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09/02/1984 | MONACO | N°25969

Monaco | Tribunal du travail, 9 février 1984, N. S. c/ Banque libano-française


Abstract

Licenciement

Convention collective monégasque du Personnel des Banques applicable à ce contrat : oui - Licenciement pour refus d'accepter une mutation à l'étranger - Motif non valable - Rupture abusive : oui - Détermination du préjudice à réparer.

Résumé

Le contrat de travail liant un salarié à la succursale d'une banque autorisée à exercer à Monaco est régi pendant la durée de son exécution en Principauté, par la législation du travail monégasque et, en particulier, par la Convention collective monégasque du Travail et du Personnel de

s Banques.

L'article 44 de cette Convention, stipulant qu'il ne pourra être imposé à un agen...

Abstract

Licenciement

Convention collective monégasque du Personnel des Banques applicable à ce contrat : oui - Licenciement pour refus d'accepter une mutation à l'étranger - Motif non valable - Rupture abusive : oui - Détermination du préjudice à réparer.

Résumé

Le contrat de travail liant un salarié à la succursale d'une banque autorisée à exercer à Monaco est régi pendant la durée de son exécution en Principauté, par la législation du travail monégasque et, en particulier, par la Convention collective monégasque du Travail et du Personnel des Banques.

L'article 44 de cette Convention, stipulant qu'il ne pourra être imposé à un agent un déplacement hors de la Principauté sans le consentement de l'intéressé, le refus du demandeur d'accepter sa mutation à Paris n'est pas constitutif d'une faute et son licenciement pour ce motif relève de la légèreté blâmable et rend abusive la rupture du contrat de travail par l'employeur.

Motifs

Le Tribunal du travail,

Sur la nature du contrat de travail du demandeur

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que le demandeur a été nommé, le 1er août 1980, en exécution du contrat de travail français le liant à la Banque libano française (France) depuis le 1er mars 1977, comme directeur de la nouvelle succursale ouverte à Monaco ;

Attendu que cette succursale de Monaco, bien que rattachée à la Banque libano française (France) est devenue du fait de l'autorisation d'exercer accordée par le ministre d'État, le 4 juillet 1980, un établissement bancaire monégasque soumis à la législation monégasque soumis à la législation monégasque et dont les rapports sociaux sont réglés par le droit du travail et par les accords et conventions collectifs signés par les syndicats intéressés ;

Attendu qu'à compter du jour où le demandeur a fait parti du personnel de l'Agence libano française de Monaco, ainsi que le déclare la défenderesse par une attestation du 24 septembre 1980, un contrat de travail monégasque est venu se substituer provisoirement au contrat français, de façon à pouvoir s'adapter aux lois et conventions monégasques, pendant la durée de son exécution en Principauté ;

Attendu que l'accord de volonté des parties de soumettre les clauses du contrat de travail d'origine à la législation monégasque résulte, à défaut d'autres preuves, de la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail signée le 21 juillet 1980 par les cocontractants, ainsi que de l'autorisation d'embauchage et du permis de travail délivrés par la Direction du Travail et des Affaires Sociales ;

Attendu dès lors, que le contrat de travail liant les parties, à défaut de dispositions nouvelles, doit être considéré comme reprenant les clauses du contrat précédent dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la législation et la réglementation monégasques ;

Attendu que le contrat de travail d'origine est un contrat à durée indéterminée ; qu'aucune restriction à la durée de l'exécution dudit contrat en Principauté n'a été apportée par les parties lors du détachement du sieur N. S. à Monaco, contrairement à ce qu'a fait par la suite l'employeur à l'occasion du détachement d'autres préposés ;

Attendu qu'à Monaco, l'employeur du sieur N. S. est devenu l'établissement bancaire monégasque pour lequel la Banque libano française a obtenu l'autorisation d'exercer, à savoir la succursale monégasque de la Banque libano française ;

Attendu que l'adhésion de la succursale monégasque de la Banque libano française à la Convention Collective Monégasque du Travail et du Personnel des Banques n'est pas contestée ;

Attendu qu'en conséquence, l'article 44 de ladite Convention collective sur les déplacements par lequel « en aucun cas il ne pourra être imposé à un agent un déplacement hors de la Principauté, sans le consentement de l'intéressé » est applicable au contrat de travail intervenu entre l'établissement bancaire employeur et le demandeur ;

Sur la nature de la rupture du contrat de travail

Attendu que la rupture du contrat de travail intervenue à l'initiative de l'employeur est un licenciement ;

Attendu que le sieur N. S., en refusant de donner son consentement au déplacement hors de la Principauté par l'employeur n'a fait qu'exercer un droit reconnu par la Convention collective applicable aux parties ;

Qu'il s'ensuit que l'employeur ne peut faire grief au sieur N. S. d'avoir exercé ce droit et ne peut considérer ce fait comme une faute grave et comme un motif valable de licenciement l'exonérant du paiement des indemnités de rupture légales et conventionnelles ;

Sur le licenciement abusif et la réparation du préjudice

Attendu que l'employeur, en ne tenant pas compte des observations du sieur N. et du refus de celui-ci de donner son assentiment à sa mutation hors de la Principauté de Monaco, nonobstant les dispositions impératives de l'article 44 de la Convention collective monégasque du personnel des banques, applicable en l'espèce, a commis une faute dans l'exercice de son droit de licenciement, relevant de la légèreté blâmable et rendant abusive la rupture du contrat de travail qui le liait avec le demandeur ;

Attendu qu'il s'ensuit que la Banque employeur doit réparer le préjudice qu'elle a ainsi causé, de ce chef, à son directeur de succursale ;

Attendu que pour justifier de l'importance de son préjudice pour la réparation duquel il est demandé une somme de 1 400 000,00 francs, à titre de dommages-intérêts, le sieur N. fait état du travail et de l'effort de développement dont il a fait preuve pour augmenter de manière très importante, le montant des dépôts passés de 50 000 000 francs, en 1980, à 500 000 000 francs en 1982, et des vaines recherches effectuées pour trouver un emploi correspondant à sa qualification auprès des établissements bancaires de la « Socredit » à Monaco et de la « Chase Manhattan Bank » à Paris ;

La banque défenderesse, fait observer que, depuis le départ du sieur N., elle a versé à ce dernier tous salaires, primes et indemnités confondues, la somme brute de : 208 230,85 francs ;

Qu'en conséquence, elle estime ne rien lui devoir de ce chef ;

Attendu que le sieur N. a été rémunéré contractuellement pour le travail et l'effort de développement qu'il a accompli en tant que directeur de la succursale de Monaco ; qu'il n'a subi aucun préjudice de ce chef ;

Attendu que le Tribunal du Travail estime que le sieur N. qui se retrouve brutalement sans revenu et sans travail à compter du 5 février 1983, subit un préjudice certain qui doit être réparé ;

Que, néanmoins, il ne justifie pas avoir effectué de nombreuses recherches d'emploi tant en Principauté de Monaco qu'en France, soit dans la Banque, soit dans des branches d'activité où ses connaissances et son expérience pourraient être utilisées ;

Attendu que le sieur N. ne pouvait pas ignorer que la Banque libano française procéderait à son licenciement s'il refusait non seulement de rejoindre son nouveau poste au siège de la Banque à Paris, mais également de venir discuter avec sa direction à Paris sur les conditions de son départ ;

Attendu que le Tribunal du Travail constate que le demandeur, qui n'a pas hésité après son congédiement, à solliciter un emploi à la « Chase Manhattan Bank » à Paris, alors que la banque défenderesse lui offrait, pour le 1er janvier 1983, un poste à son niveau, a modifié les desiderata manifestés courant 1982, selon lesquels le sieur N. refusait d'envisager une mutation hors de Monaco et des communes voisines ;

Attendu, dès lors que le sieur N., qui a contribué par sa légèreté à la réalisation du dommage dont il réclame réparation, doit voir sa demande en dommages-intérêts ramener à de plus justes proportions ;

Attendu qu'au vu des éléments de fait relevés au dossier, il y a lieu d'évaluer le montant du préjudice qu'il convient de réparer à la somme de cent mille francs (100 000,00 francs) ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal du Travail,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Dit qu'un contrat de travail monégasque a lié les parties et que la Convention collective monégasque du personnel des banques est applicable en l'espèce ;

Dit que l'employeur a pris l'initiative de licencier le demandeur, sans motif valable ;

Déclare ce licenciement abusif ;

Composition

Mes Sbarrato et J.-Ch. Marquet, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25969
Date de la décision : 09/02/1984

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Responsabilité de l'employeur ; Relations collectives du travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : N. S.
Défendeurs : Banque libano-française

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;1984-02-09;25969 ?

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