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16/03/2000 | MONACO | N°6460

Monaco | Tribunal du travail, 16 mars 2000, S. c/ SAM GTS Monaco Access


Abstract

Contrat de travail - Licenciement

- Comportement du salarié entraînant perte de confiance de l'employeur

- Faute grave justifiant le licenciement

Résumé

J. M. S. embauché le 10 mars 1997 par la SAM GTS Monaco Access en qualité de responsable commercial moyennant un salaire brut annuel de 420 000 francs, a effectué des prestations de services, comme consultant, au profit de la SAM RSL COM laquelle était l'un des plus importants clients de son employeur.

Dans un courrier électronique émis le 25 juin 1998 depuis la messagerie de la SAM

GTS Monaco Access, S. a réclamé à la SAM RSL COM une rémunération globale de 50 000 francs en...

Abstract

Contrat de travail - Licenciement

- Comportement du salarié entraînant perte de confiance de l'employeur

- Faute grave justifiant le licenciement

Résumé

J. M. S. embauché le 10 mars 1997 par la SAM GTS Monaco Access en qualité de responsable commercial moyennant un salaire brut annuel de 420 000 francs, a effectué des prestations de services, comme consultant, au profit de la SAM RSL COM laquelle était l'un des plus importants clients de son employeur.

Dans un courrier électronique émis le 25 juin 1998 depuis la messagerie de la SAM GTS Monaco Access, S. a réclamé à la SAM RSL COM une rémunération globale de 50 000 francs en lui demandant - si le principe de cette rémunération était accepté - de le garantir d'une totale discrétion et d'une entière neutralité - et de lui donner réponse sous cinq jours en raison « de sa grande nervosité ».

Il fit part au directeur des services informatiques et du Télécom et la CCI de Nice - Cote d'Azur de ses activités pour le compte de la SAM RSL COM.

Ayant été informée par cette dernière de cette situation, la SAM GTS Monaco Access a par lettre du 26 juin 1998 licencié pour faute grave, S., lequel a engagé une action tendant au paiement des indemnités de préavis et de licenciement.

Bien que S. n'ait été nullement engagé à être au service exclusif de son employeur et que la Société RSL COM n'exerçait pas une activité concurrente à la Sté GTS Monaco Access, il n'en demeure pas moins que le comportement de ce salarié, s'il n'avait pas été immédiatement licencié, ne pouvait effectivement que compromettre gravement la crédibilité de cette société auprès de la Sté RSL COM et donc à terme les relations entre ces deux entreprises ; il était en outre indiscutablement de nature à faire disparaître la confiance que la Sté GTS Monaco Access avait placé en son responsable commercial.

L'existence avérée et au demeurant non contestée de l'offre d'emploi faite par la Sté RSL COM à J.-M. S. et du refus opposé par ce dernier, et le fait que cette société n'ait, en définitive, pas emporté le marché de la CCI n'étant pas de nature à retirer aux faits commis et reconnus en majeure partie de J.-M. S., leur caractère répréhensible, le comportement de celui-ci constituait au regard de l'importance des responsabilités qui lui étaient confiées et du montant du salaire qu'il percevait à ce titre, une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Embauché le 10 mars 1997 par la SAM GTS Monaco, Access en qualité de Responsable Commercial, moyennant paiement d'un salaire de base brut annuel de 420 000,00 F, J.-M. S. a été licencié le 26 juin 1998 pour faute grave ;

Soutenant que son congédiement ne reposait sur aucun motif valable et qu'il présentait en outre un caractère manifestement abusif, J.-M. S., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 7 septembre 1998, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 99 000,00 F, à titre d'indemnité Compensatrice de préavis,

* 79 000,00 F, représentant le montant de la prime Commerciale qui lui est contractuellement due,

* 25 000,00 F, à titre d'indemnité de licenciement,

* 25 000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour légèreté blâmable,

* 50 000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et professionnel,

* 50 000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 500 000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

À la date fixée par les convocations, les parties ont comparu par leurs conseils respectifs puis, après huit renvois contradictoires intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été plaidée au cours de l'audience du 3 février 2000 et mise en délibéré pour être le jugement rendu ce jour 16 mars 2000 ;

J.-M. S. expose à l'appui de ses prétentions qu'il lui a été reproché, aux termes de la lettre de licenciement, d'avoir exercé auprès d'une Société comptant parmi les clients les plus importants de son employeur des activités professionnelles autres que celles prévues par son contrat de travail, sans en avertir son supérieur hiérarchique et en utilisant son appartenance à GTS Monaco Access à cette fin ;

Soutenant que ces griefs sont totalement infondés, il fait valoir à cet effet :

* qu'il ne peut lui être reproché d'avoir exercé des « activités professionnelles autres que celles prévues au contrat de travail », alors qu'aucune clause contractuelle ni aucun texte légal ne lui interdisait d'exercer ponctuellement et en dehors de ses heures de travail une activité de consultant ; qu'il résulte au contraire des coupures de presse qu'il verse aux débats qu'une telle pratique, de plus en plus courante chez les cadres, ne présente aucun caractère répréhensible ;

* que les relations hors travail qu'il a pu entretenir avec la Société RSL Com France, cliente de GTS Monaco Access, ne peuvent en aucun cas être qualifiées d'activités professionnelles, s'agissant de simples services rendus à ladite Société sur sa demande, au vu et au su de Monsieur M. G., son supérieur hiérarchique direct ; qu'il s'est ainsi contenté d'une part de servir « d'aide en recrutement » et d'autre part de mettre en relation la Société RSL Com France avec un indépendant, grâce aux relations qu'il avait tissées dans la région niçoise pendant ses études de troisième cycle ; qu'enfin les services rendus par ses soins n'étaient pas rémunérés, le consultant qu'il avait rapproché de RSL Com France s'étant simplement engagé à lui rétrocéder une partie de ses honoraires ;

* que le courrier électronique dont se prévaut l'employeur, dont il reconnaît être l'auteur, ne contient aucune formule menaçante et n'est en rien illicite, dès lors que la Société RSL Com lui avait indiqué, par l'intermédiaire de son responsable marketing, qu'elle était prête en raison de la défaillance du consultant indépendant à se substituer, à titre exceptionnel, à celui-ci moyennant la formalisation d'une demande ;

* qu'ayant concomitamment refusé l'offre d'emploi, pourtant financièrement très intéressante, que lui avait adressée la Société RSL Com France, cette dernière Société a en l'espèce manifestement cherché à se venger en adressant une copie du courrier susvisé à la Société GTS Monaco Access ;

* qu'en définitive les agissements qui lui sont reprochés n'ont pas nui à la Société GTS Monaco Access et ne lui ont causé aucun préjudice commercial ;

Estimant ainsi qu'aucune faute, et a fortiori aucune faute grave, n'est caractérisée à son encontre, il demande au Tribunal du travail de condamner la Société GTS Monaco Access à lui payer les sommes de 99 000,00 F au titre du préavis, contractuellement fixé à trois mois et 25 000,00 F à titre d'indemnité de licenciement ;

Soutenant en outre que ce licenciement, qui s'analyse en réalité en une manœuvre habilement orchestrée pour l'évincer de la Société en faisant l'économie du paiement des indemnités légales et conventionnelles, est suffisamment révélateur de la légèreté blâmable et de l'intention de lui nuire dont a fait preuve son employeur, il sollicite, après avoir souligné l'ampleur de son préjudice au regard notamment de ses perspectives de carrière, l'allocation de la somme totale de 625 000,00 F à titre de dommages et intérêts pour :

* légèreté blâmable,

* préjudice financier et professionnel,

* préjudice moral,

* licenciement abusif ;

Il indique en dernier lieu verbalement, par l'intermédiaire de son conseil, qu'il se désiste de sa demande en paiement de la prime commerciale afférente à l'exercice 1998, la SAM GTS Monaco Access s'étant acquittée en cours de procédure des sommes dues à ce titre ;

La SAM GTS Monaco Access réplique à cette argumentation :

* que s'il n'a certes pas été établi de contrat de travail formel, la lettre d'engagement contient tous les éléments contractuels convenus entre les parties, sans la moindre équivoque,

* que si un employeur ne peut effectivement que se féliciter de voir l'un de ses cadres commerciaux rendre des services à un client pour renforcer des liens commercialement profitables à l'entreprise, il est en revanche difficilement admissible en l'espèce que J.-M. S., alors qu'il était en poste chez GTS Monaco Access, ait exigé d'un des principaux clients de celui-ci, la SAM RSL Com, le paiement d'une commission à son profit personnel pour un tel service,

* qu'en effet une telle réclamation, et plus généralement le comportement adopté par J.-M. S., par son insistance et ses interférences étaient de nature à compromettre gravement les relations existant entre ces deux Sociétés,

* que si elle a certes pris connaissance quelques heures avant l'entretien qu'elle a eu avec J.-M. S. de l'offre d'embauche faite à celui-ci par la SAM RSL Com, cette information n'a eu aucune incidence sur sa décision ;

Estimant qu'elle ne pouvait en conséquence conserver à son service, même pendant la durée limitée du préavis, pour établir et maintenir la relation avec ses clients, un salarié qui avait de telles pratiques, particulièrement nuisibles pour la crédibilité de la Société qui l'employait, la SAM GTS Monaco Access conclut à l'entier débouté des demandes formées à son encontre ;

Sur quoi :

Le motif du licenciement de J.-M. S., tel qu'il est contenu dans la lettre du 26 juin 1998 portant notification de la rupture, s'énonce comme suit :

« Nous avons été informés par le Président d'une Société comptant parmi nos clients les plus importants que vous avez exercé des activités professionnelles autres que celles prévues par votre contrat de travail, sans en avertir votre supérieur hiérarchique et en utilisant votre appartenance à GTS Monaco Access à ces fins.

Le Président de cette Société cliente nous a de plus fourni copie du courrier électronique de votre part, dans lequel vous lui réclamez un paiement relatif à ces activités et dans lequel vous émettez des menaces qu'il considère illicites.

Votre comportement est en totale contradiction avec vos responsabilités, avec notre politique interne et est de surcroît susceptible de nous causer un grave préjudice commercial.

De plus, la gravité des faits que nous vous reprochons entraîne une totale perte de confiance en vous.

Nous considérons que le comportement décrit ci-dessus, et en dépit des explications que vous nous avez fournies, constitue une faute grave qui rend impossible votre maintien dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc effectif immédiatement, sans préavis ni indemnité » ;

Il résulte des écritures des parties et des pièces versées aux débats que Monsieur J.-M. S., qui avait été embauché par la SAM GTS Monaco Access en qualité de Responsable Commercial et avait en charge notamment à ce titre « le Compte » de la Société RSL Com, a effectué, à titre personnel et parallèlement aux attributions définies dans son contrat de travail, diverses prestations pour la Société RSL Com ;

Ces prestations, que Monsieur J.-M. S. qualifie lui-même dans la correspondance qu'il a adressé à son employeur postérieurement à son licenciement de « services », ont consisté :

* à proposer à RSL Com, qui « recherchait des profits précis sur la région, la candidature de deux personnes, lesquelles ont été ultérieurement recrutées par cette Société, »

* à présenter à la Société RSL Com un consultant indépendant en la personne de Monsieur R., qui devait aider ladite Société à répondre à l'appel d'offres lancé par la CCI Nice Côte d'Azur,

* à servir de « liant » « pendant quelques temps » entre RSL Com et Monsieur R. « à titre amical voire consultatif » ;

Il est constant par ailleurs que par un courrier électronique émis le 25 juin 1998 J.-M. S. a réclamé à la Société RSL Com une « rémunération globale de 50 000,00 F » pour cet « ensemble de prestations, payable en une seule fois, et qui serait réglée à réception de facture » ; qu'en outre, aux termes de cet « e-mail », J.-M. S. a indiqué à la Société RSL Com d'une part qu'il lui garantissait, naturellement, si le principe de cette rémunération était acceptée, « une totale discrétion et une entière neutralité quant au passé, présent et futur de l'ensemble de ces dossiers », et d'autre part qu'une réponse avant la fin du mois (soit sous cinq jours !) l'obligerait, car il traversait « une période de grande nervosité » ;

Dès lors qu'il apparaît, à l'examen de la lettre d'embauche qui contient tous les éléments contractuels convenus entre les parties, que J.-M. S. ne s'est nullement engagé à être au service exclusif de la Société GTS Monaco Access, le fait que ce dernier ait parallèlement aux fonctions qui lui étaient confiées par la Société GTS Monaco Access exercé une activité de consultant indépendant, fût elle rémunérée, au bénéfice de la Société RSL Com ne constitue pas, en lui-même, un motif valable de licenciement ;

De même, à partir du moment ou il n'est pas soutenu en l'espèce que la Société RSL Com ait exercé une activité concurrente de la Société GTS Monaco Access, J.-M. S., en offrant ses services à la Société RSL Com, n'a pas violé l'obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur ;

Le fait de demander à l'entreprise au bénéfice de laquelle ils ont été effectués paiement des services rendus ne peut donc être considéré, en tant que tel, comme une faute justifiant le licenciement de l'intéressé de l'emploi salarié qu'il occupait concurremment ;

Il en va toutefois différemment en l'espèce, dans la mesure où il est démontré par les pièces versées au dossier :

1) que la Société au bénéfice de laquelle J.-M. S. a effectué les prestations susvisées comptait parmi les clients les plus importants de GTS Monaco Access (1 100 000 minutes par mois selon les propres affirmations du demandeur),

2) que le message électronique adressé à Monsieur D. par J.-M. S. contient des insinuations et des sous-entendus, tels que la garantie d'une totale discrétion et d'une entière neutralité ou l'exigence d'une réponse sous cinq jours en raison d'une grande nervosité, qui permettent de le qualifier de menaces ou tout au moins de pressions exercées sur ladite Société,

3) que J.-M. S. a informé des tiers (il reconnaît lui-même dans ses écritures avoir contacté Monsieur V. Directeur des Services Informatiques et des Télécom de la CCI de Nice, Côte d'Azur, pour lui faire part des problèmes qu'il rencontrait) de ses activités pour le compte de RSL Com et de ses « difficultés » avec Monsieur R. ;

Dès lors au surplus que J.-M. S. est entré à l'origine en relation avec la Société RSL Com, en sa qualité de cadre commercial au service de la Société GTS Monaco Access, et que le courrier électronique du 25 juin a été émis depuis la messagerie de cette Société, le comportement de ce salarié, s'il n'avait pas été immédiatement licencié, ne pouvait effectivement que compromettre gravement la crédibilité de cette Société auprès de la Société RSL Com et donc à terme les relations entre ces deux entreprises ;

Il était en outre indiscutablement de nature à faire disparaître la confiance que la Société GTS Monaco Access avait placé en son responsable commercial ;

L'existence avérée (cf. attestation T.) et au demeurant non contestée de l'offre d'emploi faite par la Société RSL Com à J.-M. S. et du refus opposé par ce dernier, et le fait que la Société RSL Com n'ait, en définitive, pas emporté le marché de la CCI n'étant pas de nature à retirer aux faits commis par J.-M. S., dont ce dernier a au demeurant reconnu pour une grande part la matérialité, leur caractère répréhensible, le comportement de ce salarié constituait indiscutablement, au regard de l'importance des responsabilités qui lui étaient confiées et du montant du salaire qu'il percevait à ce titre, une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis ;

J.-M. S. ne peut dans ces conditions prétendre au bénéfice des indemnités de préavis et de licenciement qu'il réclame ;

Son licenciement ne présentant, au regard des circonstances ci-dessus décrites, aucun caractère abusif, il sera en outre débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Ce dernier ayant enfin perçu la prime commerciale qu'il réclamait et délivré le 2 décembre 1999 quittance à ce titre, il convient en dernier lieu de lui donner acte de ce qu'il abandonne ce chef de demande ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du travail statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort après en avoir délibéré,

* Donne acte à Monsieur J.-M. S. de ce qu'il se désiste de sa demande, au titre de la prime commerciale ;

* Dit que son licenciement repose bien sur une faute grave ;

* Déboute en conséquence Monsieur J.-M. S. de l'intégralité de ses prétentions.

Composition

Mme Coulet-Castoldi juge de paix, prés. ; MM. Griffin, Dallorto, Mme Horcholle membres employeurs et salariés ; Mes Pastor, Karczag-Mencarelli av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6460
Date de la décision : 16/03/2000

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contrats de travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : SAM GTS Monaco Access

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2000-03-16;6460 ?

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