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30/04/2025 | MONACO | N°31016

Monaco | Tribunal de première instance, 30 avril 2025, g.G et t M épouse K c/ La société civile dénommée S. C. I. C et autres


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LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 5 juillet 2022, enregistré (n° 2022/000523) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de l.L, en date du 4 février 2025 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de g.G et t M épouse K, en date du 10 février 2025 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom d'a.B et e.F épouse B, en date du 18 févri

er 2025 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 février 2025 ;

À l'audience publique du 27...

Visa

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 5 juillet 2022, enregistré (n° 2022/000523) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de l.L, en date du 4 février 2025 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de g.G et t M épouse K, en date du 10 février 2025 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom d'a.B et e.F épouse B, en date du 18 février 2025 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 février 2025 ;

À l'audience publique du 27 février 2025, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 30 avril 2025, par mise à disposition au Greffe.

Motifs

FAITS ET PROCÉDURE :

g.G et t M épouse K sont propriétaires d'une villa dénommée ZC située 4, rue Louis Aureglia à Monaco qui constitue la résidence principale de ces derniers.

Le fonds sur lequel est édifiée la Villa ZC est mitoyen de celui sur lequel était édifiée la ZD, actuellement dénommée Villa ZE appartenant à la S. C. I. C suite à la dissolution de la société de droit panaméen ZB.

Au cours de l'année 2009, la SAM ZA qui se trouve également être l'entreprise ayant rénové la Villa ZC après son acquisition par g.G et t M épouse K, est intervenue pour le compte de la société ZB. dans le cadre d'un projet immobilier visant à démolir la ZD et à édifier à sa place une nouvelle Villa dénommée ZE.

Au cours de l'exécution des travaux de démolition de la ZD et de construction de la Villa ZE, g.G et t M épouse K ont constaté que la SAM ZA avait procédé à l'implantation de plusieurs tirants d'ancrage dans leur propre fonds, pour le compte de la société S. C. I. C pour permettre la construction de la Villa voisine.

Depuis lors, g.G et t M épouse K ont remarqué l'apparition de nombreuses nouvelles fissures ainsi que l'aggravation des fissures antérieures au sein de la Villa ZC.

Par exploit d'huissier du 2 septembre 2016, g.G et t M épouse K ont assigné la société S. C. I. C ainsi que la SAM ZA aux fins solliciter une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de ces dernières, permettant de déterminer les travaux propres à remédier aux désordres constatés au sein de leur villa, de déterminer les responsabilités encourues et d'établir les préjudices subis.

Suivant ordonnance de référé du 16 novembre 2016, une mesure d'expertise a été ordonnée et j.H a été désigné en qualité d'expert judiciaire, puis remplacé par j A par ordonnance du 4 mars 2019, avec pour mission de :

* - Se rendre sur les lieux en présence des parties,

* - Se faire remettre par les parties tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,

* - S'adjoindre si nécessaire le concours d'un sapiteur,

* - Rechercher et décrire les désordres affectant la Villa ZC,

* - En rechercher les causes et les origines,

* - Fournir tous les éléments techniques utiles susceptibles de déterminer l'imputabilité des désordres,

* - Préconiser toutes mesures utiles de nature à y remédier et chiffrer leur coût,

* - Dire si la Villa ZC présente à court ou moyen terme un risque ou une contre-indication quelconque pour l'habitation,

* - Fournir tous les éléments d'appréciation permettant d'évaluer les préjudices, et notamment un éventuel préjudice de jouissance,

* - Faire toutes observations utiles.

Dans l'intervalle, il est en outre apparu que la société S. C. I. C avait fait l'objet d'une dissolution anticipée suivie d'une radiation.

Par acte d'huissier en date du 24 juin 2022, g.G et t M épouse K ont assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L et demandent au Tribunal de :

* - Sursoir à statuer dans l'attente du rapport d'expertise ;

* - Dire et juger leur action recevable ;

* - Dire et juger que l'implantation des tirants d'ancrage dans le tréfonds de la villa ZC sans leur autorisation préalable est constitutive d'un empiétement irrégulier de leur propriété et constitue un trouble anormal du voisinage ;

* - Condamner in solidum la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L à les indemniser au titre de la remise en état antérieure de leur propriété avant l'implantation des tirants dont le montant sera déterminé par l'expertise ;

* - Condamner in solidum la société SCI C, a.B, e.F épouse B et l.L à leur verser une somme de 10.000 euros par mois à titre d'indemnité de relogement jusqu'au récolement des travaux assorti d'une autorisation d'occuper les locaux ;

Subsidiairement, si le Tribunal refusait de condamner les défendeurs à la remise en état,

* - Condamner in solidum la société SCI C, a.B, e.F épouse B et l.L à leur payer une somme à déterminer selon l'expertise ;

* - Condamner solidairement la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L à des dommages et intérêts à déterminer selon l'expertise ;

* - Condamner in solidum la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L à leur verser une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

* - Condamner in solidum la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L aux frais d'expertise ;

* - Condamner in solidum la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L aux frais de procédure à parfaire ;

* - Condamner in solidum la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L aux dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

La société S. C. I. C a été dissoute, a.B, e.F épouse B, associés de cette SCI sont devenus les propriétaires de cette villa à compter du 23 avril 2019.

L'expert, j A, a déposé son rapport le 28 avril 2023.

Par conclusions récapitulatives du 10 février 2025, g.G et t M épouse K demandent au Tribunal de :

* - Dire et juger leur action recevable ;

* - Dire et juger que l'implantation des tirants d'ancrage dans le tréfonds de la villa ZC sans leur autorisation préalable est constitutive d'un empiétement irrégulier de leur propriété et constitue un trouble anormal du voisinage ;

* - Dire et juger que la responsabilité civile de la SAM ZA est engagée en raison des fautes dolosives commises lors de la rénovation de la Villa ZC ;

* - Condamner in solidum a.B, e.F épouse B et l.L à leur payer la somme de 1.039.152,79 euros au titre des travaux de reprise nécessaires à la remise en état de leur propriété avant l'implantation des tirants ;

* - Condamner in solidum a.B, e.F épouse B et l.L à leur payer une somme de 2.330.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'occupation illicite du tréfonds de leur propriété et de la dépréciation de leur villa ;

* - Condamner in solidum a.B, e.F épouse B et l.L à leur payer une indemnité de relogement de 360.000 euros jusqu'au récolement des travaux assorti d'une autorisation d'occuper les locaux ;

* - Condamner in solidum a.B, e.F épouse B et l.L à leur verser une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

* - Faire injonction à a.B et e.F épouse B de ne pas entraver les travaux de remise en état du tréfonds, au besoin en donnant accès à leur propre tréfonds ;

* - Dire et juger que le jugement sera opposable aux acquéreurs éventuels et successifs de la Villa ZE si a.B et e.F épouse B venaient à la céder ;

* - Leur réserver le droit de parfaire leurs demandes, notamment en fonction de l'évolution des désordres ;

* - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

* - Condamner in solidum a.B, e.F épouse B et l.L à leur payer une somme de 42.235,01 euros de frais d'expertise judiciaire ;

* - Condamner in solidum la société S. C. I. C, a.B, e.F épouse B et l.L à leur payer la somme de 20.000 euros au titre des frais de procédure ;

* - Condamner in solidum a.B, e.F épouse B et l.L aux dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives du 18 février 2025, a.B et e.F épouse B demandent au Tribunal de :

À titre principal,

* - Dire et juger que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet ;

* - Dire et juger que les demandes de g.G et t M épouse K à l'encontre de la société SCI C sont irrecevables ;

* - Dire et juger que l'action fondée sur un trouble anormal de voisinage est prescrite ;

* - Constater que les désordres qui affectent la villa de g.G et t M épouse K ont pour cause un tassement différentiel de leur terrain et l'erreur de conception, consécutifs aux travaux de rénovation et d'extension de ladite villa ;

* - Constater que l'expert n'affirme pas formellement que les clous provisoires sont à l'origine de désordres sur la Villa ZC ;

* - Constater que l'expert ne préconise pas la suppression des clous et encore moins le chiffrage ;

* - Constater que l'expert ne préconise pas la remise en état du tréfonds du terrain de g.G et t M épouse K et encore moins son chiffrage ;

* - Constater que l'expert n'impute aucun des désordres constatés à a.B et e.F épouse B ;

* - Constater que l.L s'est engagée contractuellement à assumer tout désordre lié aux travaux réalisés et affectant les avoisinants ;

* - Débouter g.G et t M épouse K de l'intégralité de leurs demandes à leur encontre ;

Subsidiairement,

* - Dire et juger que l'atteinte à la propriété de g.G et t M épouse K ne pourra se résoudre qu'en l'allocation de dommages et intérêts limitée au regard du faible préjudice ;

En tout état de cause,

* - Condamner l.L à les relever et garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre ;

* - Condamner tout succombant au paiement d'une somme de 50.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

* - Condamner tout succombant aux dépens distraits au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives du 4 février 2025, l.L demande au Tribunal de :

À titre principal,

* - Dire et juger que toutes les actions engagées par les demandeurs à son encontre au titre des travaux de rénovation de la Villa ZC achevés le 17 mars 2008 sont prescrites ;

* - Dire et juger que toutes les demandes de g.G et t M épouse K à son encontre au titre d'un trouble anormal de voisinage est prescrite et donc irrecevable ;

À titre subsidiaire,

* - Débouter g.G et t M épouse K de l'ensemble de leurs demandes ;

En tout état de cause,

* - Condamner solidairement g.G et t M épouse K à lui payer une somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ;

* - Condamner solidairement g.G et t M épouse K aux dépens incluant les frais d'expertise de Monsieur A, distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Les débats ont été clos par ordonnance du 21 février 2025.

À l'audience du 27 février 2025, les conseils des parties ont plaidé l'affaire qui a été mise en délibéré au 30 avril 2025.

SUR CE,

* - Sur la prescription soulevée par l.L au titre de l'action en responsabilité contractuelle de g.G et t M épouse K pour les travaux réalisés dans leur Villa en 2008

g.G et t M épouse K ont assigné a.B et Elina B née F et l.L devant la présente juridiction par acte d'huissier en date du 24 juin 2022, c'est à cette date que le Tribunal se situe pour apprécier si l'action est prescrite ou non.

g.G et t M épouse K ont fait rénover leur Villa ZC en 2008.

Un marché de travaux a été confié à l.L pour la rénovation de la villa ZE en décembre 2009, villa qui jouxte leur propriété. Cette villa a été démolie en grande partie et reconstruite. Préalablement au début des travaux, l.L a fait faire un constat d'huissier le 3 septembre 2009 dressant l'état des lieux de la Villa ZC, ce constat mentionne que la Villa présente à divers endroits des microfissures.

À l'occasion des travaux dans la Villa ZE, g.G et t M épouse K constatant l'apparition de fissures sur leurs murs, ont obtenu du juge des référés une expertise.

g.G et t M épouse K indiquent que c'est à l'occasion de l'expertise qu'ils ont découvert que l.L avait commis des fautes dolosives à l'occasion des travaux dans la Villa ZC, ce qui justifie selon eux qu'ils puissent agir en responsabilité contractuelle à son encontre pour lesdites fautes.

L'article 1630 du Code civil édicte que « si l'édifice construit à prix fait, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans ».

L'article 2050 du Code civil précise que « après dix ans, l'architecte et les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont fait ou dirigés ».

g.G et t M épouse K ne fondent pas leur action à l'encontre de l.L sur la garantie décennale, dont ils admettent implicitement qu'elle est prescrite mais ils invoquent la responsabilité contractuelle de l.L relatives à la qualité des travaux effectués en 2008 dans la Villa ZC.

g.G et t M épouse K invoquent le fait qu'en cas de faute dolosive commise par le constructeur, une action est possible sur le fondement contractuel, y compris au-delà du délai de prescription de la garantie décennale.

L'action est alors soumise à l'article 2044 du Code civil qui prévoit un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de les exercer.

À la lecture de l'expertise, g.G et t M épouse K ont effectivement découvert que les travaux dans leur Villa ZC réalisés par l.L n'avaient pas tous été réalisés dans les règles de l'art.

Le rapport d'expertise a été déposé par j A le 28 avril 2023. Le délai de prescription de cinq ans, pour engager la responsabilité contractuelle de la SAM ZA, court à compter de cette date, l'action en responsabilité de g.G et t M épouse K n'est pas prescrite.

l.L est déboutée de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle engagée par g.G et t M épouse K à son encontre.

* - Sur la responsabilité contractuelle de l.L à l'égard de g.G et t M épouse K

g.G et t M épouse K invoquent une jurisprudence française de la Cour de cassation sur cette question de l'articulation de la responsabilité décennale avec la responsabilité de droit commun, parfaitement transposable à Monaco puisque ces deux régimes de responsabilité cohabitent dans le droit positif monégasque.

Il ressort de cette jurisprudence qu'effectivement, passé le délai de garantie décennale spécifique, le maître d'ouvrage peut toujours agir à l'encontre de son constructeur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle soumise à la prescription de cinq ans à deux conditions :

* - La faute doit être intentionnelle puisque c'est la notion de dol qui en est le fondement,

* - Les conséquences dommageables doivent être d'une particulière gravité.

Il convient de vérifier si l'expertise mentionne des éléments de nature à induire un possible dol de la part de l.L permettant à g.G et t M épouse K d'agir sur ce fondement.

L'expert en page 126 de son rapport retient trois causes à l'origine des désordres subis par la Villa ZC :

* - Les désordres résultant d'un phénomène de tassement différentiel de sol,

* - Les désordres provoqués par une erreur de conception,

* - Les désordres provoqués par la mise en oeuvre de clous.

Les deux premiers désordres cités par l'expert, s'agissant de fissures apparues sur les murs de la Villa ZC, se rapportent effectivement aux travaux réalisés par l.L dans la Villa ZC en 2008.

Le 3ème désordre concerne l'impact des travaux dans la Villa ZE sur la Villa ZC.

Sur le premier désordre, le phénomène de tassement de sol, l'expert indique que la présence d'une structure et d'un sol hétérogène a été mise en évidence. Il écrit en page 80, « lors de la rénovation du bâtiment les murs existants composés de moellons ont été en partie conservés. Leurs fondations n'ont pas été confortées. Une gaine a été creusée dans la roche en pied du mur de refend divisant le bâtiment dans le sens Nord-Sud. Ces travaux et la qualité du sol ont entraîné un tassement différentiel et l'apparition de fissures et notamment sur les murs en pierre et les dalles en béton ».

Sur le deuxième désordre, l'erreur de conception, l'expert écrit « l'encoffrement de la gaine technique située au niveau de la buanderie, réalisé à l'aide d'une chape flottante sans armature et de faible épaisseur coulée sur les plaques d'acier, n'est pas suffisamment rigide ; cette mise en oeuvre a provoqué les fissures constatées sur les carreaux de finition situés au-dessus et à proximité de cette gaine ».

À la lecture des termes employés par l'expert, il n'apparaît pas que les conditions précitées, à savoir une faute intentionnelle et des conséquences d'une particulière gravité, soient remplies pour permettre à g.G et t M épouse K d'agir en responsabilité contractuelle.

Il n'y a à aucun moment de la part de l'expert, l'évocation d'une faute intentionnelle assimilable à un dol puisqu'il utilise le vocable « erreur ».

S'agissant des conséquences dommageables d'une particulière gravité, l'expert écrit que « nos investigations n'ont pas permis a priori d'établir un risque à court ou moyen terme pour l'habitation et ses occupants ».

En conséquence de cela, le Tribunal considère que g.G et t M épouse K n'ont pas démontré le bien-fondé de leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de l.L concernant les travaux réalisés en 2008.

g.G et t M épouse K sont déboutés de leur action à l'encontre de l.L sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

* - Sur la prescription soulevée par l.L au titre de l'action engagée par g.G et t M épouse K au titre du trouble de voisinage

La prescription des actions personnelles régie par la loi antérieure à la loi du 5 décembre 2013 était de 10 ans.

La loi du 5 décembre 2013 a réduit la durée de prescription à 5 ans, à cette date, la prescription de 5 ans a commencé à courir pour toutes les actions non prescrites le 20 décembre 2013, date de son entrée en vigueur.

L'article 2044 du Code civil édicte que « sauf disposition légale contraire, les actions réelles et mobilières et les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de les exercer ».

La prescription de l'action commence à courir pour g.G et t M épouse K à compter du jour où ils ont eu connaissance du trouble du voisinage.

Il ressort des pièces du dossier qu'un constat d'huissier a été établi à leur initiative le 11 mai 2010, ayant constaté l'apparition de fissures sur leur Villa après les premiers travaux de démolition entrepris dans la Villa ZE. L'huissier précise dans son constat que sur le portail de la Villa L'Hirondelle, un arrêté est affiché autorisant la démolition et la reconstruction de la Villa.

Maître Claire NOTARI écrit « six tirants ont été ancrés dans le mur de soutènement de la villa ZC (…), au niveau -1 de la villa, en plafond est visible une fissure ouverte partant du mur côté droit en descendant l'escalier. Cette fissure se poursuit en plafond, cette même fissure descend verticalement sur le mur côté droit escalier jusqu'à l'interrupteur. Dans la cave côté droit, une fissure verticale ouverte est visible sur toute la hauteur du mur, derrière la porte ».

g.G et t M épouse K ont donc eu connaissance officiellement des désordres subis par leur Villa, en lien avec les travaux dans la Villa ZE à cette date.

C'est donc à compter du 11 mai 2010 que la prescription de dix ans a commencé à courir.

L'intervention de la loi nouvelle, le 20 décembre 2013, alors que la prescription de 10 ans n'était pas achevée, a fait courir un nouveau délai de cinq ans, l'action est donc prescrite au 20 décembre 2018.

L'article 2059-1 précise que « la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ».

En l'espèce, g.G et t M épouse K ont assigné en référé expertise par exploit d'huissier du 2 septembre 2016, la société S. C. I. C ainsi que l.L aux fins de solliciter une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de ces dernières, permettant de déterminer les travaux propres à remédier aux désordres constatés au sein de leur Villa, de déterminer les responsabilités encourues et d'établir les préjudices subis.

Cette demande en justice est en rapport direct avec la présente action en recherche de responsabilité de l.L, tel que cela ressort de l'assignation en référé dans laquelle g.G et t M épouse K écrivent « au cours de l'exécution des travaux de démolition de la villa « Kerber » et de construction de la villa « ZE », les époux J ont constaté que l.L avait procédé à l'implantation de plusieurs tirants d'ancrage dans leur propre fonds ».

La demande d'expertise est donc bien en lien avec le présent litige et répond aux conditions de l'article 2059-1 précité.

La société S. C. I. C ayant été dissoute, a.B et e.F épouse B ont été mis dans la cause.

Le délai de prescription de 5 ans a donc été suspendu le 2 septembre 2016, le rapport d'expertise a été déposé le 28 avril 2023. C'est à cette date que le délai de prescription s'est poursuivi.

L'assignation ayant été délivrée le 24 juin 2022, l'action pour trouble anormal de voisinage à l'encontre de l.L n'est donc pas prescrite.

* - Sur le trouble de voisinage subi par g.G et t M épouse K du fait des travaux réalisés dans la Villa ZE par l.L et a.B et e.F épouse B

g.G et t M épouse K expliquent qu'à l'occasion des travaux réalisés dans la Villa ZE, l.L a procédé à la pose de plusieurs tirants au début de l'année 2010, pose qui s'est faite sans autorisation, ce que reconnaît l.L dans la procédure.

L'expert déjà cité a indiqué que l'une des trois causes des désordres subis par la Villa ZC était liée à la mise en oeuvre de clous.

L'expert rappelle que le constat d'huissier du 3 septembre 2009, avant le début des travaux dans la Villa ZE recensait :

* - Des microfissures en façade, en terrasses et balcons ;

* - À l'intérieur, deux craquelures en plafond du bureau du 3ème étage ;

* - Une micro-craquelure en plafond de la cuisine du rez-de-jardin ;

* - Au sous-sol, des microfissures en plafond du local chaufferie, et en plafond du dégagement menant au local chaufferie ;

* - Une micro-craquelure en plafond et dans l'axe de la porte du dressing.

Un constat d'huissier a été réalisé par Maître Claire NOTARI, huissier de justice à la demande de g.G et t M épouse K le 11 mai 2010, après le début des travaux de démolition de la villa. L'huissier a constaté :

* - La présence de six tirants ancrés dans le mur de soutènement de la villa des demandeurs ;

* - Une fissure ouverte partant du mur du côté droit en descendant l'escalier ; elle se poursuit en plafond et redescend verticalement sur le mur de droite jusqu'à l'interrupteur ;

* - Dans la cave, côté droit, une fissure verticale toute hauteur derrière la porte.

L'expert décrit en détail le positionnement de chaque clou implanté dans le tréfonds de la Villa ZC. Il écrit en page 80 « la mise en oeuvre des clous dans le tréfonds de la propriété, à proximité du niveau inférieur du bâtiment a provoqué des vibrations. Celles-ci sont de nature à créer des microfissures et fissures sur les maçonneries et notamment sur les éléments de modénature rapportés en façades ».

Il impute donc les désordres liés à l'implantation des clous à l.L

La responsabilité de l.L est établie s'agissant des conséquences de l'implantation de clous appelés tirants au tréfonds de la Villa ZC.

Concernant la responsabilité d'a.B et e.F épouse B pour trouble anormal du voisinage, le marché de travaux signé entre a.B et e.F épouse B et l.L prévoit en son article 6 ASSURANCES : « l.L sera seule responsable de tous dommages corporels, matériels ou immatériels, sans aucune limitation, pouvant survenir du fait de l'exécution des travaux objet du marché (…). l.L sera responsable de tous les dommages qu'elle causerait aux constructions mitoyennes et avoisinantes ; elle s'engage, en cas de sinistre, à effectuer toutes les réparations jugées nécessaires ».

En conséquence, le Tribunal considère que le trouble de voisinage ayant été généré par l'action de l.L, a.B et e.F épouse B n'ont pas à répondre de ce trouble anormal de voisinage dès lors qu'ils ont confié leurs travaux à la société N, professionnel en matière de construction, qui doit seule répondre des conséquences liées aux travaux qu'elle a exécutés.

g.G et t M épouse K sont déboutés de leur action sur le fondement du trouble du voisinage à l'encontre de a.B et e.F épouse B.

S'agissant des conséquences de l'action de l.L sur la Villa ZC, l'expert a distingué trois causes de désordres dont la mise en oeuvre des clous.

Avant le début des travaux dans la Villa ZE, l.L a fait faire un constat d'huissier en date du 3 septembre 2009 dans la Villa ZC.

L'huissier décrit sur 7 pages les lieux qui comportent seulement quelques microfissures à certains endroits mais n'évoque pas la présence de fissures.

À la suite de la démolition de la ZD devenue ZE, le 11 mai 2010, un huissier de justice est mandaté par g.G et son épouse pour examiner les lieux. Il est relevé une fissure à l'intérieur sur un mur côté droit escalier qui ne figurait pas sur le précédent constat. De même, une fissure verticale est signalée dans la cave, étant rappelé que les tirants sont ancrés dans le tréfonds, donc en dessous de la cave.

De cela, il se déduit que la pose des tirants d'ancrage a endommagé la Villa ZC. Le lien entre les deux est incontestable même si l'expert emploie des termes ambivalents comme « sont de nature à ». g.G et t M épouse K expliquent que la pose des tirets dans leur tréfonds a provoqué des vibrations dans leur Villa, vibrations qui sont liées aux tirants qui exercent une traction entre deux points, l'un des points étant le tréfonds de leur Villa. En outre, les fissures sont apparues sur les murs et ouvrages qui sont du côté de la Villa ZE.

La difficulté est que les travaux dans la Villa de g.G et t M épouse K se sont achevés quelques mois avant le début des travaux dans la Villa ZE. Or l'expert indique qu'il y a des désordres dans la Villa Les Echauguettes liés aux malfaçons et erreurs commises dans la conception par l.L. Cette concomitance complique l'évaluation des désordres imputables aux seuls tirants d'ancrage.

L'expert n'a pas chiffré les désordres en fonction des trois causes retenues par lui.

Dans un dire du 10 août 2021, le conseil de g.G et t M épouse K a interpellé l'expert en ces termes : « il est important de souligner que votre descriptif sommaire de proposition de travaux de remise en état de la villa ZC ne fait pas état, à ce stade, de l'impact que pourrait avoir eu l'implantation de tirants d'ancrage dans le tréfonds de la propriété de mes clients, sur l'apparition consécutive des désordres affectant la villa. Je vous saurais infiniment gré, en conséquence, de bien vouloir confirmer que la question de l'impact de l'implantation de tirants d'ancrage sur les désordres apparus dans la villa sera bien étudiée aux termes de votre pré-rapport ».

Cette demande a été réitérée en avril 2023.

L'expert a répondu en ces termes « ma mission ne prévoit pas l'établissement d'une quote-part », ce qui est faux dès lors que la mission qui lui est confiée comprend « fournir tous éléments utiles permettant à la juridiction du fond qui sera éventuellement saisie de déterminer l'imputabilité des désordres constatés et les responsabilités ». Le Tribunal considère que la notion d'imputabilité et de responsabilité mentionnées aurait dû conduire l'expert à répartir entre les trois causes retenues par lui, les divers désordres.

Le Tribunal est privé de ce fait d'éléments importants pour la solution du litige.

Les trois causes ont déjà été mentionnées, il s'agit du phénomène de tassement différentiel de sol, d'une erreur de conception et de la mise en oeuvre de clous.

À ce sujet, en réponse au dire précité, j A écrit : « l'erreur de conception dans la mise en oeuvre de la gaine technique n'a pas un impact limité aux finitions de sol de la buanderie. Le terrassement réalisé en pied de mur de refend sans confortement de son assise est de nature à le déstabiliser. Une étude de sol avant travaux de reprise de structure est une démarche devant permettre de limiter les aléas ; il s'agit d'une précaution élémentaire, voire de bon sens. Cette étude aurait permis d'orienter le constructeur tant pour la reprise des fondations que pour la mise en oeuvre des clous, réduisant de ce fait fortement tout désordre sur l'existant ».

Il découle de cela que le rôle joué par les deux autres causes que le Tribunal n'a pas vocation à examiner dans la question du trouble de voisinage est importante.

En l'absence de répartition par l'expert de la part de désordres découlant de chacune d'elle, le Tribunal exclut déjà les désordres qui sont directement imputés à une autre cause que l'implantation des clous.

Ainsi le Tribunal relève que le rapport de la société OGEO, sapiteur de l'expert mentionne en page 20 « une reprise en sous-oeuvre des fondations de l'ouvrage s'avère nécessaire afin de pallier le risque de tassements différentiels liés à l'hétérogénéité de portance du sol d'assise et le risque de retrait-gonflement lié à une profondeur d'assise insuffisante des fondations existantes ».

Toute indemnisation demandée à ce titre sera rejetée.

Cette société indique en page 14 de son rapport « des fissures, horizontales, obliques et verticales témoignant d'un phénomène de tassement différentiel ont été observés sur le corps principal de l'ouvrage principalement au niveau sous-sol (buanderie). Ces désordres peuvent être dus à un phénomène de retrait-gonflement de la frange d'altération argileuse recouvrant le substratum rocheux ». Cette phrase confirme que certaines fissures ne peuvent pas être une conséquence de la pose des tirants d'ancrage.

Par ailleurs, l'expert a indiqué dans son rapport que ses investigations ne lui ont pas permis d'établir un risque à court ou moyen terme pour l'habitation et ses occupants, cet élément est également à prendre en compte s'agissant des demandes d'indemnisation présentées par g.G et t M épouse K.

Les demandeurs sollicitent, sur la base des chiffrages de l'expert une somme totale de 1.039.152,79 euros au titre de leur préjudice matériel.

Il convient de préciser également que les tirants ont été désactivés après la première étape de travaux. Le compte rendu de chantier de la villa ZE du 17 septembre 2010 mentionne en page 3 « l'ensemble des têtes de clous peuvent être découpées ».

L'architecte, Monsieur P, intervenant en expert technique de g.G et t M épouse K indique dans un accédit du 3 avril 2019, que « il semblerait que les têtes de clous aient été coupées par la SAM ZA, au fur et à mesure du montage des murs de contrefort. Nous savons qu'un clou dit « passif » a une résistance persistante. Même si la tête boulonnée du clou a été supprimée, le clou étant pris dans le béton est toujours actif (…). Lorsque l'on fore dans un rocher, les vibrations se font immédiatement mais la fissure peut ne pas apparaître immédiatement, cela dépend notamment de la profondeur du forage ».

Il ajoute, alors qu'il est le conseiller technique des demandeurs, « aujourd'hui les désordres constatés ne mettent pas en péril l'habitation, ils sont d'ordre esthétique ».

Le rapport du bureau d'études du sol OGEO de juin 2021 évoque « les risques naturels », à savoir les mouvements de terrain et le phénomène de retrait-gonflement. Sur le premier risque, il indique « aucun mouvement de terrain porté à notre connaissance » et sur le second il écrit « des fissures horizontales, obliques et verticales témoignent d'un phénomène de tassement différentiel sur le corps principal de l'ouvrage. Ces désordres peuvent être dus à un phénomène de retrait-gonflement de la frange d'altération argileuse recouvrant le substratum rocheux ».

En page 20, sur le traitement des désordres, le rapport OGEO mentionne « en l'état des données acquises, les désordres observables sont amenés à évoluer si des travaux ne sont pas entrepris (…). Compte tenu du contexte géotechnique, une reprise en sous-oeuvre par fondations artificielles ou semi-profondes parait envisageable, il pourra s'agir de fondations continues de type semelles filantes… ».

Il ressort clairement de ce rapport que de nombreuses fissures sont attribuées aux risques naturels qui n'ont pas été pris en compte lors des travaux réalisés en 2008 dans la villa ZC.

Le rapport OGEO n'évoque pas à l'origine des fissures, la présence des tirants d'ancrage.

C'est un point de désaccord avec l'expert A qui tend, en tous cas, à démontrer que les tirants d'ancrage ne sont pas incriminés par tous les intervenants à l'expertise.

Il convient de ne retenir au titre de l'indemnisation de g.G et t M épouse K que les chefs de préjudice découlant de la pose des tirants.

Le préjudice total est chiffré par l'expert à la somme de 862.115,95 euros.

Doivent être exclus de ce montant :

* - La reprise en sous oeuvre des fondations pour une somme de 155.200 euros, outre l'installation du chantier de 62.500 euros, comme indiqué supra, la réparation de ces désordres n'est pas une conséquence directe de la pose des tirants,

* - La reprise des fissures sur les murs découlant du problème des fondations de 44.200 outre 10.000 euros de divers découle directement de la reprise en sous oeuvre.

Pour les autres désordres, l'origine parmi les trois causes n'est pas déterminée par l'expert.

Au vu de tout ce qui précède et notamment du rôle de la pose des tirants dans les désordres qui n'ont provoqué que des désordres esthétiques, sans mettre en péril la structure de l'immeuble, le Tribunal retient une part d'un tiers pour chaque cause, pour les désordres dont la cause n'est pas clairement déterminée.

Les travaux afférents aux travaux réparatoires de façade sont chiffrés par l'expert à un total de 288.157,81 euros, les travaux de peinture à 138.872,15 euros et 14.500 euros de travaux de nettoyage (hors gros oeuvre), soit une somme de 441.529,96 euros outre 20 % de TVA, soit un total de 529.835,95 euros.

Dès lors que les trois causes précitées ont provoqué des fissures, le Tribunal attribue le coût de la réparation des fissures à un tiers à chacune des causes.

Le Tribunal suit l'expert, qui a été interpellé par les défendeurs sur ce point, en ce qu'il n'y a pas lieu de réduire cette indemnisation au titre de l'obligation pour chaque propriétaire de procéder au ravalement de façade tous les 10 ans à Monaco. Peu importe que g.G et t M épouse K aient ravalé leur façade ou non, il est établi que les fissures ont pour origine notamment la pose de tirants, l.L doit en supporter le coût, sans déduction aucune.

l.L, ayant par la pose de tirants dans le tréfonds de la villa ZC, causé ce dommage, elle en supportera un tiers du coût de 529.835,95 euros, soit 176.611,98 euros.

L'expert ajoute d'autres frais globaux, sans distinguer le rapport avec les différents travaux, soit :

* - 2.160 euros de constat d'huissier avant travaux,

* - Une mission d'architecte de 79.930,03 euros,

* - Une assurance dommage ouvrage de 2.586,34 euros,

* - Une assurance globale chantier de 14.307,67 euros,

* - Une mission de bureau de contrôle afférente à une mission structure/solidité de 78.052,80 euros.

Sur le total de frais supplémentaires de 177.036,84 euros, le Tribunal met un tiers à la charge de l.L, soit 59.012,28 euros.

Le Tribunal fixe donc le préjudice matériel de g.G et t M épouse K au titre des désordres causés à leur Villa ZC par la pose de tirants à la somme de 235.624,26 euros que l.L est condamnée à payer à g.G et t M épouse K.

Ils sont déboutés du surplus de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel, en lien avec les deux autres causes de désordres.

g.G et t M épouse K présentent diverses demandes annexes :

* - Enjoindre à a.B et e.F épouse B de ne pas entraver les travaux de remise en état du tréfonds, au besoin en donnant l'accès à leur propre tréfonds : le Tribunal n'ayant pas fait droit aux travaux de gros oeuvre demandés notamment dans le tréfonds, cette demande est devenue sans objet,

* - Dire et juger que le jugement sera opposable aux acquéreurs éventuels et successifs de la Villa ZE, si a.B et e.F épouse B venaient à la céder : a.B et e.F épouse B ayant été mis hors de cause, cette demande est également devenue sans objet.

* - Sur la demande de g.G et t M épouse K de dommages et intérêts au titre de leur relogement

Le Tribunal a écarté la responsabilité de l.L quant aux désordres subis par la Villa ZC sur son gros oeuvre dont il n'est pas établi qu'ils soient la conséquence de la pose des tirants.

Le préjudice lié à la pose de tirants se limitant à la nécessité de réparer de nombreuses fissures, il n'y a pas dans ce cas, nécessité pour les occupants de se reloger ailleurs le temps des travaux.

g.G et t M épouse K sont déboutés de leur demande en paiement d'une indemnité de relogement.

* - Sur l'occupation illicite du tréfonds par l.L

g.G et t M épouse K sollicitent une indemnisation de 2.330.000 euros au titre de l'occupation illicite du tréfonds de leur propriété et de sa dépréciation.

Ils expliquent que la pose de tirants au tréfonds de leur villa constitue un empiètement sur leur propriété, soit une atteinte à leur droit de propriété justifiant que leur soit allouée une réparation.

Comme cela a été dit précédemment, seules les têtes de clous ont été enlevées mais pas les tiges qui resteront perpétuellement dans le tréfonds de la Villa ZC. En effet, leur retrait pourrait provoquer de nouveaux désordres. L'expert a indiqué dans son rapport que ce retrait n'était absolument pas nécessaire.

Le Tribunal rappelle que la pose de tirants a été faite sans que l.L ne sollicite une autorisation de la part des propriétaires, ce qui était pourtant impératif, compte tenu de la nature de l'opération qui impacte la propriété de g.G et t M épouse K.

L'indemnisation d'un tel empiétement ne peut qu'être forfaitaire, les demandeurs l'ayant chiffré à la somme de 2.330.000 euros.

Il convient toutefois de rappeler que l'empiétement s'est fait dans le tréfonds de la propriété, l'atteinte au droit de propriété est limitée dans la mesure où l'atteinte ne nuit pas à l'usage quotidien de la propriété. L'atteinte ne cause aucun préjudice esthétique hormis les fissures dont la réparation est déjà indemnisée. L'implantation dans le tréfonds n'est donc pas de nature, contrairement à ce qu'affirment g.G et t M épouse K à dévaloriser leur Villa, en cas de vente.

Le Tribunal considère que si la faute de l.L est caractérisée, le préjudice est toutefois moindre que celui invoqué par les demandeurs.

Au vu de la situation, le Tribunal fixe le préjudice de g.G et t M épouse K au titre de l'empiétement illicite sur leur propriété à la somme de 150.000 euros qui sera mise à la charge de l.L.

* - Sur la demande de g.G et t M épouse K de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral

Au vu de tout ce qui précède, le préjudice moral de g.G et t M épouse K est indéniable puisque pendant plusieurs années, ils ont été témoins de fissures apparaissant sur leur Villa et de leur aggravation. S'en sont suivis de nombreux questionnements quant aux origines de ces désordres, diverses procédures menées et la longueur de l'expertise atteste de la difficulté du sujet.

Ils sollicitent une somme de 50.000 euros toutes causes de préjudice confondues.

Toutefois, l.L n'étant pas responsable de tous les désordres mais seulement ceux liés à la pose des tirants, elle ne doit indemniser qu'une partie du préjudice moral des demandeurs.

Le Tribunal fixe à la somme de 20.000 euros les dommages et intérêts mis à la charge de l.L et la condamne à payer cette somme à g.G et t M épouse K.

* - Sur la demande de g.G et t M épouse K au titre des frais d'expertise d'un montant de 42.235,01 euros

Au vu de tout ce qui vient d'être décidé, le Tribunal considère que les frais d'expertise doivent être supportés au final par l.L qui est condamnée à payer à g.G et t M épouse K la somme de 42.235,01 euros qu'ils ont supportés au titre des frais d'expertise.

* - Sur la demande au titre des frais de procédure

L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.

L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».

l.L, succombant, est condamnée à payer à g.G et t M épouse K la somme de 20.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.

l.L est déboutée de sa demande d'indemnisation de ses frais de procédure.

l.L est condamnée à payer à a.B et e.F épouse B une somme de 20.000 euros au titre de leurs frais de procédure.

l.L est condamnée aux dépens distraits au profit de Maîtres Olivier MARQUET et Jean-Charles GARDETTO, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation.

* - Sur l'exécution provisoire du présent jugement

En application de l'article 202 du Code de procédure civile, «hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203 ».

Le texte précise que « l'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ».

L'exécution provisoire n'apparaît pas compatible avec la nature de l'affaire et la demande est rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Déboute l.L de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle engagée par g.G et t M épouse K à son encontre ;

Déboute g.G et t M épouse K de leur action sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'encontre de l.L ;

Déboute l.L de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action pour trouble anormal de voisinage engagée à son encontre par g.G et t M épouse K ;

Déclare l.L responsable d'un trouble du voisinage à l'encontre de g.G et t M épouse K par la pose de tirants dans le tréfonds de la Villa ZC ;

Déboute g.G et t M épouse K de leur action sur le fondement du trouble de voisinage à l'encontre d'a.B et e.F épouse B ;

Fixe le préjudice matériel de g.G et t M épouse K au titre des désordres causés à leur villa ZC par la pose de tirants à la somme de 235.624,26 euros ;

Condamne l.L au paiement de ladite somme ;

Déboute g.G et t M épouse K du surplus de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel ;

Déboute g.G et t M épouse K de leur demande en paiement d'une indemnité de relogement ;

Constate que les demandes de g.G et t M épouse K à l'encontre d'a.B et d'e.F épouse B de ne pas entraver les travaux de remise en état du tréfonds, au besoin en donnant l'accès à leur propre tréfonds et de voir dire et juger que le jugement sera opposable aux acquéreurs éventuels et successifs de la Villa ZE, si a.B et e.F épouse B venaient à la céder, sont devenues sans objet ;

Dit que l.L a porté atteinte au droit de propriété de g.G et t M épouse K par la pose de tirants dans le tréfonds de la Villa ZC ;

Condamne l.L à payer à g.G et t M épouse K la somme de 150.000 euros au titre de l'empiétement illicite sur leur propriété ;

Condamne l.L à payer à g.G et t M épouse K la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral ;

Condamne l.L à payer à g.G et t M épouse K la somme de 42.235,01 euros qu'ils ont supportés au titre des frais d'expertise ;

Condamne l.L à payer à g.G et t M épouse K la somme de 20.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ;

Déboute l.L de sa demande d'indemnisation de ses frais de procédure ;

Condamne l.L à payer à a.B et e.F épouse B une somme de 20.000 euros au titre de leurs frais de procédure ;

Rejette la demande d'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne l.L aux dépens distraits au profit de Maîtres Olivier MARQUET et Jean-Charles GARDETTO, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 30 AVRIL 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Aline BROUSSE, Premier Juge, Monsieur Maxime MAILLET, Juge, assistés de Madame Marine PISANI, Greffier en chef adjoint, en présence du Ministère public.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 31016
Date de la décision : 30/04/2025

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle ; Immobilier - Général ; Architectes


Parties
Demandeurs : g.G et t M épouse K
Défendeurs : La société civile dénommée S. C. I. C et autres

Références :

article 202 du Code de procédure civile
article 238-1 du Code de procédure civile
article 2044 du Code civil
article 1630 du Code civil
article 2050 du Code civil
loi du 5 décembre 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2025-04-30;31016 ?

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