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15/06/2000 | MONACO | N°258051

Monaco | Tribunal du travail, 15 juin 2000, S. V. c/ C. J.


Abstract

Contrat de travail

Contrat à durée indéterminée - Résiliation fondée sur l'article 6 de la loi n° 729 du 15 mars 1963 - Obligation pour l'employeur qui a mis fin au contrat de verser au salarié les indemnités prévues par la loi n° 845 du 27 juin 1968 - Appréciation du caractère abusif ou non du licenciement indépendamment du comportement professionnel du salarié

Résumé

Sur la demande d'indemnité de licenciement :

Il ressort des termes de la correspondance adressée le 6 mars 1998 par C. J. à S. V. que l'employeur a entendu en

l'espèce faire usage du droit autonome et unilatéral de résiliation dont il dispose en application des...

Abstract

Contrat de travail

Contrat à durée indéterminée - Résiliation fondée sur l'article 6 de la loi n° 729 du 15 mars 1963 - Obligation pour l'employeur qui a mis fin au contrat de verser au salarié les indemnités prévues par la loi n° 845 du 27 juin 1968 - Appréciation du caractère abusif ou non du licenciement indépendamment du comportement professionnel du salarié

Résumé

Sur la demande d'indemnité de licenciement :

Il ressort des termes de la correspondance adressée le 6 mars 1998 par C. J. à S. V. que l'employeur a entendu en l'espèce faire usage du droit autonome et unilatéral de résiliation dont il dispose en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963. Si ce texte l'autorise certes à se séparer de son salarié en dehors de tout motif inhérent à la personne de ce dernier mais du seul fait de sa volonté, l'employeur doit toutefois supporter les conséquences de cette absence d'énonciation de motif en versant aux salariés concernés les indemnités de congédiement et de licenciement prévues par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

En décider autrement conduirait en effet inévitablement les employeurs par souci d'économie à licencier leurs salariés sur le seul visa de l'article 6 et non plus pour un motif inhérent à la personne de l'employé, évitant ainsi le risque que le tribunal, n'admettant pas la validité du motif invoqué, les condamne au paiement de l'indemnité de licenciement.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Si l'employeur peut éviter, en application des dispositions combinées des articles 2 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le contrat de travail quelque soit la nature ou la qualification d'un licenciement, avoir commis une faute au sens de l'article 1229 du Code civil dans l'exercice de son droit unilatéral de résiliation, seules doivent être prises en considération, pour caractériser l'existence éventuelle d'une telle faute, les circonstances de fait ayant entouré la rupture du contrat de travail, à l'exclusion de toutes considérations inhérentes au comportement professionnel du salarié.

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce, dès lors que le licenciement de S. V. est intervenu au vu des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729, de se pencher sur les motifs qui ont pu conduire l'employeur à prendre cette décision, et ce, même si ceux-ci ont été effectivement esquissés dans les correspondances échangées entre les parties au cours du mois de février 1998.

Les observations ou les critiques que C. J. a ainsi pu être amené à adresser à S. V., relativement à ses prestations ou à ses compétences, n'ont donc pas à être discutées dans le cadre de la présente instance et ne peuvent en conséquence être utilement invoquées pour établir le caractère abusif du licenciement, dont celui-ci prétend avoir fait l'objet.

Le défaut de règlement par C. J. de l'indemnité de licenciement revenant à S. V. ne suffisant pas, en l'absence de tout autre élément, à caractériser la légèreté blâmable de l'employeur le licenciement ne peut être qualifié d'abusif.

S. V. ne pourra dans ces conditions qu'être débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Motifs

Le Tribunal du travail,

Embauché le 1er juillet 1996 par C. J. en qualité de Dessinateur Projeteur Compositeur, S. V. a été licencié le 25 février 1998 par son employeur, ledit congédiement prenant effet au 1er avril 1998 ;

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 6 juillet 1998, S. V. a attrait C. J. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, afin d'obtenir sa condamnation sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts de droit au paiement des sommes suivantes :

* 12 086,47 francs à titre d'indemnité de licenciement,

* 80 000,00 francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

À la date fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs puis, après onze renvois contradictoires intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été plaidée à l'audience du 11 mai 2000 et mise en délibéré pour être le jugement rendu ce jour 15 juin 2000 ;

S. V. fait valoir à l'appui de ses prétentions que si l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 autorisait certes C. J. a mettre un terme à son contrat de travail, sans aucun motif, du fait de sa seule volonté, ce dernier aurait dû néanmoins supporter les conséquences de cette absence de motif en lui versant l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

Il soutient par ailleurs qu'en l'espèce la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail a été la source d'un préjudice pour lui dans la mesure où :

• La qualité de ses prestations et sa compétence s'étant inconsidérément et injustement trouvées mises en cause, il a subi un préjudice moral non négligeable ;

• N'ayant pas perçu au moment où les relations contractuelles ont pris fin le montant de l'indemnité de licenciement qui lui était due et ayant du également renoncer à l'achat de l'appartement qu'il avait projeté d'acquérir, en raison de la baisse de ses revenus (sa perte de salaires sur six mois peut être chiffrée à 29 063,46 francs), il justifie en outre d'un préjudice financier direct et certain ;

Il estime en conséquence qu'il est en droit de prétendre, en application des dispositions combinées des articles 2 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, compte tenu de la faute commise par C. J. dans l'exercice de son droit unilatéral de résiliation, à l'allocation d'une somme de 80 000,00 francs à titre de dommages et intérêts ;

C. J. conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par S. V. ;

Il invoque à cette fin, en substance, les moyens suivants :

• L'employeur n'a pas l'obligation de verser l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 lorsqu'il choisit de mettre en œuvre le droit autonome et unilatéral de résiliation que lui reconnaît l'article 6 de la loi n° 729, lequel lui permet purement de congédier un salarié sans se référer, de façon explicite ou implicite, à un motif inhérent à la personne de celui-ci ;

• Il n'est pas établi en l'espèce que ce droit de résiliation unilatéral ait été exercé avec légèreté blâmable ou intention de nuire, l'accord des parties découlant au contraire directement de la signature le 24 avril 1998 d'un reçu pour solde de tout compte ;

Sur quoi :

1) Sur la demande d'indemnité de licenciement :

Il ressort des termes de la correspondance adressée le 6 mars 1998 par C. J. à S. V. que l'employeur a entendu en l'espèce faire usage du droit autonome et unilatéral de résiliation dont il dispose en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 ;

Si ce texte l'autorise certes à se séparer de son salarié en dehors de tout motif inhérent à la personne de ce dernier, mais du seul fait de sa propre volonté, l'employeur doit toutefois supporter les conséquences de cette absence d'énonciation de motif en versant aux salariés concernés les indemnités de congédiement et de licenciement prévues par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

En décider autrement conduirait en effet inévitablement les employeurs par souci d'économie à licencier leurs salariés sur le seul visa de l'article 6 et non plus pour un motif inhérent à la personne de l'employé, évitant ainsi le risque que le Tribunal, n'admettant pas la validité du motif invoqué, les condamne au paiement de l'indemnité de licenciement ;

C. J., sera en conséquence condamné à payer à S. V., compte tenu de l'ancienneté de services de celui-ci et du montant de sa rémunération mensuelle, la somme de :

13 734,63 x 22

* -----

25

= 12 086,47 francs

2) Sur la demande de dommages et intérêts :

Si l'employeur peut certes, en application des dispositions combinées des articles 2 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le contrat de travail, quelle que soit la nature ou la qualification d'un licenciement, avoir commis une faute au sens de l'article 1229 du Code civil dans l'exercice de son droit unilatéral de résiliation, seules doivent être prises en considération, pour caractériser l'existence éventuelle d'une telle faute, les circonstances de fait ayant entouré la rupture du contrat de travail à l'exclusion de toute considération inhérente au comportement professionnel du salarié ;

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce, dès lors que le licenciement de S. V. est intervenu au visa des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729, de se pencher sur les motifs qui ont pu conduire l'employeur a prendre cette décision et ce même si ceux-ci ont été effectivement esquissés dans les correspondances échangées entre les parties au cours du mois de février 1998 ;

Les observations ou les critiques que C. J. a ainsi pu être amené à adresser à S. V., relativement à ses prestations ou à ses compétences, n'ont donc pas à être discutées dans le cadre de la présente instance et ne peuvent en conséquence être utilement invoquées pour établir le caractère abusif du licenciement dont celui-ci prétend avoir fait l'objet ;

Le défaut de règlement par C. J. de l'indemnité de licenciement revenant à S. V. ne suffisant pas, en l'absence de tout autre élément à caractériser la légèreté blâmable de l'employeur, le licenciement ne peut être qualifié d'abusif ;

S. V. ne pourra dans ces conditions qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

3) Sur l'exécution provisoire :

Au regard de l'ancienneté de l'affaire (le licenciement a été prononcé il y a plus de 2 ans) et du caractère non sérieusement contestable de la demande formée par S. V., il convient d'assortir la présente décision du bénéfice de l'exécution provisoire ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du travail,

Statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort après en avoir délibéré,

Condamne C. J. à payer à S. V. la somme de 12 086,47 francs (douze mille quatre vingt six francs, quarante sept centimes), à titre d'indemnité de licenciement majorée des intérêts au taux légal échus à compter du 6 juillet 1998 ;

* Déboute S. V. du surplus de ses prétentions ;

* Ordonne l'exécution provisoire du jugement dans les limites définies par l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 modifiée.

Composition

Mme Coulet-Castoldi Juge de paix. prés. ; Mme Martet et MM. Mas, Giannotti, Hamet membres employeurs et salariés ; Mes Pastor, Blot av. déf. ; Rieu av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 258051
Date de la décision : 15/06/2000

Analyses

Contrats de travail


Parties
Demandeurs : S. V.
Défendeurs : C. J.

Références :

loi n° 845 du 27 juin 1968
article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 6 de la loi n° 729 du 15 mars 1963
article 1229 du Code civil
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
articles 2 et 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-06-15;258051 ?

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