnes qui ont réellement assisté à la notification du licenciement ayant unanimement reconnu l'absence de toute pression de quelque nature que ce soit de la part de la Direction envers a-m L. ;

– qu'à partir du moment où d'une part le législateur monégasque n'impose pas à l'employeur d'énoncer les motifs du congédiement et où d'autre part l'article 9 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 a exclusivement pour objet de déterminer le point de départ du délai de préavis, le licenciement est régulièrement intervenu ;

Soulignant enfin qu'a-m L., bien que comparaissant en personne, ne saurait par ses écritures porter atteinte à la sérénité qui doit présider à tout débat en prétendant que la SAM THERAMEX aurait produit de fausses preuves qu'elle aurait fabriquées, alors que les pièces qu'elle a versées aux débats sont authentiques, elle sollicite le bâtonnement des conclusions déposées le 18 novembre 1999 par cette dernière ;

SUR CE,

1) Sur la demande en bâtonnement

En écrivant, dans les conclusions qu'elle a déposées le 18 novembre 1999, sans l'assistance d'un avocat, que la SAM THERAMEX d'une part « suppléait l'insuffisance de son argumentation par de fausses preuves » et d'autre part faisait état de « faux motifs » et produisait « de fausses preuves fabriquées par ses soins », a-m L. n'a porté atteinte ni à l'honneur ni à la considération de son ancien employeur ;

Ces propos, tenus par un justiciable inexpérimenté, ne présentent en effet aucun caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire pour la société défenderesse, au sens de l'article 44 de l'Ordonnance du 3 juin 1910 sur la liberté de la presse ;

Replacés dans leur contexte, ils visent seulement à critiquer les conditions dans lesquelles les éléments de preuve versés aux débats par la SAM THERAMEX ont été recueillis et notamment la fiabilité de ces témoignages, s'agissant pour la plupart de déclarations effectuées par les salariés de l'entreprise auprès d'un huissier de justice, plusieurs mois voire plusieurs années après la notification de son licenciement ;

Il n'y a pas lieu dès lors d'ordonner la suppression dans les conclusions d'a-m L. des passages litigieux ;

2) Sur la validité du motif

Il résulte d'une part des termes de la lettre de notification de la rupture en date du 12 décembre 1997 et d'autre part des conclusions déposées dans le cadre de la présente instance par la SAM THERAMEX que le licenciement d'a-m L. a été prononcé pour les motifs suivants :

– un comportement négatif se traduisant par :

• une série d'absences du poste de travail prolongées et répétitives, sans justification liée à l'activité professionnelle et sans information de l'endroit ou se trouvait la salariée,

• une erreur dans l'expédition d'un bulletin de paie,

• le non-respect du principe des permanences de midi,

– une accumulation de « toutes sortes d'erreurs » telles que :

• la mauvaise transmission d'un message confié par un salarié,

• la persistance à ne pas débuter son activité aux heures exigées par les nécessités du service,

• les omissions et inexactitudes affectant l'état des « mouvements du personnel »,

• la rétention dans ses affaires personnelles d'un carnet de tickets restaurant daté de 1996, qui n'a ni été remis à l'intéressé ni fait l'objet d'une demande de remboursement à l'organisme compétent.

Ces divers manquements faisant suite à d'autres griefs préalablement sanctionnés par deux avertissements, le premier daté du 30 avril 1997 et le second du 2 décembre 1997 ;

Il est constant en droit que l'insuffisance professionnelle d'un salarié peut constituer un motif valable de licenciement, si elle est étayée par des éléments objectifs concrets susceptibles de vérification par le Juge ;

C'est par ailleurs à juste titre que la SAM THERAMEX soutient que le dernier manquement professionnel constaté autorise le Tribunal du Travail à retenir l'ensemble des précédents, même s'ils avaient été sanctionnés en leur temps, pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié ;

En l'espèce, il résulte suffisamment d'une part de la correspondance adressée par Madame BO au Directeur de la SAM THERAMEX le 9 décembre 1997 et d'autre part de la lettre adressée le 12 janvier 1998 par a-m L. à son employeur, que cette dernière, qui a expressément reconnu s'être personnellement chargée de cette tâche, au lieu d'envoyer à Madame BO à son adresse personnelle son bulletin de salaire lui a fait parvenir une enveloppe vide de tout contenu ;

Il ressort par ailleurs du témoignage établi par Monsieur TO qu'a-m L. a bien transmis par erreur à Monsieur MA son supérieur hiérarchique un courrier qui lui avait été remis à l'attention de la mutuelle EUROPA ;

Enfin les déclarations effectuées par Monsieur MA, Madame TR, Mademoiselle BE et Mademoiselle SC D'A, tous quatre membres de la Direction des Ressources Humaines de la SAM THERAMEX auprès de Maître ESCAUT-MARQUET, huissier de justice, établissent qu'a-m L. s'est absentée fréquemment de son poste de travail, au cours des semaines précédant son licenciement, sans avoir au préalable informé ses collègues, ni de la durée de son absence, ni du lieu où l'on pouvait la joindre en cas d'urgence, code de conduite que respectaient pourtant les membres de cette Direction ;

Ces griefs autorisaient donc la SAM THERAMEX, nonobstant leur caractère mineur, à retenir en outre les autres manquements plus sérieux commis par a-m L. entre les mois d'avril et de décembre 1997, lesquels avaient été sanctionnés en leur temps par deux avertissements ;

Il convient à cet effet de relever que le premier avertissement infligé à a-m L. par une lettre recommandée dont elle a accusé réception le 3 mai 1997 n'a été contesté par cette dernière que le 8 décembre 1997, après qu'une deuxième sanction lui ait été notifiée ;

Cette dernière ne peut en toutes hypothèses sérieusement soutenir que l'ensemble des griefs visés dans ces deux avertissements ne seraient pas établis ou ne lui seraient pas imputables, alors que :

– elle a en « regrettant d'avoir transmis une information erronée à un membre du personnel » dans sa lettre du 8 décembre 1997 expressément reconnu la matérialité d'une des fautes qui lui était reprochée,

– il résulte des pièces versées aux débats par l'employeur, et plus précisément de l'énoncé des « tâches mensuelles régulières» rédigé de la main même d'a-m L. ainsi que des déclarations des salariés de la Direction des Ressources Humaines recueillies par Maître ESCAUT-MARQUET que les erreurs ou omissions commises dans le virement d'un acompte de salaire au profit de Madame Muriel PA et dans le traitement du dossier d'embauche de Monsieur MA, étaient bien imputables à la demanderesse ;

Il doit être au surplus observé que si a-m L. s'était certes vue octroyer par son employeur le 23 avril 1997 une prime exceptionnelle de 1.500,00 F, pour la remercier de son « implication personnelle » au cours de l'exercice 1996, et ce afin « d'entretenir sa motivation », sa fiche d'évaluation annuelle établie le 11 février 1997 soulignait déjà les difficultés d'intégration de ce salarié au sein de l'équipe Direction des Ressources Humaines ;

L'examen attentif de ce document révèle en effet qu'a-m L. ne remplissait que partiellement les attentes de son employeur en ce qui concerne :

– son aptitude à se remettre en cause,

– son esprit d'équipe,

– son souci d'informer et de rendre compte.

Il lui était ainsi demandé parmi les axes de progrès expressément retenus pour l'année 1997 d'une part de développer son sens de l'organisation et son efficacité dans le travail et d'autre part et surtout d'améliorer la communication interactive quotidienne, de recevoir les consignes et de rendre compte régulièrement de l'évolution des travaux ;

Enfin, à partir du moment où l'embauche d'un nouveau collaborateur au sein du service paie précisément destiné à permettre à a-m L. de se « consacrer davantage aux missions spécifiques de son poste » était expressément envisagée dans la fiche d'objectifs émargée le 11 février 1997, celle-ci ne peut sérieusement soutenir que son « exclusion » de l'entreprise aurait en réalité été motivée par des « considérations étrangères à sa manière de servir » ;

Le cumul des fautes professionnelles commises par a-m L. constituant un motif valable de licenciement, celle-ci ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

3) Sur le caractère abusif du licenciement

Alors qu'a-m L., dans sa requête introductive d'instance avait sollicité l'allocation d'une somme de 10.000,00 F, afin de sanctionner le caractère abusif de son licenciement, demande qu'elle avait reprise dans les mêmes termes devant le Bureau de Conciliation le 4 mai 1998, celle-ci réclame à ce titre dans les trois jeux de conclusions qu'elle a successivement déposées devant le Bureau de Jugement une somme de 162.000,00 F, représentant un an et demi de salaire ;

Dès lors qu'en application des dispositions d'ordre public de l'article 42 de la loi n° 446, l'augmentation de sa demande de dommages et intérêts aurait dû être formalisée au plus tard lors de sa comparution devant le Bureau de Conciliation, le Tribunal du Travail ne peut aujourd'hui connaître que de la demande contenue dans la requête initiale, tendant à l'allocation d'une somme de 10.000,00 F ;

Il appartient à a-m L., qui prétend avoir été victime d'une rupture abusive de son contrat de travail, de prouver contre son employeur outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut notamment consister dans l'allégation d'un faux motif ou dans la légèreté blâmable avec laquelle ce congédiement a été donné ;

Si les différents membres de la Direction des Ressources Humaines ont certes unanimement indiqué à Maître ESCAUT-MARQUET que la notification par Monsieur BE à a-m L. de son licenciement immédiat avec dispense d'exécution du préavis s'était effectuée avec correction et dans un climat de parfaite sérénité, aucune menace verbale ou physique n'ayant été utilisée à son encontre, ces déclarations doivent toutefois être examinées avec la plus grande circonspection, compte tenu d'une part des conditions dans lesquelles elles ont été recueillies (plus de deux années après le licenciement – dans les locaux de l'entreprise – devant un officier ministériel) et d'autre part du lien de subordination unissant chacun des attestants à la SAM THERAMEX ;

Il résulte au contraire du témoignage circonstancié établi par Madame SA que la notification par Monsieur BE à a-m L. de son licenciement s'est effectuée dans des conditions de brutalité et de violence telles qu'elle a estimé devoir, en sa qualité de responsable juridique du laboratoire THERAMEX, intervenir personnellement auprès du Directeur des Ressources Humaines « pour lui rappeler la nécessité de respecter les dispositions légales et les garanties du salarié en matière de licenciement » ;

Cette attestation n'a pas à être écartée des débats et présente au contraire toutes les garanties pour établir la conviction du Tribunal, dès lors d'une part que son auteur n'était plus depuis le 29 avril 1998 au service de la SAM THERAMEX et où d'autre part elle a bien été le témoin direct de ces faits puisque son Bureau se situe au 8e étage à côté de celui de la Direction des Ressources Humaines ;

Monsieur d CO a par ailleurs lui aussi témoigné de l'état « d'incompréhension, de peur, d'inquiétude et de traumatisme » dans lequel se trouvait a-m L. l'après-midi même de la notification de son congédiement ;

Il y a lieu dès lors de sanctionner la brutalité dont a fait preuve l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre unilatéralement fin au contrat de travail par l'allocation au profit d'a-m L. d'une somme de 10.000,00 F, à titre de dommages et intérêts ;

4) Sur les demandes au titre du préavis et des congés payés

En ne reprenant pas ces demandes dans ses conclusions postérieures devant le Bureau de Jugement, a-m L. s'en est implicitement mais nécessairement désisté ;

Il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur ces points ;

5) Sur les dépens

En l'état de la succombance respective des parties, il convient d'ordonner le partage des dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré,

Déboute la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE LABORATOIRE THERAMEX de sa demande tendant à voir ordonner le bâtonnement des écrits d'a-m L. ;

Dit que le licenciement d'a-m L. est intervenu pour un motif valable ;

Déboute en conséquence a-m L. de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement ;

Dit en revanche que les conditions de brutalité avec lesquelles l'employeur a notifié à a-m L. son congédiement lui confèrent un caractère abusif ;

Condamne en conséquence la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE THERAMEX à verser à a-m L. la somme de 10.000,00 Francs (dix mille francs) à titre de dommages et intérêts, laquelle produira intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre elles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6519
Date de la décision : 09/11/2000

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Conditions de travail ; Pouvoir disciplinaire


Parties
Demandeurs : a-m L.
Défendeurs : la SAM Laboratoire Theramex

Références :

article 44 de l'Ordonnance du 3 juin 1910
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 9 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-11-09;6519 ?

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