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04/05/2000 | MONACO | N°12091

Monaco | Tribunal du travail, 4 mai 2000, m PA c/ c BR, Centre d'oxygénothérapie et Mme Veuve g BR es qualité d'héritière g BR


Abstract

Licenciement pour motif économique - Rappel de salaires - Convention collective applicable - Référence à la région économique voisine - Indemnité de congédiement non concernée par cette référence

Résumé

L'indemnité de congédiement n'est pas concernée par la référence aux conventions et usages de la région économique voisine de la Principauté.

L'assistante d'un Centre d'esthétique corporelle, embauchée le 1er octobre 1991 est licenciée, pour motif économique, le 7 novembre 1996 par la cessionnaire de l'entreprise bénéficiaire de la

donation de ce Centre. La salariée a attrait son employeur, puis les précédents exploitants, en d...

Abstract

Licenciement pour motif économique - Rappel de salaires - Convention collective applicable - Référence à la région économique voisine - Indemnité de congédiement non concernée par cette référence

Résumé

L'indemnité de congédiement n'est pas concernée par la référence aux conventions et usages de la région économique voisine de la Principauté.

L'assistante d'un Centre d'esthétique corporelle, embauchée le 1er octobre 1991 est licenciée, pour motif économique, le 7 novembre 1996 par la cessionnaire de l'entreprise bénéficiaire de la donation de ce Centre. La salariée a attrait son employeur, puis les précédents exploitants, en demandant la jonction des instances, estimant injustifié et abusif le licenciement intervenu et réclamant,outre des rappels de salaires fondés sur les dispositions de la Convention Collective de la Parfumerie de détail et de l'Esthétique, des indemnités de préavis, congés payés, licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif. L'employeur, quant à lui, soutient que la Convention collective dont l'application est revendiquée n'est pas applicable pour la période au cours de laquelle le précédent exploitant du Centre, alors de soins paramédicaux, avait la qualité d'employeur. Il prétend qu'en toute hypothèse, l'indemnité de congédiement n'est pas concernée par la référence aux conventions et usages de la région économique voisine. La réalité du motif économique est, selon lui, démontrée par les éléments comptables et les agendas de travail.

Le Tribunal du Travail, après avoir fait droit à la demande de jonction des procédures dans le souci d'une bonne administration de la justice, constate suffisamment établie la dégradation de la situation économique du Centre, et estime avéré le motif de licenciement. L'ordre des licenciements, prévu par l'article 6 de la loin° 629, n'avait pas à être mis en œuvre car les trois employés n'appartenaient pas la même catégorie professionnelle. Enfin, il n'existe aucun abus dans la mise en œuvre de la rupture. Des dommages et intérêts ne sont aucunement dus à ce titre. Enfin, sur les rappels de salaires, la Convention collective française du personnel de la parfumerie de détail et de l'esthétique ne peut servir de base à la rémunération minimale qui devait être servie à la dame M.P. qu'à compter du moment où le Centre de soins paramédicaux s'est transformé en Centre de soins de beauté. La salariée est ainsi déboutée des sommes qu'elle réclame pour la période antérieure et se voit allouer un rappel de salaire pour la période postérieure. Sur l'indemnité de congédiement, dès lors qu'elle puise sa source dans la rupture du contrat et n'est donc pas un élément de la rémunération du travail au sens des articles 1 et 5 de la loi n° 739, celle-ci n'est pas concernée par la notion de référence à la région économique voisine de la Principauté. La salariée ne peut donc prétendre au bénéfice du complément d'indemnité qu'elle sollicite.

Motifs

AUDIENCE DU 4 MAI 2000

En la cause de Madame m. PA., Assistante, demeurant : X MC 98000 MONACO,

demanderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre 1°) Mademoiselle c. BR., CENTRE D'OXYGENOTHERAPIE, Centre para médical de soins, se situant : X - MC 98000 MONACO,

2°) Madame Veuve g. BR. née GA., Es-qualité d'héritière de feu g. BR., ayant exploité le Centre d'Oxygénothérapie, situé X à MONACO, demeurant : X 98000 MONACO,

défenderesses, plaidant par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'autre part ;

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 10 mars 1997 et 19 juin 1998 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception, en date des 25 mars 1997 et 7 juillet 1998 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur, au nom de Madame m PA, en date des 5 juin 1997, 27 novembre 1997, 30 avril 1998, 8 octobre 1998, 4 février 1999 et 22 avril 1999 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, aux noms de c BR et Madame Veuve g BR née GA, en date des 9 octobre 1997, 12 février 1998, 25 juin 1998, 7 janvier 1999, 18 mars 1999, 22 avril 1999 et 10 juin 1999 ;

Ouï Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice, assistée de Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame m PA, et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco aux noms de c BR, et Madame Veuve g BR née GA, en leurs plaidoiries et conclusions ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 24 mars 1997, m PA a attrait son ancien employeur, c BR devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 32.536,58 F, à titre de rappel de salaire,

* 869,00 F, à titre de solde de préavis,

* 12.126,81 F, à titre de solde de congés payés,

* 4.165,00 F, à titre de solde d'indemnité de congédiement,

* 12.456,40 F, à titre d'indemnité de licenciement,

* 100.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

le tout avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Elle demandait en outre la régularisation sur les bulletins de salaire et auprès des organismes sociaux des commissions qui lui ont été versées du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996 ;

Ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 6 juillet 1998, m PA a par ailleurs appelé en cause Madame c GA veuve BR, afin que cette dernière soit condamnée à lui payer, en sa qualité d'héritière de g BR, la somme de 12.303,30 F, représentant le montant du rappel de salaire qui lui est dû pour la période du 1er septembre 1994 au 26 février 1995, ainsi que les congés payés y afférents, soit 1.230,33 F, le tout avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Aux audiences fixées par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs, puis, après plusieurs renvois intervenus à la demande des avocats, les deux affaires ont été plaidées le 9 mars 2000 et mises en délibéré pour être le jugement rendu ce jour 4 mai 2000 ;

m PA expose, à l'appui de ses prétentions, qu'après avoir été embauchée par Monsieur g BR le 1er octobre 1991 en qualité d'assistante au Centre dit d'Oxygénothérapie, elle a été licenciée le 7 novembre 1996 par c BR, au bénéfice de laquelle son contrat de travail avait été transféré, ensuite de la donation intervenue le 26 février 1995, pour le motif suivant :

« Comme je vous l'ai exposé à de nombreuses reprises » récemment, la situation économique du Centre « d'Oxygénothérapie s'est dégradée et ce phénomène semble » malheureusement s'amplifier.

« Dans ces circonstances, je me dois de prendre des décisions » relatives à la survie de mon activité et c'est la raison pour « laquelle je suis obligée de procéder à votre licenciement pour » raisons économiques. « ;

Prétendant d'une part que la réalité et le sérieux des difficultés économiques alléguées par c BR ne sont pas établies par les pièces qui ont été versées aux débats, le document informel intitulé » Revenus et Dépenses du 1er janvier au 31 décembre 1996 « n'ayant aucune force probante, et d'autre part et en toutes hypothèses que l'ordre des licenciements prévu par l'article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 n'a pas été respecté en l'espèce, m PA réclame l'allocation à son profit d'une somme de 13.758,88 F, à titre d'indemnité de licenciement ;

Estimant en outre que c BR a fait un usage abusif de son droit de licencier, elle sollicite l'allocation d'une somme de 100.000,00 F à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'important préjudice tant matériel (n'ayant pas retrouvé d'emploi à ce jour ses revenus sont exclusivement constitués des allocations qui lui sont servies par l'ASSEDIC) que moral qu'elle a subi ;

Elle fait valoir par ailleurs, que son salaire et les accessoires de celui-ci auraient dû être calculés sur la base des dispositions de la Convention Collective de la Parfumerie de détail et de l'Esthétique et réclame en conséquence dans le dernier état de ses écritures devant cette juridiction, l'allocation des sommes suivantes :

• 26.205,02 F, à titre de rappel de salaires (en ce compris l'indemnité monégasque de 5 % et la prime d'ancienneté) pour la période allant du 1er septembre 1994 au 14 novembre 1996, outre les intérêts de droit à compter du jour ou chacun des compléments mensuels aurait dû être versé et à compter du 31 décembre 1995 en ce qui concerne la somme de 133,02 F,

• 105,89 F, représentant le montant des intérêts au taux légal dus sur le montant du rappel de commissions lui revenant, lequel ne lui a été réglé que le 28 janvier 1998,

• 431,30 F, à titre de solde d'indemnité de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 1996 sur 787,40 F, et à compter du 31 mars 1997 sur 431,30 F,

• 624,80 F, à titre de solde d'indemnité de congédiement avec intérêts de droit sur la somme de 4.789,80 F, à compter du 14 novembre 1996 et sur 624,80 F, à compter du 31 mars 1997 ;

Elle soutient enfin que diverses sommes lui sont encore dues au titre des congés payés, qu'il s'agisse de la période de référence du 1er mai 1995 au 30 avril 1996, où elle n'a bénéficié que de 16 jours de congés payés ou de la période du 1er mai au 15 janvier 1997, pour laquelle elle n'a reçu qu'une somme de 4.072,82 F, alors qu'il lui était dû une somme de 6.799,37 F, ou enfin des indemnités afférentes aux différents rappels de salaires qu'elle a sollicités dans le cadre de la présente procédure, soit au total une somme de 10.613,42 F Brut majorée des intérêts de droit sur 11.961,63 F, à compter du 14 novembre 1996 au 31 mars 1997 et sur 10.613,42 F, à compter du 31 mars 1997 ;

Rappelant en dernier lieu que c BR a administré le fonds de commerce » Centre d'Oxygénothérapie « à partir du décès de g BR, que ce soit pour son compte personnel ou pour celui de Madame Veuve BR née GA, elle sollicite la jonction de la procédure d'appel en cause introduite à l'encontre de celle-ci avec la procédure dirigée à l'encontre de c BR, ainsi que la condamnation solidaire et conjointe de Mesdames BR et GA au paiement de la somme de 12.404,70 F, représentant le montant du rappel de salaire ainsi que les congés payés y afférents qui lui sont dus pour la période du 1er septembre 1994 au 26 février 1995 ;

c BR demande au Tribunal du Travail de constater que m PA a été intégralement remplie de ses droits par les deux règlements intervenus en cours de procédure à son profit, à savoir la somme de 16.303,43 F le 27 mars 1997 et celle de 1.855,17 F le 28 janvier 1998, et de débouter en conséquence cette dernière de l'intégralité des prétentions qu'elle a formées, tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail ;

Elle fait valoir à cet effet en premier lieu qu'alors que g BR, eu égard à sa qualification de masseur, relevait des professions para médicales et dispensait à ce titre essentiellement des soins, en exécution d'ordonnances délivrées par des médecins et remboursés par les caisses sociales, l'activité exercée sous sa direction, consistait en des soins esthétiques du visage et accessoirement du corps ;

Qu'en conséquence la Convention Collective de la Parfumerie, dont elle relève effectivement en ce qui concerne le salaire et dont m PA a bénéficié à compter du 28 septembre 1995, date de la conclusion de son contrat de travail, n'est pas applicable pour la période antérieure, au cours de laquelle g BR d'abord, et l'Hoirie BR ensuite, avaient seuls la qualité d'employeur ;

Qu'en outre l'indemnité de congédiement, qui n'a pas la nature d'un salaire, n'est pas concernée par la notion de référence aux conventions et usages de la région économique voisine ; qu'au surplus m PA, qui a bénéficié, en raison de l'arrêt de l'activité du magasin pendant quatre mois pour cause de travaux de beaucoup plus de congés que ceux auxquels elle avait droit en vertu des dispositions légales, ne peut prétendre à l'allocation de l'indemnité compensatrice qu'elle réclame à ce titre ;

Elle soutient en toute hypothèse qu'à partir du moment où elle ne peut être considérée comme propriétaire du fonds avant le 29 mai 1995, date à laquelle elle a obtenu l'agrément du Gouvernement, toutes les revendications formulées par m PA pour la période antérieure ne peuvent être dirigées qu'à l'encontre de la succession de g BR ;

Elle prétend par ailleurs que la réalité du motif économique qui l'ont conduit à restructurer son exploitation et à supprimer le poste de m PA est établie à la fois par les éléments comptables et par les agendas de travail versés aux débats, lesquels révèlent à la fois une perte de clientèle et une situation déficitaire, malgré un apport de trésorerie de 120.000,00 F ;

Madame GA veuve BR conclut pour sa part à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel en cause formé à son encontre et à titre subsidiaire à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par m PA ;

Ses moyens sont les suivants :

• la demande tendant à obtenir sa condamnation conjointement et solidairement avec c BR au paiement de la somme totale de 12.404,70 F, formulée pour la première fois dans les conclusions déposées le 8 octobre 1998, n'a pas été soumise à la tentative de conciliation préalable et n'est donc pas recevable,

• m PA, qui n'est pas susceptible d'être condamnée à paiement ou à exécution d'une obligation, n'a pas qualité pour former un appel en cause et garantie,

• dès lors qu'il n'existe aucune solidarité ou indivisibilité entre les propriétaires successifs d'un fonds de commerce pour des réclamations distinctes concernant des périodes différentes au cours desquelles chaque commerçant a engagé sa propre responsabilité, la jonction d'instances sollicitée par m PA ne peut être ordonnée,

• les dispositions des articles 267 et suivants du Code de Procédure Civile qui disposent que l'appel en garantie doit être sollicité avant toute défense au fond n'ont pas été respectées par m PA ;

m PA réplique en substance à ces divers arguments :

Que s'agissant d'un même litige concernant la même employée relatif à l'exécution d'un même contrat de travail dans le cadre de l'exploitation du même Centre de soins, l'intérêt à prononcer pour une bonne administration de la justice la jonction de ces deux procédures est flagrant ; qu'en outre, à partir du moment où c BR, en établissant notamment les bulletins de salaire et en lui donnant les consignes nécessaires se comportait bien en fait comme son employeur, la condamnation conjointe et solidaire de celle-ci avec Madame GA est parfaitement justifiée ;

Qu'enfin si certains traitements dispensés dans le Centre d'Oxygénothérapie du temps de g BR étaient peut-être pratiqués sur ordonnances médicales et remboursés par les caisses sociales après entente préalable, ce n'était de loin pas le cas de tous les soins ;

SUR QUOI,

1) Sur la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 57 de l'année judiciaire 1996-1997 et 6 de l'année judiciaire 1998-1999

Il résulte des termes de la requête introductive d'instance en date du 19 juin 1998 que la demande formée par m PA à l'encontre de Madame c GA veuve BR tend à obtenir le paiement par cette dernière des sommes de 12.103,30 F et 1.230,33 F représentant le rappel de salaire qui lui serait dû pour la période du 1er septembre 1994 au 26 février 1995 ainsi que les congés payés y afférents ;

Il ne s'agit donc nullement d'un appel en garantie mais d'un simple appel en cause, aux fins de condamnation, m PA ayant saisi le Tribunal du Travail d'une demande plus vaste à l'encontre de c BR englobant notamment la période susvisée ;

Les dispositions des articles 267 et suivants du Code de Procédure Civile ne sont donc pas applicables en l'espèce ;

Dès lors au surplus que les pièces du dossier (convocation en conciliation, procès-verbal de défaut) démontrent que cette demande a bien été soumise au préliminaire de conciliation, c'est à tort que Madame GA soutient qu'elle serait irrecevable ;

S'agissant en définitive d'un même litige, concernant la même employée, relatif à l'exécution d'un même contrat de travail dans le cadre de l'exploitation d'un même Centre de soins, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de faire droit à la demande de m PA en ordonnant la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 57/96-97 et 6/98-99 ;

2) Sur le licenciement

La dégradation de la situation économique du Centre d'Oxygénothérapie ayant conduit c BR à supprimer purement et simplement le poste occupé par m PA et donc à procéder au licenciement de celle-ci est suffisamment établie par l'état des revenus et dépenses pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 d'une part par les agendas professionnels tenus par m PA elle-même, et enfin par le registre des entrées et sorties du personnel ;

Ce dernier document révèle en effet tout d'abord qu'aucune salariée n'a été recrutée, postérieurement au congédiement de m PA, pour occuper le poste d'assistante ;

Par ailleurs l'état comptable établi par c BR, s'il n'a certes pas de caractère officiel, démontre toutefois que malgré un apport de trésorerie de l'exploitante s'élevant à 120.200,00 F l'exercice s'est soldé par un résultat négatif de 15.470,20 F ;

Le contenu de la rubrique » Frais Bancaires «, qui fait état d'agios à hauteur de 16.292,26 F et de frais pour insuffisance de provision s'élevant à 2.707,82 F, caractérise par ailleurs indiscutablement l'existence des difficultés financières alléguées par c BR ;

Le motif économique invoqué par l'employeur à l'appui de sa décision de rompre le contrat de travail est donc bien avéré ;

Aucune violation de l'ordre des licenciements prévu par l'article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 n'est par ailleurs établie en l'espèce ;

En effet, si les trois salariées en fonction dans l'entreprise à la date du licenciement, à savoir Mesdames PA, BE et MI avaient certes toutes les trois le même coefficient (190) et donc le même salaire, il résulte des mentions contenues dans les demandes d'autorisation d'embauchage ainsi que sur les permis de travail que seules Mesdames BE et MI avaient la qualification professionnelle d'esthéticienne, m PA n'étant pour sa part qu'une simple assistante ;

Cette dernière n'était donc pas habilitée, à défaut de posséder le diplôme nécessaire, à dispenser les soins d'esthétique pratiqués dans le Centre depuis sa reprise par c BR, tels qu'ils figurent sur les dépliants versés aux débats à savoir :

– les soins du visage,

– les épilations,

– les teintures et maquillages,

– les soins des pieds et des mains,

– les dermopigmentations, etc.,

et se trouvait dès lors cantonnée aux seuls soins du corps, ainsi qu'à la vente de produits de beauté ;

Dès lors ainsi que du strict point de vue des compétences professionnelles il ne pouvait être indifférent à l'employeur de se séparer de l'une ou l'autre de ses salariées, Mesdames BE et MI pouvant effectuer le travail confié à m PA alors que l'inverse n'était pas envisageable, il doit être considéré que ces trois employées, bien qu'ayant le même coefficient, n'appartenaient pas à la même catégorie professionnelle ;

L'ordre des licenciements prévu par l'article 6 de la loi n° 629 susvisée n'avait ainsi pas à être mis en œuvre ;

m PA ne prouvant pas enfin contre son employeur, au regard des circonstances qui ont entouré la rupture du contrat de travail, l'existence d'une faute commise par celui-ci dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, le licenciement mis en œuvre à son encontre ne peut être qualifié d'abusif, au sens retenu par l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ;

3) Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Si les témoignages émanant de clientes versés au débat par m PA démontrent certes qu'il a toujours été procédé, au sein du Centre d'Oxygénothérapie à la vente de produits cosmétiques et à la réalisation de soins esthétiques du corps, il n'en demeure pas moins que l'activité principale de cet établissement, lorsqu'il était dirigé par g BR, résidait dans l'accomplissement de soins et traitements spécialisés de nature thérapeutique essentiellement dispensés par un personnel para médical, sur prescription médicale et remboursés en conséquence par les caisses sociales, après entente préalable ;

Il ressort en effet des extraits du Journal Officiel de Monaco que g BR, qui possédait la qualification de Masseur, se trouvait assimilé vis à vis de la Sécurité Sociale à un auxiliaire médical ;

Cette analyse se trouve par ailleurs confortée :

– d'une part par la présentation des différents soins pratiqués à cette époque dans le Centre telle qu'elle est effectuée dans le dépliant versé aux débats lequel fait état de soins » paramédicaux « » adaptés à chaque cas « nécessaires pour » votre équilibre psychique et pour l'esthétique de votre corps « dans les hypothèses suivantes :

• Remise en forme (état dépressif, nervosité, suite accouchement),

• Circulation du sang (jambes lourdes, varices, troubles circulatoires),

• Autres indications (anémie, désintoxication, rhumatismes, etc.) ;

– d'autre part par l'intitulé même de l'établissement tel qu'il figure dans l'acte de donation reçu le 27 février 1995 par Maître AUREGLIA » Fonds de Commerce de soins para médicaux « exploité à MONACO sous l'enseigne » Centre d'Oxygénothérapie et de kinésithérapie " ;

La convention collective française du personnel de la parfumerie de détail et de l'esthétique ne doit donc en l'espèce servir de base à la rémunération minimale qui devait être servie à m PA qu'à partir du 18 septembre 1995, date à laquelle le centre, après réalisation d'importants travaux de restructuration et l'embauche d'un nouveau personnel exclusivement composé d'esthéticiennes, s'est transformé sous la direction de c BR, qui ne disposait pour sa part d'aucun diplôme l'autorisant à pratiquer une activité médicale ou para médicale, en un centre de soins de beauté et d'esthétique corporelle dispensant à ce titre des soins à visée esthétique (et non plus thérapeutique) du visage et du corps, la vente d'oxygène n'étant maintenue qu'à titre accessoire ;

m PA ne peut en conséquence prétendre, pour la période antérieure au 18 septembre 1995, au rappel de salaires et de prime d'ancienneté qu'elle réclame et sera donc déboutée de ces chefs de demande ;

Pour la période postérieure au 18 septembre 1995, il lui sera alloué, sur la base de la convention collective susvisée, les sommes suivantes :

a) Rappel des salaires (y compris l'indemnité monégasque)

* 133,02 F, représentant le complément d'indemnité monégasque (44,34 x 3) afférent au quatrième trimestre 1995,

* 150,62 F, représentant les intérêts au taux légal dus sur les rappels de salaire, dont c BR s'est acquittée le 31 mars 1997,

b) Rappel de commissions

* 105,89 F, représentant les intérêts au taux légal sur la somme de 1.855,17 F réglée le 28 janvier 1998 par c BR,

Les sommes versées mensuellement à titre de commissions à m PA à partir du mois d'octobre 1995 n'apparaissant pas sur les bulletins de salaire, il convient dès lors de régulariser cette situation en ordonnant à l'employeur d'une part de délivrer à sa salariée des bulletins conformes et d'autre part de procéder aux régularisations nécessaires auprès des organismes sociaux ;

c) Rappel de préavis

* 431,30 F, représentant la prime d'ancienneté afférente au préavis,

* 41,80 F, représentant les intérêts sur le complément d'indemnité de préavis, versé le 31 mars 1997,

d) Indemnité de congédiement

Dès lors qu'elle puise sa source dans la rupture du contrat et n'est donc pas un élément de la rémunération du travail au sens des articles 1 et 5 de la loi n° 739, l'indemnité de congédiement n'est pas concernée par la notion de référence à la région économique voisine de la Principauté posée par l'article 11 du texte susvisé ;

m PA ne peut en conséquence prétendre, sur la base des dispositions de la Convention Collective Française de la Parfumerie et de l'Esthétique, à laquelle l'employeur n'a jamais entendu se soumettre, au bénéfice du complément d'indemnité qu'elle sollicite ;

e) solde de congés payés

La réalisation de travaux d'aménagement et de restructuration au sein du centre ne suffit pas, à défaut d'autre élément et en l'absence de mention sur les bulletins de paie, à établir que m PA ait bénéficié, ainsi que le soutient l'employeur, de l'intégralité des congés auxquels elle avait droit ;

Au vu des pièces, et notamment des bulletins de paie versés aux débats, il lui sera donc alloué :

– au titre de la période de référence courant du 1er mai 1995 au 30 avril 1996

1. 840,18 - (3.678 + 468,30) = 4.693,88 F

– au titre de la période de référence courant du 1er mai 1996 au 15 janvier 1997

1. 799,37 - 4.072,32 = 2.726,55 F

– sur le complément de salaires versés en cours de procédure par Madame c BR

1. 234,84 x 1/10e = 1.223,48 F

représentant au total la somme de 8.643,91 F dont à déduire la somme de 1.348,21 F versée à ce titre par c BR en mars 1997 soit un solde de 7.295,70 F ;

Il résulte des termes de l'acte reçu par Maître AUREGLIA, Notaire à MONACO que Madame GA a fait donation le 27 février 1995 à sa nièce, c BR, du fonds de commerce dénommé Centre d'Oxygénothérapie ;

En application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, c'est à la date de la modification intervenue dans la situation juridique de l'employeur (et donc en l'espèce au 27 février 1995 date de la donation du fonds) que s'est opéré le transfert du contrat de travail de m PA ;

L'intégralité des sommes allouées à cette dernière par la présente décision se rapportant à la période postérieure au 27 février 1995, y compris en ce qui concerne l'indemnité de congés payés, il convient de prononcer la mise hors de cause de Madame GA et de n'entrer en voie de condamnation qu'à l'encontre de c BR ;

Au regard des succombances respectives des parties les dépens de la présente instance seront supportés à raison d'1/3 par c BR et à raison des 2/3 restants par m PA ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement et premier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 57/96-97 et 6 de l'année judiciaire 98/99 ;

Dit que le licenciement de m PA a été prononcé pour un motif valable et qu'il ne présente en outre aucun caractère abusif ;

Déboute en conséquence m PA de ses demandes d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts ;

Dit que la Convention Collective Française du Personnel de la Parfumerie de détail et de l'Esthétique ne doit servir de base à la rémunération de m PA qu'à compter du 18 septembre 1995 ;

Déboute en conséquence m PA de ses demandes de rappels de salaire pour la période antérieure à cette date ;

Condamne c BR à payer à m PA, en ce qui concerne la période postérieure au 18 septembre 1995, les sommes suivantes :

* 133,02 Francs (cent trente-trois francs et deux centimes) représentant le complément d'indemnité monégasque afférent au quatrième trimestre 1995,

avec intérêts de droit à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure ;

* 150,62 Francs (cent cinquante francs et soixante-deux centimes) représentant les intérêts au taux légal dus à la date du 31 mars 1997 sur le rappel de salaire revenant à m PA,

* 105,89 Francs (cent cinq francs et quatre-vingt-neuf centimes) représentant les intérêts au taux légal sur la somme de 1.855,17 F, réglée à titre de rappel de commission le 28 janvier 1998 par c BR ;

Ordonne en outre à c BR de procéder aux régularisations qui s'imposent à ce titre sur les bulletins de paie de m PA et de procéder aux déclarations nécessaires auprès des organismes sociaux ;

* 431,30 Francs (quatre cent trente et un francs et trente centimes) représentant la prime d'ancienneté afférente au préavis, avec intérêts de droit à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure ;

* 41,80 Francs (quarante et un francs et quatre-vingt centimes) représentant les intérêts dus sur le complément d'indemnité de préavis versé le 31 mars 1997 ;

* 7.295,70 Francs (sept mille deux cent quatre-vingt-quinze francs et soixante-dix centimes) outre intérêts au taux légal à compter de la convocation en conciliation au titre des indemnités compensatrices de congés payés ;

Déclare recevable l'appel en cause de Madame veuve GA formé le 19 juin 1998 par m PA ;

Constate que l'intégralité des sommes allouées à m PA se rapporte à la période postérieure au 28 février 1995 ;

Prononce en conséquence la mise hors de cause pure et simple de Madame GA ;

Déboute m PA du surplus de ses prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Dit que les dépens seront supportés à raison d'1/3 par c BR et à raison des 2/3 restants par m PA.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le quatre mai deux mille, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Juge de Paix, Président.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12091
Date de la décision : 04/05/2000

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Relations collectives du travail ; Relations transfrontalières


Parties
Demandeurs : m PA
Défendeurs : c BR, Centre d'oxygénothérapie et Mme Veuve g BR es qualité d'héritière g BR

Références :

article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
Code de Procédure Civile
article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-05-04;12091 ?

Source

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