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LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 12 mai 2023, enregistré (n° 2023/000406) ;
Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé AA (MONACO), tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;
Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire dénommé AA (MONACO), par courrier en date du 31 mai 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de m B, en date du 8 novembre 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme à objet civil dénommée L, en date du 12 novembre 2024 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 novembre 2024 ;
À l'audience publique du 5 décembre 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 6 mars 2025 et prorogé au 13 mars 2025, les parties en ayant été avisées, par mise à disposition au Greffe.
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Par trois actes sous seing-privé en dates du 27 décembre 2022, la société anonyme à objet civil dénommée L a donné à bail à m B à compter du 1er janvier 2023 et pour une durée de six mois ferme jusqu'au 30 juin 2023, les biens immobiliers suivants :
* un appartement n° 1 (6 pièces), lot n° xxx, 14ème étage, xxx et la Cave n° xxx situés au sein de l'immeuble x3, sis x2, moyennant un loyer total de 110.000 euros (bail à loyer enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx) ;
* un box de garage référence n° xxx, lot n° xxx, situé au AC, sis x2, moyennant un loyer total de 2.750 euros (bail à loyer parking enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx) ;
* un box de garage référence n° xxx, lot n° xxx, situé au AC, sis x2, moyennant un loyer total de 2.750 euros (bail à loyer parking enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx F°/Bd xxx).
Par exploit d'huissier signifié à Mairie le 9 mars 2023, la société anonyme à objet civil dénommée L a fait délivrer à l'encontre de m B un commandement de payer la somme de 122.746 euros représentant les loyers et charges dus au titre desdits baux.
A défaut de paiement dans les délais fixés audit commandement, la société anonyme à objet civil dénommée L a obtenu du Président du Tribunal de première instance, par ordonnance en date du 24 mars 2023, l'autorisation à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de l'établissement bancaire dénommé AA (MONACO) dont le siège social est sis 2 avenue de Monte-Carlo à Monaco, sur toutes sommes, avoirs, deniers ou valeurs détenus par lui pour le compte de m B et ce pour avoir sûreté et garantie du paiement de sa créance de 58.370,95 euros et ce jusqu'à parfaitement paiement, sauf à parfaire ou diminuer (n° RG 2023/000309).
Par acte d'huissier en date du 12 mai 2023, la société anonyme à objet civil dénommée L a signifié ladite ordonnance au tiers-saisi, fait injonction à ce dernier de faire la déclaration prévue à l'article 500-1 du Code de procédure civile, et assigné m B devant le Tribunal de céans en validité de la saisie-arrêt et paiement des causes de la créance (n° RG 2023/000406).
La société anonyme à objet civil dénommée L a par ailleurs obtenu du Président du Tribunal de première instance, par ordonnances en dates du 30 mars 2023 et du 8 mai 2023, l'autorisation, respectivement, à faire saisir conservatoirement trois véhicules immatriculés au nom de m B et ce pour avoir sûreté, garantie et paiement à la somme de 58.370,95 euros, montant auquel avait été évaluée provisoirement la créance de la requérante (n° RG 2023/000308), et à faire pratiquer une saisie-gagerie sur les biens et effets mobiliers appartenant à m B situés dans l'appartement susvisé et ce, pour avoir sûreté et garantie de la somme provisoirement arrêtée de 74.695 euros (n° RG 2023/000330).
Par acte signifié à Mairie en date du 18 juillet 2023, la société anonyme à objet civil dénommée L a assigné m B devant le Tribunal de première instance en validation de la saisie-conservatoire et de la saisie-gagerie et en paiement des causes de la créance.
Parallèlement, la société anonyme à objet civil dénommée L a assigné m B devant le Juge des référés qui, par ordonnance rendue le 15 novembre 2023, a :
* constaté que par l'effet de la clause résolutoire rappelée par le commandement demeuré infructueux du 9 mars 2023, le bail à loyer n° xxx (sic) du 27 décembre 2022, le bail n° xxx du parking n° xxx en date du 27 décembre 2022 et le bail n° xxx du parking n° xxx du 27 décembre 2022 sont résiliés de plein droit depuis le 18 mars 2023 et ce, avec toutes conséquences de droit ;
* accordé à m B un délai de trois mois à compter de la signification de ladite ordonnance pour libérer les lieux ;
* ordonné d'ores et déjà, à défaut de ce faire, son expulsion et celle de tout occupant de son chef au besoin avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique ;
* condamné m B à payer à la société anonyme à objet civil dénommée L la somme de 22.279,58 euros à titre de provision.
Le Juge des référés s'est, en outre, déclaré incompétent pour statuer sur la demande formée par m B tendant à déclarer réputées non écrites les clauses d'indemnité d'occupation journalière et pénale prévues dans les baux, et a débouté l'intéressée de sa demande de délais de paiement (n° RG 2023/000330). Par exploit d'huissier en date du 13 décembre 2023, ladite ordonnance de référé a été signifiée à m B, ledit exploit lui ayant également fait sommation d'avoir à quitter les lieux et commandé de payer avant exécution.
C'est dans ces conditions que, dans le cadre de la présente instance en validité de la saisie-arrêt et paiement des causes de la créance, la société anonyme à objet civil dénommée L sollicite du Tribunal de première instance, aux termes de ses dernières conclusions du 12 novembre 2024, de :
* dire et juger que m B est débitrice envers elle de la somme de :
* 53.979,45 euros au titre de l'appartement en principal, soit 821.075,43 euros après application des pénalités contractuelles,
* 1.374 euros au titre du parking n° xxx en principal, soit 24.262,05 euros après application des pénalités contractuelles,
* 1.374 euros au titre du parking n° xxx en principal, soit 24.262,05 euros après application des pénalités contractuelles,
suivant décompte arrêté au 30 novembre 2024, cette somme demeurant à parfaire en fonction de la date de libération des lieux et de l'état de l'appartement ;
* dire et juger que les clauses résolutoires ont été mises en oeuvre de bonne foi ;
* dire et juger qu'il n'existe aucun cas de force majeure de nature à décharger m B de son obligation de paiement ;
* condamner m B à lui payer la somme de 927.349,53 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation, clause pénale et frais engagés par elle en vue du recouvrement de ces impayés de l'appartement et des parkings pris à bail depuis le mois de janvier 2023, cette somme étant arrêtée au 30 novembre 2024 pour les besoins des présentes conclusions et demeurant à parfaire en fonction de la date de libération des lieux et de l'état de l'appartement ;
* subsidiairement si le Tribunal refusait d'appliquer les majorations contractuelles, condamner m B à lui payer la somme de 56.727,45 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation, clause pénale et frais engagés par elle en vue du recouvrement de ces impayés de l'appartement et des parkings pris à bail depuis le mois de janvier 2023, cette somme étant arrêtée au 30 novembre 2024 pour les besoins des présentes conclusions et demeurant à parfaire en fonction de la date de libération des lieux et de l'état de l'appartement ;
* condamner m B à lui payer du 1er décembre 2024 jusqu'à la libération des lieux, une indemnité d'occupation mensuelle majorée de 56.1xxx euros pour l'appartement, 1.374 euros pour le parking n° xxx et 1.374 euros pour le parking n° xxx ;
* subsidiairement, si le Tribunal refusait d'appliquer les majorations contractuelles, condamner m B à lui payer du 1er décembre 2024 jusqu'à la libération des lieux, une indemnité d'occupation mensuelle de 18.333 euros outre 1.200 euros de charges pour l'appartement, 458 euros pour le parking n° xxx et 458 euros pour le parking n° xxx ;
* condamner m B à lui payer la somme de 57.500 euros à titre de clause pénale ;
* autoriser la société anonyme à objet civil dénommée L à conserver le dépôt de garantie de m B à hauteur de 55.000 euros ;
* ordonner une compensation entre les sommes dues par m B et le dépôt de garantie détenue par elle ;
* valider la saisie-arrêt pratiquée à hauteur de 25.590,44 euros par Maître LEFEVRE, Huissier de justice, conformément à l'ordonnance du Président du Tribunal de première instance du 24 mars 2023 ;
* autoriser la SAM AA (MONACO), tiers-saisi, à se libérer entre les mains de la société anonyme à objet civil dénommée L ou de l'Huissier soussigné, des sommes qu'elle détient pour le compte de m B, et ce jusqu'à concurrence de la somme de 58.370,95 euros ;
* rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de m B ;
* ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
* condamner m B aux frais engagés dans le cadre des saisies ;
* condamner m B à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile, cette somme étant à parfaire ;
* condamner m B aux entiers dépens distraits au profit de maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de sa demande principale en paiement à hauteur de 927.349,53 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation demeurés impayés, et se fondant sur les articles 1568, 2°) et 989 du Code civil, la société demanderesse expose que m B ne s'est acquittée d'aucun loyers et charges dus en vertu des baux à durée déterminée, alors que l'intégralité des loyers et charges était payable à la signature de ceux-ci, soit le 27 décembre 2022. De même, le commandement de payer la somme totale de 122.746 euros sous huitaine, signifié le 9 mars 2023, est resté sans effet, de sorte que les baux se sont trouvés résiliés de plein droit à compter du 18 mars 2023. Elle précise que la défenderesse s'est acquittée partiellement de sa dette locative le 14 juin 2023 à hauteur de 67.924 euros au titre de l'appartement, 2.786 euros au titre du parking n° xxx et 2.786 euros au titre du parking n° xxx. Relevant que m B occupe toujours les lieux sans droit ni titre, elle estime sa créance à 927.349,53 euros, arrêtée au mois de novembre 2024 ce, conformément aux stipulations contractuelles prévoyant une indemnité d'occupation égale à trois fois le loyer journalier, outre 57.750 euros au titre des clauses pénales.
En réponse aux moyens développés par la défenderesse, la société demanderesse estime que la notion de contestation sérieuse est indifférente dans le cadre de la présente instance devant le Juge du fond en validation d'une saisie-arrêt. Elle estime également la défenderesse de mauvaise foi, puisqu'elle ne s'est acquittée d'une partie de sa dette qu'après qu'ont été diligentées à son encontre plusieurs procédures. La société demanderesse note également que la défenderesse est propriétaire de deux véhicules de marque BENTLEY ainsi que de nombreux bijoux, montres de grande valeur et autres vêtements et maroquinerie de luxe qu'elle n'a pas vendus pour disposer de liquidités. Elle estime que les relevés bancaires produits en pièce n° 14 par la défenderesse ne sauraient être admis aux débats puisque rédigés en langue russe. En tout état de cause, la défenderesse estime que, si quelques virements ont été effectués, la défenderesse n'est actuellement pas à jour du paiement de ses loyers ce, même à supposer que le Tribunal refuse d'appliquer les majorations prévues contractuellement. Quant à l'existence d'un cas de force majeure résultant de la crise financière et économique frappant actuellement la Russie et des conséquences des mesures prises par le gouvernement russe à l'endroit de ses ressortissants dans ce contexte, la société demanderesse indique, se fondant sur une jurisprudence française, que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent ne peut s'en exonérer en invoquant un cas de force majeure. Elle précise, en ce sens, que l'obligation de paiement d'une somme d'argent est toujours susceptible d'exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur et qu'elle n'est par nature pas impossible, mais seulement plus difficile ou plus onéreuse. Aussi, la guerre en Ukraine ne peut-elle être qualifiée d'un cas de force majeure rendant impossible l'exécution de son obligation de paiement, étant précisé que les baux ont été signés le 27 décembre 2022 soit quasiment un an après le début du conflit. La société demanderesse argue que la défenderesse utilise ce conflit à son profit alors qu'elle a déjà été dans le passé en situation d'impayés locatifs. En outre, la défenderesse ne démontre pas que ses actifs seraient bloqués en Russie.
Au soutien de sa demande en validation de la saisie-arrêt, la société demanderesse, qui relève que seule la somme de 25.590,44 euros a été saisie, estime qu'en l'état des éléments ci-avant exposés, elle justifie d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de la défenderesse d'un montant a minima égal à 56.727,45 euros hors pénalité contractuelle, sinon de 927.349,53 euros si les pénalités contractuelles étaient appliquées, outre 57.500 euros au titre de la clause pénale et 58.947 euros d'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er décembre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions en réponse en date du 8 novembre 2024, m B sollicite du Tribunal de première instance de :
À titre principal,
* lui donner acte des règlements effectués pour un montant total de 393.552,30 euros ;
* la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes formées à l'encontre de l'assignation introduite le 12 mai 2023 par la société demanderesse ;
* constater l'absence d'inexécution contractuelle fautive de sa part du fait de sa bonne foi et de l'existence d'un évènement constitutif d'un cas de force majeure du fait des mesures de restriction bancaire en vigueur en Russie rendant temporairement impossible l'exécution par elle de ses obligations contractuelles à l'égard de la société anonyme à objet civil dénommée L ;
* déclarer sans objet la demande de la société anonyme à objet civil dénommée L tendant à obtenir la validation de la saisie-arrêt pratiquée contre elle ;
* débouter la société anonyme à objet civil dénommée L de sa demande en paiement des sommes invoquées par elle au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation de l'appartement et des parkings pris à bail ainsi que celle invoquée au titre des clauses pénales ;
* constater le caractère manifestement excessif des clauses d'indemnité journalière d'occupation et des clauses pénales invoquées par la société anonyme à objet civil dénommée L ;
* juger qu'il convient de réduire la pénalité totale réclamée de sorte que le montant dû par elle sera égal au seul montant des loyers et charges dus en contrepartie de l'usage de l'appartement et des garages objets des baux conclus, telles que ces sommes auraient été dues si les baux s'étaient poursuivis, et ce, jusqu'à la restitution des clés ;
* débouter la société anonyme à objet civil dénommée L de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 260.532,85 euros, à parfaire, en raison de l'absence d'inexécution contractuelle fautive de sa part du fait de sa bonne foi et de l'existence d'un évènement constitutif d'un cas de force majeure du fait des mesures de restriction bancaire en vigueur en Russie rendant temporairement impossible l'exécution par elle de ses obligations contractuelles à l'égard de la société anonyme à objet civil dénommée L ;
* juger que l'obligation de paiement du loyer et des charges dus au titre de chacun des contrats de bail et de location dont le contrat de bail d'habitation à loyer portant sur l'appartement sis 14ème étage, immeuble x3, xxx, x2, le contrat de location portant sur le box de garage n° xxx et le contrat de location portant sur le box de garage n° xxx a été intégralement honorée ;
* dire qu'elle est bien fondée à exercer son droit au maintien dans chacun des lieux objets des contrats de bail dont l'appartement et la cave n° xxx, le box de garage n° xxx et le box de garage n° xxx ;
En conséquence,
* interdire à la société anonyme à objet civil dénommée L de poursuivre ou d'initier toute nouvelle procédure d'expulsion, d'exécution forcée ou conservatoire à son encontre jusqu'au complet paiement du reliquat des loyers et charges restant dus ;
En tout état de cause,
* condamner la société anonyme à objet civil dénommée L au versement de la somme de 5.000 euros à son profit au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
* condamner la société anonyme à objet civil dénommée L aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien du débouté des demandes de la société anonyme à objet civil dénommée L, m B indique qu'elle a versé à la société demanderesse, entre le 14 juin 2023 et le 23 octobre 2024, 393.552,30 euros au titre des loyers dus au titre des baux. Elle argue, se fondant sur les articles 1002 et 1003 du Code civil, que l'inexécution du débiteur d'une obligation contractuelle ne peut donner lieu à l'octroi de dommages intérêts dès lors que sont rapportées la preuve de sa bonne foi et d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ou encore lorsque cette inexécution est la conséquence d'un évènement constitutif d'un cas de force majeure. En l'espèce, la demanderesse expose, au titre de sa bonne foi, que malgré les restrictions imposées à ses ressortissants, dont elle fait partie, par le gouvernement russe eu égard à la crise diplomatique et militaire en Ukraine limitant, notamment, à 10.000 dollars américains les virements ordonnés par des ressortissants russes à destination de comptes ouverts dans les livres de banques étrangères, ou interdisant de procéder au règlement de toute dette due à une personne établie sur un territoire d'un État « inamical » (dont fait partie Monaco) dans une autre devise que le rouble, elle s'est évertuée à fournir ses meilleurs efforts pour respecter ses engagements envers la société demanderesse. Elle a ainsi écrit à cette dernière le 2 juillet 2023 pour confirmer son intention de régulariser le paiement des loyers et charges dus au titre des contrats et a ensuite procédé à divers règlements à hauteur de 393.552,30 euros sur la période précitée. S'agissant de la cause étrangère constitutive d'un cas de force majeure, m B estime que la crise économique et financière qui frappe actuellement la Russie et ses ressortissants ainsi que les conséquences des mesures restrictives adoptées par le gouvernement russe à l'encontre de ses ressortissants étaient imprévisibles lors de la conclusion des contrats et sont également extérieures à la volonté de la défenderesse. Elle précise que l'essentiel de son patrimoine mobilier et immobilier ainsi que ses actifs et avoirs bancaires sont principalement situés en Russie et qu'en raison des mesures de coercition bancaire qui y sont en vigueur, ses comptes étaient partiellement bloqués, si bien que les ordres de transfert à l'étranger de ses liquidités pour lui permettre de régler ses loyers ont fait l'objet de refus ou de retards de la part des banques concernées. Ainsi, ces mesures de restriction, qui présentent, selon elle, un caractère irrésistible, ont rendu temporairement impossible l'exécution de son obligation de paiement des loyers. En définitive, eu égard à l'existence de cet évènement de force majeure, l'inexécution reprochée à la défenderesse ne saurait donner lieu à une quelconque condamnation.
Les débats ont été clos le 29 novembre 2024 par ordonnance du même jour du Président du Tribunal de première instance.
À l'audience du 5 décembre 2024, les conseils des parties ont déposé leur dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 6 mars 2025 puis prorogée au 13 mars 2025.
SUR CE,
Le Tribunal indique, liminairement, que la mission du juge consiste à trancher le litige conformément à la règle de droit, l'objet du litige étant déterminé par les prétentions des parties, c'est-à-dire le résultat qu'elles recherchent. Aussi, les prétentions se distinguent-elles des moyens, éléments de fait et de droit allégués au soutien de celles-ci.
Il s'en déduit que les « demandes » figurant sous la forme suivante au dispositif des écritures de la société demanderesse, savoir :
* « DIRE ET JUGER que Madame B est débitrice envers la SAM AE de la somme de :
* 53.979,45 € au titre de l'appartement en principal, soit 821.075,43 € après application des pénalités contractuelles,
* 1.374,00 € au titre du parking n°xxx en principal, soit 24.262,05 € après application des pénalités contractuelles,
* 1.374,00 € au titre du parking n°xxx en principal, soit 24.262,05 € après application des pénalités contractuelles.
suivant décompte arrêté au 30 novembre 2024, cette somme demeurant à parfaire en fonction de la date de libération des lieux et de l'état de l'appartement »,
* « DIRE ET JUGER que les clauses résolutoires ont été mises en oeuvre de bonne foi »,
* « DIRE ET JUGER qu'il n'existe aucun cas de force majeure de nature à décharger Madame B de son obligation de paiement »,
de même que celles figurant au dispositif des écritures de la défenderesse savoir :
* « DONNER ACTE à Madame m B des règlements effectués pour un montant total de 393.552,30 euros »,
* « CONSTATER l'absence d'inexécution contractuelle fautive de la part de Madame m B du fait de sa bonne foi et de l'existence d'un évènement constitutif d'un cas de force majeure du fait des mesures de restriction bancaire en vigueur en Russie rendant temporairement impossible l'exécution par Madame m B de ses obligations contractuelles à l'égard de la Société Immobilière de Construction de la Résidence »,
* « CONSTATER le caractère manifestement excessif des clauses d'indemnité journalière d'occupation et des clauses pénales invoquées par la Société Immobilière de Construction de la Résidence »,
* « JUGER que l'obligation de paiement du loyer et des charges dus au titre de chacun des contrats de bail et de location dont le contrat de bail d'habitation à loyer portant sur l'appartement sis 14ème étage, immeuble « x3 », x3 à Monaco (98000, MC), le contrat de location portant sur le box de garage numéro xxx et le contrat de location portant sur le box de garage numéroté xxx a été intégralement honorée »,
ne constituent pas des prétentions mais des moyens auxquels il sera répondu dans le corps du jugement.
* Sur la demande en paiement des causes de la créance à hauteur de 927.349,53 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par la société anonyme à objet civil dénommée L en vue du recouvrement des impayés sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024
Il est constant que par ordonnance en date du 15 novembre 2023, le Juge des référés a constaté que par l'effet de la clause résolutoire rappelée par le commandement demeuré infructueux du 9 mars 2023 (pièce n° 4 de la société demanderesse), le bail à loyer n° xxx et les baux à loyer parking n° xxx et xxx conclus entre les parties le 27 décembre 2022 sont résiliés de plein droit depuis le 18 mars 2023 et ce, avec toutes conséquences de droit, étant précisé que cette ordonnance est devenue définitive, ainsi qu'il en résulte de la pièce n° 18 produite par la société demanderesse, contenant un certificat de non-appel.
Le Tribunal note que la clause résolutoire stipulée au sein de chaque bail comporte un alinéa rédigé comme suit :
« (…) le preneur sera redevable d'une indemnité calculée prorata temporis sur la base du triple du montant du loyer, charges comprises, jusqu'à la restitution effective des locaux loués, quand bien même celle-ci intervient à une date ultérieure au terme du présent bail, sans que cela ne puisse être considéré comme un renouvellement tacite dudit bail. (…) ».
Aux termes de l'article 1084 du Code civil, « La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale. Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard. ». De plus, et conformément aux dispositions de l'article 1086 dudit Code « La peine peut être modifiée par le juge, lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie. ».
En l'espèce, le Tribunal considère que l'alinéa précité de la clause résolutoire contenu au sein desdits baux s'analyse, eu égard à la différence exorbitante entre le montant du loyer et celui de l'indemnité d'occupation fixé à trois fois celui-ci, comme une clause pénale dont le caractère excessif permet, ainsi que le sollicite la défenderesse, la réduction par le juge en application des dispositions précitées de l'article 1086 du Code civil, dès lors que l'obligation principale a été exécutée en partie.
À cet égard, la société demanderesse expose dans ses écritures que m B a procédé à plusieurs paiements, notamment le 14 juin 2023, à hauteur de 67.924 euros au titre de l'appartement, de 2.786 euros au titre du parking n° xxx et de 2.786 euros au titre du parking n° xxx, si bien que l'obligation principale au paiement a été en partie exécutée par la défenderesse.
Il convient, en conséquence, de modérer la pénalité excessive prévue dans chacun des baux, en réduisant l'indemnité d'occupation due à compter du 18 mars 2023, calculée prorata temporis, au montant des derniers loyers contractuels, augmentés des charges qui auraient été dues si les baux s'étaient poursuivis.
Si m B, au soutien du débouté de sa condamnation au paiement, excipe de sa bonne foi et d'un cas de force majeure tenant aux mesures prises par le gouvernement de la Fédération de Russie à l'endroit de ses ressortissants qui l'auraient conduite à ne pas pouvoir exécuter ses obligations de paiement des loyers dus, aux termes des baux, à la signature des conventions, le Tribunal relève que la société demanderesse ne sollicite pas le paiement de dommages intérêts à raison de cette inexécution, mais la condamnation de la défenderesse au paiement de différentes sommes qu'elle estime dues au titre des conventions (loyers, charges, indemnités d'occupation, frais de recouvrement), ce qui s'apparente à une action en exécution forcée en nature des conventions. Or les dispositions des articles 1002 et 1003 du Code civil sur lesquelles se fondent la défenderesse n'exonèrent pas le débiteur d'une obligation empêché d'exécuter celle-ci par la survenance d'un cas de force majeure de cette exécution, mais seulement d'une condamnation à payer des dommages intérêts à raison de cette inexécution contractuelle. Les moyens développés par la demanderesse sont donc inopérants.
Il est en outre communément admis que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. Il est constant, en effet, que constitue un cas de force majeure un évènement extérieur au débiteur présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution. Or l'irrésistibilité n'est pas caractérisée si l'exécution est seulement rendue plus difficile ou onéreuse. Il en résulte que les éventuelles mesures prises par le gouvernement de la Fédération de Russie à l'endroit de ses ressortissants, telles qu'exposées par la défenderesse, ne sauraient l'exonérer de ses obligations de paiement telles que stipulées dans les contrats, ni faire obstacle à l'action en exécution forcée en nature des conventions.
Il convient, par conséquent, de déterminer le montant de la dette locative comprenant les loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par la société demanderesse en vue du recouvrement des impayés sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024.
* Concernant l'appartement objet du bail à loyer enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx :
Le contrat stipule un loyer total pour six mois de 110.000 euros, outre 6.000 euros de charges. L'indemnité d'occupation a été fixée par le Tribunal, prorata temporis, au montant du dernier loyer contractuel, charges comprises, soit 19.333 euros par mois (116.000 / 6), étant précisé qu'à partir du mois de juillet 2024 compris, la société demanderesse justifie que les charges ont été portées de 1.000 à 1.200 euros par mois, si bien que l'indemnité d'occupation à partir de cette date doit être fixée à 19.533 euros par mois (110.000 + 1.200 x 6 / 6).
Ainsi sur ladite période, la dette locative s'élève à la somme de 445.659 euros (19.333 x 18 + 19.533 x 5), outre 1.174 euros de frais d'enregistrement, 472,38 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2022, 804,51 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2023, 135 euros au titre des frais concernant le commandement de payer du 9 mars 2023 et 450 euros au titre des frais pour la tentative d'expulsion du 13 mars 2024, soit un total de 448.694,89 euros.
* Concernant le box de parking objet du bail à loyer parking enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx F°/Bd xxx :
Le contrat stipule un loyer total pour six mois de 2.750 euros, outre 50 euros de charges. L'indemnité d'occupation a été fixée par le Tribunal, prorata temporis, au montant du dernier loyer contractuel, charges comprises, soit 466 euros par mois (2 800 / 6).
Ainsi sur ladite période, la dette locative s'élève à la somme de 10.718 euros (466 x 23), outre 36 euros de frais d'enregistrement et 69,77 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2023, mais déduction faite de 8,49 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2022, soit un total de 10.815,28 euros.
* Concernant le box de parking objet du bail à loyer parking enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx :
Le contrat stipule un loyer total pour six mois de 2.750 euros, outre 50 euros de charges. L'indemnité d'occupation a été fixée par le Tribunal, prorata temporis, au montant du dernier loyer contractuel, charges comprises, soit 466 euros par mois (2.800 / 6).
Ainsi sur ladite période, la dette locative s'élève à la somme de 10.718 euros (466 x 23), outre 36 euros de frais d'enregistrement et 69,77 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2023, mais déduction faite de 8,49 euros au titre de la régularisation des charges pour l'année 2022, soit un total de 10.815,28 euros.
En définitive, la dette locative globale (loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par la société demanderesse en vue du recouvrement des impayés) sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024 s'élève à la somme totale de 470.325,45 euros (448.694,89 pour l'appartement + 10.815,28 pour le parking n° xxx + 10.815, 28 pour le parking n° xxx).
m B produit en pièce n° 16 plusieurs documents en langue russe et anglaise au soutien de l'allégation selon laquelle elle a effectué plusieurs virements au bénéfice de la société demanderesse pour un montant total de 393.552,30 euros sur la période allant du 14 juin 2023 au 23 octobre 2024. Les débats judiciaires devant être menés en employant exclusivement la langue française, langue officielle de l'État aux termes de l'article 8 de la Constitution, il est communément admis que les pièces produites en langue étrangère doivent être traduites. En cet état, la pièce n° 16 contenant des documents en langue étrangère non traduits, sera écartée des débats, ainsi que le sollicite la société demanderesse dans le corps de ses écritures (et bien que cette prétention ne soit pas reprise dans le dispositif de celles-ci).
Le Tribunal relève, néanmoins, que la société demanderesse, en pages 4 à 6 de ses conclusions, reconnaît que plusieurs virements ont été effectués, et notamment :
* 73.496 euros le 14 juin 2023 ;
* 99.430 euros le 8 septembre 2023 ;
* 49.000 euros le 17 octobre 2023 ;
* 2.656 euros le 26 octobre 2023 ;
* 75.000 euros le 10 mai 2024 ;
* 23.000 euros le 28 juin 2024 ;
* 69.755 euros le 23 octobre 2024.
La défenderesse, quant à elle, ne démontre pas à travers d'autres pièces la réalité des virements allégués au bénéfice de la société demanderesse des sommes de 11.157 euros le 25 septembre 2023 et de 1.215,30 euros le 26 juin 2024.
Il en résulte qu'en l'état des éléments produits aux débats, dès lors qu'il est reconnu que m B a procédé au paiement de la somme de 392.337 euros au bénéfice de la société anonyme à objet civil dénommée L sur la période allant du 14 juin 2023 au 23 octobre 2024, la défenderesse apparaît redevable envers la société demanderesse de la somme de 77.988,45 euros (470.325,45 – 392.337 euros) au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par la société demanderesse en vue du recouvrement des impayés restant dus sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024.
Le Tribunal ne peut cependant que constater que la demande formulée par la société demanderesse à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les majorations contractuelles ne seraient pas appliquées, ce qui est le cas, consiste en la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 56.727,45 euros (53.979,45 euros au titre de l'appartement + 1.374 euros au titre du parking n° xxx + 1.374 euros au titre du parking n° xxx), selon décompte produit en pièce n° 19.
Par conséquent, le Tribunal ne pouvant statuer ultra petita, il sera jugé que m B est redevable de la somme de 56.727,45 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par la société demanderesse en vue du recouvrement des impayés restant dus sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024.
* Sur la demande de fixation de l'indemnité d'occupation à compter du 1er décembre 2024
Le Tribunal ayant modéré la pénalité excessive prévue dans chacun des baux en réduisant l'indemnité d'occupation, calculée prorata temporis, au montant des derniers loyers contractuels, augmentée des charges qui auraient été dues si les baux s'étaient poursuivis, m B sera condamnée à payer à compter du 1er décembre 2024 une indemnité d'occupation correspondant, prorata temporis, au montant des derniers loyers contractuels, augmentée, seulement s'agissant du bail à loyer concernant l'appartement, des charges qui auraient été dues si ledit bail s'était poursuivi (la société demanderesse ne sollicitant pas cette augmentation concernant les baux à loyer des parkings), jusqu'à la restitution effective des locaux loués, soit :
* 19.533 euros par mois (dont 1.200 euros de charges) pour l'appartement objet du bail à loyer enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx ;
* 458 euros par mois pour le box de parking objet du bail à loyer parking enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx F°/Bd xxx ;
* 458 euros par mois pour le box de parking objet du bail à loyer parking enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx.
* Sur la demande en paiement formée par la société anonyme à objet civil dénommée L à l'encontre de m B au titre des clauses pénales
Aux termes de l'article 1081 du Code civil, « La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution. ». Selon l'article 1084 du même Code, « La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale. ».
Il résulte de ces dispositions que constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée.
Aux termes des clauses résolutoires figurant dans chacun des baux précités, les parties ont convenu qu'« à titre de pénalité, la mise en œuvre de la présente clause entraînera l'obligation pour le Preneur de payer au Bailleur une indemnité contractuelle d'un montant correspondant au dernier trimestre de loyer. ».
Le Tribunal considère, à nouveau, que les moyens développés par la défenderesse tenant à sa bonne foi et à la survenance d'un cas de force majeure l'ayant empêchée de payer les loyers lorsqu'ils étaient exigibles sont inopérants puisque la société demanderesse ne sollicite pas le paiement de dommages intérêts mais l'application de la clause pénale prévue dans la clause résolutoire figurant dans chacun des baux. Par ailleurs, et ainsi qu'il a déjà été dit, la défenderesse ne saurait s'exonérer de ses obligations contractuelles de sommes d'argent inexécutées, et ayant conduit à la mise en oeuvre des clauses résolutoires, en invoquant un cas de force majeure.
Quant à la demande de réduction du quantum fixé à titre de pénalité, il est constant que la clause pénale n'a pas pour objectif exclusif de réparer les conséquences d'un manquement à la convention, mais aussi de contraindre le débiteur à exécution.
Le Tribunal considère que la fixation d'une indemnité à hauteur de trois mois de loyer, si elle est comminatoire, n'apparaît cependant pas excessive, qui plus est dans le contexte où la société demanderesse justifie, à travers la production d'un commandement de payer délivré le 17 janvier 2022 à la défenderesse pour un montant de 130.866,44 euros, qu'elle avait déjà été confrontée par le passé à des impayés de la part de cette dernière pour la location des mêmes appartement et parkings dans le cadre de précédents baux (pièce n° 9).
Il n'y a donc pas lieu à réduction des montants fixés à titre de pénalité au sein des clauses résolutoires stipulées dans les baux. S'il était loisible à la société demanderesse de solliciter la condamnation de m B au paiement de la somme de 57.750 euros (110.000 / 2 + 2.750 /2 + 2.750/2), il sera dit que cette dernière est redevable de la somme de 57.500 euros, s'agissant du montant indiqué dans le dispositif des écritures de la demanderesse, le Tribunal ne pouvant statuer ultra petita.
* Sur les comptes entre les parties et la compensation sollicitée par la société anonyme à objet civil dénommée L
m B est redevable envers la société anonyme à objet civil dénommée L des sommes suivantes :
* 56.727,45 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par la société demanderesse en vue du recouvrement des impayés restant dus sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024 ;
* 57.500 euros au titre des clauses pénales.
La société anonyme à objet civil dénommée L est quant à elle redevable envers m B de la somme de 55.000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie, convenu dans le contrat de bail de l'appartement.
Ainsi que le sollicite la société demanderesse, il y a donc lieu à compensation, en application des dispositions de l'article 1139 du Code civil, et m B sera condamnée à payer à la société anonyme à objet civil dénommée L la somme de 59.227,45 euros (114.227,45 – 55.000), dont il conviendra de déduire, le cas échéant, les sommes versées par la défenderesse au titre de la provision accordée à la société demanderesse à hauteur de 22.279,58 euros par le Juge des référés par ordonnance précitée du 15 novembre 2023.
* Sur la demande en validité de la saisie-arrêt
La SAM AA (MONACO) a indiqué dans l'acte de saisie-arrêt :
« À ce jour nous détenons un compte courant ouvert en nos livres au nom de madame m B présentant un solde créditeur de 25.590,44 euros. Sous réserve des opérations en cours. A noter qu'une précédente saisie-arrêt a été signifiée à la Banque AA Monaco le 18 mars 2022 et qu'il a été répondu que le compte présentait un solde débiteur ».
Il convient dès lors de valider la saisie-arrêt pratiquée le 12 mai 2023 par l'intermédiaire de Maître Frédéric LEFEVRE, Huissier, entre les mains de la SAM AA (MONACO), sur le compte ouvert au nom de m B à hauteur du montant des condamnations en principal, outre intérêts frais et accessoires et de dire que ladite société devra se libérer entre les mains de la société anonyme à objet civil dénommée L de la somme de 25.590,44 euros qu'elle a déclaré détenir pour le compte de m B, laquelle viendra en déduction de sa créance.
* Sur les autres demandes formées par la défenderesse
En l'état de l'ordonnance en date du 15 novembre 2023, rendue par le Juge des référés ayant constaté que par l'effet de la clause résolutoire rappelée par le commandement demeuré infructueux du 9 mars 2023 (pièce n° 4 de la société demanderesse), le bail à loyer n° xxx et les baux à loyer parking n° xxx et xxx conclus entre les parties le 27 décembre 2022 sont résiliés de plein droit depuis le 18 mars 2023 et ce, avec toutes conséquences de droit, cette ordonnance étant devenue définitive, le Tribunal ne saurait dire que m B est fondée à exercer son droit au maintien dans chacun des lieux objets des contrats de bail. Le Tribunal note, au surplus, que le Juge des référés a accordé à la défenderesse un délai de trois mois à compter de la signification de ladite ordonnance (effectuée le 13 décembre 2023) pour libérer les lieux et ordonné d'ores et déjà, à défaut de ce faire, son expulsion et celle de tout occupant de son chef au besoin avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique.
Le Tribunal ne saurait pas plus, et de surcroît en l'état du présent jugement, interdire à la société demanderesse de poursuivre ou d'initier toute nouvelle procédure d'expulsion, d'exécution forcée ou conservatoire à l'encontre de la défenderesse jusqu'au complet paiement du reliquat des loyers et charges restant dus.
m B sera donc déboutée de ces demandes.
* Sur les mesures de fin de jugement
Aux termes de l'article 231 du Code de procédure civile, tous jugements, autres que les jugements d'instruction, condamneront même d'office aux dépens la partie qui aura succombé.
m B, succombant à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance, avec distraction au profit de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit.
En revanche, la société anonyme à objet civil dénommée L sera déboutée de sa demande visant à ce que la défenderesse soit condamnée « aux frais engagés dans le cadre des saisies », qui ne concernent pas la présente instance.
Aux termes de l'article 238-1 du Code de procédure civile, le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il déterminera, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
m B, condamnée aux dépens, devra verser à la société demanderesse, une somme qu'il est équitable de fixer à 3.000 euros.
Succombant, la demande de m B à l'encontre de la société défenderesse sera rejetée.
Aux termes de l'article 202 du Code de procédure civile, « Hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203. (…) L'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut aussi être accordée pour le paiement de l'amende civile, de l'indemnité de l'article 238 et des dépens et des frais non compris dans les dépens. ».
En l'espèce, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Écarte des débats la pièce n° 16 produite par m B ;
Dit que m B est redevable envers la société anonyme à objet civil dénommée L de la somme totale de 56.727,45 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et frais engagés par ladite société en vue du recouvrement des impayés, restant dus sur la période allant du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2024, au titre du bail à loyer et des baux à loyer parking signés le 27 décembre 2022 et enregistrés à Monaco le 27 février 2023 sous les numéros, respectivement, xxx,xxx F°/Bd xxx et xxx ;
Dit que m B est redevable envers la société anonyme à objet civil dénommée L de la somme totale de 57.500 euros au titre des clauses pénales figurant dans le bail à loyer et les baux à loyer parkings signés le 27 décembre 2022 et enregistrés à Monaco le 27 février 2023 sous les numéros, respectivement, xxx,xxx F°/Bd xxx et xxx ;
Dit que la société anonyme à objet civil dénommée L est redevable envers m B de la somme de 55.000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie convenu dans le bail à loyer signé le 27 décembre 2022 et enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx ;
Condamne après compensation m B à payer à la société anonyme à objet civil dénommée L la somme de 59.227,45 euros, dont il conviendra de déduire, le cas échéant, les sommes versées par m B au titre de la provision accordée à la société anonyme à objet civil L à hauteur de 22.279,58 euros par le Juge des référés par ordonnance du 15 novembre 2023 (R1205 – N° RG : 2023/000071) ;
Valide la saisie-arrêt pratiquée le 12 mai 2023 entre les mains de la banque AA (MONACO) prise en ses bureaux de Monaco sur les comptes ouverts au nom de m B à hauteur du montant de la condamnation en principal ;
Dit que l'établissement bancaire AA (MONACO), tiers-saisi, se libérera valablement des sommes qu'il a déclaré détenir pour le compte de m B par le versement qu'il en opérera entre les mains de la société anonyme à objet civil dénommée L laquelle viendra en déduction de la créance ;
Condamne m B à payer à la société anonyme à objet civil dénommée L à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er décembre 2024 les sommes suivantes, prorata temporis et jusqu'à restitution effective des locaux loués :
* 19.533 euros par mois (dont 1.200 euros de charges) pour l'appartement objet du bail à loyer signé le 27 décembre 2022 et enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx ;
* 458 euros par mois pour le box de parking objet du bail à loyer parking signé le 27 décembre 2022 et enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx F°/Bd xxx ;
* 458 euros par mois pour le box de parking objet du bail à loyer parking signé le 27 décembre 2022 et enregistré à Monaco le 27 février 2023 sous le numéro xxx ;
Condamne m B à payer à la société anonyme à objet civil dénommée L la somme de 3.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne m B, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 13 MARS 2025, par Madame Magali GHENASSIA, Président, Madame Alexia BRIANTI, Premier Juge, Monsieur Maxime MAILLET, Juge, assistés de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.
La présente décision a été signée par Madame Alexia BRIANTI, Premier Juge, en application de l'article 60 de la même Loi n° 1.398.
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