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28/09/2000 | MONACO | N°614050

Monaco | Tribunal du travail, 28 septembre 2000, c CH c/ SCS PO ET CIE CHERIE'S CAFE, CHERIE'S CAFE


Abstract

Promesse d'embauche - Différence avec la simple déclaration d'intention - Contrat de travail conclu sur d'autres bases - Promesse non respectée - Dommages intérêts fonction du préjudice subi

Résumé

Une salariée demande un rappel de salaires sur le fondement d'une période travaillée plus importante que celle qui apparait sur le contrat signé et d'une promesse d'embauche qui n'a pas été exécutée, ni quant à la durée prévue, ni quant au salaire promis. L'employeur estimant que les termes de leurs accords initiaux ont été modifiés, s'en tient, qu

ant à lui, au document contractuel signé par les deux parties.

Le Tribunal constate to...

Abstract

Promesse d'embauche - Différence avec la simple déclaration d'intention - Contrat de travail conclu sur d'autres bases - Promesse non respectée - Dommages intérêts fonction du préjudice subi

Résumé

Une salariée demande un rappel de salaires sur le fondement d'une période travaillée plus importante que celle qui apparait sur le contrat signé et d'une promesse d'embauche qui n'a pas été exécutée, ni quant à la durée prévue, ni quant au salaire promis. L'employeur estimant que les termes de leurs accords initiaux ont été modifiés, s'en tient, quant à lui, au document contractuel signé par les deux parties.

Le Tribunal constate tout d'abord que si les parties ont, dans un premier temps, envisagé des conditions de travail différentes, tant en ce qui concerne la durée du contrat que le montant de la rémunération convenue, leur accord a été ultérieurement matérialisé sur d'autres bases ainsi qu'il résulte de la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail co-signée par l'employeur et le salarié, adressée au service de l'emploi. Si la salariée soutient avoir débuté son activité à une date antérieure, elle n'en apporte pas la preuve, les attestations versées par elle aux débats n'étant ni conforme à l'article 324 du Code de procédure civile, pour l'une, ni pertinente pour l'autre. L'attestation de travail produite par la demanderesse est, par ailleurs, contredite par celle de son employeur. Le contrat de travail ayant été exécuté sur les bases convenues, la salariée a été remplie de ses droits.

S'agissant, en revanche, de la promesse d'embauche, un tel engagement, même verbal, peut engager l'employeur, si la promesse est ferme, adressée à une personne déterminée et précise l'emploi proposé, la rémunération et éventuellement la date et le lieu d'entrée en fonction. La rupture d'une telle promesse ouvre droit pour le salarié, si elle n'est pas justifiée, à l'octroi de dommages intérêts fonction du préjudice subi. Tel est le cas ici. Le tribunal fixe le préjudice à la somme de 25.000 F.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 août 1998 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception, en date du 15 septembre 1998 ;

Vu la réouverture des débats à l'audience du 20 janvier 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, au nom de Madame c CH, en date des 22 octobre 1998, 25 février 1999 et 20 septembre 1999 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur, au nom de la SCS PO ET CIE CHERIE'S CAFE, en date des 21 janvier 1999 et 25 mars 1999, puis après réouverture des débats en date du 14 janvier 2000 ;

Ouï Maître Géraldine GAZO, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, assistée de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame c CH et, Maître Elie COHEN, avocat au barreau de Nice, assisté de Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco au nom de la SCS PO ET CIE CHERIE'S CAFE en leurs plaidoiries et conclusions ;

Vu les pièces du dossier ;

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 14 septembre 1998, c CH a attrait devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail son ancien employeur la SCS PO et Cie CHERIE'S CAFE, afin d'obtenir :

– Sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 120.000,00 F, à titre de rappel de salaires (soit 6 x 20.000),

* 50.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour non-respect de promesse d'embauche, promesse mensongère, et rupture abusive des relations de travail,

* 6.000,00 F, au titre des frais irrépétibles d'instance,

– La délivrance des documents légaux à savoir :

* le certificat de travail,

* six bulletins de salaire,

* l'attestation destinée à l'ASSEDIC ;

À l'audience fixée par les convocations les parties ont comparu, en personne en ce qui concerne c CH et par son conseil en ce qui concerne la SCS PO ET Cie puis, après sept renvois contradictoires intervenus à la demande des parties, l'affaire a été plaidée le 28 octobre 1999 et mise en délibéré pour être le jugement rendu le 2 décembre 1999 ;

À cette date par décision prenant la forme d'une simple mention au dossier le Tribunal a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 20 janvier 2000 successivement reportée jusqu'au 8 juin 2000, afin que la SCS PO ET Cie justifie par la production des documents idoines de tous les règlements qu'elle prétend avoir effectués au cours de l'exécution du contrat de travail au bénéfice de c CH et dont elle a expressément fait état dans ses conclusions n° 2 du 25 mars 1999 ;

Débattue lors de l'audience du 8 juin 2000, l'affaire a été à nouveau mise en délibéré pour être le jugement rendu le 13 juillet 2000 ;

À cette date les parties ont été avisées de ce que le délibéré était prorogé et qu'en conséquence la décision serait rendue ce jour 28 septembre 2000 ;

c CH expose, à l'appui de ses prétentions, qu'alors qu'elle travaillait pour le compte du SASS CAFE, elle a reçu de Monsieur PO, représentant légal du café restaurant LE CHERIE'S CAFE, le 29 septembre 1997 une offre écrite d'embauche ferme et définitive aux conditions suivantes :

– durée du contrat : six mois,

– emploi hôtesse d'accueil,

– salaire 20.000,00 F global et forfaitaire, y compris les pourboires,

– début d'activité le 1er octobre 1997 ;

Qu'ayant en conséquence démissionné de son précédent emploi pour commencer son activité au service de la SCS PO ET Cie, elle a très vite constaté que ce dernier n'entendait respecter ni ses engagements contractuels, ni ses obligations au regard du droit du travail ;

Qu'ainsi, alors qu'elle a commencé son activité le 1er octobre 1997, la demande d'autorisation d'embauche n'a été présentée que le 31 octobre 1997 ; que de même elle n'a pu obtenir pour la période où elle a effectivement travaillé pour le compte de la SCS PO ET Cie ni bulletins de paie, ni salaires ;

Soutenant en définitive d'une part qu'en l'absence de faute grave du salarié ou de volonté expresse et concordante des parties le contrat de travail ne pouvait cesser avant son terme et d'autre part qu'en ne respectant pas les termes de sa promesse la SCS PO ET Cie a commis une faute lui causant un préjudice certain dont elle lui doit réparation, dans la mesure notamment où elle n'a à ce jour pas retrouvé d'emploi, c CH demande au Tribunal du travail de faire droit à l'intégralité de ses prétentions, telles qu'elles ont été exposées ci-dessus, et d'assortir en outre la décision à intervenir du bénéfice de l'exécution provisoire ;

La SCS PO ET Cie conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre ;

Elle fait valoir à cet effet :

– que les lettres des 29 septembre 1997 et 1er octobre 1997 ne peuvent s'analyser en une promesse d'embauche mais en une simple déclaration d'intention, dont l'objet exclusif était de permettre à c CH d'obtenir un crédit à la consommation,

– que les parties ont postérieurement et conjointement modifié les termes de leurs accords initiaux, non encore formalisés, en décidant, ainsi qu'il résulte de la demande de permis de travail revêtue de leurs deux signatures, que l'embauche interviendrait le 15 octobre pour une durée de deux mois moyennant un salaire s'élevant à 6.603,67 F, outre 12 % d'indemnité diverses et un repas,

– que ce contrat de travail, tel qu'il a été conclu entre les parties et homologué par les services de l'emploi, a été scrupuleusement exécuté en conformité des clauses qu'il comportait ;

SUR CE,

1) Sur la demande de rappel de salaires,

Si les parties ont certes dans un premier temps envisagé des conditions de travail différentes, tant en ce qui concerne la durée du contrat que le montant de la rémunération convenue, il n'en demeure pas moins que leur accord a été ultérieurement matérialisé sur d'autres bases, ainsi qu'il résulte de la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail, adressée le 7 novembre 1997 au service de l'emploi ;

En effet aux termes de ce document, revêtu de la signature de l'employeur et du salarié, il était expressément convenu :

– que le contrat de travail était conclu pour une période de deux mois courant du 15 octobre au 15 décembre 1997,

– que le montant du salaire serait de 6.603,67 F, plus 12 % et avantages en nature (un repas) ;

Or l'employeur démontre en l'espèce par les pièces qu'il a versées aux débats à la demande de ce Tribunal avoir réglé à c CH l'intégralité des salaires qui lui étaient dus, sur les bases susmentionnées, pour la période du 15 octobre au 15 décembre 1997 ;

Si c CH soutient certes avoir débuté son activité à une date antérieure à celle stipulée sur la demande d'autorisation d'embauchage, force est de constater toutefois qu'elle n'en rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe, dans la mesure où :

– le témoignage établi par Monsieur m PI qui ne comprend pas les mentions exigées par l'article 324 du Code de procédure civile étant entaché de nullité, la seule attestation établie par Monsieur c VA ne suffit pas à démontrer que c CH ait débuté son activité le 1er octobre 1997,

– l'attestation de travail en date du 15 décembre 1997, produite par la demanderesse faisant état d'une période d'emploi s'étalant du 15 septembre 1997 au 15 décembre 1997, se trouve contredite non seulement par le document portant le même intitulé délivré le 16 décembre 1997 à c CH par son employeur, mais également par les propres écritures de cette dernière, qui a de façon constante soutenu avoir débuté son emploi le 1er octobre 1997 et non le 15 septembre 1997 ;

Le contrat de travail a durée déterminée régularisé le 7 novembre 1997 par les parties ayant en définitive été exécuté sur les bases convenues jusqu'à son terme, c CH qui a été remplie de ses droits ne pourra qu'être déboutée de sa demande de rappel de salaires ;

2) Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive d'une promesse d'embauche,

Il est constant en droit qu'une promesse d'embauche, même verbale, peut engager l'employeur si elle est ferme, adressée à une personne désignée et précise l'emploi proposé, la rémunération et éventuellement la date et le lieu d'entrée en fonctions : qu'en conséquence la rupture d'une telle promesse ouvre droit pour le salarié, si elle n'est pas justifiée, à l'octroi de dommages et intérêts fixés en fonction du préjudice subi ;

En l'espèce, il résulte des pièces produites en original par la demanderesse que par deux documents manuscrits datés du 29 septembre 1997 et du 1er octobre 1997, établis pour l'un d'entre eux sur papier à l'en-tête du CHERIE'S CAFE, r PO s'est engagé à embaucher c CH :

– en qualité d'hôtesse d'accueil,

– à partir du 1er octobre 1997 et pour une durée de six mois,

– pour un salaire global, pourboires inclus, de 20.000,00 F par mois ;

Dès lors d'une part qu'ils contiennent tous les éléments essentiels du contrat de travail et d'autre part qu'ils ne sont subordonnés à la réalisation d'aucune condition particulière, telles que l'accord exprès de l'intéressée ou du service de l'emploi, ces documents, dont Roberto PO n'a jamais contesté être l'auteur, ne constituent pas une simple déclaration d'intention mais une promesse formelle d'engagement ;

La rupture, sans aucun motif, de cette promesse d'embauche ouvre donc droit pour c CH à l'allocation de dommages et intérêts que le Tribunal du travail estime devoir fixer, compte tenu du préjudice matériel subi par l'intéressée, constitué notamment par la perte des salaires escomptés, à la somme de 25.000,00 F ;

3) Sur la demande au titre des frais irrépétibles d'instance,

La notion de frais irrépétibles étant inconnue du droit monégasque, c CH ne pourra qu'être déboutée de la demande formulée à ce titre ;

4) Sur l'exécution provisoire,

Aucune considération particulière ne le justifiant, l'exécution provisoire de la présente décision n'a pas à être ordonnée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré ;

Vu la décision rendue le 2 décembre 1999 par ce Tribunal sous la forme d'une mention au dossier ordonnant la réouverture des débats pour justification par la SCS PO ET Cie CHERIE'S CAFE de tous les règlements qu'elle prétend avoir effectués au cours de l'exécution du contrat de travail au profit de c CH ;

Condamne la SCS PO ET Cie CHERIE'S CAFE à payer à c CH la somme de :

* 25.000,00 Francs (vingt-cinq mille francs), à titre de dommages et intérêts pour rupture injustifiée d'une promesse d'embauche ;

Déboute c CH du surplus de ses prétentions ;

Condamne la SCS PO ET Cie CHERIE'S CAFE aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 614050
Date de la décision : 28/09/2000

Analyses

Contrats de travail


Parties
Demandeurs : c CH
Défendeurs : SCS PO ET CIE CHERIE'S CAFE, CHERIE'S CAFE

Références :

article 324 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-09-28;614050 ?

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