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03/04/2025 | MONACO | N°30847

Monaco | Tribunal de première instance, 3 avril 2025, j E et m F épouse E c/ La société de droit anglais dénommée D


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LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 24 juin 2022, enregistré (n° 2022/000539) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de j E et m F épouse E, en date du 3 octobre 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI avocat-défenseur, au nom de la société D, en date du 23 décembre 2024 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 janvier 2025 ;

À l'audience publique du 23 janvier 2025, les conseils

des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 ...

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LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 24 juin 2022, enregistré (n° 2022/000539) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de j E et m F épouse E, en date du 3 octobre 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI avocat-défenseur, au nom de la société D, en date du 23 décembre 2024 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 janvier 2025 ;

À l'audience publique du 23 janvier 2025, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 avril 2025, par mise à disposition au Greffe.

Motifs

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte d'huissier en date du 24 juin 2022, j E et m F épouse E ont assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco la société D et demandent au Tribunal de :

* Dire et juger que j E et m F épouse E possèdent un profil financier « MODERATE » ;

* Dire et juger que la société D a fait souscrire j E et m F épouse E à des accumulateurs ;

* Dire et juger que les accumulateurs sont des produits financiers structurés nécessitant un profil financier « HIGH » ;

* Dire et juger que la société D a fait souscrire le 1er juin 2016 un contrat intitulé « Master Agreement for Exchange Traded Option Transactions » sans dispenser la formation aux risques requise et sans s'assurer notamment que m F épouse E ait reçu un conseil légal indépendant ;

* Dire et juger que le contenu de ce contrat est confus, opaque et déséquilibré et que j E et m F épouse E n'ont été destinataires de leur exemplaire qu'en copie le 23 janvier 2020 ;

* Dire et juger que j E et m F épouse E ne sont pas des investisseurs avertis ;

* Dire et juger que la société D a manqué à son obligation de diversification du portefeuille de j E et m F épouse E en dépassant la limite de 25% d'investissement du capital investi ;

* Dire et juger que la société D a commis une abstention fautive en restant inerte face aux pertes financières conséquentes subies par les requérants ;

* Dire et juger que la société D a commis une faute en dépassant le plafond du nantissement fixé à 3.000.000 € à hauteur de 1.584.397,24 € ;

* Dire et juger qu'en dispensant des conseils inadaptés en raison notamment de conflits d'intérêts la société D a manqué à ses obligations déontologiques ainsi qu'à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ;

* Dire et juger que notamment en raison de leur âge avancé et de leur état de santé, j E et m F épouse E ont dépendu pleinement des conseils dispensés par la société D ;

* Dire et juger que la société D est soumise à une obligation d'information, de conseil et de mise en garde ;

* Dire et juger que la société D en sa qualité de prestataire de service d'investissements est soumise à des obligations déontologiques ;

* Dire et juger que la société D a commis une faute en conseillant à j E et m F épouse E un investissement dans les accumulateurs en totale inadéquation avec leur profil d'investisseurs ;

Par voie de conséquence,

* Dire et juger que la société D, prestataire de services d'investissement, a manqué à ses obligations déontologiques et à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde de j E et m F épouse E ;

À titre principal,

En raison des manquements précités commis par la société D avant la signature du contrat du 1er juin 2016 ainsi qu'au stade de sa formation le 1er juin 2016, la responsabilité civile extracontractuelle de la société D sera retenue ;

* Prononcer l'annulation du contrat de souscription aux accumulateurs du 1er juin 2016,

Par voie de conséquence,

* Condamner la société D à restituer à j E et m F épouse E les sommes investies dans les accumulateurs établies à 4.715.255,88 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts par année entière ;

A titre subsidiaire, si l'annulation du contrat ne devait pas être prononcée,

* Prononcer la responsabilité contractuelle de la société D en raison des manquements précités commis lors de l'exécution du contrat du 1er juin 2016 par la société D et des conflits d'intérêts constituant une violation manifeste de ses obligations déontologiques ainsi que de ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ;

Par voie de conséquence,

* Condamner la société D à indemniser j E et m F épouse E des pertes financières à hauteur de 2.663.547 € en raison de la perte de la chance, d'éviter les pertes et de réaliser de meilleurs placements, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts par année entière ;

En tout état de cause,

* Dire et juger que la société D a commis une faute, qu'il en est résulté des dommages et que ses manquements tant déontologiques qu'à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde sont la cause directe des préjudices subis par j E et m F épouse E ;

En conséquence,

* Condamner la société D à payer à j E et m F épouse E la somme de 250.000 € en réparation de leur préjudice moral ;

* Ordonner l'exécution provisoire du Jugement à intervenir en application des dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ;

* Condamner la société D à payer la somme de 50.000 € au titre des frais irrépétibles au visa des dispositions des articles 238-1 du Code de procédure civile modifié ;

* Condamner la société D aux entiers frais et dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives en date du 3 octobre 2024, j E et m F épouse E demandent au Tribunal de :

* Dire et juger que leur action est recevable ;

* Dire et juger qu'il n'est pas envisageable d'apprécier une demande à titre principal en considération d'une demande à titre subsidiaire ;

* Dire et juger que la société D en sa qualité de prestataire de service d'investissements est soumise à une obligation d'information, de conseil et de mise en garde ;

* Dire et juger que la société D en sa qualité de prestataire de service d'investissements est soumise à des obligations déontologiques ;

* Dire et juger que j E et m F épouse E possèdent un profil financier « MEDIUM/MODERATE » ;

* Dire et juger que j E et m F épouse E ne sont pas des investisseurs avertis ;

* Dire et juger que les accumulateurs sont des produits financiers structurés nécessitant un profit financier « HIGH » ;

* Dire et juger que la société D leur a fait souscrire des accumulateurs en les faisant signer le 1er juin 2016 un contrat intitulé « Master Agreement for Exchange Traded Option Transactions » ;

* Dire et juger que, contrairement au contrat, la société D ne leur a pas préalablement dispensé la formation aux risques requise et ne s'est pas assurée que m F épouse E avait reçu un conseil légal indépendant ;

* Dire et juger que le contenu du contrat est confus, opaque, déséquilibré, qu'il est rédigé en langue anglaise qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment, qu'il est incomplet car il n'apporte pas le signalement ostentatoire nécessaire des clauses indiquant les risques illimités des accumulateurs ;

* Dire et juger qu'ils n'ont été destinataires de leur exemplaire de contrat qu'en copie le 23 janvier 2020 soit 4 ans après la signature ;

* Dire et juger que la société D ne les a pas conseillés de prendre le temps de la réflexion et ne leur a pas remis le document d'informations clés, avant la signature du contrat de souscription aux accumulateurs tel qu'exigé par le règlement européen n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance ;

* Dire et juger que la société D a manqué à ses obligations déontologiques et à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde ;

A titre principal,

* Dire et juger que leur consentement a été vicié par erreur ;

* Prononcer l'annulation du contrat de souscription aux accumulateurs du 1er juin 2016 et de toutes les opérations en découlant ;

Par voie de conséquence,

* Condamner la société D à leur restituer les sommes investies à hauteur de 3.904.967 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts par année entière ;

A titre subsidiaire,

* Dire et juger que la société D est soumise à une obligation contractuelle de diversification du portefeuille de j E et m F épouse E imposant de ne pas investir plus de 25 % de leur capital dans les accumulateurs ;

* Dire et juger que la société D a manqué à cette obligation en leur faisant souscrire à des accumulateurs à hauteur de 1.200 % de leur capital ;

* Dire et juger que la société D a manqué à ses obligations déontologiques en remplaçant indistinctement la mention « conseillé » par la mention « exécution » sur les relevés de comptes afin de masquer son interférence avec les décisions d'investissement de j E et m F épouse E ;

* Dire et juger qu'un contrat de nantissement a été conclu entre eux et la société D pour garantir les opérations d'investissement entreprises ;

* Dire et juger que ce contrat stipulait qu'aucune nouvelle position ne pouvait être ouverte en dépassement du montant nanti qui devait, en permanence couvrir 100 % des obligations garanties à l'égard de la société D ;

* Dire et juger que la société D a manqué à son obligation de couverture en permettant l'ouverture de nouvelles positions en dépassement du montant nanti fixé à 3.000.000 € à hauteur de 4.715.266,88 €, soit une surexposition de 1.715.266,88 € ;

* Dire et juger que la société D a manqué à son obligation d'information en s'abstenant de les informer dès 2018 du dépassement du montant nanti ;

* Dire et juger que la société D a manqué à ses obligations déontologiques et à son obligation contractuelle de couverture en ouvrant de nouvelles positions après épuisement du nantissement et en ne faisant pas cesser les opérations à la suite des pertes réalisées ;

* Dire et juger que la société D a fourni à j E et m F épouse E une présentation erronée de leur exposition réelle en traitant les accumulateurs comme des instruments de couverture en contradiction avec les stipulations du contrat du 1er juin 2016 ;

* Dire et juger qu'en dispensant des conseils inadaptés, la société D a manqué à ses obligations déontologiques ainsi qu'à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ;

* Dire et juger que les conseils de la société D sont la cause directe des pertes subies par eux ;

* Dire et juger qu'en raison de leur âge avancé et de leur état de santé, ils ont dépendu pleinement des conseils dispensés par la société D ;

* Dire et juger que le contrat du 16 octobre 2023 prévoyait l'obligation pour la société D de fixer un montant maximal de transactions en cours approuvé par un comité interne et devant être notifié à j E et m F épouse E à sa signature et être réexaminé annuellement ;

* Dire et juger que la société D n'a fixé aucun montant annuel maximal des opérations, qu'aucun comité interne ne s'est prononcé à cet effet et qu'aucun réexamen de ce montant ne s'est tenu ;

* Prononcer la responsabilité contractuelle de la société D en raison des manquements précités ;

Par voie de conséquence,

* Condamner la société D à les indemniser des pertes financières à hauteur de 2.663.547 € en raison de la perte de chance ;

À titre infiniment subsidiaire, si la responsabilité contractuelle de la société D n'est pas retenue,

* Dire et juger que les accumulateurs sont des produits financiers structurés de haute complexité au niveau de risque maximal, réservés aux profils d'investisseurs « HIGH » ;

* Dire et juger qu'ils étaient profanes en ce qui concerne les produits structurés et plus précisément les accumulateurs ;

* Dire et juger qu'ils ont un profit d'investisseur « MEDIUM/MODERATE » ;

* Dire et juger que la société D a commis une faute en leur conseillant un investissement dans les accumulateurs en totale inadéquation avec leur profil d'investisseurs ;

* Prononcer la responsabilité extracontractuelle de la société D en raison des manquements à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde au stade précontractuel du contrat du 1er juin 2016 ;

Par voie de conséquence,

* Condamner la société D à les indemniser des pertes financières à hauteur de 2.663.547 € ;

En tout état de cause,

* Dire et juger que la société D a commis une faute dont il est résulté des dommages ;

Par voie de conséquence,

* Condamner la société D à leur payer une somme de 250.000 € au titre d'un préjudice moral ;

* Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

* Condamner la société D à leur verser une somme de 50.000 € au titre de leurs frais de procédure non compris dans les dépens ;

* Condamner la société D aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

j E et m F épouse E soutiennent principalement que leur consentement a été vicié à l'occasion des contrats signés avec la société D, notamment en 2013 et 2016, s'agissant particulièrement d'investissements dans les produits de type accumulateurs, n'ayant pas pris conscience du risque de ce type de produits très volatiles.

La société D ayant sur ces produits, failli à son obligation d'information et de conseil.

L'annulation de ce contrat qui n'aurait jamais dû être signé justifie selon les demandeurs le remboursement intégral de tous leurs investissements.

Si le contrat du 1er juin 2016 ne devait pas être annulé sur ce fondement, j E et m F épouse E invoquent le manquement contractuel de la société D à ses obligations notamment de diversification du portefeuille, de ne pas dépasser le montant nanti, ces manquements justifiant le remboursement aux demandeurs des investissements perdus.

Enfin, ils soutiennent à titre infiniment subsidiaire que la société D a commis une faute à l'occasion de la formation du contrat du 1er juin 2016 en n'informant pas suffisamment ses clients sur les produits à risque.

Par conclusions récapitulatives en date du 23 décembre 2024, la société D demande au Tribunal de :

* Constater que j E et m F épouse E soutiennent que leur consentement aurait été vicié par erreur, compte tenu de la complexité de l'ensemble de la documentation contractuelle du 1er juin 2016 ;

* Constater que ladite documentation a été signée par j E et m F épouse E le 1er juin 2016 ;

* Constater que j E et m F épouse E ont délivré leur assignation le 24 juin 2022 ;

* Dire et juger en conséquence que leur action est prescrite ;

En tout état de cause,

* Dire que j E et m F épouse E sont des investisseurs avertis ;

* Dire et juger qu'ils n'établissent pas la preuve que leur consentement a été vicié par une erreur ;

* Débouter en conséquence j E et m F épouse E de leur demande de nullité de la convention du 1er juin 2016 ;

Sur la demande subsidiaire de j E et m F épouse E,

* Dire et juger que la société D a exécuté son obligation de renseignement ;

* Dire et juger que la société D a exécuté son obligation d'information et de conseil ;

* Constater que postérieurement aux pertes réalisées au mois de mars 2020, j E et m F épouse E ont tenté de poursuivre leur stratégie d'investissement, ce qui atteste de leur détermination ;

En conséquence,

* Dire et juger que la société D ne saurait être condamnée à réparer les pertes subies ni le gain manqué par j E et m F épouse E ;

* Dire et juger qu'à supposer que la société D ait pu commettre une faute, la réalité de la perte de chance n'est pas établie ;

Par conséquent,

* Débouter j E et m F épouse E de l'ensemble de leurs demandes ;

* Condamner j E et m F épouse E à lui verser une somme de 50.000 euros au titre des frais de procédure ;

* Condamner j E et m F épouse E aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

En réponse aux demandes et moyens invoqués par les demandeurs, la société D dément toute faute à l'occasion de la conclusion du contrat mais également à l'occasion de l'exécution du contrat, estimant que l'information et les conseils donnés ont été en relation avec le profil des clients, à savoir un profil MOYEN/ELEVE.

S'agissant des fautes qui lui sont reprochées dans l'exécution du contrat, elle conteste tous les moyens soulevés par j E et m F épouse E, en ce qu'ils ont été régulièrement informés de l'évolution de leurs produits, notamment du fait des tensions sur le marché des devises étrangères qui exposaient leurs produits à des pertes.

La société D rappelle que ne disposant pas de mandat de gestion donné par les clients, elle s'est contentée de suggérer régulièrement des produits qu'il appartenait à j E et m F épouse E d'étudier au vu de leurs connaissances des marchés, en lien avec leurs conseillers extérieurs à la société D.

Selon elle, les importantes pertes subies découlent de l'obstination des clients à vouloir récupérer leurs pertes, alors même que le marché des devises, notamment livre sterling était toujours exposé à la baisse.

Les débats ont été clos par ordonnance du 17 janvier 2025.

À l'audience du 23 janvier 2025, les conseils des parties ont déposé leur dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 3 avril 2025.

SUR CE,

En préalable, la juridiction indique qu'il ne sera pas répondu à certaines demandes libellées « dire et juger » qui constituent des moyens et non des demandes au sens du Code de procédure civile, moyens auxquels il sera répondu dans la motivation du jugement.

* Sur la prescription soulevée par la société D de l'action fondée sur le vice de consentement de j E et m F épouse E au titre du contrat signé le 1er juin 2016

Aux termes de l'article 1152 du Code civil, « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court (…) dans le cas d'erreur ou de dol, que du jour où ceux-ci ont été découverts. ».

La société D considère que le point de départ de l'action pour vice du consentement pour erreur de j E et m F épouse E est au 1er juin 2016, date de la signature du contrat avec elle.

j E et m F épouse E fixent, eux, le point de départ de la prescription au jour où ils considèrent avoir découvert leur erreur soit le 23 juillet 2020, lorsqu'ils ont reçu par courriel une copie du contrat de souscription.

Il convient de rappeler, à titre préliminaire que j E et m F épouse E ont rejoint la société D en 2013 pour suivre leur conseiller s.L qui a quitté la banque HSBC pour rejoindre la société D en 2010.

À leur arrivée dans la société, ils ont signé une convention d'ouverture de compte le 11 septembre 2013 ainsi qu'un contrat cadre dit « Investment Advisory Framework » daté du même jour.

Le 16 octobre 2013, j E et m F épouse E signaient avec la banque un « contrat cadre » qui comme son nom l'indique fixe les bases de tous les accords pouvant être passés entre eux et la société D, relatifs à des transactions.

Au paragraphe 9 de ce contrat intitulé « Représentations et garanties », il est indiqué : « Lors de la conclusion du présent Contrat, vous faites les déclarations et garanties suivantes (dont chacune est réputée être répétée par vous chaque fois que vous concluez une Transaction):

* 9.1 Investisseur qualifié. Vous déclarez et garantissez que vous êtes un « investisseur averti » en vertu des lois de la Principauté de Monaco.

* 9.2 Compréhension du risque. Vous avez lu et compris la déclaration de divulgation des risques et vous comprenez et êtes prêt à accepter le degré de risque impliqué dans l'utilisation des transactions sur dérivés de gré à gré ; en particulier vous comprenez la nature des transactions envisagées dans le cadre du présent accord et que ces transactions sont soumises à des risques complexes qui peuvent survenir sans avertissement et peuvent entraîner des pertes substantielles. ».

Au paragraphe « Risques spécifiques aux dérivés de gré à gré », figure la déclaration suivante que j E et m F épouse E ont approuvé par leur signature « vous reconnaissez et reconnaissez expressément que les transactions seront conclues de gré à gré, c'est-à-dire hors marché. Vous reconnaissez expressément avoir lu et compris le formulaire spécial intitulé « caractéristiques et risques particuliers des formes d'investissement sélectionnées » qui fait partie intégrante de la Documentation d'ouverture de compte bancaire/de compte-titres de la Banque et vous comprenez parfaitement la nature, la portée et les conséquences de chaque transaction ainsi que l'étendue de votre exposition au risque résultant de ces transactions. (…) Vous devez donc examiner attentivement et évaluer selon votre propre jugement si la conclusion de transactions est appropriée pour vous à la lumière de votre propre expérience, de vos objectifs, de vos ressources financières et d'autres éléments pertinents. ».

Au vu de ce contrat signé en 2013 entre les parties au sujet des transactions investissements, il est établi que l'attention de j E et m F épouse E avait d'ores et déjà été appelée sur leur responsabilité quant aux choix effectués, eu égard à leur profil d'investisseurs avertis et non « moderate » comme ils le soutiennent mais également sur les risques encourus.

S'agissant du contrat du 1er juin 2016, j E et m F épouse E soutiennent que la société D ne rapporte pas la preuve qu'ils ont reçu copie de la convention le jour de la signature, ce qui explique qu'ils font partir la prescription en juillet 2020 lorsque la société D leur a adressé une copie par courriel.

À la page de la signature du contrat de 2016 par les demandeurs, il est indiqué : « en signant ce document, nous confirmons avoir reçu une copie de « l'Exchange Traded Options General and Specific Terms » et que nous avons lu, compris et accepté la nature et le contenu du document en anglais qui explique la nature, les particularités, les caractéristiques et les risques potentiels par rapport aux produits qui y sont décrits et que nous acceptons les termes et conditions de cet Exchange Traded Options General and Specific Terms en anglais sans restriction dès sa signature ».

Dès lors qu'ils ont signé une telle affirmation d'avoir reçu copie du document et d'avoir pu en prendre connaissance, il leur appartient d'apporter la preuve contraire, ce qu'ils ne font pas.

La société D ajoute, que même à supposer qu'ils n'aient pu prendre conscience des risques des accumulateurs le jour de la signature de la convention, j E et m F épouse E ont contacté la société D le 18 mai 2017 sur cette question des risques par téléphone.

Le 24 mai 2017, la société D adresse un courrier de réponse à j E et m F épouse E qui mentionne : « nous revenons vers vous en référence à vos entretiens téléphoniques du 18 mai 2017 avec Mr s.L, au cours desquels vous avez évoqué votre insatisfaction concernant la régularisation de l'appel en marge.

(…)

Notre département des plaintes a ouvert un dossier sous le n° 2017-05-012.

Ce département est en charge de vérifier comment s'est déroulée ladite opération et vous recevrez au plus tard le 15 juin 2017 un retour détaillé à ce sujet ».

Ce premier courrier démontre que j E et m F épouse E manifestaient leur mécontentement quant aux premiers résultats des investissements effectués, ce qui est de nature à leur faire prendre conscience des risques découlant de l'exécution du contrat, ils pouvaient à ce moment-là remettre en question leur engagement, considérant s'être trompés sur le produit.

Cette date pourrait également être le point de départ de la prescription.

Plusieurs autres courriers dont le contenu est similaire seront adressés par la société D aux clients en juin 2017, septembre 2017 et octobre 2017. La société D indique à j E et m F épouse E qu'elle prend acte de leur mécontentement et qu'elle opère des vérifications sur les opérations à l'origine de leur mécontentement.

Dans un courrier du 14 novembre 2017, la société D écrit : « nous avons procédé à une revue des investissements effectués sur votre compte ainsi qu'à une revue de la documentation signée depuis l'ouverture de celui-ci.

Vous trouverez ci-après nos conclusions :

Les investissements dans les produits dérivés de change auxquels vous avez fait référence sont en adéquation avec votre profil de risque « medium » (ce dernier étant basé sur votre tolérance face aux risques et sur votre capacité à en prendre), ainsi que sur votre connaissance et expérience des produits dérivés.

En outre, le mandat pour lequel vous avez opté et qui détermine la façon dont vous investissez sur les marchés est un mandat « advisory » : des conseils vous sont prodigués par nos spécialistes mais vous réalisez des investissements de façon indépendante, autonome et en toute connaissance de cause.

Enfin, les positions en question étant encore ouvertes, vous continuez à bénéficier du suivi régulier et des conseils de nos spécialistes.

Au regard des éléments ci-dessus mentionnés, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de ne pas donner suite à votre réclamation et de clore ce dossier. ».

La société D a été, dans ce courrier, on ne peut plus claire, sur la nature des engagements souscrits par j E et m F épouse E, leur rappelant le niveau de risque en rapport avec leur profil.

Dans ces courriers de 2017, la société D ne fait que rappeler à j E et m F épouse E que ce qui se passe n'est que l'exécution des contrats souscrits, avec les risques inhérents aux choix de produits à risque par les clients.

S'agissant de l'argument soulevé par les demandeurs sur leur mauvaise connaissance de la langue anglaise, il ressort du dossier que toutes les conventions qu'ils ont signées sur plusieurs années étaient des documents de plusieurs pages, toutes rédigées en anglais, sur lesquels ils ont apposé tous deux leurs signatures attestant de leur prise de connaissance, de leur compréhension et de leur validation. D'ailleurs, même leur demande d'ouverture de compte courant dès septembre 2013 était établie en langue anglaise.

Le Tribunal ne peut donc considérer, comme j E et m F épouse E le suggèrent, qu'ils ont pu commettre une erreur d'engagement du fait d'une mauvaise connaissance de la langue anglaise.

S'agissant plus particulièrement de leur profil, les demandeurs ont rempli un questionnaire qu'ils ont signé le 11 septembre 2013, évaluant leur personnalité financière, aux fins de déterminer le portefeuille recommandé. Le questionnaire était présenté ainsi pour chacune des questions.

Les réponses de j E et m F épouse E sont les suivantes :

* Par rapport à la moyenne, je suis informé sur la situation actuelle des marchés financiers : « Plus » : cette réponse permet de conclure que j E et m F épouse E se considèrent davantage informés des marchés financiers que la moyenne des gens ;

* Je suis prêt à investir des sommes importantes sur des produits à haut risque : « Plus » : cette réponse signifie que j E et m F épouse E indiquent à la société D leur volonté de placer à risques ;

* Si mes rendements générés par mes investissements ne sont pas supérieurs à la moyenne du marché, je ne me considère pas satisfait : « Égal » : ceci coïncide avec la réponse précédente, ils attendent du risque pris, un rendement supérieur à la moyenne ;

* Je n'investis pas dans des actions car c'est trop risqué : « Beaucoup moins » : cette réponse confirme la volonté des clients de placer à risques ;

* Je suis prêt à investir une partie importante de mes actifs dans des produits risqués pour obtenir de bons rendements : « Plus » : encore une confirmation de ce choix de faire des placements à risques ;

* Je n'investirais même pas une petite partie de mes actifs dans un produit à haut risque : « Beaucoup moins » : ils expriment leur souhait de ne pas faire de placements sécurisant leurs actifs au risque de ne pas avoir de rendement ;

* (…).

Les réponses faites par j E et m F épouse E montrent qu'ils ont la ferme intention d'investir des sommes importantes dans des produits à haut risque, ce qui par nature les exposent à des déconvenues.

Le profil de j E et m F épouse E a donc été établi par la société D sur la base de l'ensemble de leurs réponses en « personnalité : tolérance au risque, vous : moyen élevé ».

Le profil « moyen élevé » est décrit dans le contrat ainsi : « Vous êtes prêt à accepter des fluctuations régulières de la valeur de votre portefeuille et êtes prêt à prendre des risques plus élevés que les autres en échange de la possibilité d'augmenter votre patrimoine à long terme. Vous savez que pour obtenir des rendements plus élevés, vous devrez investir une part importante de votre portefeuille dans des investissements risqués.

Votre argent pourrait être sujet à d'importantes fluctuations de valeur à court terme, et le potentiel de gain et de perte à long terme est plus élevé. ».

Il convient de souligner que j E et m F épouse E se sont vus informés de ce profil MOYEN/ELEVE qui leur était donné par la société D et ne l'ont jamais contesté jusqu'à la procédure judiciaire.

C'est sur la base de cette évaluation, approuvée par j E et m F épouse E que le contrat litigieux du 1er juin 2016 a été signé.

Le contrat signé par j E et m F épouse E le 1er juin 2016 est un contrat cadre « option transaction, négociée en bourse », rédigé en langue anglaise.

Pour vérifier le point de départ du vice du consentement, il convient de vérifier si j E et m F épouse E ont eu conscience des risques, de sorte que le point de départ de l'erreur de consentement invoquée serait le jour de la signature, le 1er juin 2016.

Le contrat indique dans les conditions particulières relatives aux transactions d'options négociées en bourse, au paragraphe 2 « le titulaire de compte reconnaît que la banque a attiré son attention sur le fait et déclare être pleinement conscient que les opérations exposent le portefeuille du titulaire de comptes à des risques de pertes importants et/ou à un profil de risque complexe. Le titulaire confirme que les dérivés ne sont pas inappropriés pour lui à la lumière de sa situation financière, de son expérience en matière d'investissements y compris mais sans s'y limiter, une expérience antérieure en matière de négociation de produits dérivés et de ses connaissances ».

Ces mentions sur la connaissance par le titulaire des questions d'opérations financières, découlent des réponses apportées au questionnaire par j E et m F épouse E qui ont ainsi conduit la société D à les orienter vers des placements à risque, tout en leur laissant le pouvoir de décision comme l'établit le paragraphe suivant.

Le contrat mentionne que « le titulaire déclare expressément qu'il comprend parfaitement la nature, la portée et les conséquences de chaque transaction ainsi que son étendue. Le titulaire consultera ses propres conseillers juridiques, réglementaires, fiscaux, commerciaux, d'investissement, financiers et comptables dans la mesure où il le jugera nécessaire et s'appuiera sur les conseils ainsi obtenus et non les conseils de la banque pour décider de son entrée dans la transaction ».

Ce passage pose le cadre de l'action de la société D dans les investissements de j E et m F épouse E qui sont les décideurs.

Plus encore, il est écrit que le titulaire du compte est conscient des risques suivants, notamment la volatilité élevée, à savoir que « le titulaire du compte peut éventuellement réaliser une perte égale au montant total de son investissement initial et de toute marge supplémentaire établie ultérieurement ».

De même au paragraphe « accusé de réception », il est écrit que « le client confirme que la décision d'investissement a été prise en toute connaissance de cause des faits, et déclare qu'il est seul responsable de la gestion de ses comptes et pour le résultat de la transaction, la banque agissant uniquement en qualité de marché intermédiaire dans ce cadre ».

Au paragraphe « risques attachés aux opérations envisagées », il est mentionné que « le client reconnaît que son attention a été attirée sur le caractère hautement incertain et spéculatif des opérations réalisées sur les marchés financiers concernés, notamment en raison du degré élevé de la volatilité de ces marchés. D'une manière générale, le client reconnaît qu'il a été informé et a donc pleinement conscience que ces investissements comportent un degré élevé de risque de perte qui en théorie pourrait dans certaines circonstances être supérieur au montant du capital investi, voire illimité ainsi que le risque de perte en capital inhérent au fonctionnement de ces marchés et des mécanismes économiques et financiers en jeu ».

Il est difficile avec de telles mentions insérées au contrat du 1er juin 2016 qui, au fil des pages, soulignent le risque élevé des investissements envisagés, de considérer que j E et m F épouse E n'ont pas eu connaissance de l'importance des risques pris lors de la signature, ce qui induit que le point de départ de la prescription de l'erreur de consentement invoquée par eux est le jour de la signature.

Dès lors qu'il est établi qu'ils ont reçu une copie de la convention signée le 1er juin 2016 le jour même, la prescription du vice de consentement ne peut commencer au jour d'un nouvel envoi de ladite convention en juillet 2020.

À la lumière de toutes ces analyses, le Tribunal, considérant que le point de départ de la prescription de l'action engagée par j E et m F épouse E est le 1er juin 2016, déclare leur action au titre d'un vice du consentement prescrit.

* Sur la demande subsidiaire de j E et m F épouse E au titre de la responsabilité contractuelle de la société D

j E et m F épouse E fondent leur demande sur l'article 989 du Code civil qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Les dispositions de l'article 990 du même code ajoute que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ».

C'est de là que découle notamment l'obligation de conseil et d'information du professionnel au profane lorsqu'elle n'est pas expressément prévue au contrat.

j E et m F épouse E invoquent plusieurs moyens.

* Le manquement de la société D à son obligation de conseil, de vigilance et d'informations dans l'exécution du contrat

Ils indiquent que la société D a failli à son obligation de diversifier le portefeuille, qu'elle a prodigué des conseils non adéquats et a souscrit un nombre colossal d'accumulateurs sur une courte période mettant en péril la viabilité financière de ses clients.

j E et m F épouse E indiquent qu'ils ont signé un contrat cadre avec la société D le 16 octobre 2013 puis le contrat de souscription aux accumulateurs le 1er juin 2016, considérant que ces deux contrats sont liés, ce qui n'est pas contesté par la société D.

Le Tribunal a déjà rappelé supra les paragraphes soulignant l'importance des risques liés aux produits dérivés et la prise de connaissance des risques par les clients.

Le contrat du 16 octobre 2013 qui est le contrat cadre relatif aux investissements susceptibles d'être effectués par les demandeurs, mentionne « les transactions sont soumises à des risques complexes qui peuvent survenir sans avertissement et résulter en des pertes substantielles ».

Sur le point particulier de la responsabilité de la société D, le contrat du 1er juin 2016 mentionne au paragraphe 2 Risques attachés aux opérations envisagées, outre la conscience du client de ce que les investissements comportent un degré élevé de pertes, il est indiqué « le client reconnaît que les informations fournies par la banque ne constituent pas un conseil ou une recommandation d'achat ou vendre. Le client reconnaît ainsi qu'il s'est fié à sa propre compétence et expérience dans l'évaluation des conditions des investissements et les différents risques y afférents, qu'il accepte ».

j E et m F épouse E persistent à soutenir qu'ils n'ont pas été informés ni conseillés sur les accumulateurs et qu'ils « ne souhaitaient pas exposer leur capital acquis après une vie de labeur à un produit financier si risqué et volatile » alors que le Tribunal a fait des rappels d'extraits des contrats signés par eux, qui à plusieurs reprises, attirent l'attention des clients sur les risques très élevés de ces produits y compris le risque de perdre l'intégralité de leur investissement.

Dans leurs écritures, j E et m F épouse E ont longuement conclu sur la nature des accumulateurs, qui selon eux sont des produits dérivés et non structurés, et justifiaient selon eux une information particulière de la société D sur ce point, compte tenu de leur ignorance du sujet.

Là encore, il suffit de se référer aux dispositions contractuelles pour répondre aux demandeurs que ce débat est sans effet dès lors que leur attention a été longuement attirée sur le caractère très risqué de ce produit, qu'ils disposaient d'un conseiller interne à la société D et de conseillers externes susceptibles de les éclairer sur la nature des produits et de leur confirmer le risque, étant rappelé qu'il n'est pas contesté que si ces produits sont connus pour être volatiles, la crise ministérielle anglaise dès 2016 a joué un rôle essentiel dans les pertes subies par j E et m F épouse E, pertes accentuées par le contexte Covid 19 en 2020 alors même qu'antérieurement, les accumulateurs étaient source de profits. Il est évident que si ces produits bien que risqués n'étaient sources que de pertes, ils auraient disparu des produits d'investissement, ce qui n'est pas le cas.

Le contrat de 2016 sur les accumulateurs comporte une annexe spécifique, visant à expliquer les produits et leurs particularités. Les demandeurs, évoquant cette annexe, indiquent que leur attention n'a pas été attirée par la société D sur les divers points contenus dans cette annexe. Si, incontestablement, l'ensemble du document de plusieurs dizaines de pages était complexe à la lecture, eu égard aux enjeux importants évoqués au fil des pages, il appartenait aux clients de se donner le temps de lire le tout, de consulter des spécialistes pour réfléchir avant de contracter, ce qu'ils n'ont pas fait.

j E et m F épouse E fournissent divers articles sur les accumulateurs qui effectivement sont décrits comme des produits financiers dangereux, ce qu'ils n'ont pas découvert puisque les deux contrats signés en 2013 et 2016 insistaient à plusieurs reprises sur la hauteur des risques.

Compte tenu de cela et des sommes qu'ils envisageaient d'investir, ils auraient dû prendre conseil auprès de personnes averties extérieures à la société D, ce qu'ils n'ont pas fait.

Le Tribunal considère qu'il est démontré que la société D a satisfait à son obligation d'information et de conseil et écarte donc ce moyen comme non fondé.

* Au titre d'une défaillance de la société D dans son obligation d'information

j E et m F épouse E indiquent que l'article L533-15 du Code monétaire et financier indique que « les prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille rendent compte à leurs clients, sur un support durable, des services fournis à ceux-ci en fonction du type et de la complexité des instruments financiers concernés ainsi que de la nature du service fourni aux clients et, s'il y a lieu, les coûts liés aux transactions effectuées et aux services fournis pour le compte des clients. ».

j E et m F épouse E considèrent que la société D n'a pas satisfait à cette obligation légale à leur égard. Ils précisent que les multiples courriels de suivi transmis par la société D, leur abondance de détails « ne donnaient qu'une illusion de transparence et masquaient l'absence des éléments d'information critiques ».

Leurs observations sont pour le moins étonnantes dans la mesure où ils écrivent eux-mêmes que la société D multipliait les envois d'information, ce qui va plutôt dans le sens du respect des dispositions légales précitées.

S'agissant de la qualité des informations reçues, il leur appartenait, et ils l'ont d'ailleurs fait à plusieurs reprises, de questionner plus avant leur conseiller bancaire, s.L, pour obtenir une explication détaillée de toutes les données fournies.

Le Tribunal relève d'ailleurs à la lecture des pièces en question que s.L accompagnait ses envois de quelques commentaires ou préconisations à l'attention de ses clients, en ces termes « afin d'éviter la volatilité, il serait judicieux d'envisager de réduire votre exposition courte à la livre sterling » et « dans un premier temps, il serait utile de clôturer certains TRA qui ont des prix positifs et consomment des garanties, cela apporterait un peu de liquidités et réduirait l'exigence de marge ».

L'obligation d'information pesant sur la société D est à apprécier au regard du profil des clients MOYEN/ELEVE. Dès lors qu'ils disposent d'éléments financiers transmis par la société D, ils sont à même de poser les bonnes questions, d'étudier avec leurs conseillers personnels ces données. s.L s'est d'ailleurs montré très disponible pour répondre aux nombreux questionnements des demandeurs, justifiés par une situation financière en dégradation.

Pour démontrer la parfaite connaissance financière de j E et m F épouse E, ou à tout le moins, qu'ils étaient très bien conseillés sur le sujet, la société D rappelle qu'en 2017, ils ont sollicité la baisse de la marge initiale exigée, en expliquant que les risques financiers et les perspectives de gain se compensaient mécaniquement à cette période, demande à laquelle la société D a fait droit.

Les courriels du conseiller s.L sont effectivement très techniques mais il connaît ses clients depuis de nombreuses années, s.L savait donc qu'il serait compris de j E et m F épouse E.

D'ailleurs, les sollicitations de j E et m F épouse E évoquées dans la procédure ne concernent pas des incompréhensions de leur part relatives aux informations fournies par leur conseiller mais seulement des interrogations sur l'origine de la dégradation de la situation financière.

j E et m F épouse E citent les documents qui étaient mis à leur disposition annuellement, à savoir synthèse de comptes, aperçu du portefeuille d'investissement et résultats, aperçu de la performance, positions et notes et informations. Ils soutiennent que sur la base de ces documents, ils n'avaient aucun moyen de connaître le montant des marges initiales, l'ampleur de leur exposition, l'utilisation de leur ligne de crédit par rapport à leur nantissement et ne leur permettaient pas de connaître l'étendue de leurs obligations financières.

Si l'on se réfère aux activités financières de j E et m F épouse E avec la société D pendant plusieurs années portant sur plusieurs millions d'euros, on peut s'étonner que dans les nombreuses pièces communiquées par les demandeurs, aucun document ne constitue une demande de j E et m F épouse E à la société D au titre de ce qui vient d'être mentionné.

L'enjeu justifiait bien évidemment de leur part, s'ils ne comprenaient pas où ils en étaient de leurs investissements, des rencontres et des échanges avec leur conseiller afin de clarifier toutes les incompréhensions qu'ils évoquent dans cette procédure. Or rien n'est fourni sur ce point de la part des demandeurs.

Ils ne rapportent donc aucunement la preuve d'une défaillance de la société D à son obligation d'information qui, elle, a démontré qu'elle avait satisfait à ses obligations légales.

La faute de la société D au titre du manquement à son obligation d'information et de conseil dans l'exécution du contrat du 1er juin 2016 n'est pas démontrée.

* S'agissant du dépassement du plafond de nantissement fixé à 3.000.000 euros par la société D à hauteur de 1.715.266,88 euros

j E et m F épouse E expliquent que par convention du 5 avril 2017 et son avenant du 5 mars 2018, le plafond de nantissement garantissant les placements était de 3.000.000 et ne pouvait pas être dépassé.

La société D conteste tout dépassement du plafond du nantissement de sa part.

L'acte de gage du 11 septembre 2013 stipule en son article 3 que « les parties conviennent que le présent gage a pour objet de garantir les engagements présents ou futurs souscrits par le constituant à l'égard de la banque (…) le constituant déclare expressément affecter l'ensemble des avoirs gagés à l'apurement de l'intégralité des obligations garanties. La valeur ainsi déterminée devra couvrir en permanence 100 % des obligations garanties à l'égard de la banque ».

Le contrat du 1er juin 2016 en page 14 précise « Si à n'importe quel moment (…), le taux de couverture n'est pas au moins égal à 100 % la banque pourra, à sa discrétion, notifier au client sa décision de cesser les opérations futures et fermer toutes les transactions afin d'assurer que la valeur du capital mis en gage n'est plus excédée ou cesser les opérations futures avec le client et demander un collatéral additionnel ».

L'article 4-2 précise également que « si de l'avis exclusif de la banque, cette exigence (de couvrir 100 % du montant total des obligations) n'est pas ou n'est plus satisfaite, y compris en raison des pertes subies par le titulaire du compte dans le cadre d'une ou plusieurs transactions, le titulaire du compte doit à la première demande écrite de la banque, fournir une garantie supplémentaire dans le délai fixé par la banque dans sa demande écrite ».

De l'articulation de ces dispositions contractuelles, il ressort qu'à la suite du dépassement du gage, la société D avait la liberté de réagir ou non. En l'espèce, elle a fait le choix de ne pas augmenter la valeur de la garantie alors que les placements dépassaient le plafond du nantissement. Compte tenu de ce que la société D n'avait pas l'obligation de réagir, son absence de réaction ne peut donc constituer une faute.

Plus encore, la société D explique dans ses écritures que la colonne « utilisation » dans laquelle figure la somme invoquée par les clients de 4.715.266 euros correspond à la valeur du marché des opérations en cours à un instant donné, en l'espèce au 31 décembre de l'année, cette valeur correspond à ce que devrait payer le client s'il résiliait les opérations en cours.

La société D n'a donc pas sollicité d'augmentation de garanties dès lors que j E et m F épouse E n'étaient pas dans une perspective de vente à court terme. La société D ajoute que les montants indiqués sont des extractions brutes de données qui ne reflètent pas la réalité en cas de vente dès lors que j E et m F épouse E avaient des accords spécifiques négociés dans lesquels la société D avait réduit ses marges de manière significative.

Si la société D avait la liberté contractuelle de réagir ou pas au dépassement du montant du gage en sollicitant davantage de gage, elle ne peut avoir une responsabilité dans le dépassement du gage dès lors que n'ayant pas de mandat de gestion, la société D ne peut en aucun cas être à l'origine d'un quelconque dépassement de plafond puisque seuls j E et m F épouse E décidaient des investissements.

La faute de la société D sur ce point n'est pas établie mais au contraire démentie.

* S'agissant de la faute de la société D dans l'exécution du contrat en ce que les investissements ont dépassé le seuil de 25 % de produits structurés dans l'ensemble du capital des clients

Ce pourcentage a été dépassé dans le cas des accumulateurs acquis par j E et m F épouse E.

La société D précise dans ses écritures que les accumulateurs sont des produits dérivés permettant à l'investisseur d'acheter à échéances régulières et pour une durée prédéfinie, une devise contre une autre à un cours prédéfini et fixé pour la durée du contrat.

Les investisseurs jonglent avec les cours des devises, en hausse ou en baisse, tantôt acheteurs tantôt vendeurs d'une devise contre une autre, l'objectif étant de mettre en oeuvre une stratégie combinant plusieurs options pour générer un maximum de gains.

Il ressort de la pièce 78 qui est un document de la société D adressé aux clients le 14 mars 2019 qui retrace le portefeuille et ses performances (ou ces non performances) et mentionne un paragraphe « RISQUES GÉNÉRIQUES DES PRODUITS STRUCTURES : risques de diversification : nous conseillons que pas plus de 10 % du total des actifs investissables du client soient exposés à un seul émetteur. En outre, les investisseurs ne devraient pas envisager à avoir plus de 25 % de leurs actifs investissables affectés à des produits structurés ou à des actifs de nature similaire ».

Cette mention visant à éviter la concentration des investissements à plus de 25 % sur un seul type de produits était déjà présente dans le contrat du 1er juin 2016 en ces termes « il est important d'éviter la concentration dans un seul type d'investissement ou de catégorie du produit. Vous devez considérer attentivement l'étendue de la concentration, à la fois par catégorie de produit et type d'investissement, en particulier si l'achat d'un produit causerait une exposition d'une proportion substantielle de vos actifs à des produits structurés ou à des produits de même nature ».

Comme le mentionnent les nombreuses conventions signées entre les parties, le choix des investissements relevait EXCLUSIVEMENT de la décision de j E et m F épouse E, notamment du fait qu'ils se sont présentés à la société D comme ayant une connaissance des marchés supérieure à la moyenne.

Il est produit un questionnaire complété par j E et m F épouse E en mai 2017 dans lequel ils ont réitéré :

* Leur parfaite connaissance de tous les produits d'investissements (actions ordinaires, instruments à revenu fixe, monnaie étrangère, fonds communs de placement, marchandise, Hedge Funds, participation privée, immobilier, dérivés, produits structurés),

* Leur volonté de prendre des risques financiers plus élevés.

Et pourtant à cette période, il est établi par les pièces du dossier qu'ils avaient déjà subi des pertes dans leurs investissements.

En outre, les taux de 10 et 25 % précités ne sont que des préconisations faites aux clients qui demeurent libres de leurs choix, et ceci en lien avec les réponses données aux questionnaires. La société D n'avait de la part de j E et m F épouse E aucun mandat de gestion discrétionnaire et ne prenait donc aucune initiative d'investissement.

Il n'est pas contesté que ce produit peut rapporter beaucoup d'argent mais reste dangereux en cas d'instabilité ponctuelle, ce qui fut le cas lors de la crise financière et du virus de mars 2020.

La société D rappelle d'ailleurs que les accumulateurs ont provoqué d'importantes pertes à la suite de la crise anglaise liée au Brexit qui ne pouvait être prévue, outre l'apparition du virus Covid 19 avec le confinement qui en est découlé. Les positions prises par j E et m F épouse E sont devenues perdantes alors que les positions initiales misaient sur une hausse continue de la livre sterling par rapport au dollar.

La pièce 28 de j E et m F épouse E est un courrier que la société D leur a adressé le 22 octobre 2020 en réponse à leur questionnement sur les importantes pertes réalisées, qui mentionne : « vous êtes entrés en relation avec notre établissement au cours de l'année 2013. À cette occasion, vous avez dès l'origine manifesté votre intérêt pour notre offre de produits dérivés de change (…) votre intérêt pour ces produits n'a pas cessé au fil du temps, puisque vous avez choisi de concentrer l'essentiel de vos investissements sur ce type de produits en traitant des dizaines d'opérations visant à mettre en oeuvre des stratégies d'investissement très sophistiquées.

Vous nous avez régulièrement sollicité pour augmenter la ligne de crédit mise à votre disposition.

Les stratégies mises en place au fil du temps ont eu des résultats tout à fait significatifs mais ont également généré des pertes non négligeables (…). Au regard de l'ensemble des éléments, les pertes que vous avez subies apparaissent comme la conséquence directe d'une stratégie d'investissements que vous avez choisie de mettre en place en pleine connaissance de cause, mais qui n'a pas eu les résultats attendus lorsque le contexte économique s'est brusquement et très fortement dégradé (…).

Nous avons bien pris note de vos critiques concernant nos « prévisions » mais nous ne pouvons les accepter. Un investisseur possédant vos connaissances et votre expérience ne pouvait ignorer les risques afférents aux opérations conclues.

Il ressort enfin des derniers échanges que vous avez eus avec votre banquier privé que vous continuez à vouloir poursuivre votre stratégie d'investissements fondée sur des produits de change (…) nous ne souhaitons pas conclure à nouveau de telles opérations avec vous alors que de telles opérations peuvent reproduire les mêmes effets que ceux rencontrés en mars (…). Plus généralement il nous semble au regard des pertes subies qu'il est désormais souhaitable de préserver votre patrimoine et de revoir vos choix d'investissement en vous tournant vers des produits peut être plus conservateurs même si les perspectives de gains associés sont plus limitées. ».

Ce courrier établit que j E et m F épouse E étaient bien les décideurs en matière d'investissements y compris dans les produits accumulateurs et que c'est la société D qui a décidé de ne plus les accompagner dans leur choix de continuer à investir dans les produits, accumulateurs.

Dans leurs écritures, j E et m F épouse E indiquent en page 10, avoir investi dans 26 accumulateurs dont 18 sans avis, pour une somme de 37,2 millions d'euros alors que leurs actifs totaux s'élèvent à 3 millions d'euros.

En 4 ans, ils vont souscrire 345 accumulateurs pour une valeur de 579 millions, en totale disproportion avec leur patrimoine réel. La perte s'est chiffrée à plus de 2,5 millions d'euros.

C'est cette démesure entre les acquisitions et le patrimoine des clients qui a conduit la société D à mettre un terme à sa coopération avec j E et m F épouse E sur l'acquisition de ces produits.

Par ailleurs, la société D produit à la procédure de nombreux courriers émanant de s.L, employé à la société D, adressés à ses clients, j E et m F épouse E dans lesquels il attire leur attention sur la situation des accumulateurs, contraire à leur intérêt, et leur suggère de revoir leurs options, pour éviter d'être exposés à des volatilités.

L'on voit par les courriels que le conseiller de la société D tient les clients au courant des fluctuations et des risques afin que les clients puissent réagir comme ils le souhaitent à ces informations, en termes de réorientation de leurs investissements.

Au vu des pertes subies, j E et m F épouse E souhaitaient visiblement continuer à investir, dans l'espoir de reconstituer leur perte, ils portent seuls la responsabilité de leur choix et de la persistance qu'ils ont eue à continuer à investir dans ses produits malgré les pertes avérées sur plusieurs années.

La responsabilité de la société D ne peut s'apprécier au regard de pertes subies mais doit s'apprécier au regard de son rôle, et il est établi qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société D sur ce point.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal considère que j E et m F épouse E n'ont pas démontré la faute de la société D dans l'exécution des contrats la liant à ses clients.

* S'agissant de la faute de la société D au titre d'un conflit d'intérêts

j E et m F épouse E expliquent que la société D étant venderesse de produits financiers à ses clients, il y a un conflit d'intérêts aux opérations puisque dans ce cadre, elle vise à gagner de l'argent pour son compte mais doit dans le même temps en faire gagner à ses clients, ce qui est incompatible.

Les contrats signés par j E et m F épouse E avec la société D prévoient cette éventualité de conflit d'intérêts en lien avec l'activité financière de la société D afin de prévenir tout risque de se voir reprocher par le client un comportement fautif.

Ainsi, le contrat signé par j E et m F épouse E le 16 octobre 2013 prévoit en son paragraphe 16 page 15 « CONFLITS » : « vous comprenez que nous pouvons conclure des transactions avec l'un de nos affiliés en tant que contrepartie ou avec une personne qui nous est autrement associée, même si un conflit d'intérêts peut survenir. Vous comprenez également que nous pouvons entrer dans des transactions dans lesquelles nous avons un lien direct ou indirect ».

Cette disposition contractuelle est à mettre en lien avec les dispositions légales et réglementaires qui régissent la matière.

La loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 et l'ordonnance n° 1.284 du 10 septembre 2007 imposent la mise en oeuvre de procédures destinées à limiter autant que faire ce peut les conflits d'intérêts.

Ainsi, l'article 23-1 prévoit que :

« Les sociétés agréées prennent toutes les mesures raisonnables destinées à empêcher les conflits d'intérêts portant atteinte aux intérêts des clients ».

La loi prévoit à ce titre une commission de contrôle habilitée à mener des enquêtes au sein des banques.

Ces textes ne prohibent en aucun cas les accumulateurs dans les produits proposés par les banques monégasques à leurs clients. Comme l'explique la défenderesse, cette activité est au contraire réservée aux acteurs du secteur bancaire pour protéger la sécurité et l'intégrité de marchés financiers.

j E et m F épouse E pouvaient contourner ce risque par d'autres moyens d'acquisition de devises étrangères mais ils ont fait le choix conscient de passer par leur banque, étant rappelé qu'ils avaient un banquier particulier extérieur, à même de les conseiller dans leurs opérations sur les produits dérivés.

En tout état de cause, j E et m F épouse E ne font qu'invoquer un conflit d'intérêt théorique en lien avec l'activité financière de la banque, sans toutefois démontrer dans quelle mesure ce conflit d'intérêt est devenue une réalité caractérisée par une attitude fautive de la banque envers eux, à leur détriment qui aurait généré les pertes subies.

Dès lors qu'ils reprochent à la société D un comportement fautif à ce titre, les demandeurs ne peuvent se contenter de théoriser mais doivent caractériser la faute, le préjudice et le lien de causalité.

Le conflit d'intérêts évoqué doit être d'autant plus caractérisé par les demandeurs qu'en théorie, les pertes subies par les clients ne se traduisent pas par un bénéfice équivalent dans les comptes de la banque dès lors que les banques ont l'obligation légale de couvrir les engagements pris vis-à-vis de leurs clients par des engagements en sens inverse pris face à d'autres acteurs du marché dans le cadre d'opérations de couverture.

En sa qualité d'intermédiaire, la banque ne réalise de bénéfices qu'en fonction de sa capacité à gérer au mieux ces opérations de couverture.

j E et m F épouse E avancent également dans leur développement sur le conflit d'intérêts l'argument selon lequel l'âge avancé et les problèmes de santé, notamment de j E, auraient été de nature à permettre à la société D d'exercer sur eux une emprise psychologique les privant de la possibilité de faire des choix clairvoyants et conformes à leur intérêt, ce qui caractériserait une faute de l'organisme bancaire.

Le Tribunal a, à plusieurs reprises, décrit les circonstances dans lesquelles les choix d'investissements de j E et m F épouse E se faisaient, à savoir sur la base d'informations fournies par s.L, conseiller de la société D, aux clients afin qu'ils réfléchissent à leurs investissements. j E et m F épouse E étaient entourés de conseillers financiers extérieurs à la société D pour parfaire leur niveau d'information. Il convient de souligner, comme déjà mentionné, que la société D n'avait pas de mandat de gestion et que les propositions ne se faisaient que par écrit, sans rendez-vous physiques pour en discuter.

Il est donc difficile sur la base de ces éléments de considérer que j E et m F épouse E ont pu être dans leur décision d'investissements sous une « emprise psychologique » de la société D. Cette faute de la société D n'est pas caractérisée par les demandeurs.

L'emprise psychologique est d'ailleurs démentie par le fait que lorsque la société D les a informés qu'elle ne les suivait pas dans leur volonté de poursuivre ces investissements, j E et m F épouse E n'ont pas hésité à s'affranchir de ce courrier pour poursuivre leur stratégie financière.

À défaut d'avoir démontré une faute de la société D au titre d'un conflit d'intérêts, j E et m F épouse E sont déboutés de leur demande présentée à titre subsidiaire en paiement de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de la société D.

* Sur la responsabilité extracontractuelle de la société D

j E et m F épouse E invoquent le fait qu'ils étaient des investisseurs MEDIUM/MODERATE et que la société D a commis une faute en leur conseillant un investissement dans les accumulateurs.

Ils invoquent le manquement à une obligation d'information, de conseil et de mise en garde dans la souscription du contrat du 1er juin 2016 qui a eu pour conséquence de les priver d'une chance de gagner de l'argent par des investissements plus judicieux.

Le Tribunal a longuement repris les dispositions insérées au contrat précité qui à plusieurs reprises précisent que :

* Au paragraphe 2 « le titulaire de compte reconnaît que la banque a attiré son attention sur le fait et déclare être pleinement conscient que les opérations exposent le portefeuille du titulaire de comptes à des risques de pertes importants et/ou à un profil de risque complexe. Le titulaire confirme que les dérivés ne sont pas inappropriés pour lui à la lumière de sa situation financière, de son expérience en matière d'investissements y compris mais sans s'y limiter, une expérience antérieure en matière de négociation de produits dérivés et de ses connaissances »,

* « Le titulaire déclare expressément qu'il comprend parfaitement la nature, la portée et les conséquences de chaque transaction ainsi que son étendue. Le titulaire consultera ses propres conseillers juridiques, réglementaires, fiscaux, commerciaux, d'investissement, financiers et comptables dans la mesure où il le jugera nécessaire et s'appuiera sur les conseils ainsi obtenus et non les conseils de la banque pour décider de son entrée dans la transaction »,

* Le titulaire du compte est conscient des risques suivants, notamment la volatilité élevée, à savoir que « le titulaire du compte peut éventuellement réaliser une perte égale au montant total de son investissement initial et de toute marge supplémentaire établie ultérieurement »,

* Au paragraphe « accusé de réception », il est écrit que « le client confirme que la décision d'investissement a été prise en toute connaissance de cause des faits, et déclare qu'il est seul responsable de la gestion de ses comptes et pour le résultat de la transaction, la banque agissant uniquement en qualité de marché intermédiaire dans ce cadre »,

* Au paragraphe « risques attachés aux opérations envisagées », il est mentionné que « le client reconnaît que son attention a été attirée sur le caractère hautement incertain et spéculatif des opérations réalisées sur les marchés financiers concernés, notamment en raison du degré élevé de la volatilité de ces marchés. D'une manière générale, le client reconnaît qu'il a été informé et a donc pleinement conscience que ces investissements comportent un degré élevé de risque de perte qui en théorie pourrait dans certaines circonstances être supérieur au montant du capital investi, voire illimité ainsi que le risque de perte en capital inhérent au fonctionnement de ces marchés et des mécanismes économiques et financiers en jeu ».

Au vu de l'ensemble de ces mentions, j E et m F épouse E ne peuvent soutenir que la société D a manqué à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde alors même que les mentions rappelées supra sont fort claires, répétées à maintes reprises sur plusieurs supports contractuels, allant jusqu'à indiquer que « l'intégralité du patrimoine pouvait être perdue ».

Le Tribunal considère que la société D, en proposant un tel contrat avec de nombreuses mentions sur les risques encourus, a parfaitement satisfait à ses obligations d'information et de mise en garde précontractuelle et déboute j E et m F épouse E de leur demande d'indemnisation de la perte de chance présentée à titre infiniment subsidiaire.

Eu égard à ce que le Tribunal vient de juger, il déboute par là-même j E et m F épouse E de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, en l'absence de faute démontrée de la société D.

* Sur l'exécution provisoire du présent jugement

En application de l'article 202 du Code de procédure civile :

« Hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203 ».

Le texte précise que :

« L'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ».

Au vu du jugement rendu, il n'y a pas lieu de prévoir son exécution provisoire.

* Sur la demande au titre des frais de procédure

L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.

L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».

j E et m F épouse E succombant en leur action sont condamnés à payer à la société D la somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.

j E et m F épouse E seront condamnés aux dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Déclare prescrite l'action de j E et m F épouse E sur le fondement du vice du consentement ;

Dit que j E et m F épouse E sont des investisseurs avertis ;

Dit que la société D n'a commis aucune faute dans l'exécution des contrats la liant à j E et m F épouse E ;

Déboute j E et m F épouse E de leur demande présentée à titre subsidiaire en paiement de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de la société D ;

Dit que la société D a satisfait à son obligation d'information et de conseil précontractuelle ;

Déboute j E et m F épouse E de leur demande d'indemnisation au titre d'une perte de chance ;

Déboute par là-même j E et m F épouse E de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Condamne j E et m F épouse E à payer à la société D la somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne j E et m F épouse E aux dépens du présent jugement, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 3 AVRIL 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Aline BROUSSE, Premier Juge, Madame Catherine OSTENGO, Juge, assistées de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30847
Date de la décision : 03/04/2025

Analyses

Opérations bancaires et boursières ; Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : j E et m F épouse E
Défendeurs : La société de droit anglais dénommée D

Références :

articles 238-1 du Code de procédure civile
article 989 du Code civil
article 1152 du Code civil
loi n° 1.338 du 7 septembre 2007
ordonnance n° 1.284 du 10 septembre 2007
article 202 du Code de procédure civile
Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2025-04-03;30847 ?

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