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17/02/1972 | MONACO | N°25024

Monaco | Tribunal du travail, 17 février 1972, C. c/ Sté Industrie Electro-Chimique-Electronique.


Abstract

Contrat de travail

Durée indéterminée. Salarié ayant dépassé l'âge de la retraite. Résiliation du contrat. Validité. Conditions.

Licenciement

Suspension du contrat de travail. Maladie ou accident médicalement constaté. Salarié ayant dépassé l'âge de la retraite. Congédiement abusif (non).

Résumé

1. Les parties à un contrat de travail à durée indéterminée peuvent respectivement y mettre fin lorsque le salarié a vocation à bénéficier du régime de prévoyance vieillesse, à la seule condition de respecter les dispositi

ons régissant la résolution des contrats de cette nature.

2. Si l'invalidité d'un salarié dont le contrat de tra...

Abstract

Contrat de travail

Durée indéterminée. Salarié ayant dépassé l'âge de la retraite. Résiliation du contrat. Validité. Conditions.

Licenciement

Suspension du contrat de travail. Maladie ou accident médicalement constaté. Salarié ayant dépassé l'âge de la retraite. Congédiement abusif (non).

Résumé

1. Les parties à un contrat de travail à durée indéterminée peuvent respectivement y mettre fin lorsque le salarié a vocation à bénéficier du régime de prévoyance vieillesse, à la seule condition de respecter les dispositions régissant la résolution des contrats de cette nature.

2. Si l'invalidité d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie ou d'accident médicalement constaté n'est pas un motif valable de licenciement, cette disposition ne saurait faire obstacle à une rupture des relations contractuelles lorsque le salarié peut prétendre à une pension de retraite.

Motifs

Le Tribunal du Travail,

Attendu qu'ensuite d'un procès-verbal régulier de non-conciliation en date du dix-sept mai mil neuf cent soixante et onze, enregistré, le sieur G. C., magasinier, a attrait, devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, la Société Anonyme Monégasque dénommée : « Société Industrie Electro-Chimique-Electronique » (ci-après I.E.C.E.), afin d'obtenir paiement de la somme de huit mille francs à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; sous toutes réserves ;

Attendu que le demandeur expose qu'il a travaillé au service de la société « I.E.C.E. » en qualité de « Magasinier Outillage » du deux septembre mil neuf cent soixante-trois au dix-sept novembre mil neuf cent soixante-dix, date de son licenciement ; qu'ayant été victime, le quinze septembre mil neuf cent soixante-dix, d'un grave accident du travail qui a entraîné un décollement de la rétine et nécessité une opération qui a été pratiquée le vingt-et-un du même mois, il a sollicité de son médecin traitant, le Docteur Ce., avant l'expiration de la période d'arrêt de travail, un certificat l'autorisant à reprendre momentanément le travail de bureau en attendant sa guérison complète ; que non seulement la Société défenderesse ne l'autorisa pas à reprendre son activité, mais qu'elle le licencia quelques jours plus tard ; que ce licenciement est indubitablement intervenu pendant une période d'invalidité consécutive à un accident du travail et constitue de ce seul fait une rupture abusive ; qu'en effet, un tel arrêt de brève durée ne saurait entraîner la rupture mais seulement la suspension du contrat de louage de services ; que c'est vainement que la Société pour s'exonérer de toute responsabilité, invoque l'argument de la mise à la retraite ; qu'étant né le onze juin mil neuf cent cinq, il avait atteint l'âge de la retraite le onze juin mil neuf cent soixante-dix sans que son employeur lui signifie, à cette date, son intention de se passer de ses services ; que le contrat de travail s'étant poursuivi d'un commun accord, et ce pendant plus de cinq mois, c'est abusivement qu'il y a été mis un terme dans les conditions évoquées et qu'il s'estime, en conséquence, fondé à solliciter la somme de huit mille francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui a été occasionné ;

Attendu qu'il s'élève, par conclusions en réplique, contre l'offre de preuve testimoniale formulée par la société tendant à établir, notamment par l'audition de témoins partie au procès, qu'il avait manifesté le désir de voir ouvrir son droit à la retraite et qui n'a d'autre but que de chercher à justifier, a posteriori, une mesure de licenciement à partir de vagues propos tenus à l'occasion d'une réunion amicale, antérieure de neuf mois, et qui ne sauraient constituer la preuve d'une intention ferme, précise et non ambiguë de sa part de quitter la Société ; qu'il fait encore valoir que la survenance de l'âge de la retraite ne met pas fin ipso facto au contrat de travail en cours qui s'est poursuivi, en l'espèce, de l'accord des parties, après qu'il ait atteint soixante-cinq ans ; qu'une telle possibilité est d'ailleurs prévue par le règlement intérieur de l'entreprise ; que, dès lors, le contrat liant les parties est demeuré un contrat à durée indéterminée, ce qui est confirmé par le versement des indemnités de préavis et de congédiement réglées par l'employeur ; que l'on ne saurait valablement prétendre que la prolongation conventionnelle du contrat était « temporaire et limitée » (arrêt C.A. Paris 1-2-1969, D. Heb. 7-1-1970 p. 16 et note) ; qu'il est en droit de revendiquer le bénéfice de la protection légale découlant de la nature du contrat ; qu'aucun texte légal ne prévoyant que l'âge de soixante-cinq ans soit une cause automatique de résiliation des contrats de travail, le règlement intérieur ne peut déroger à la législation en la matière et édicter des règles discriminatoires à l'égard de certaines catégories de salariés ; que la lettre invoquée de l'Inspection du Travail n'a jamais indiqué que l'âge de la retraite mettait impérativement fin à l'activité salariale ; que, dans ces conditions, la rupture intervenue en période de suspension légale du contrat pour cause d'invalidité est empreinte de malveillance et revêt bien un caractère abusif ; que le véritable motif de licenciement résulte de l'aveu de la partie adverse qui par insouciance s'était engagée vis-à-vis d'un certain B., embauché avant que son poste soit vacant ; qu'ayant réalisé que cela causerait une charge financière supplémentaire à l'entreprise, il fut décidé avec une blâmable légèreté de se passer de ses services ; qu'il a enfin toujours fait parvenir à son employeur les certificats médicaux justificatifs ; que le trois novembre mil neuf cent soixante-dix il présentait personnellement le certificat du Docteur Ce. attestant qu'il pouvait reprendre le travail de bureau et que l'utilisation des machines-outils lui demeurait interdite jusqu'à la fin novembre ; que cette pièce démontre à la fois conscience professionnelle d'un salarié n'hésitant pas à devancer la date de reprise du travail et la connaissance qu'avait son employeur de la durée de l'arrêt de travail ordonné par le médecin ;

Attendu que la Société « I.E.C.E. » soutient, pour sa part, que le demandeur avait manifesté sans équivoque son désir de voir ouvert son droit à la retraite le vingt-trois décembre mil neuf cent soixante-neuf lors de la réunion de fin d'année devant divers témoins et qu'étant le premier retraité de l'Entreprise il avait été convenu qu'une gratification lui serait remise lors de son départ ; que dans le courant du mois de juin mil neuf cent soixante-dix, elle chercha un magasinier et trouva à Voiron (Isère) un certain B. qui devait prendre son service le six septembre mil neuf cent soixante-dix, démissionnait le lendemain sur les affirmations du sieur C. que le poste ne serait pas vacant et était finalement réembauché le surlendemain ; que le quinze septembre le demandeur déclarait être victime d'un accident du travail (heurt de son œil gauche avec une caisse) mais n'interrompait pas son service en dépit de la gravité alléguée de cet accident ; que le seize septembre il en déclarait un autre (pincement du majeur de la main gauche) et en cet état faisait parvenir un certificat d'arrêt de travail jusqu'au seize octobre mil neuf cent soixante-dix ; qu'à cette date il faisait avertir son employeur téléphoniquement qu'il prolongeait son arrêt de travail sans justifier d'un nouveau certificat qui lui était pourtant demandé par lettre recommandée ; que le trois novembre mil neuf cent soixante-dix il se présentait avec un certificat du trente octobre mil neuf cent soixante-dix l'autorisant à reprendre un travail dit de bureau, l'utilisation de machines-outils lui étant interdite pour encore trois semaines ; qu'il était enfin censé pouvoir reprendre intégralement son activité le premier décembre mil neuf cent soixante-dix ; qu'en regard de ces circonstances et après avoir attendu jusqu'au cinq novembre, elle décidait de consulter l'Inspecteur du Travail sur la situation juridique du demandeur ; que ce fonctionnaire confirmait l'Entreprise dans sa parfaite interprétation des textes tant légaux que conventionnels, l'article 40 du règlement intérieur prévoyant une mise à la retraite à l'âge de soixante-cinq ans, âge qu'il avait atteint le onze juin mil neuf cent soixante-dix ; qu'il n'est donc pas démontré qu'elle ait commis un abus de droit en interrompant la prolongation exceptionnelle du travail du sieur C. à son service, alors qu'il avait manifesté son intention de se retirer et surtout qu'il l'avait mise dans l'embarras tant à l'égard de la législation sur les assurances obligatoires, qu'à l'endroit du poste que son absence obligeait de pourvoir, en omettant avec beaucoup de désinvolture de lui faire parvenir un certificat médical ; qu'elle conclut, en conséquence, à son débouté ;

Attendu qu'il est constant que le demandeur, qui avait atteint l'âge de soixante-cinq ans le onze juin mil neuf cent soixante-dix, s'est vu notifier par lettre recommandée du seize novembre mil neuf cent soixante-dix que sa mise à la retraite deviendrait effective à réception de la missive ;

qu'il lui a été réglé à cette occasion, suivant reçu pour solde de tout compte en date du trente novembre mil neuf cent soixante-dix, dénoncé dans le délai légal, les sommes de mille quatre cent vingt-huit francs huit centimes à titre de préavis correspondant à un mois de salaire et à l'indemnité spéciale prévue par l'article 7 de la loi n° 843 du 27 juin 1968, trois cent quatre-vingt-dix-huit francs vingt-deux centimes à titre d'indemnité de congédiement et de six cent deux francs trente-neuf centimes montant de ses congés payés ;

Attendu que faisant valoir, d'une part, que son contrat de travail s'étant poursuivi de l'accord des parties au-delà du onze juin mil neuf cent soixante-dix, il constituait toujours un contrat à durée indéterminée le faisant bénéficier des garanties prévues par la législation du travail les dispositions du règlement intérieur ne pouvant valablement édicter une mise à la retraite automatique à l'âge de soixante-cinq ans en l'absence d'un texte législatif limitant à cet âge la durée des contrats de louage de services, et, d'autre part, que la rupture étant intervenue en période d'invalidité consécutive à un accident du travail, elle revêt de ce seul fait un caractère abusif, son licenciement lui ayant été, en outre, notifié avec une blâmable légèreté pour libérer un poste qui avait été inconsidérément pourvu par l'embauchage d'un sieur B., le demandeur s'estime fondé dans son action ;

Attendu, en premier lieu, que le règlement intérieur de la Société défenderesse, qui s'impose aux salariés par voie d'adhésion et est ainsi censé s'incorporer aux contrats de travail, prévoit en son article 40 que le personnel sera mis à la retraite à l'âge de soixante-cinq ans, la direction se réservant toutefois d'examiner l'opportunité de surseoir à cette mesure à la demande des intéressés ;

Attendu que les contrats de travail pouvant assigner un terme à leur durée, la validité de cette stipulation ne saurait être mise en doute ;

Attendu, cependant, que dans le cas d'espèce, le contrat liant les parties s'est poursuivi au-delà du onze juin mil neuf cent soixante-dix, date à laquelle le sieur C. avait atteint l'âge de soixante-cinq ans, sans qu'il soit justifié ou offert de justifier, dans des conditions pertinentes et admissibles, que des conventions particulières étaient intervenues notamment quant à sa durée ;

Attendu que s'il doit ainsi être admis que ce contrat a conservé son caractère de convention à durée indéterminée, il n'en reste pas moins que la Société « I.E.C.E. » - comme le demandeur d'ailleurs - pouvait à tout moment décider d'y mettre fin en se prévalant de sa vocation à bénéficier du régime de prévoyance vieillesse, à la seule condition de respecter les dispositions régissant la résolution des contrats de cette nature, réserve faite toutefois pour l'indemnité de licenciement à laquelle le demandeur ne pouvait plus prétendre par application de l'article 2 in fine de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

Attendu à cet égard qu'il est significatif de noter que la garantie de la stabilité de l'emploi attachée, au vœu du législateur, à l'indemnité de licenciement, ne lui a pas paru devoir être maintenue au-delà d'un âge où le salarié peut prétendre à une pension de retraite ;

Attendu, d'autre part, que si l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 édicte que le contrat de travail est suspendu, pendant une durée limitée à six mois, en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constaté, interdisant par là de déduire d'une semblable invalidité un motif valable de licenciement, cette disposition ne saurait faire obstacle à une rupture des relations contractuelles qui serait justifiée par une autre cause, sans que cette mesure puisse revêtir un caractère abusif du seul fait qu'elle serait intervenue en période d'arrêt de travail ;

Attendu d'ailleurs que dans le cas présent la notification de mise à la retraite a été faite à la date du seize novembre mil neuf cent soixante-dix, alors que le sieur C. avait été autorisé par son médecin, à sa demande, à reprendre un travail réduit à compter du trois novembre mil neuf cent soixante-dix ;

Attendu que l'on ne saurait pas plus relever une blâmable légèreté dans le comportement de la Société défenderesse du fait qu'elle déclare avoir embauché un autre magasinier au début septembre, même si ce dernier était appelé en définitive à occuper un poste auquel le demandeur ne pouvait espérer se maintenir indéfiniment, la Société étant seule juge de l'organisation de ses services comme de l'aptitude de ses employés à assurer ou à continuer leur emploi ;

Attendu, dans ces conditions, que la rupture des relations contractuelles ne peut être jugée abusive et qu'en assurant au demandeur le versement des indemnités de préavis et de congédiement, ainsi que de l'indemnité de congés payés acquise, la société « I.E.C.E. » a satisfait aux obligations légales qui s'imposaient à elle ;

qu'il convient, en conséquence, de dire mal fondée l'action du demandeur et de l'en débouter ;

que toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Dit et juge que la rupture du contrat de travail du demandeur ne revêt pas, en l'espèce, un caractère abusif ;

Le dit mal fondé dans son action et l'en déboute ;

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25024
Date de la décision : 17/02/1972

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : Sté Industrie Electro-Chimique-Electronique.

Références :

loi n° 845 du 27 juin 1968
article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 7 de la loi n° 843 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;1972-02-17;25024 ?

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