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29/06/2000 | MONACO | N°631265

Monaco | Tribunal du travail, 29 juin 2000, a. CH. c/ la SAM Loews Hotel


Abstract

Licenciement pour inaptitude physique du salarié à remplir ses fonctions de commis de restaurant - Motif valable - Indemnité compensatrice non due pendant le préavis inexécuté - Absence d'abus de droit en l'état de l'absence d'obligation juridique de reclassement dans d'autres fonctions

Résumé

Le licenciement pour inaptitude médicalement constatée d'un commis de restaurant, est justifié et non abusif, en l'état du droit positif monégasque n'imposant pas de reclassement dans d'autres fonctions compatibles avec son état de santé.

Un commis de

restaurant, licencié pour inaptitude physique médicalement constatée à ce poste, est dé...

Abstract

Licenciement pour inaptitude physique du salarié à remplir ses fonctions de commis de restaurant - Motif valable - Indemnité compensatrice non due pendant le préavis inexécuté - Absence d'abus de droit en l'état de l'absence d'obligation juridique de reclassement dans d'autres fonctions

Résumé

Le licenciement pour inaptitude médicalement constatée d'un commis de restaurant, est justifié et non abusif, en l'état du droit positif monégasque n'imposant pas de reclassement dans d'autres fonctions compatibles avec son état de santé.

Un commis de restaurant, licencié pour inaptitude physique médicalement constatée à ce poste, est débouté de l'action par lui engagée devant le tribunal du travail en paiement d'indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de dommages intérêts pour licenciement abusif.

D'une part, la mesure est justifiée par l'inaptitude physique à accomplir sa prestation, supposant le port de charges lourdes proscrites. Le motif ne peut donc qu'être qualifié de valable au sens de l'article 2 de la loi 845 du 27 juin 1968.

D'autre part, durant la période de préavis, il est de principe que chacune des parties doit continuer à exécuter ses obligations contractuelles. Dès lors que le salarié, tenu d'exécuter normalement l'activité pour laquelle il a été embauché, dans les conditions définies au contrat de travail, est dans l'incapacité d'exécuter son préavis à son poste de commis de restaurant, l'indemnité compensatrice qu'il sollicite n'est pas due.

Enfin, il appartient au salarié demandeur (qui soutient qu'il aurait dû être reclassé dans un autre poste), en application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729, de rapporter la preuve de l'abus de droit dans la mise en œuvre du droit de résiliation unilatérale. Or, en l'état actuel du droit positif monégasque, aucune règle n'impose à l'employeur de procéder, par voie de reclassement, à son engagement dans d'autres fonctions, compatibles avec son état de santé. Il ne peut donc être reproché à ce même employeur de ne pas avoir proposé au salarié des postes qui se sont trouvés vacants au sein de l'établissement, étant au surplus précisé que le salarié ne possédait ni les aptitudes physiques ni les compétences professionnelles nécessaires à l'exercice de telles fonctions. Par ailleurs le salarié ne conteste pas avoir refusé l'emploi d'employé de lavabos proposé par son employeur.

Aucune des indemnités demandées n'est donc due, y compris sa demande de dommages intérêts.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 26 octobre 1998 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail suivant lettres recommandées avec avis de réception, en date du 10 novembre 1998 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. CH., en date des 25 février 1999, 17 juin 1999, 4 novembre 1999 et 3 février 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE LOEWS HÔTEL, devenue la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MONTE CARLO GRAND HÔTEL, en date des 22 avril 1999, 7 octobre 1999, 16 décembre 1999 et 9 mars 2000 ;

Ouï Maître Alexis MARQUET, avocat-stagiaire à la Cour d'Appel de Monaco, substituant Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur a. CH., et Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE LOEWS HÔTEL, devenue la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MONTE CARLO GRAND HÔTEL en leurs plaidoiries et conclusions ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauché le 19 avril 1989 en qualité de cafetier par la SAM LOEWS HÔTEL actuellement dénommée MONTE CARLO GRAND HÔTEL, puis affecté, à compter du 1er décembre 1989, au poste de commis de restaurant, a. CH. a été victime d'un accident du travail le 12 août 1997 ;

Déclaré inapte le 10 août 1998 par le Médecin du travail au poste de commis de restaurant, a. CH. a été licencié le 28 août 1998 par son employeur, aux termes d'une lettre recommandée avec accusé de réception datée par erreur du 27 août 1997, libellée comme suit :

« Comme nous vous l'avons expliqué lors de notre entretien préalable qui s'est déroulé le 26 août 1998, nous sommes » contraints de procéder à votre licenciement.

« Le médecin du travail, suite à votre accident du travail » survenu le 12 août 1997, vous a déclaré inapte définitivement à « accomplir votre prestation de travail.

» Nous avons, comme indiqué dans l'avis d'inaptitude, recherché les postes de travail susceptibles de convenir à vos « nouvelles capacités.

» Nous ne sommes malheureusement pas parvenus à trouver un « emploi disponible qui corresponde à votre qualification et » respecte les prescriptions du médecin du travail, notamment : Poste excluant tout port de charge lourde de façon répétée « avec le bras droit. » ;

Soutenant d'une part que son inaptitude partielle, limitée par le médecin du travail au seul métier de commis de restaurant, ne constituait pas un motif valable de licenciement, d'autre part qu'il ne se trouvait pas dans l'impossibilité totale d'exécuter son travail pendant la durée du préavis et enfin qu'il avait en toute hypothèse été traité avec une légèreté blâmable par son employeur, a. CH., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 9 novembre 1998, a attrait ce dernier devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir sa condamnation, avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :

* indemnité de licenciement 26.328,57 F (déduction faite de l'indemnité de congédiement, non cumulable)

* indemnité compensatrice de préavis 16.325,32 F

* dommages et intérêts195.000,00 F ;

À la date fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs puis, après dix renvois contradictoires intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été plaidée lors de l'audience du 25 mai 2000 et mise en délibéré pour être le jugement rendu ce jour 29 juin 2000 ;

a. CH. expose, à l'appui de ses prétentions que son inaptitude partielle, qui est la conséquence d'un accident survenu sur les lieux du travail et qui a été limitée par le médecin du travail au seul métier de commis de restaurant n'empêchait pas la continuation du contrat de travail ;

Qu'en conséquence elle ne saurait constituer un motif valable de licenciement ;

Il soutient par ailleurs que dès lors qu'il se trouvait à la disposition de son employeur pour tout emploi autre que celui pour lequel le médecin du travail l'avait classé inapte, il n'était pas dans l'impossibilité totale de se livrer à tout travail utile à la réalisation de l'objet de l'entreprise ; qu'en lui proposant postérieurement à son licenciement un emploi temporaire d'employé de lavabo, la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL a au contraire implicitement reconnu qu'il était en mesure d'exécuter son préavis ; qu'il est donc en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité compensatrice prévue par l'article 11 de la loi n° 729 ;

Il estime enfin, après avoir rappelé que le contrat de travail au même titre que toutes les conventions doit être exécuté de bonne foi, qu'en ne le reclassant pas au sein de l'Hôtel, alors d'une part qu'il ne demeurait atteint à la suite de son accident du travail que d'un très léger handicap (Incapacité Permanente Partielle fixée à 5 % par le médecin expert) et d'autre part qu'il justifiait au sein de l'établissement d'une expérience professionnelle de neuf années, la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL l'a traité avec une légèreté blâmable ;

Il demande en conséquence au Tribunal du Travail de faire droit à l'ensemble des prétentions contenues dans sa requête introductive d'instance, dont le détail a été fourni ci-dessus ;

La SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par a. CH. ;

Elle fait valoir à cet effet :

* que dès lors que l'inaptitude définitive d'a. CH. à assumer les fonctions de commis de restaurant pour lesquelles il avait été engagé a été médicalement constatée, le licenciement de ce salarié a été mis en œuvre pour un motif valable, au sens de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

* qu'en l'état de son inaptitude physique, l'empêchant d'effectuer son préavis, a. CH. ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité compensatrice qu'il revendique ;

* qu'à partir du moment où l'employeur n'est actuellement tenu en Principauté de MONACO d'aucune obligation de reclassement, elle n'a fait en l'espèce que tirer les conséquences de la modification survenue dans l'état du salarié en mettant fin au contrat de travail ; qu'aucune faute n'étant ainsi caractérisée à son encontre, le licenciement ne peut être qualifié d'abusif ;

SUR QUOI,

1) Sur la validité du motif

Il est constant en l'espèce que la décision de licenciement notifiée le 27 août 1998 à a. CH. repose sur le motif unique tiré de l'inaptitude de ce dernier à remplir les fonctions pour lesquelles il avait été recruté ;

Il ressort par ailleurs des deux fiches de visite médicale, complétées les 28 mai et 10 août 1998 par le Docteur CL., Médecin du travail, qu'après avoir, ensuite de l'accident du travail survenu le 12 août 1997, été déclaré temporairement apte à l'exercice de ses fonctions – SOUS LA RÉSERVE IMPÉRATIVE DE L'ABSENCE DU PORT DE CHARGE DE FACON RÉPETÉE –, a. CH. a été par la suite déclaré définitivement INAPTE au poste de commis de restaurant ;

Si les parties n'ont certes versé aux débats aucune pièce mentionnant la nature de l'emploi occupé par a. CH. au sein de la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL, il résulte néanmoins de leurs conclusions concordantes sur ce point que l'intéressé occupait dans cet établissement un poste de commis de restaurant ;

Dès lors que l'exercice de telles fonctions suppose, sans contestation possible, le port de charges lourdes de façon répétée avec les deux bras, y compris le bras droit, en indiquant, sur la base de l'avis fourni le 10 août 1998 par le Médecin du travail, que a. CH. était inapte physiquement à accomplir sa prestation de travail, la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL a fait état d'un motif qui ne peut être qualifié que de valable, au sens de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

a. CH. ne peut donc en conséquence prétendre au bénéfice de l'indemnité de licenciement qu'il sollicite ;

2) Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Durant la période de préavis, il est de principe que chacune des parties doit continuer à exécuter les obligations découlant du contrat de travail ;

Il en résulte donc que l'employeur doit fournir du travail au salarié, tandis que ce dernier est tenu pour sa part d'exécuter normalement l'activité pour laquelle il avait été embauché, dans les conditions définies au contrat de travail ;

Dès lors que a. CH. se trouvait en l'espèce, en raison de son inaptitude physique, dans l'incapacité d'exécuter son préavis à son poste de commis de restaurant, l'indemnité compensatrice qu'il sollicite ne lui est pas due ;

3) Sur les dommages et intérêts

En application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729, il appartient à a. CH. de rapporter la preuve de l'abus de droit qu'aurait commis son employeur, lors de la mise en œuvre de son droit unilatéral de résiliation ;

Si a. CH., dont le taux d'Incapacité Permanente Partielle consécutif à l'accident du travail dont il a été victime a été fixé à 5 % par le Docteur GU., est certes en mesure d'exercer tout emploi ne nécessitant pas le port de charge lourde de façon répétée avec le bras droit, il n'en demeure pas moins qu'en l'état actuel du droit positif monégasque aucune règle n'imposait à la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL de procéder, par voie de reclassement, à son engagement dans d'autres fonctions, compatibles avec son état de santé ;

Il ne peut donc être reproché à l'employeur de ne pas avoir proposé à a. CH. les postes de valets équipiers, peintres, tournants de hall ou surveillants qui se sont trouvés vacants au sein de l'établissement, étant observé en toute hypothèse et à titre surabondant que a. CH. ne possédait ni les aptitudes physiques (valets équipiers) ni les compétences professionnelles (peintres, tournants de hall - surveillant) nécessaires à l'exercice de telles fonctions ;

Ce dernier ne contestant pas au surplus avoir refusé l'emploi d'employé de lavabo qui lui a été proposé par son employeur le 11 novembre 1998, il n'est pas établi en l'espèce que la SAM MONTE CARLO GRAND HÔTEL, en mettant en œuvre son droit de résiliation dix sept jours après avoir obtenu l'avis d'inaptitude délivré par le Médecin du travail, ait agi avec légèreté blâmable ;

a. CH. sera donc également débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort après en avoir délibéré,

Déboute a. CH. de l'intégralité de ses prétentions ;

Le condamne aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 631265
Date de la décision : 29/06/2000

Analyses

Social - Général ; Rupture du contrat de travail ; Chômage et reclassement


Parties
Demandeurs : a. CH.
Défendeurs : la SAM Loews Hotel

Références :

loi n° 845 du 27 juin 1968
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-06-29;631265 ?

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