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LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 avril 2023, enregistré (n° 2023/000375) ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, au nom de s E, en date du 2 juillet 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom du ZA, en date du 25 septembre 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de c.C, en date du 28 octobre 2024 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 février 2025 ;
À l'audience publique du 27 février 2025, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 30 avril 2025, par mise à disposition au Greffe.
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon acte notarié du jma, j.G a fait donation à c.C, sa fille, pour ce qui intéresse la présente instance, d'un magasin composé d'un local avec cabinet de toilette, réduit à usage de cave au sous-sol, avec trappe, formant le premier lot désigné sous le chiffre I, d'un immeuble sis, numéros x5 à Monaco.
Estimant, dans les faits, avoir pris possession depuis plus de trente ans, non pas seulement dudit magasin situé au sein de l'immeuble sis, numéros x5 à Monaco, mais également du débarras situé sous la cour de l'immeuble sis, x3, formant l'espace entre cet immeuble et celui sis x5, délimité par la mitoyenneté des divers immeubles et pouvant correspondre pour le sous-sol à la désignation « A » et « B » du plan du rez-de-chaussée de l'immeuble sis, x3, c.C, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé un courrier le 18 novembre 2022 à la société ZB, en sa qualité de syndic de l'immeuble sis, x3, afin, notamment, que l'assemblée générale de la copropriété de cet immeuble soit saisie pour constater qu'elle est devenue propriétaire du local en sous-sol de l'immeuble.
Par courrier en date du 21 novembre 2022, ledit syndic a répondu au conseil de c.C, notamment, qu'il n'avait « pas constaté de transfert de tout ou partie de la propriété ou jouissance du tréfonds du lot B de l'immeuble sis, x3, qui appartient à ce jour à un tiers copropriétaire », qu'il n'avait pas la capacité d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée ce que c.C avait sollicité et que seul le Tribunal de Monaco pouvait prononcer la prescription acquisitive.
En réponse au courrier, en date du 15 décembre 2022, par lequel c.C a sollicité le nom et l'adresse du copropriétaire du lot désigné sous la lettre B auprès du syndic, ce dernier indiquait, par lettre du 19 décembre 2022, qu'il n'était pas habilité, ni autorisé, à divulguer ces renseignements, sauf à faire une faute professionnelle.
Après un nouvel échange de lettres, c.C a été autorisée, par ordonnance du Président du Tribunal de première instance en date du 1er février 2023 à mandater tel huissier à l'effet de se rendre dans les locaux de la société ZB, en sa qualité de syndic de la copropriété du x3, pour se faire communiquer le nom et l'adresse du propriétaire du lot situé dans la cour de l'immeuble et désigné sous la lettre B du cahier des charges / règlement de copropriété du 22 novembre 1956, qui s'est révélé être s E.
Par lettre en date du 28 février 2023, c.C, par l'intermédiaire de son conseil, après avoir exposé que le magasin situé sous l'immeuble sis, x5, qu'elle a acquis en 1979, s'étend sous l'immeuble voisin sis x3 au sein d'une partie dépendant du lot B dont s E est propriétaire, a sollicité de ce dernier la passation d'un acte notarié comportant, d'une part, la division dudit lot en deux nouveaux lots, l'un correspondant à une partie de la cour de l'immeuble et les constructions qui ont pu y être édifiées, l'autre correspondant à la construction en sous-sol, d'autre part, la constatation de l'acquisition, par elle, dudit sous-sol par voie de prescription acquisitive.
En l'absence de réponse de s E, ce dernier et ZA, par exploit en date du 18 avril 2023, ont été assignés devant le Tribunal de première instance par c.C, laquelle sollicite de la juridiction, aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 28 octobre 2024, de :
* - dire que par application de l'article 2094 du Code civil monégasque, elle a, par voie de prescription trentenaire, acquis la propriété du local situé en sous-sol de la cour de l'immeuble X3 correspondant aux lots A et B du règlement de copropriété de cet immeuble, ce local d'une surface totale de 21,85 m2 décrit au plan établi par Monsieur H et figurant sur ledit plan qui restera annexé au jugement à intervenir ;
* - dire également que par division des lots A et B il sera créé un lot nouveau de l'état descriptif de division de l'immeuble x3 correspondant au local ainsi acquis par elle par prescription acquisitive ;
* - désigner tel notaire qu'il plaise au Tribunal aux fins de procéder aux formalités de constitution d'un lot correspondant au local acquis par elle par prescription trentenaire dans l'immeuble X3 ;
* - condamner s E à lui payer une indemnité de 6.000 euros au titre des autres frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
* - rejeter les demandes formées par s E et ZA ;
* - condamner s E aux entiers frais et dépens de la présente instance, lesquels comprendront notamment les frais et accessoires, frais d'huissiers, dont la somme de 740 euros au titre des procès-verbaux de constats d'huissier consécutifs aux deux ordonnances de compulsoire, dont distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de sa demande d'acquisition par usucapion, fondée sur l'article 2094 du Code civil, c.C, qui relève que s E s'en remet à justice sur ce point, note qu'il ressort des actes notariés produits par ce dernier, qu'il est propriétaire des lots A et B représentant la cour ainsi que les constructions en sous-sol. La demanderesse expose que, selon acte notarié en date du jma, m.K a vendu à a.A, d'une part, un magasin composé d'un local avec cabinet de toilette, un réduit à usage de cave en sous-sol avec trappe, désigné sous le premier lot chiffre I au cahier des charges d'un immeuble sis, x5 à Monaco, d'autre part, un débarras situé sous la cour de l'immeuble sis, x3 à Monaco, formant l'espace entre cet immeuble et celui sis x5, délimité par la mitoyenneté des divers immeubles et pouvant correspondre pour le sous-sol à la désignation « A » et « B » du plan du rez-de-chaussée de l'immeuble sis, x3, ce débarras pouvant être considéré comme divisé en deux pièces dont la première de plain pied avec le magasin, et la seconde desservie en son centre par deux marches. L'acte précise que seule est vendue la partie se trouvant sous la cour de l'immeuble sis, x3, le vendeur se réservant tous droits pour la partie située au-dessus. c.C précise, ensuite, que par acte notarié en date du 23 août 1968, les époux A ont vendu à sa mère, Juliette C, un magasin composé d'un local avec cabinet de toilette réduit à usage de cave au sous-sol avec trappe formant le premier lot désigné sous le chiffre I de l'immeuble sis, numéros x5, et cédé le fonds de commerce. c.C estime, cependant, que si cet acte de vente ne fait pas mention des locaux dépendants de l'immeuble sis, x3 acquis par Monsieur A par l'acte précité du jma, la prise de possession de sa mère a porté sur l'ensemble des locaux qui étaient la propriété de Monsieur A dans les deux immeubles voisins et donc sur les locaux en sous-sol de l'immeuble sis, x3. c.C indique que la prise de possession par sa mère de la fraction des locaux située dans l'immeuble x3 n'a, depuis lors, jamais été contestée par quiconque, cette fraction se trouvant par ailleurs réunie de façon indivisible à la partie sise dans l'immeuble rue Princesse Caroline pour former un seul et même magasin avec dépendances. La demanderesse explique, ainsi, qu'en ayant acquis le jma, par donation de sa mère, les locaux dans l'immeuble rue Princesse Caroline, elle a, dans les faits, pris possession du magasin et des dépendances situés dans les deux immeubles. c.C estime donc que, depuis plus de trente ans, elle se comporte comme propriétaire de la fraction de son local commercial situé au sous-sol de l'immeuble sis, x3 et ce, sans opposition de qui que ce soit.
Elle estime, par ailleurs, répondant à la première demande du ZA, que le transfert de propriété s'étant opéré de plein droit au bout de trente ans et le local étant situé dans un immeuble en copropriété, celui-ci doit nécessairement être doté d'une quote-part dans les parties communes, de façon à constituer un nouveau lot comportant une partie privative et une quotepart desdites parties communes, si bien que l'assemblée générale ne saurait être appelée à se prononcer à l'unanimité sur une telle création de lot. La demanderesse argue, de même, que contrairement à ce que sollicite ledit syndicat, le Tribunal n'a pas le pouvoir d'ordonner l'inscription d'une question à l'ordre du jour d'une assemblée générale des copropriétaires ce qui justifie qu'elle sollicite la désignation d'un notaire aux fins de procéder aux formalités de constitution d'un lot correspondant au local par elle acquis par voie de prescription.
Au soutien de sa demande en condamnation de s E au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile, c.C estime qu'au vu de la réponse que lui a adressée le syndic le 21 novembre 2022, tout portait à croire que les lots A et B avaient le même propriétaire, ce qui a justifié que la requête de la demanderesse ayant abouti à l'ordonnance du Vice-Président du Tribunal, en date du 1er février 2023, n'ait concerné que le lot B. Elle estime que s E a été de mauvaise foi en écrivant dans ses premières conclusions dans le cadre de la présente instance, qu'elle n'avait pas attrait à la procédure le propriétaire du lot A, alors qu'il en était précisément le propriétaire et qu'elle a donc été contrainte d'obtenir une nouvelle ordonnance le 2 novembre 2023 qui a abouti à révéler que le défendeur était, effectivement, propriétaire également du lot A. c.C estime ainsi l'attitude de s E, avant et pendant la présente instance, dilatoire, alors que sa mise en cause était nécessaire, ce qui a ralenti et complexifié la procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 juillet 2024, s E sollicite du Tribunal de première instance de :
* - rejeter les demandes financières de c.C dirigées à son encontre ;
* - statuer ce que de droit sur la demande de c.C quant à sa demande au titre de la prescription acquisitive ;
* - statuer ce que de droit sur la demande de c.C quant à sa demande de modification du règlement de copropriété ;
* - condamner c.C à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, sur sa due affirmation.
Au soutien du rejet des demandes financières formulées à son endroit, s E expose qu'il a acquis en 2016 et 2018, respectivement, un local au rez-de-chaussée de l'immeuble sis, x3 à Monaco portant le n°2 ainsi qu'une partie de la cour formant le lot B, et un local situé au rez-de-chaussée dudit immeuble portant le n°1 ainsi qu'une partie de la cour formant le lot A. Il estime que la demanderesse a modifié ses demandes dans la cadre de la présente procédure judiciaire puisque lorsqu'elle a obtenu une ordonnance sur compulsoire afin d'interroger le syndic sur l'identité du propriétaire de la cour, elle a seulement demandé le nom du propriétaire du lot B et non du lot A. S'il est propriétaire également de ce dernier lot, s E estime que c.C aurait pu interroger la Direction des Services Fiscaux afin d'obtenir l'acte de propriété du concluant concernant le lot B et qu'il en va de même du lot A. Or, il argue qu'en page 12 de l'acte de propriété concernant le lot B, le débarras qu'évoque la demanderesse est précisément désigné, qu'il est mentionné que m.K l'a vendu à a.A et qu'ainsi, en sa qualité d'acquéreur, l'acte indique que s E ne pourra rien faire édifier dans ledit sous-sol, sous le lot B. Aussi, le défendeur estime-t-il qu'il ressort de l'acte d'achat, concernant le lot B, qu'il n'est donc pas propriétaire de la partie du lot B, située en sous-sol, occupé par c.C. S'agissant de l'autre partie du débarras, située sous la cour formant le lot A, lui appartenant, s E indique qu'il est mentionné dans l'acte de vente que « le propriétaire de cette cour pourra y faire édifier toute construction qu'il jugera utile, au sol et au sous-sol, il aura tout droit de mitoyenneté sur l'immeuble et bénéficiera d'un droit de passage par l'entrée dudit immeuble ». Il explique que m.K n'a pas précisé ni à l'acquéreur, ni au notaire rédacteur, lorsqu'il a cédé son bien immobilier, qu'il avait cédé à a.A le jma le sous-sol de la cour formant les lots A et B dans le cadre de la cession du magasin sis, x5. Ainsi, l'acte de propriété du défendeur comporte, selon lui, une omission dans la mesure où il aurait dû comporter, comme dans l'acte de 2016 concernant le lot B, qu'il n'était pas propriétaire du sous-sol de la cour formant le lot A. Dans ce contexte, il estime qu'aucune demande financière ne saurait prospérer à son encontre, puisqu'il n'a pas été informé de la cession opérée par m.K.
Quant à la prétention de la demanderesse au titre de la prescription acquisitive, et n'étant copropriétaire que depuis quelques années, s E explique qu'il n'a pas qualité pour se positionner sur la possession continue, paisible et publique de la demanderesse et qu'il s'en rapporte donc à la décision du Tribunal.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 septembre 2024, ZA demande au Tribunal de première instance de :
* - statuer ce que de droit sur les demandes de c.C ;
Si par impossible le Tribunal devait juger que la prescription acquisitive du lot situé en sous-sol était acquise à c.C :
* - ordonner l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la copropriété x3 de la résolution visant à créer un nouveau lot et modifier l'état descriptif de division ;
* - dire que dans l'hypothèse où un lot devait être créé, les frais de géomètre et d'actes notariés devront être mis à la charge de c.C, ainsi que les frais de l'assemblée générale ;
* - condamner c.C à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de référé et d'appel distraits au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, sur sa due affirmation.
ZA estime que la création de nouveaux lots est une question qui doit être évoquée lors d'une assemblée générale de copropriété et votée à l'unanimité, conformément à l'article 17 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, relative à la copropriété des immeubles bâtis. Il soutient qu'il conviendra d'ordonner l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la copropriété de la résolution visant à créer un nouveau lot et modifier l'état descriptif de division.
Les débats ont été clos le 21 février 2025 par ordonnance du même jour du Vice-Président du Tribunal de première instance.
À l'audience du 27 février 2025, les conseils des parties ont déposé leur dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 30 avril 2025.
SUR CE,
* - Sur la demande d'acquisition par usucapion
Aux termes de l'article 2083 du Code civil, « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. ». Selon les dispositions du premier alinéa de l'article 2094 du Code civil, « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. ».
En l'espèce, c.C justifie que sa mère a acquis, le 23 août 1968, des époux A un magasin composé d'un local avec cabinet de toilette réduit à usage de cave au sous-sol avec trappe formant le premier lot désigné sous le chiffre I de l'immeuble sis, numéros x5, outre une cession du fonds de commerce et qu'elle-même a acquis de sa mère le jma, notamment, ledit magasin.
c.C justifie encore, cependant, que ce magasin dont elle est propriétaire, est composé, en réalité, non pas seulement dudit local formant le premier lot désigné sous le chiffre I de l'immeuble sis, numéros x5, mais, également, de deux pièces situées sous la cour de l'immeuble sis, x3 faisant partie des lots A et B dudit immeuble, le tout formant un ensemble indivisible, ce que les défendeurs ne contestent pas. Cette indivisibilité ressort, en tout état de cause, tant du plan établi par Monsieur H, géomètre que la demanderesse a mandaté, que de la lettre de l'acte notarié de vente qu'elle produit du jma et du plan qui y était annexé. Aux termes dudit acte, en effet, m.K a vendu à a.A outre le magasin dont s'agit, un « débarras situé sous la cour de l'immeuble sis, x3 à Monaco, formant l'espace entre cet immeuble et celui sis x5, délimité par la mitoyenneté des divers immeubles et pouvant correspondre pour le sous-sol à la désignation « A » et « B » du plan du rez-de-chaussée de l'immeuble sis, x3. L'on peut considérer ce débarras comme divisé en deux pièces dont la première de plein pied avec le magasin, et la seconde desservie en son centre par deux marches ». L'acte ajoute, en outre, que seule est vendue la partie se trouvant sous la cour de l'immeuble sis, x3, le vendeur se réservant tous droits pour la partie située au-dessus.
Il ressort de ces éléments que, si elle n'est en toute rigueur propriétaire que du lot désigné sous le chiffre I de l'immeuble sis, numéros x5, c.C possède néanmoins, depuis le jma, date à laquelle elle a acquis de sa mère ce dernier lot, les deux pièces situées en sous-sol des lots A et B de l'immeuble sis x3, le tout formant, ainsi qu'il vient d'être dit, un ensemble indivisible.
Force est de constater que ni ZA, ni s E ne contestent cette possession, ce dernier alléguant ne pas être propriétaire de la pièce située en sous-sol du lot B, et propriétaire de celle située en sous-sol du lot A.
s E produit ainsi, en pièce n°1, un document daté de l'année 2016, sans indication du jour, ni du mois, non signé, s'apparentant à un projet d'acte notarié aux termes duquel il acquiert de j.F, notamment, une « partie de la cour, formant le lot B, teintée par une couleur verte au plan du rez-de-chaussée », ce document mentionnant néanmoins, en page 12, au titre des conditions particulières, que dans un acte reçu par Maître CROVETTO-AQUILINA, notaire, le 9 mai 2006, il a été indiqué que « concernant la partie de la cour formant le lot B : le propriétaire de cette cour (lot B et lot A non compris aux présentes) pourra y faire édifier toute construction qu'il jugera utile, au sol et au sous-sol, il aura tout droit de mitoyenneté sur l'immeuble et bénéficiera d'un droit de passage par l'entrée dudit immeuble. A ce sujet, Monsieur K déclare : qu'aux termes d'un acte reçu par Maître Louis-Constant CROVETTO, (…), le vingt-deux janvier mil neuf cent soixante -trois, il a notamment vendu à Monsieur a e A (…) ce qui suit rapporté par extrait : « un débarras situé sous la cour de l'immeuble x3 formant l'espace entre les immeubles x3 et x5, délimité par la mitoyenneté des divers immeubles et pouvant correspondre pour les sous-sol à la désignation « A et B » du plan du rez-de-chaussée de l'immeuble x3 ». Le projet d'acte ajoute alors, « Et qu'en conséquence, l'acquéreur [donc s ZZ] ne pourra rien faire édifier dans ledit sous-sol. L'acquéreur déclare de son côté être parfaitement au courant de cette situation ».
Il résulte de ce document, qu'à supposer qu'il ait été finalisé, ce qui n'est contesté par aucune des parties, s E n'a pas acquis la pièce située en sous-sol de la cour, faisant partie du lot B de cet immeuble, ce qu'il confirme au demeurant dans ses écritures.
Quant à la « partie de la cour formant le lot A » au sein de ce même immeuble, s E produit, en pièce n°2, un document daté de l'année 2018, là encore sans indication ni du jour, ni du mois et non signé, s'apparentant donc également à un projet d'acte notarié, aux termes duquel il acquiert de j.F, notamment, ledit lot A. Il est constant, cependant, que ce projet d'acte ne reprend pas, au titre des conditions particulières, ce qui est mentionné dans le projet d'acte daté de 2016 concernant le lot B, puisqu'il est mentionné, en page 11, « Il est ici précisé que dans le règlement de copropriété de l'immeuble, il a été précisé ce qui suit transcrit par extrait : Concernant la cour : « le propriétaire de cette cour pourra y faire édifier toute construction qu'il jugera utile, au sol et au sous-sol, il aura tout droit de mitoyenneté sur l'immeuble et bénéficiera d'un droit de passage par l'entrée dudit immeuble ». Le projet d'acte ajoute alors « L'acquéreur [donc s ZZ] se trouvera purement et simplement subrogé dans tous les droits et obligations du vendeur résultant de ces servitudes ».
Il résulte donc de ce document, qu'à supposer qu'il ait été finalisé, ce qui n'est contesté par aucune des parties, s E a acquis la pièce située en sous-sol de la cour faisant partie du lot A de cet immeuble.
Il est constant, néanmoins, que ce second document comporte nécessairement une omission, ainsi du reste que le soutient s E dans ses écritures, puisqu'il apparaît effectivement de l'acte notarié produit aux débats par c.C en pièce n° 3, et ainsi que l'indique le premier projet d'acte versé aux débats par s E concernant la pièce située en sous-sol du lot B de l'immeuble sis, x3, que ce dernier n'a pu acquérir la pièce située en sous-sol du lot A dudit immeuble eu égard à la vente intervenue entre m.K et a.A le jma, qui comprenait indivisément, ainsi qu'il a été dit, outre le magasin formant le premier lot chiffre I au cahier des charges de l'immeuble sis, x5 à Monaco, le débarras situé sous la cour de l'immeuble sis, x3 à Monaco, pouvant correspondre pour le sous-sol à la désignation « A » et « B » du plan du rez-de-chaussée dudit immeuble. Il en ressort que, comme le premier projet d'acte notarié qui concernait, notamment, le lot B de l'immeuble sis x3, le second projet d'acte notarié concernant, notamment, le lot A dudit immeuble aurait dû évoquer cette cession intervenue entre m.K et a.A et en tirer les conséquences.
Les défendeurs ne contestent néanmoins pas que la demanderesse possède la pièce située en sous-sol faisant partie du lot B de l'immeuble sis x3, dont s E n'est donc pas propriétaire, ainsi que la pièce située en sous-sol faisant partie du lot A dudit immeuble, dont s E est, selon ses dires, propriétaire, à la faveur, ainsi qu'il l'explique dans ses écritures, d'une erreur de rédaction de l'acte notarié.
Aussi, et quant aux caractères de la possession desdits locaux par c.C, le Tribunal considère-t-il que c.C rapporte à suffisance la preuve que celle-ci est continue et non-interrompue depuis le jma mais également, s'agissant de surcroît d'un magasin, publique, non équivoque, à titre de propriétaire et paisible, étant ici observé que les parties défenderesses, s'en remettant à justice, ne contestent pas cela, et notamment pas s E concernant la pièce en sous-sol faisant partie du lot A alors pourtant qu'il en est, selon ses dires, propriétaire depuis l'année 2018.
En conséquence, il sera dit que c.C a acquis par usucapion le local, composé de deux pièces situées sous la cour de l'immeuble sis, x3 à Monaco, formant l'espace entre cet immeuble et celui sis 12-x5, délimité par la mitoyenneté des divers immeubles et pouvant correspondre pour le sous-sol à la désignation « A » et « B » du plan du rez-de-chaussée de l'immeuble sis, x3 ce, depuis le 11 avril 2009. Cette désignation, qui correspond à celle figurant dans l'acte notarié précité du jma, se suffit à elle-même, sans qu'il soit besoin de préciser, ainsi que le sollicite la demanderesse, que « ce local d'une surface totale de 21,85 m2 décrit au plan établi par Monsieur H et figurant sur ledit plan qui restera annexé au jugement à intervenir », ce plan n'ayant au demeurant pas été établi contradictoirement.
Il est communément admis que le fractionnement d'un lot de copropriété entraîne la modification de ses éléments constitutifs et, par conséquent, sa disparition et son remplacement par les différents lots issus de la division du lot primitif.
Aussi, l'acquisition par c.C, telle qu'elle résulte du présent jugement, d'une partie des lots A et B de l'immeuble sis, x3, nécessitera-t-elle une modification du règlement de copropriété dudit immeuble, qui est de la compétence du syndicat des copropriétaires, conformément à l'article 5 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis, étant ici observé que l'article 11-1 de la même loi dispose qu'« À tout moment, tout copropriétaire ou le conseil syndical peut notifier au syndic les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée générale. ».
Il n'appartient donc pas au Tribunal, à ce stade, ni de dire que par division des lots A et B il sera créé un nouveau lot dans l'état descriptif de division de l'immeuble, ni de désigner un notaire aux fins de procéder aux formalités de constitution d'un lot correspondant au local acquis par c.C, laquelle sera déboutée de ses demandes formées en ce sens.
Le Tribunal ne saurait, pas plus, sauf à s'immiscer dans la gestion de la copropriété, ordonner l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la copropriété de l'immeuble sis, x3, d'une résolution sur cette thématique. Le syndic sera donc débouté de sa demande formée en ce sens.
* - Sur les dépens
S'agissant des dépens de l'instance, il est constant que la demanderesse n'avait d'autres choix que d'assigner s E, dès lors que le constat d'huissier, effectué à la suite de l'ordonnance de compulsoire rendue le 1er février 2023 sur sa requête, le désignait comme propriétaire du lot B de l'immeuble sis x3 dont elle souhaitait qu'il soit constaté qu'elle en avait usucapé une partie. Ledit lot faisant par ailleurs partie de l'immeuble sis x3, la présence à l'instance du syndicat des copropriétaires de cet immeuble, sollicité par l'huissier en application de ladite ordonnance pour connaître le propriétaire dudit lot, était également nécessaire.
Si le Tribunal considère que les réponses apportées par ledit syndicat à la demanderesse ne donnaient pas à penser à c.C, contrairement à ce qu'elle allègue, que les lots B et A dudit immeuble avaient le même propriétaire, si bien qu'elle aurait dû, dans sa requête du 26 janvier 2023 aux fins d'obtention d'une ordonnance de compulsoire, solliciter non pas seulement l'identité du propriétaire du lot B, mais également celui du lot A, il est constant que, dans la mesure où c.C demandait dans son assignation l'acquisition de la propriété des pièces situées en sous-sol desdits lots, s E, qui ne pouvait ignorer qu'il était également propriétaire du lot A, aurait pu l'indiquer dès ses premières écritures en date du 4 octobre 2023, et non conclure que « la demande de Madame C ne saurait prospérer en l'absence à la procédure du propriétaire du lot A », ce qui aurait évité à la demanderesse d'avoir à supporter les coûts afférents à la seconde ordonnance de compulsoire qu'elle a obtenue.
En cet état, et dans le contexte où les défendeurs s'en sont remis à justice s'agissant de la demande présentée par c.C au sujet de l'acquisition par usucapion d'une partie desdits lots, il y a lieu de considérer qu'aucune des parties n'a véritablement succombé à l'instance, au sens de l'article 231 du Code de procédure civile.
Le Tribunal dira, en conséquence, que chaque partie conservera la charge de ses dépens, mais que s E paiera, en outre, à c.C le coût afférent au constat d'huissier consécutif à l'ordonnance rendue par le Vice-Président du Tribunal de première instance le 2 novembre 2023 sur requête de la demanderesse, soit la somme de 390 euros.
À défaut de succombance de l'une ou l'autre des parties au sens de l'article 231 du Code de procédure civile, aucune condamnation ni distraction au profit de l'avocat-défenseur de la cause.
* - Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 238-1 du Code de procédure civile, « Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer : 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; (…) Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. (…) ».
Dans la mesure où la demanderesse n'avait d'autres choix, ainsi qu'il a été dit, que d'assigner s E et ZA, l'équité commande qu'aucune partie ne soit condamnée au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 238-1 précité.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Constate la possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, à titre de propriétaire de c.C du local comportant deux pièces, situées sous la cour de l'immeuble sis, x3 à Monaco, formant l'espace entre les immeubles sis, x3 et 12-x5, délimité par la mitoyenneté des divers immeubles et pouvant correspondre pour le sous-sol à la désignation « A » et « B » du plan du rez-de-chaussée de l'immeuble sis, x3 ce, depuis le jma ;
Dit que c.C a acquis ledit local par l'effet de la prescription ;
Ordonne la transcription du jugement à intervenir au Bureau des Hypothèques ;
Dit que les parties conserveront, chacune, la charge de leurs dépens, mais que s E paiera, en outre, à c.C le coût afférent au constat d'huissier consécutif à l'ordonnance rendue par le Vice-Président du Tribunal de première instance le 2 novembre 2023, soit la somme de 390 euros ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Composition
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 30 AVRIL 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Aline BROUSSE, Premier Juge, Monsieur Maxime MAILLET, Juge, assistés de Madame Marine PISANI, Greffier en chef adjoint, en présence du Ministère public.
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