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15/06/2000 | MONACO | N°631324

Monaco | Tribunal du travail, 15 juin 2000, m.-a. EN. c/ la SAM Partner's service


Abstract

Refus par une salariée de la modification de son lieu et de ses horaires de travail - Licenciement pour un motif valable mais non pour faute grave en raison des circonstances

Résumé

En l'absence de mentions particulières au contrat, le changement de lieu de travail au sein de la Principauté et des horaires du salarié ne constitue pas une modification d'éléments essentiels du contrat mais de simples changements de ses conditions de travail, décidés par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Une salariée qui s'était vue notifier

le changement de ses lieu et horaires de travail, avait refusé de déférer à ces nou...

Abstract

Refus par une salariée de la modification de son lieu et de ses horaires de travail - Licenciement pour un motif valable mais non pour faute grave en raison des circonstances

Résumé

En l'absence de mentions particulières au contrat, le changement de lieu de travail au sein de la Principauté et des horaires du salarié ne constitue pas une modification d'éléments essentiels du contrat mais de simples changements de ses conditions de travail, décidés par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Une salariée qui s'était vue notifier le changement de ses lieu et horaires de travail, avait refusé de déférer à ces nouvelles directives et avait été licenciée pour faute grave. Elle soutenait qu'en raison de ses obligations familiales, il s'agissait là d'une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail qu'elle était en droit de ne pas accepter. Elle avait attrait son employeur devant le tribunal du travail et demandait des indemnités de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

L'employeur, quant à lui, estimait que le changement imposé avait été décidé dans le cadre de l'exercice légitime de son pouvoir de direction et que le refus était une insubordination constitutive de faute grave.

Le tribunal déboute la salariée de ses demandes de paiement d'indemnités de licenciement, au motif qu'il ne s'agit pas de la modification d'éléments essentiels de son contrat de travail mais de simples changements de ses conditions de travail. Le nouveau lieu de travail se situe également en Principauté, la durée globale du travail est quasiment inchangée et le nouvel horaire n'a pas sensiblement modifié la répartition entre travail de jour et de nuit. Par ailleurs la nature même de l'emploi occupé impliquait une certaine flexibilité d'horaires et de lieux. Le contrat de travail ne contenait pas de mentions particulières laissant supposer que le fait de disposer, outre du dimanche de sa soirée du samedi, ait constitué, lors de son embauche, un élément déterminant son consentement. En refusant ainsi de reprendre son travail, la salariée commettait une faute que l'employeur pouvait sanctionner par un licenciement qui repose ainsi sur un motif valable.

En l'absence de préjudice particulier démontré par l'employeur et compte tenu des circonstances de l'abandon par la salariée de son poste de travail, sous le coup de la colère ou l'émotion et en méconnaissance du droit par celle-ci, les fautes ainsi commises ne peuvent recevoir la qualification de fautes graves .L'indemnité de préavis est due. Le licenciement ne saurait être cependant qualifié d'abusif.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 18 février 1999 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception, en date du 9 mars 1999 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Madame m.-a. EN., en date des 27 mai 1999, 21 octobre 1999 et 13 janvier 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE PARTNER'S SERVICE, en date des 1er juillet 1999 et 25 novembre 1999 ;

Ouï Maître Déborah LORENZI, avocat-stagiaire à la Cour d'Appel de Monaco, assistée de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame m.-a. EN., et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE PARTNER'S SERVICE, en leurs plaidoiries et conclusions ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée le 16 janvier 1997 par la SAM PARTNER'S SERVICE en qualité d'agent de propreté, m.-a. EN. a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 juillet 1998, pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture ;

Soutenant d'une part que la faute qui lui était reprochée ne pouvait, au regard des circonstances dans lesquelles les faits s'étaient déroulés, être qualifiée de faute grave, et d'autre part et en toute hypothèse que la mesure de licenciement dont elle avait fait l'objet revêtait un caractère manifestement abusif, m.-a. EN., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 8 mars 1999, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 5.843,88 F net, au titre du préavis,

* 9.039,89 F brut, à titre d'indemnité pour « licenciement abusif »,

* 3.350,00 F, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

À la date fixée par les convocations, les parties ont comparu par leurs conseils respectifs puis, après six renvois contradictoires intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été plaidée à l'audience du 11 mai 2000 et mise en délibéré pour être le jugement rendu ce jour 15 juin 2000 ;

m.-a. EN. fait valoir à l'appui de ses prétentions que le changement d'équipe et surtout d'horaires qui lui a été notifié le 14 juillet par son employeur constituait, compte tenu de ses obligations familiales dont ce dernier était parfaitement informé, une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail qu'elle était donc en droit de refuser ;

Qu'en conséquence sa décision de ne pas accepter le nouvel horaire qui lui a été proposé ne peut être considérée comme un abandon de poste et encore moins comme un acte d'insubordination ;

Qu'en outre il résulte des investigations effectuées par l'inspection du travail que la SAM PARTNER'S aurait pu, sans subir de préjudice en matière d'organisation du travail, la maintenir à son poste antérieur ;

Soutenant à titre principal que la SAM PARTNER'S ne justifie en définitive d'aucun motif valable l'autorisant à mettre unilatéralement fin à son contrat de travail, à titre subsidiaire qu'au regard des circonstances ci-dessus décrites l'acte d'insubordination qu'elle a pu commettre ne revêt pas le caractère de gravité qui lui est prêté, et en tout état de cause que le licenciement dont elle a été l'objet présente un caractère abusif, elle demande au Tribunal du Travail de faire droit à l'intégralité des demandes contenues dans sa requête introductive d'instance, dont le détail a été fourni ci-dessus ;

La SAM PARTNER'S SERVICE prétend pour sa part que le changement d'horaires imposé à m.-a. EN., qui a été décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir souverain de direction pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ne constitue pas une modification substantielle du contrat de travail de celle-ci ;

Qu'en toute hypothèse, si cette modification devait être qualifiée de substantielle par la présente juridiction, la rupture du contrat de travail, consécutive au refus opposé par le salarié, ne serait pas nécessairement abusive ni source de dommages et intérêts pour celui-ci ;

Estimant en définitive qu'en ne se présentant pas sur son lieu de travail le 20 juillet 1998 ni les jours suivants et en refusant ainsi de se soumettre aux instructions de son employeur, m.-a. EN. s'est rendu coupable d'une faute grave, justifiant son licenciement immédiat sans préavis ni indemnité de rupture, la SAM PARTNER'S conclut à l'entier débouté des demandes formées à son encontre ;

SUR QUOI,

Il est constant en l'espèce que par un courrier en date du 15 juillet 1998 la SAM PARTNER'S SERVICE a notifié à m.-a. EN. le changement de son lieu et de son horaire de travail ;

Contrairement à ce que soutient la demanderesse, il ne s'agit pas là de modifications d'éléments essentiels de son contrat de travail, mais de simples changements de ses conditions de travail, décidés par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction dans la mesure où :

* le nouveau lieu de travail (thermes marins de Monte Carlo) se situe également en Principauté, et donc dans le même secteur géographique que le précédent (quartier de Fontvieille),

* la durée globale du travail demeure quasiment inchangée,

* le nouvel horaire décidé par l'employeur n'a pas sensiblement modifié la répartition entre travail de jour et travail de nuit (18 h - 24 h du lundi au mercredi 17 h - 23 h le jeudi et le vendredi 9 h - 12 h le samedi jusqu'au 14 juillet 1998 et postérieurement à cette date du lundi au samedi de 18 h à 24 h),

* la nature même de l'emploi occupé par m.-a. EN. impliquait en tout état de cause une certaine flexibilité, tant en ce qui concerne les horaires que les lieux de travail, comme en attestent les articles 6-3 et 6-4 du titre IV du règlement intérieur de la SAM PARTNER'S SERVICE,

* en l'absence de mention dans le contrat de travail et à défaut de tout autre élément, il n'est pas démontré par m.-a. EN. que le fait de disposer, outre du dimanche, de sa soirée du samedi, ait constitué lors de son embauche, un élément déterminant ;

Le changement des conditions de travail de m.-a. EN. décidé par l'employeur à la suite de la perte du contrat SOREMARTEC, pouvait donc être mis en œuvre par celui-ci sans l'accord de la salariée, sous réserve seulement que les délais de prévenance prévus par le règlement intérieur aient été respectés, ce qui n'est pas contesté en l'espèce ;

Alors qu'elle avait pourtant bien reçu notification (cf. signature apposée le 16 juillet 1998 sur l'accusé de réception) de sa nouvelle affectation et de ses nouveaux horaires, il est également constant que m.-a. EN. ne s'est pas présentée au rendez-vous qui lui avait été fixé le lundi 20 juillet 1998 à 17 h afin de rencontrer son nouveau chef d'équipe ;

Elle ne s'est pas davantage rendu les jours suivants sur son nouveau lieu de travail (les thermes marins de Monte Carlo) ;

En refusant ainsi de reprendre le travail, alors que le changement de ses conditions de travail avait été décidé par la SAM PARTNER'S dans l'exercice de son pouvoir souverain de direction, m.-a. EN. a commis une faute, que son employeur était en droit de sanctionner par un licenciement ;

Le congédiement de cette salariée a donc été mis en œuvre pour un motif valable ;

Dès lors toutefois d'une part que la SAM PARTNER'S ne justifie pas que cette absence lui ait causé ou ait pu lui causer un préjudice particulier et d'autre part qu'au regard des circonstances particulières de l'espèce l'abandon par m.-a. EN. de son poste de travail, intervenu par méconnaissance du droit et sous le coup de la colère ou l'émotion, ne peut être qualifié d'acte d'insubordination caractérisée, les fautes ainsi commises par cette dernière ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis et ne peuvent dès lors recevoir la qualification de fautes graves ;

Il sera dans ces conditions alloué à m.-a. EN., compte tenu de son ancienneté de services et du montant de son salaire, la somme brute de 5.987,68 F, à titre d'indemnité de préavis ;

Ce licenciement ne pouvant, au regard des conditions dans lesquelles il a été mis en œuvre, être qualifié d'abusif, m.-a. EN. sera en revanche déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,,

Statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement de m.-a. EN. ne repose pas sur une faute grave mais sur un motif valable ;

Dit en outre qu'il ne revêt aucun caractère abusif ;

Condamne en conséquence la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE PARTNER'S SERVICE à payer à m.-a. EN. la somme brute de :

5.987,68 Francs, (cinq mille neuf cent quatre-vingt-sept francs et soixante-huit centimes) à titre d'indemnité de préavis,

Déboute m.-a. EN. du surplus de ses prétentions ;

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE PARTNER'S SERVICE aux dépens qui seront recouvrés conformément à la législation régissant l'assistance judiciaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 631324
Date de la décision : 15/06/2000

Analyses

Social - Général ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : m.-a. EN.
Défendeurs : la SAM Partner's service

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-06-15;631324 ?

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