La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2025 | MONACO | N°30857

Monaco | Tribunal de première instance, 13 mars 2025, La Société Civile dénommée P c/ La Société Anonyme Monégasque dénommée B (MONACO) S. A. M.


Visa

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Claire NOTARI, huissier, en date du 17 décembre 2021, enregistré (n° 2022/000235) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la P, en date du 6 juin 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM B (MONACO) S. A. M., en date du 3 août 2023 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2023 ;

Vu l'ordonnance de rabat de clôture en date du 29 novembre 2023 ;

Vu l'ordo

nnance de clôture en date du 6 janvier 2025 ;

À l'audience publique du 9 janvier 2025, les conseils d...

Visa

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Claire NOTARI, huissier, en date du 17 décembre 2021, enregistré (n° 2022/000235) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la P, en date du 6 juin 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM B (MONACO) S. A. M., en date du 3 août 2023 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2023 ;

Vu l'ordonnance de rabat de clôture en date du 29 novembre 2023 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 janvier 2025 ;

À l'audience publique du 9 janvier 2025, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 13 mars 2025, par mise à disposition au Greffe.

Motifs

FAITS ET PROCÉDURE

La P est une société composée de deux associés, d.G épouse F pour 95 parts et d.H pour 5 parts.

La SCP AA a été constituée en 2016 par les mêmes associés, d.G épouse F pour 9500 parts et d.H pour 500 parts.

Le 4 avril 2016, la SCP AA a contracté auprès de la SAM B (MONACO) S. A. M. un prêt sous seing privé de 25.300.000 euros, pour l'acquisition d'une villa à Villefranche-sur-Mer, remboursable en 9 annuités à compter du 30 avril 2017 et au plus tard le 30 avril 2026.

Les garanties prévues à l'acte étaient un privilège de prêteur de deniers de 1er rang à hauteur de 25.300.000 euros + 20 %, un gage de monnaie et d'instruments financiers consenti par d.H à hauteur de 12.650.000 euros et de 17.500.000 euros au bout d'un an, outre un nantissement de 100 % des parts de la SCP AA et une caution personnelle et solidaire des deux associés.

L'acte de prêt a été réitéré dans l'acte authentique de vente du 30 avril 2016 dressé par Maître BOURCIER DE PREVINQUIERES, notaire à Nice.

Des avenants ont été signés :

* Avenant n° 1, le 31 mars 2017 entre la banque et la SCP AA au terme duquel le prêt sera remboursable en une seule fois le 30 avril 2026,

* Avenant n° 1 bis, le 31 mars 2017 entre la banque, la SCP AA et les deux associés qui prévoit une augmentation annuelle du gage de monnaie et d'instruments financiers de 1.265.000 euros par an.

Le 22 décembre 2017, la P signait au profit de la banque un acte constituant un gage de l'ensemble des actifs en monnaie et en instruments financiers de quelque nature qu'ils soient, en principal et intérêts que la banque détient ou viendrait à détenir pour son compte directement ou indirectement.

Un avenant n° 2 était signé le 27 décembre 2017 entre la banque, la SCP AA et la P qui prévoit :

* une modification du taux d'intérêt applicable,

* l'octroi par la P à la banque en qualité de tiers, un gage de monnaie et instruments financiers à hauteur d'une valeur minimum de 12.650.000 euros avec obligation pour le garant de maintenir dans les livres de la banque, un montant minimum de Market Value de 21.300.000 euros durant toute la durée du crédit.

Le 20 novembre 2019, la SAM B (MONACO) S. A. M. notifiait à la SCP AA une mise en demeure préalable à la déchéance du terme au motif de diverses procédures en cours.

Les parties trouvaient un arrangement et signaient un protocole d'accord le 2 juin 2020 au terme duquel elles poursuivaient leurs relations contractuelles jusqu'au 31 mars 2021, date à laquelle l'intégralité des sommes restant dues dans les livres de la banque sera remboursée à hauteur de 21.300.000 euros par affectation des avoirs de la P et le solde par des fonds propres de la SCP AA.

Dès suite de la notification d'une saisie-arrêt sur le compte de la SCP AA détenue par elle à la SAM B (MONACO) S. A. M., celle-ci a, par courrier du 4 juillet 2020, prononcé la résiliation du contrat avec exigibilité anticipée des sommes restant dues, au motif que cette saisie-arrêt contrevenait à l'article 1 du protocole d'accord prévoyant que le compte bancaire de la SCP AA devait continuer à fonctionner « normalement ».

Le 13 juillet 2020, la SAM B (MONACO) S. A. M. a liquidé les actifs gagés de la P pour un montant de 17.500.000 euros.

Par acte d'huissier en date du 17 décembre 2021, la P a assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco la SAM B (MONACO) S. A. M. et demande au Tribunal de :

* annuler le gage de valeurs mobilières et instruments financiers constitué par la P au terme de l'avenant n° 2 du 27 décembre 2017 et du protocole d'accord du 2 juin 2020 ;

* annuler la réalisation par la SAM B (MONACO) S. A. M. du gage de valeurs mobilières et instruments financiers intervenu illicitement le 13 juillet 2020 ;

* ordonner la restitution par la SAM B (MONACO) S. A. M. à la P de la somme de 17.500.000 euros avec intérêts au taux légal entre le 13 juillet 2020 et la date effective de la restitution ;

* condamner la SAM B (MONACO) S. A. M. à lui payer une somme de 1.470.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance ;

* condamner la SAM B (MONACO) S. A. M. aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives du 6 juin 2023, la P a maintenu ses demandes, sauf à solliciter la capitalisation des intérêts échus, à augmenter sa demande de dommages et intérêts à 2.205.000 euros et à 20.000 euros sa demande au titre des frais de procédure, le tout avec exécution provisoire.

Par conclusions récapitulatives en date du 3 août 2023, la SAM B (MONACO) S. A. M. demande :

* le débouté de la P de l'intégralité de ses demandes ;

* la condamnation de la P à lui payer une somme de 20.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

* la condamnation de la P aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Les débats ont été clos par ordonnance du 6 janvier 2025.

Àl'audience du 9 janvier 2025, les conseils des parties ont déposé leur dossier, l'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2025.

SUR CE,

* Sur la demande de la P de voir prononcer la nullité de l'acte de gage de valeurs mobilières et instruments financiers qu'elle a constitué auprès de la banque SAM B (MONACO) S. A. M. au profit de la SCP AA

La P soulève à ce titre deux moyens de nullité :

* le premier tiré du fait que les éléments contractuels contradictoires ne permettent pas de s'assurer qu'elle avait pleinement connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle a contractée, considérant que son cautionnement est de nature civile qui est donc soumis à un formalisme particulier,

* le second moyen est tiré de ce que l'acte de gage n'est pas conforme à l'objet social de la société.

* Sur le moyen tiré d'éléments contractuels contradictoires,

La P explique que l'article 60-2 du Code de commerce pose des conditions de forme à l'acte de gage de monnaie ou d'instruments financiers, à savoir que la constitution « doit comporter les mentions prévues par l'ordonnance souveraine ».

La P conteste le fait que son cautionnement soit qualifié par la banque de « commercial » alors qu'elle est une société civile, tout comme la SCP AA, qu'elle cautionne un prêt immobilier destiné à l'achat d'un immeuble à usage d'habitation. Le cautionnement, selon elle, n'est pas consenti à titre professionnel, ne garantit pas une dette commerciale et ne constitue pas davantage un acte de commerce par accessoire. C'est donc un cautionnement « civil » et sa forme ne permet pas de vérifier la créance garantie, l'assiette du gage et la durée de l'engagement.

Sur cette question de la nature du gage commercial ou civil, le Tribunal relève que l'acte de cautionnement du 22 décembre 2017 signé par la P est intitulé « acte de cautionnement et de nantissement général emportant gage de monnaie et d'instruments financiers (articles 2 alinéa 13 et 59 à 61-1 du Code de commerce) ».

Il ressort des termes même de l'acte que les parties ont entendu qualifier l'acte de cautionnement de « commercial » et que les règles applicables sont celles du Code de commerce.

Il convient de rappeler que l'article 2 du Code de commerce monégasque stipule que « la loi répute acte de commerce (…) entre toutes personnes, le gage de monnaie, le gage d'instruments financier ainsi que le gage de produits financiers structurés ».

Compte tenu de ce principe énoncé par la loi, des mentions figurant à l'acte de cautionnement, le Tribunal considère que le cautionnement de la P en date du 22 décembre 2017 est un cautionnement commercial.

C'est sur la base de cette qualification que le Tribunal doit apprécier la validité légale de l'acte et les développements de la P sur la nullité de son gage civil sont donc inopérants.

Le gage commercial est donc soumis au Code de commerce et notamment à l'ordonnance souveraine n° 1.770 du 28 août 2008 qui dispose en son article 1 que « l'acte portant constitution d'un gage de monnaie ou d'instruments financiers prévu par l'article 60-2 du Code de commerce doit être daté et comporter :

1. La dénomination « constitution de gage de monnaie ou d'instruments financiers » : cette mention figure sur le document du 22 décembre 2017 et sur les avenants postérieurs,

2. La mention que cette constitution est soumise aux dispositions des articles 2 alinéa 13 et 59 à 61-1 du Code de commerce : l'acte mentionne ces références légales,

3. Le nom ou la dénomination sociale ainsi que l'adresse du constituant du créancier gagiste et, le cas échéant, du tiers détenteur, ou de leur siège social s'il s'agit de personnes morales : ces mentions figurent sur le document,

4. L'élection de domicile en Principauté qui peut être l'adresse du domicile ou du siège social du créancier gagiste, si le constituant ne dispose pas à Monaco d'une adresse ou d'un siège social : la P a élu domicile « en Principauté de Monaco au siège de la banque »,

5. Les éléments permettant de déterminer le montant de la créance, le cas échéant, future ou l'indication que le gage a pour objet de garantir l'ensemble des engagements présents et futurs du débiteur, l'acte en question précise en page 2 qu'est garanti « l'ensemble des créances existantes ou futures de la banque à l'encontre de la SCP AA », la condition posée par le texte est satisfaite,

6. Les éléments qui permettent de déterminer l'assiette du gage ; à cette fin, les parties peuvent convenir soit que le gage porte sur les avoirs en monnaie ou en instruments financiers dont la nature et la quantité sont expressément définies, soit que le gage porte sur les avoirs qui sont ou seront inscrits au crédit de comptes titres ou de comptes espèces ouverts à cet effet dans les livres du créancier gagiste ou d'un tiers identifié d'un commun accord des parties, soit que le gage est constitué par l'ensemble des avoirs en monnaie ou en instruments financiers qui appartiennent ou qui viendraient à appartenir au constituant et dont le créancier ou le tiers identifié est ou sera détenteur, le texte contractuel est rédigé en ces termes : « à l'effet de garantir l'ensemble des engagements, présents ou futurs et y compris intérêts courus, frais et accessoires du tiers garanti à l'égard de la banque, le constituant accepte expressément par le présent acte de constituer en gage au profit de la banque l'ensemble des actifs en monnaie et en instruments financiers de quelque nature qu'ils soient, en principal et intérêts que la banque détient ou viendrait à détenir pour son compte directement ou indirectement » : les termes figurant à l'acte sont conformes aux exigences prévues par l'ordonnance.

Par ailleurs, l'article 59-1 du Code de commerce renforce, s'il en était besoin, la légalité du formalisme de l'acte de gage du 22 décembre 2017 et de ses avenants en ce qu'il précise que « par dérogation à l'article 984 du Code civil (sur le cautionnement civil), les parties peuvent convenir que pour garantir les engagements présents ou futurs du débiteur, les avoirs en monnaie ou en instruments financiers appartenant ou venant à appartenir au constituant du gage, et dont le créancier ou un tiers identifié d'un commun accord des parties sont ou seront détenteurs, sont ou seront soumis à ce gage sans qu'il soit nécessaire de les spécifier ».

En conséquence de tout cela, le gage fourni par la P est dans sa forme parfaitement conforme aux exigences de l'ordonnance précitée et aucune contradiction n'est de nature à invalider l'acte.

S'agissant de l'avenant n° 2 du 27 décembre 2017, la P considère qu'il s'agit d'un nouveau gage qui remplace l'engagement du 22 décembre 2017.

L'avenant indique « à compter de la signature du présent avenant, les articles « IV-1 : taux d'intérêts » et « V : garanties » de la convention de prêt datée du 4 avril 2016 sont modifiés comme suit (…), s'agissant de la garantie : la banque bénéficiera de la constitution de gage de monnaie et d'instruments financiers constitué selon la loi monégasque sous le régime de la loi n° 1.224 consenti par la P, susmentionnée et titulaire d'un compte dans les livres de la banque sous le n° 51 97 526, laquelle se constitue tiers garant avec gage de monnaie et d'instruments financiers à hauteur d'un montant MINIMUM en valeur de couverture ou en valeur d'emprunt de 12.650.000 euros et est disposée à se porter caution réelle, conjointe et solidaire, sans bénéfice de discussion et de division au profit de la banque en garantie des engagements présents et futurs de l'emprunteur vis-à-vis de la banque (…).

Par ailleurs, le tiers garant s'engage d'ores et déjà à augmenter le montant des avoirs en gestion afin de détenir, dans le cadre de sa relation de private banking, et à compter de la signature des présentes, un montant minimum en Market Value de 21.300.000 euros et ce, durant toute la durée du crédit, cette mention ne constituant en aucun cas une clause d'exigibilité anticipée du crédit ».

Le document est effectivement intitulé « avenant » et ne reprend pas exhaustivement l'ensemble des points prévus à l'acte du 22 décembre 2017 mais en modifie seulement certaines dispositions, ce qui justifie sa qualification d'avenant et non de « nouvel accord » comme le soutient la demanderesse. Ce moyen de la P est donc écarté.

La P soutient que cet acte n'entraîne pas constitution d'un cautionnement de sa part dès lors que le terme « est disposé à se porter caution réelle… » ne vaut pas caution de sa part, dès lors que selon elle, il aurait fallu un acte de cautionnement ad hoc.

Non seulement, la phrase « est disposée à se porter caution réelle » peut être interprétée comme un acte de cautionnement, mais en tout état de cause, comme le souligne la SAM B (MONACO) S. A. M., ce moyen est sans effet sur la validité de l'acte de gage commercial qui est en cause dans cette procédure. L'acte de réalisation du gage du 13 juillet 2020 par la banque est sans rapport avec un cautionnement de la P qui n'a pas été mis en oeuvre.

S'agissant de ce que l'avenant du 27 décembre 2017 limiterait le gage commercial de la P à la somme de 12.650.000 euros, il s'agit d'une somme minimale et non d'un plafond, comme le soutient la P.

« Il est convenu d'un commun accord entre les parties que la relation contractuelle entre B Monaco SAM et la SCP AA s'éteindra le 31 mars 2021 et que la convention de prêt sera résiliée de plein droit à cette date et les sommes, dues par l'emprunteur exigibles sans délai.

Jusqu'à cette échéance, le prêt consenti par la banque à la SCP AA :

* Sera amorti dans les conditions de la convention de prêt du 4 avril 2016 et de ses avenants des 31 mars 2017 et du 27 décembre 2017,

* Le compte bancaire de la SCP AA n° 51 68 615 continuera de fonctionner normalement,

* Les garanties accordées à B Monaco SAM par la SCP AA sont maintenues,

* Les contrats de cautionnement personnels et solidaires de Monsieur d.H et d.F née G seront maintenus,

* Les garanties à B Monaco SAM par la P seront maintenues,

* Le compte bancaire n° 51 97 526 de la P continuera de fonctionner normalement ».

Par ailleurs, s'agissant du montant gagé, le protocole d'accord du 2 juin 2020 indique en page 10, article 4 « MODIFICATION DE LA CONVENTION DE PRÊT DU 4 AVRIL 2016 : il est convenu entre les parties de modifier l'article 5 de la convention du prêt du 4 avril 2016, modifiée par avenants du 31 mars 2017 et 27 décembre 2017, en ce sens :

« La banque bénéficiera de la constitution de gage de monnaie et d'instruments financiers constitué selon la loi monégasque sous le régime de la loi n° 1.224 consenti par la P, susmentionnée et titulaire d'un compte dans les livres de la banque sous le n° 51 97 526, laquelle se constitue tiers garant avec gage de monnaie et d'instruments financiers à hauteur d'un montant minimum en Market Value de 17.500.000 euros (…) ».

Il est clairement indiqué que le montant du gage de monnaie est fixé au 2 juin 2020 à 17.500.000 euros minimum.

Pour contester ce montant, la P ayant soulevé la nullité de l'acte de gage commercial du 22 décembre 2017 considère que le protocole d'accord qui s'en est suivi est nul également.

Le Tribunal ayant considéré, contrairement à ce que soutient la P, que l'acte de gage commercial du 22 décembre 2017 est valable, le protocole d'accord signé entre les parties le 2 juin 2020 est lui aussi valable dès lors que la P ne soulève aucun moyen de nullité intrinsèque au protocole d'accord lui-même mais seulement une nullité découlant de la nullité de l'acte de gage commercial.

* Sur le moyen tiré de ce que l'engagement de la P n'est pas conforme à son objet social

La P soutient que l'acte de gage et les actes subséquents sont nuls dès lors qu'ils n'entrent pas dans son objet social qui est le suivant :

« Cette société a pour objet en tous pays :

La gestion pour son propre compte exclusivement, par tel moyen qu'elle jugera opportun, du patrimoine mobilier et immobilier apporté ou acquis par elle, et notamment :

* L'acquisition, la prise à bail, la location de tous immeubles bâtis ou non bâtis, l'administration et l'exploitation des immeubles sociaux, en ce compris la mise à disposition à titre gratuit des associés et gérants,

* L'acquisition, la vente et la gestion de toutes les valeurs mobilières, parts sociales, actions ou obligations,

* L'ouverture de tout compte bancaire, location de tout compartiment de coffre sur la signature du ou de l'un de ses gérants s'ils sont plusieurs,

* Et plus généralement, toutes opérations pouvant se rattacher directement ou indirectement à son objet pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société ».

Elle précise que l'objet social ne prévoit pas la constitution de gages de valeurs mobilières et d'instruments financiers ou de se porter caution de sociétés tierces avec lesquelles elle n'entretient aucun lien de droit.

Elle soutient que le gage signé par elle a été contracté dans le seul intérêt d'une société tierce, la société AA, qu'il a pour effet de vider la P de l'intégralité de son actif et qu'il met en péril l'existence même de la société civile.

Elle cite notamment l'article 1849 du Code civil français qui dispose que « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social ».

Cependant, il est indéniable que ce texte français est inapplicable au présent litige, seul le droit monégasque s'applique qui ne contient aucun article équivalent à l'article 1849 s'agissant d'actes entrant dans l'objet social.

La banque a produit à la procédure en pièce 11 le procès-verbal de délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 2017 à laquelle étaient présents les deux seuls associés de la P, d.G et d.H qui ont à l'unanimité consenti au nom de leur société « toute garantie au profit de la B Monaco SAM de :

* Constituer un gage de monnaie et d'instruments financiers constitué selon la loi monégasque sous le régime de la loi n° 1.224 à hauteur d'un montant minimum de valeur de couverture ou valeur d'emprunt de 12.650.000 euros, se déclarer disposer à se porter caution réelle, conjointe et solidaire, sans bénéfice de discussion et de division au profit de la banque en garantie des engagements présents et futurs de la société civile particulière AA vis-à-vis de la banque.

* Constituer un gage de monnaie et d'instruments financiers constitué selon la loi monégasque sous le régime de la loi n° 1.224 à hauteur d'un montant minimum de valeur de couverture ou valeur d'emprunt de 250.000 euros, se déclarer disposer à se porter caution réelle, conjointe et solidaire, sans bénéfice de discussion et de division au profit de la banque en garantie de six mois d'intérêts.

Cette résolution est adoptée à l'unanimité ».

Il convient de souligner que si la P dit n'avoir aucun lien avec la SCP AA, les deux sociétés appartiennent toutes les deux aux deux mêmes associés précités. Cette particularité explique à elle seule bien l'acte de gage commercial consenti par la P qui y avait intérêt, à savoir permettre à la SCP AA de bénéficier d'un prêt très important pour l'acquisition d'un immeuble.

Si les deux associés de la P ont consenti à l'acte de gage commercial, c'est bien qu'ils ont considéré que cet acte n'était pas contraire à l'objet social ou s'il l'était, qu'ils entendaient y déroger. En leur qualité d'associés, ils ont unanimement consenti à l'acte en appréciant le risque qu'il faisait prendre à leur société.

Une jurisprudence française a été produite qui s'applique au cas d'espèce sur la question d'intérêt social à l'acte. La Cour d'appel de Paris écrit en 2021 : « il est communément admis que si le cautionnement n'entre pas directement dans l'objet social de la société civile, il est valide en cas de lien indirect avec cet objet social, à savoir il faut qu'existe une communauté d'intérêt, ce qui suppose que le cautionnement n'est pas contraire à l'intérêt de la société civile ou qu'une décision unanime des associés soit conforme à l'intérêt de la société. »

Il est indéniable qu'en constituant deux sociétés civiles, la P et la SCP AA, au vu de leur objet social, d.G et d.H ont organisé la forme de leur patrimoine, caractérisant ainsi une communauté d'intérêt indiscutable entre la P et la SCP AA.

En conséquence, le Tribunal déboute la P de sa demande de nullité du gage consenti.

* Sur la demande de la P de voir prononcer la nullité de la réalisation du gage

La P invoque la nullité de la réalisation du gage le 13 juillet 2020 par la SAM B (MONACO) S. A. M., en ce que celle-ci s'est faite en infraction aux dispositions légales applicables.

L'article 61 du Code de commerce prévoit que « à défaut de paiement à l'échéance, le créancier peut, huit jours après une simple signification faite au débiteur et au tiers bailleur de gage, s'il y en a un, faire procéder à la vente publique des objets donnés en gage ».

L'article 61-1 du Code de commerce prévoit effectivement par dérogation à l'article 61 du Code de commerce que le créancier gagiste peut, à défaut de paiement à l'échéance et après mise en demeure par écrit du débiteur, procéder à la vente des instruments financiers, après mise en demeure du débiteur restée infructueuse à l'expiration d'un délai contractuellement déterminé.

L'acte de gage commercial signé entre les parties le 22 décembre 2017 stipule à l'article 7b que « il est expressément convenu entre le constituant, le tiers garant et la banque que tout appel de marge formulé par écrit, quel qu'en soit le mode, non suivi d'effet dans le délai imparti par la banque, vaudra mise en demeure au sens de l'article 61-1 du Code de commerce et ouvrira droit pour la banque à la réalisation du gage. Pour l'exécution de la convention, le constituant et le tiers garant acceptent expressément que le délai de réalisation des actifs gagés soit réduit de huit jours calendaires à 48 heures, conformément à l'article 61-1 du Code de commerce ».

Il est expressément prévu à l'acte que « entre le constituant, le tiers garant et la banque, tout appel de marge formulé par écrit, quel qu'en soit le mode, non suivi d'effet dans le délai imparti par la banque, vaudra mise en demeure au sens de l'article 61-1 du Code de commerce ».

Le délai contractuel applicable est sans contestation possible de 48 heures, après la mise en demeure du débiteur.

La SAM B (MONACO) S. A. M. a communiqué la lettre adressée à la P « Monaco le 10 juillet 2020 », l'accusé de réception mentionne « Avisé le 13 juillet 2020 ».

La lettre indique « comme mentionné dans la lettre adressée à la SCP AA le 4 juillet 2020, que nous avons également portée à votre attention par lettre recommandée, vous savez déjà que nous avons prononcé la résiliation anticipée du prêt hypothécaire accordée à la SCP AA (dont vous êtes le tiers garant) avec un préavis de 8 jours se terminant le 13 juillet 2020. A ce jour, le montant restant du capital est de 25.300.000 euros. En conséquence, conformément à l'article 7 de l'acte de cautionnement et nantissement emportant gage de monnaie et d'instruments financiers que vous avez signé le 22 décembre 2017 au profit de la SCP AA, nous vous informons que cette lettre constitue un avis formel et que nous commencerons la liquidation des actifs gagés détenus sur votre compte n° xxx jusqu'à un montant de 17.500.000 euros. Comme convenu à l'article 7, le délai de préavis pour la vente des actifs gagés est réduit de huit jours civils à 48 heures, conformément à l'article 61-1 du Code de commerce monégasque, par conséquent, nous allons commencer la liquidation de votre portefeuille détenu sur le compte dès le lundi 13 juillet matin ».

Le Tribunal précise que le 10 juillet 2020 était un vendredi, les 48 heures se sont donc écoulées le samedi et le dimanche, la réception du courrier s'est faite le lundi. Ces précisions montrent que la P, informée de la mise en œuvre du gage le lundi matin alors que ce jour-là le gage a été réalisé, n'a pas été en mesure d'agir pour éviter la réalisation du gage. Or les dispositions légales précitées, y compris les dérogations contractuelles réduisant le délai de prévenance à 48 heures visent tout de même à permettre au tiers garant de pourvoir agir aux fins d'éviter la réalisation du gage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

* Sur la base de ce courrier reçu par la P le 13 juillet 2020, le gage n'a pu être valablement réalisé le jour même par la banque.

Pour contourner cette difficulté, la banque justifie de l'envoi d'un courriel adressé à la P le 10 juillet 2020 avec en pièce jointe la lettre précitée. Elle a donc doublé son envoi de lettre recommandée d'un courriel.

Elle soutient que la réalisation du gage le 13 juillet est valable en évoquant l'article 1163-1 du Code civil qui dispose que « l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre et avec la même force probante que l'écrit sur support papier ».

Au vu des termes des accords précités prévoyant la mise en demeure « quel qu'en soit le mode », le courriel vaut mise en demeure. Toutefois, cette mise en demeure par courriel n'est pas juridiquement une mise en demeure électronique, ce courriel est une notification par voie électronique de la mise en demeure papier sans autre formalité.

Ce courriel pose deux difficultés :

* la première difficulté est de déterminer le jour et l'heure à partir desquels on considère que la P avait connaissance de la mise en demeure et pouvait dans un délai de 48 heures, prendre toute disposition utile.

Sur cette question précise, les arguments de la banque sont pour le moins peu convaincants puisqu'elle écrit en page 18 de ses dernières écritures « la P qui ne conteste pas avoir reçu ledit courriel, prétend désormais que la banque serait dans l'impossibilité d'établir que son courriel a bien été lu. Or n'en déplaise à la demanderesse, le fait d'avoir répondu audit courriel du 10 juillet quand bien même cette réponse ne serait intervenue que le 13 juillet, démontre bien que la notification par email, qui répondait aux conditions légales et contractuelles, lui avait bien été adressée et avait été lue par son destinataire ». Cette analyse est pour le moins contestable car effectivement, aucun élément n'établit la prise de connaissance du courriel par la P le 10 juillet, sa réponse et son action le 13 juillet tendent même à démontrer le contraire.

* la seconde difficulté est relative au décompte des 48 heures accordées à la P pour réagir à la mise en demeure.

La SAM B (MONACO) S. A. M. décompte les 48 heures à partir du 10 juillet 16h25 et considère que le délai d'action de la P a expiré le 12 juillet à 16h25, elle pouvait donc réaliser le gage le lundi 13 matin.

Or la banque n'a pas démontré que le point de départ de la mise en demeure est effectivement le 10 juillet à 16h25 et elle ne démontre pas que les parties se sont entendues sur le mode de décompte des 48 heures.

Les parties ont converti le délai de 8 jours « calendaires » en un délai de 48 heures sans précision, de sorte qu'il n'est pas établi que le dimanche devait être inclus dans les 48 heures, alors que les jours calendaires incluent le dimanche.

Compte tenu du délai très court et pour éviter tout problème, il appartenait aux parties, et surtout à la banque, de préciser la nature des 48 heures accordées correspondant à deux jours, soit deux jours calendaires (tous les jours comptent), soit deux jours francs (report de l'échéance si elle tombe un dimanche), soit deux jours ouvrables (on ne compte dans le délai ni le dimanche ni le jour férié) ou deux jours ouvrés (on ne compte dans le délai ni le samedi, ni le dimanche ou jour férié).

En l'absence des précisions des parties, il appartient à la juridiction d'interpréter la volonté des parties, l'interprétation des termes d'une convention devant toujours se faire en faveur de celui sur qui pèse l'obligation.

Le but du délai est de permettre au tiers garant de prendre les dispositions visant à éviter la liquidation de son gage. Un délai de 48 heures pour réagir à une mise en demeure et solutionner le problème, ne peut en aucun cas, courir exclusivement sur un samedi et un dimanche, qui sont des jours où les banques ne sont pas joignables et ne permettent donc pas d'agir pour contrer la réalisation du gage. La volonté des parties sur un délai de 48 heures ou 2 jours doit donc être interprétée comme un délai qui se décompte en jours ouvrables, soit à l'exclusion du dimanche.

Pour réaliser le gage valablement le lundi 13 juillet matin, la banque doit non seulement démontrer que la P a eu connaissance du courriel dès le vendredi, ce qu'elle ne fait pas et que le décompte des 48 heures se fait à partir de l'heure de réception, à laquelle on ajoute 48 heures, en incluant le dimanche, ce qu'elle ne fait pas davantage.

Dès le lundi 13 juillet 2020, la P a informé la banque d'un virement de 3 millions d'euros à son avocat suisse qui est en charge d'un compte séquestre dédié aux « garanties octroyées ». Ce virement n'a finalement servi à rien puisque le gage commercial a été réalisé le jour même comme l'affirme la SAM B (MONACO) S. A. M. elle-même. Ceci confirme, s'il en était besoin, que le délai de 48 heures tel que décompté par la banque ne permettait pas à la P d'agir utilement.

En application d'un principe général du droit qu'un délai contractuel doit être « raisonnable », il est établi en l'espèce que ce délai de 48 heures, tel que décompté par la banque en partant de l'heure de l'envoi du courriel, en considérant que les 48 heures expirent le dimanche, caractérise un délai qui n'est pas « raisonnable ».

Comme la charge de la preuve s'agissant du respect du délai de 48 heures pèse sur la banque, le Tribunal considère que celle-ci a failli dans la démonstration qu'elle a respecté le délai contractuel, et ce, quelles que soient les options de point de départ et de décompte que le Tribunal a envisagées.

Le Tribunal considère que la SAM B (MONACO) S. A. M. n'a aucunement respecté le cadre contractuel qui s'imposait à elle tel que ressortant des accords et avenants signés avec la SCP AA et la P relatif aux délais de mise en œuvre du gage commercial de la P.

Le Tribunal dit que la réalisation du gage de valeurs mobilières effectuée par la SAM B (MONACO) S. A. M. n'a pas été faite dans les règles et prononce la nullité de l'opération de réalisation du gage commercial.

Le Tribunal ordonne la restitution par la SAM B (MONACO) S. A. M. à la P de la somme de 17.500.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2020 et jusqu'à complet paiement.

Les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1009 du Code civil.

* Sur la demande de dommages et intérêts de la P pour perte d'une chance

En application de l'article 1008 du Code civil, « dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant du retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ».

La P bénéficie du remboursement de son gage de 17.500.000 euros, avec intérêts au taux légal depuis la réalisation du gage le 13 juillet 2020.

La P explique que le blocage de la somme de 17.500.000 euros sur plusieurs années l'a privée de la possibilité qu'elle aurait eu de placer cette somme sur des comptes rémunérés, même à 3 %, cela représente des sommes considérables qu'elle a perdues, en plus de ce qui va être compensé par les intérêts légaux.

Le Tribunal acte effectivement de ce que l'argent de la P bloqué va produire intérêts au taux légal à compter de juillet 2020. Cette année-là, le taux d'intérêt légal à Monaco était de 1 %, il est passé à 2 % en mars 2023 puis 4 % au 1er août 2023 et 5 % depuis le 1er février 2024.

Les sommes bloquées vont donc produire des intérêts légaux qui vont en outre se capitaliser.

Un calcul sommaire du Tribunal, en appliquant les taux légaux précités et la capitalisation des intérêts permet d'établir que le total des intérêts produits par la somme de 17.500.000 euros entre juillet 2020 et mars 2025, date de la décision avoisine la somme de 1.186.780 euros.

Si l'on admet un différentiel de 1 % entre le taux légal et le taux qu'aurait pu obtenir la P dans ses choix de placement, le total des intérêts passe à 2.745.840 euros, soit une perte de 1.559.060 euros, l'indemnisation demandée par la P étant de 2.205.000 euros.

Toutefois, non seulement, rien n'établit que la P aurait pu bénéficier d'un taux de placement supérieur d'au moins 1 % au taux légal puisqu'elle ne fournit aucun document financier sur des placements rémunérateurs sur cette période. En outre, il s'agit de n'indemniser qu'une perte de chance et non une perte mathématique.

En conséquence, le Tribunal fixe la perte de chance de la P à une somme forfaitaire de 500.000 euros et condamne la SAM B (MONACO) S. A. M. à payer à la P la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance.

* Sur la demande au titre des frais de procédure

L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.

L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».

La SAM B (MONACO) S. A. M. est condamnée aux dépens distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

La SAM B MONACO est condamnée à payer à la P une somme de 5.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.

* Sur l'exécution provisoire du présent jugement

En application de l'article 202 du Code de procédure civile, « hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203 ».

Le texte précise que « l'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ».

Le Tribunal considère que l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et la prononce.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que le gage de valeurs mobilières de la P en date du 22 décembre 2017 ainsi que ses avenants constituent un gage commercial ;

Dit que le gage fourni par la P dans l'acte du 22 décembre 2017 et les avenants postérieurs sont parfaitement conformes aux exigences légales ;

Dit que le document signé entre la SAM B (MONACO) S. A. M., la SCP AA et la P le 27 décembre 2017 est justement qualifié d'« avenant » ;

Dit que le protocole d'accord signé entre les parties le 2 juin 2020 est lui aussi valable ;

Déboute la P de sa demande de nullité du gage de valeurs mobilières ;

Dit que la réalisation du gage de valeurs mobilières effectuée par la SAM B (MONACO) S. A. M. a été faite en infraction aux dispositions contractuelles prévues entre les parties ;

Prononce la nullité de l'opération de réalisation du gage commercial par la SAM B MONACO à l'encontre de la P le 13 juillet 2020 sur une somme de 17.500.000 euros ;

Ordonne la restitution par la SAM B MONACO à la P de la somme de 17.500.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2020 et jusqu'à complet paiement ;

Dit que les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1009 du Code civil ;

Fixe la perte de chance de la P à une somme de 500.000 euros ;

Condamne la SAM B (MONACO) S. A. M. à payer à la P la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne la SAM B (MONACO) S. A. M. à payer à la P une somme de 5.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ;

Condamne la SAM B (MONACO) S. A. M. aux dépens distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 13 MARS 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Patrice FEY, Juge, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Greffier, en présence du Ministère public.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30857
Date de la décision : 13/03/2025

Analyses

Garanties (Nantissement, privilège, cautionnement) ; Gage immobilier et mobilier ; Actes de commerce


Parties
Demandeurs : La Société Civile dénommée P
Défendeurs : La Société Anonyme Monégasque dénommée B (MONACO) S. A. M.

Références :

articles 2 alinéa 13 et 59 à 61-1 du Code de commerce
article 60-2 du Code de commerce
article 59-1 du Code de commerce
ordonnance souveraine n° 1.770 du 28 août 2008
article 1008 du Code civil
Code de commerce
article 1009 du Code civil
article 238-1 du Code de procédure civile
article 2 du Code de commerce
article 61-1 du Code de commerce
article 61 du Code de commerce
article 202 du Code de procédure civile
article 984 du Code civil
loi n° 1.224
article 1163-1 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2025-03-13;30857 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award