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LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 21 juin 2024, enregistré (n° 2024/000583) ;
Vu les conclusions du Procureur Général, en date du 31 juillet 2024 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 octobre 2024 ;
À l'audience publique du 17 octobre 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 décembre 2024, par mise à disposition au Greffe.
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement contradictoire rendu le 27 mars 2018, le Tribunal correctionnel de Bastia a déclaré p.F coupable des faits d'exécution de travail dissimulé et de blanchiment et l'a condamnée à une peine d'emprisonnement de douze mois avec sursis. À titre de peine complémentaire, il a ordonné la confiscation :
* des sommes saisies soit 15.900 dollars et 4.130 euros,
* du véhicule Porsche Panamera,
* du compte bancaire monégasque dont le solde était de 552.654,44 euros,
* de l'appartement sis x2 à Bastia,
* du montant de l'assurance vie soit 293.624,21 euros.
Le 9 septembre 2020 la Cour d'appel de Bastia saisie du recours formé par p.F contre ce jugement, l'a confirmé en toutes ses dispositions.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, par arrêt du 22 mars 2022, a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Bastia mais en ses seules dispositions ayant ordonné les confiscations susvisées.
Par arrêt contradictoire rendu le 2 mai 2023, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence devant laquelle l'affaire a été renvoyée a confirmé le jugement du 27 mars 2018 en ce qu'il a ordonné, à titre de peine complémentaire la confiscation du véhicule Porsche Panamera et de l'appartement situé à Bastia mais l'a infirmé en ce qu'il a ordonné, à titre de peine complémentaire la confiscation du solde du compte monégasque et de l'assurance vie. Statuant à nouveau, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a :
* ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation du compte bancaire n° xxx ouvert dans les comptes de la Compagnie Monégasque de Banque en valeur, à hauteur de 100.000 euros,
* ordonné la restitution à p.F du compte bancaire ouvert auprès de la Compagnie Monégasque de Banque à hauteur des sommes restantes à l'issue de la confiscation en valeur prononcée et la restitution de l'assurance-vie souscrite auprès de la compagnie AG2R La Mondiale.
Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 13 mars 2024.
Suivant acte signifié le 21 juin 2024, p.F a fait citer le Procureur Général près la Cour d'appel de Monaco devant ce Tribunal aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclarer exécutoires sur le territoire de la principauté de Monaco, les dispositions de l'arrêt du 2 mai 2023 ayant ordonné la restitution à son profit de certains de ses avoirs.
Dans ses conclusions, le Ministère public demande au Tribunal de débouter p.F de l'intégralité de ses demandes.
À l'audience publique du 17 octobre 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 décembre 2024 par mise à disposition au greffe.
SUR CE,
* Sur l'exequatur
p.F, considérant que la décision de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence d'ordonner la restitution d'avoirs ayant précédemment fait l'objet d'une saisie constitue une disposition civile, fonde sa demande sur les dispositions de l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire en date du 2l septembre 1949 qui dispose que les jugements et sentences arbitrales exécutoires dans l'un des deux pays seront, sous conditions, déclarés exécutoires dans l'autre par le Tribunal de première instance du lieu où l'exécution doit être poursuivie.
Toutefois, il résulte des termes de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en Provence du 2 mai 2023 que c'est dans le cadre de l'information judiciaire qu'ont été saisis notamment le solde du compte bancaire ouvert dans les livres de la banque CFM et le solde du contrat d'assurance-vie souscrit auprès de la compagnie AG2R La Mondiale. C'est ensuite à titre de peine complémentaire que leur confiscation a été ordonnée par le Tribunal correctionnel de Bastia.
Dans ces conditions, et comme le relève justement Monsieur le Procureur Général, les dispositions de l'arrêt litigieux que p.F demande au Tribunal de déclarer exécutoires en Principauté ne sont pas de nature civile mais pénale.
Or, l'article 18 précité s'insère dans le titre V de la Convention du 21 septembre 1949 intitulé « Procédures d'exécution simplifiées en matière civile et commerciale » et ne trouve donc à s'appliquer qu'en ces deux matières.
Dès lors, la demande d'exequatur portant sur des dispositions pénales de l'arrêt litigieux ne peut qu'être rejetée.
* Sur les dépens et l'exécution provisoire
p.F, succombant, supportera la charge des dépens.
Compte tenu de la solution du litige, il n'y a pas lieu d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Rejette la demande d'exequatur des dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 2 mai 2023 relatives à la restitution d'avoirs précédemment confisqués à p.F ;
Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;
Condamne p.F aux dépens ;
Composition
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 19 DÉCEMBRE 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Thierry DESCHANELS, Juge, assistés, de Madame Cécile BRANCHE, Greffier stagiaire, en présence du Ministère public.
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