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19/12/2024 | MONACO | N°30761

Monaco | Tribunal de première instance, 19 décembre 2024, La Société Civile Particulière de droit monégasque E c/ La Société Anonyme Monégasque M


Visa

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 20 avril 2022, enregistré (n° 2022/000406) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, au nom de la SCP AB, en date du 31 janvier 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la SAM M, en date du 14 mai 2024 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 octobre 2024 ;

À l'audience publique du 17 octobre 2024, les conseils des parties ont été en

tendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 décembr...

Visa

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 20 avril 2022, enregistré (n° 2022/000406) ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, au nom de la SCP AB, en date du 31 janvier 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la SAM M, en date du 14 mai 2024 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 octobre 2024 ;

À l'audience publique du 17 octobre 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 décembre 2024, par mise à disposition au Greffe.

Motifs

FAITS ET PROCÉDURE :

La SCP AB, société civile familiale, est propriétaire, sur la Commune de Beausoleil, d'un terrain sis x2 sur lequel était édifiée une construction.

Elle est entrée en relation commerciale avec la SAM M dans le cadre de travaux visant à la démolition et à la construction d'un nouvel immeuble.

Le contentieux né entre les parties au sujet des travaux a donné lieu à des discussions entre elles aux fins de résolution amiable du litige. Dans le projet d'accord, la SAM M renonçait au solde restant dû.

Par acte d'huissier en date du 20 avril 2022, la SCP AB a assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco la SAM M et demande de :

* Prononcer la résiliation du contrat conclu entre la SAM M et la SCP AB aux torts exclusifs de la SAM M ;

* Condamner la SAM M au paiement de la somme, à parfaire, de 95.000 euros en réparation des préjudices subis par la demanderesse du fait des manquements de son cocontractant ;

* Condamner la SAM M au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

* Condamner la SAM M aux entiers dépens distraits au profit de Maître Charles LECUYER sous sa due affirmation ;

* Assortir l'intégralité du jugement à intervenir de l'exécution provisoire, sur le fondement des dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 31 janvier 2024, la SCP AB a maintenu ses demandes sauf à solliciter une somme de 150.000 euros au lieu de 95.000 euros de préjudices.

Par conclusions récapitulatives en date du 14 mai 2024, la SAM M demande au Tribunal de :

À titre principal,

* Dire que la résiliation amiable du contrat est intervenue le 25 novembre 2021, qu'elle est parfaite et qu'elle s'impose aux parties ;

* Débouter en conséquence la SCP AB de ses demandes ;

Subsidiairement,

* Prononcer la résiliation du contrat liant les parties aux torts exclusifs de la SCP AB ;

* Condamner la SCP AB à lui régler :

* La somme de 7.200 euros au titre des factures du 27 septembre et 29 octobre 2021,

* La somme de 25.000 euros au titre de la rédaction des CCTP des lots non prévus au contrat,

* La somme de 85.592 euros au titre du manque à gagner subi du fait de la résiliation du contrat ;

En tout état de cause,

* Condamner la SCP AB à lui payer une somme de 10.000 euros de frais non compris dans les dépens ;

* Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

A l'audience du 17 octobre 2024, l'affaire a été plaidée et mise en délibéré au 19 décembre 2024.

SUR CE,

* Sur la résiliation amiable du contrat entre les parties

La SAM M invoque le fait que le contrat passé entre les parties a été résilié amiablement entre elles et que par conséquent, l'action de la SAM M en résiliation du contrat à ses torts exclusifs est sans fondement juridique.

Le 15 novembre 2021, la SCP AB a adressé à la SAM M un courriel dans lequel elle expose les nombreux problèmes rencontrés sur le chantier la conduisant à devoir mettre un terme à la collaboration entre les parties. Elle écrit « nous vous proposons de clôturer ce dossier dès que possible, de la manière suivante :

i) Finalisation du contrat de résiliation (nous vous ferons parvenir un projet d'ici notre rencontre),

ii) Révision à la baisse du montant des prestations facturées et payées à cette date, selon les tâches menées à bien :

a. Gestion et pilotage des opérations : facturé et payé à date 85.408 € sur 130.000 € budgété soit 65 %,

b. BET conception : facturé et payé à date 10.000 € / 45.000 € soit 22 %,

c. BET exécution : facturé et payé à date 36.001 € / 45.000 € soit 80 %.

Soit un total de 131.409 € /220.000 € soit 60 % ; nous considérons que ce montant n'est pas cohérent au regard de la situation décrite et de l'état d'avancement de la mission que nous vous avions confiée.

iii) Dès que possible et avant le 30 novembre 2021, remise de l'ensemble des documents en votre possession relatifs à notre projet, afin de nous permettre de poursuivre l'opération rapidement.

Pour ce faire, nous souhaitons vous rencontrer dans les bureaux de BA, ce 17 novembre 2021 à 13h45 ».

Un courriel de la SAM M du 25 novembre 2021 fait référence à la réunion : « N'oubliez pas que pour qu'une séparation soit amiable, il faut de l'intelligence relationnelle et du respect des engagements au sein de chacune des parties.

* GRDF vous deviez me faire suivre un email sur les questions de Contrat/Paiement, nous n'avons rien reçu ?

* Vous deviez confirmer/vérifier les disponibilités de deux études, je n'ai plus en mémoire l'intitulé, nous n'avons rien reçu ?

* Vous avez je crois reçu un appel de la mairie/Police municipale en me renvoyant comme point de contact, cela me semble prématuré au regard de l'avancement de la résiliation.

Dans l'attente de votre retour sans délai pour garantir une transition du dossier sans faille ».

De ce message, le Tribunal déduit qu'au 25 novembre 2021, la résiliation amiable n'est pas effective entre les parties.

Le 1er décembre 2021, la SCP AB écrit à la SAM M et la met en demeure de régulariser une difficulté en lien avec la mairie de Beausoleil, une palissade étant tombée sur la route pendant une rafale.

La SAM M lui répond « vous avez arrêté notre mission depuis le 17 novembre 2021 et nous avons accédé à vos demandes en vous renvoyant les éléments et la convention de rupture formalisant cette rupture de contrat unilatérale de votre part. Nous ne pouvons donc plus agir sur ce dossier ».

C'est sur cette base que la SAM M considère que le contrat a été résilié amiablement.

Dans ses écritures, la SAM M indique que « le 26 novembre 2021, après la réunion, la société AD a retourné à la SCP AB la convention de résiliation signée par elle ». Le document comprend 5 articles, il est dactylographié avec des mentions manuscrites apposées par la SAM M. Cette convention initialement rédigée par le maître d'ouvrage, corrigée par la SAM M, datée et signée par elle a été retournée ainsi au maître d'ouvrage. La convention produite aux débats ne mentionne pas la signature du maître d'ouvrage. S'il n'y avait pas eu de mentions manuscrites modifiant les dispositions prévues, il aurait été possible de considérer que la signature du maître d'œuvre valait résiliation puisque la volonté exprimée par le maître d'ouvrage était approuvée par l'autre partie mais ce n'est pas le cas en l'espèce puisque la SAM M conteste dans la proposition d'accord, l'existence d'une convention et conteste également le fait qu'elle s'engage à remettre au maître d'ouvrage dans un délai de 8 jours la totalité des documents se rapportant à leur relation contractuelle.

En conclusion de cela, le Tribunal considère que les volontés des parties de résilier amiablement leur relation contractuelle ne se sont pas rencontrées sur l'ensemble des cinq articles prévus au projet d'accord.

Cette position est renforcée par le courriel adressé quelques jours après par la SCP AB à son contractant lui demandant d'intervenir sur le chantier, ceci confirme que le contrat n'était pas résilié pour le maître d'ouvrage.

Il convient donc de dire que la résiliation amiable du contrat n'est pas intervenue entre les parties.

* Sur la demande de la SCP AB de résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la SAM M

En préalable, il convient de rappeler que la SAM M, à la demande de s.AA, a le 13 février 2017 établi un devis intitulé « réalisation d'une opération immobilière destinée à une VEFA », les honoraires prévus sont de 220.000 euros HT.

La particularité de cette situation est que le bien en question, objet du contrat de travaux, était à l'actif d'une succession que s.AA était susceptible de se voir attribuer avec sa soeur, en qualité d'héritiers.

En pièce 1, il est produit l'acte notarié au terme duquel les héritiers vendent à la SCP AB la pleine propriété du bien objet de ce litige. L'acte est daté du 18 juillet 2019, soit plus de deux ans après le devis de travaux adressé à s.AA, la SCP AB n'étant pas à cette date propriétaire du bien en question. La SCP a été créée le 15 février 2018.

Le 21 juin 2017, s.AA a accepté le devis de la SAM M.

Le contrat confie à la SAM M une mission de gestion générale du projet qui comprend :

* • Une mission administrative et juridique avec assistance du maître d'ouvrage dans différentes missions, création d'une SCCV, liaison avec le notaire et le géomètre, liaison avec les voisins, relations avec les administrations…,

* • Une mission commerciale et relations clientèle, la SAM M propose un programme avec une typologie de logements et une grille de prix en fonction du produit conçu, assiste le maître d'ouvrage dans la commercialisation…,

* • Une mission de gestion financière du programme, gestion des crédits bancaires, plan prévisionnel de trésorerie, contrôle des dépenses…,

* • Une mission d'assistance au maître d'ouvrage en comptabilité et gestion fiscale,

* • Une mission technique et opérationnelle, la SAM M réalise la mise au point du contrat d'architecte, approbation des plans, consultation des entreprises, aide au maître d'ouvrage pour le choix des entreprises…

Le permis de construire a été délivré par la mairie de Beausoleil le 17 décembre 2019, soit près de trois ans après la signature du devis.

L'arrivée de la pandémie COVID-19 en mars 2020 soit moins de trois mois après l'obtention du permis de construire a impacté non seulement le démarrage des travaux mais aussi leur déroulement. Ainsi, comme en atteste la pièce 4 de la SAM M, les délais de recours des tiers contre le permis de construire ont été repoussés jusqu'au 28 juillet 2020. Ce n'est donc qu'à cette date, que les travaux pouvaient effectivement commencer, soit trois et demi après le devis.

Il convient d'examiner les griefs invoqués par la SCP AB à l'encontre de la SAM M, en prenant en compte le contexte particulier de cette affaire qui vient d'être rappelé.

La SCP AB formule un premier reproche s'agissant de la date de début des travaux de démolition à savoir en juin 2021 alors que cela devait se faire en mai 2020.

Il a été rappelé que les délais de recours des tiers contre le permis de construire ont été prorogés du fait de la pandémie au 28 juillet 2020, il était donc impossible de maintenir un début des travaux de démolition en mai 2020. Le 26 juin 2020, soit avant la fin du délai de recours, la SAM M écrit à la SCP AB pour lui faire part de l'état d'avancement de ses missions notamment de ses missions techniques. Elle écrit « nous sommes en train de vérifier la conception de la structure. Cette conception sera complétée lorsque nous aurons eu les résultats de la mission géotechnique AD ». Cette dernière ne relevait pas de la SAM M.

Le 3 avril 2021, la SAM M écrit à la SCP AB « les études de conception du projet sont terminées et le dossier complet a été soumis au bureau de contrôle pour établissement de leur rapport initial de contrôle technique ».

Il y a donc bien dans le délai durant lequel la démolition n'a pas été effectuée, différentes étapes à laquelle la SAM M était soumise et dont elle n'avait pas la totale maîtrise, sans d'ailleurs que durant ce délai, la SCP AB ne lui fasse le moindre reproche en termes d'inactions de sa part.

La SAM M a adressé en mars 2021 un courriel au maître d'ouvrage dans lequel elle explique les retards pris. Elle évoque la nécessaire reprise de conception du lot CVC Plomberie qui a impacté des commandes et la nécessité des changements de travaux d'où des retards pris. Elle précise que les entreprises ont mis plus de temps que prévu pour répondre et ont voulu visiter les lieux plusieurs fois, outre des devis incomplets qu'il a fallu régulariser.

D'ailleurs, dans un courriel de juin 2021, s.AA écrit au sujet d'une voisine « i » avec laquelle il y a quelques difficultés, « dans la mesure où la situation économique est très tendue, nous pourrions encore perdre quelques mois sans problème… ».

Le Tribunal, à la lecture des différentes pièces produites, considère que la SCP AB n'a pas caractérisé les manquements de la SAM M s'agissant des délais auxquels elle était astreinte.

Le second reproche de la SCP AB est la relation avec les voisins. Dans le cadre de sa mission administrative et juridique dont les relations avec les voisins, la SAM M a organisé une réunion qui s'est tenue en juillet 2021 avec les voisins et la SAM M a préparé un dossier complet à présenter. Le 21 juillet, s.AA écrit à la SAM M « merci pour vos présences et contributions hier soir, nous pouvons être satisfaits de la réunion. Nous nous permettons de partager le plan d'actions suivants, en espérant qu'il vous convienne ». La suite du courriel reprend les points et les solutions apportées.

A ce stade de la collaboration entre la SCP AB et la SAM M, en septembre 2021, il n'y avait visiblement pas de manquements reprochés à cette dernière par le maître d'ouvrage. Et pourtant, dans ses écritures, elle indique l'absence totale de professionnalisme de la SAM M dans la mission de « liaisons avec les voisins », reprochant l'absence d'accords écrits permettant à une voisine de se rétracter.

Le Tribunal relève toutefois comme cela ressort des documents précités que le maître d'ouvrage travaillait de concert avec la SAM M sur les échanges avec les voisins, en participant d'ailleurs à la réunion et en formalisant le lendemain le compte rendu des échanges, sans jamais évoquer une quelconque nécessité de faire signer les voisins.

Contrairement aux allégations de la SCP AB, aucun manquement ne peut être relevé à l'encontre de la SAM M.

Le troisième point litigieux entre les parties est l'absence de bornage. La SAM M indique que dès le dépôt du permis de construire, cette question de limites de propriété a bien évidemment été examinée et qu'il n'y avait aucune difficulté dès lors que « le mur limitatif de propriété appartient aux consorts AA ».

La SCP AB qui reproche ce manquement doit le démontrer.

La SAM M en juin 2021 a consulté un avocat sur ce sujet pour rappeler l'historique et le questionner sur la propriété du mur ; des discussions se sont déroulées entre la SAM M, l'avocat, la mairie. Il est difficile de considérer que la SAM M a failli sur ce point car elle a démontré le travail effectué avant le début des travaux sur cette question de la propriété du mur. Une réunion avec les voisins a d'ailleurs été organisée sur ce sujet.

D'ailleurs dans un courriel du 30 juin 2021, la SAM M écrit que le mur est la propriété de la SCP AB au regard des éléments en sa possession.

Elle écrit d'ailleurs à la SCP AB « qu'un bornage est toujours possible », la SCP AB n'a pas donné suite à cette proposition.

Le 7 juillet 2021, la SAM M a proposé une solution pour contourner la difficulté en :

* • Précisant qu'il y a une prescription acquisitive qui en tout état de cause est favorable à la SCP AB,

* • Proposant une rotation de l'immeuble de 30 cm par rapport au point de rotation, ce qui permet de construire l'immeuble sans démolir le mur litigieux.

Dans un courriel du 10 septembre 2021, la SAM M préalablement à une réunion devant se tenir a mis à l'ordre du jour « bornage contradictoire : avancement et/ou résultat », ce qui atteste qu'à cette date, elle avait encore le souci de cette question qu'elle ne pouvait toutefois pas trancher sans l'aval du maître d'ouvrage.

En outre, la SAM M produit un courrier d'une voisine, i.H, du 24 septembre 2021, qui pointe un ensemble de questions sur le déroulement des travaux. Ce courrier ne fait pas mention à cette date d'un problème de limite de propriété, ce qui induit que pour cette voisine, cette question était réglée.

D'ailleurs, la SAM M communique un courrier qu'elle a adressé en juillet 2021 au syndic de la copropriété l'informant qu'elle avait mandaté un géomètre expert aux fins de bornage et que le syndic devait initier les démarches internes à son syndicat sur cette question.

Au vu de tout cela, le Tribunal conclut que la faute de la SAM M sur cette question n'est aucunement démontrée.

S'agissant du manquement à son devoir de conseil de la SAM M, la demanderesse reprend les différents manquements déjà évoqués. Elle lui reproche de n'avoir pas anticipé les difficultés avec le voisinage alors qu'il a été établi qu'une réunion a eu lieu avec les voisins pour leur présenter le projet et obtenir leur accord et en particulier avec i.H.

Elle reproche à la SAM M de n'avoir pas mis à jour sa proposition commerciale alors que l'opération initiale de vente en l'état futur d'achèvement a été modifiée en projet immobilier pour le compte de la SCP AB.

Il faut rappeler que les missions de la SAM M ne sont pas la réalisation des travaux proprement dits qui effectivement pouvaient être impactés par la modification de la nature du projet. Ses diverses missions sont des missions d'accompagnement dans la réalisation du projet et le Tribunal remarque que la SAM M n'a pas modifié ses tarifs, d'où il se déduit que ses missions prévues pour une vente en l'état futur d'achèvement sont les mêmes que pour un projet immobilier propre.

La SCP AB procède dans ses conclusions à de nombreuses affirmations sur les manquements et les préjudices, sans démontrer toutefois par ses pièces la réalité de ses dires.

D'ailleurs, elle reproche également à la SAM M des négligences avec les concessionnaires. Or, la SAM M rapporte la preuve que s'agissant de GRDF évoquée par la demanderesse, la SCP AB bien qu'ayant été destinataire d'un devis de suppression de compteur en juillet 2021, n'a signé et payé la prestation qu'en septembre 2021, soit deux mois plus tard, ces deux mois sont à mettre au passif de la SCP AB et non de la SAM M.

Il ressort de l'ensemble de ces développements que la SCP AB n'a pas démontré les manquements contractuels de la SAM M et en conséquence sera déboutée de sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SAM M et de ses demandes subséquentes.

* Sur la demande de la SAM M de résiliation du contrat aux torts de la SCP AB

La SAM M a formulé la demande subsidiaire, dans l'hypothèse où le Tribunal ne retient pas la validité de la résiliation amiable, ce qui est le cas, de voir résilier le contrat aux torts de la SCP AB.

Elle explique que la résiliation à laquelle a procédé la SCP AB est fautive dans la mesure où elle n'avait, en vérité, rien à lui reprocher, outre le fait qu'elle s'est abstenue de payer des factures correspondant à des prestations qu'avait réalisée la SAM M.

Il a été jugé que la résiliation du contrat par la SCP AB est dénuée de tout fondement et que non contente de procéder de la sorte, elle s'est abstenue de régulariser les sommes qu'elle devait.

La SAM M a produit deux factures du 27 septembre et 29 octobre 2021 qui sont de 3.600 euros chacune en lien avec sa mission de « gestion et pilotage de l'opération » pour un total facturé de 130.000 euros HT payable par mois comme prévu au devis.

Les échanges sur une rupture amiable ayant eu lieu en novembre 2021, la SAM M était donc encore missionnée en septembre et octobre 2021.

Dans le cadre des échanges amiables, la SAM M avait renoncé au paiement de ses deux factures, ce qui signifie que pour la SCP AB, ces factures étaient justifiées par des prestations réalisées et qu'elle a sollicité le renoncement de la SAM M au paiement en contrepartie de la rupture amiable.

En résiliant le contrat et en s'abstenant de payer les deux factures, restant dues, la SCP AB est fautive et le Tribunal prononce donc la résiliation du contrat aux torts de la SCP AB.

Le Tribunal fera droit à cette demande en paiement de 7.200 euros et condamne la SCP AB à ce titre.

* Sur les autres demandes financières de la SAM M

Le Tribunal ayant considéré que la rupture contractuelle de la SCP AB est fautive, la SAM M est fondée à solliciter l'indemnisation d'un préjudice pouvant en découler.

La SCP AB n'a formulé aucune observation sur les demandes financières de la SAM M.

La SAM M demande une somme de 25.000 euros au titre de la rédaction des CCTP qui n'était pas prévu dans le devis car cette mission incombe à l'architecte mais la SCP AB qui a établi le contrat avec l'architecte BORGOGNO n'a pas inclus cette mission.

Si effectivement, la SAM M a rédigé certains cahiers des charges qui n'étaient pas dans sa mission initiale, il est toutefois établi qu'elle l'a fait sans justifier d'une demande expresse de la SCP AB avec une tarification acceptée.

Dans ce cas, elle ne peut venir aujourd'hui solliciter le paiement de prestations qu'elle n'a pas facturées durant les nombreux mois qui se sont écoulés postérieurement à la rédaction de ces CCTP, outre le fait qu'elle ne justifie pas des montants allégués.

Cette demande en paiement de 25.000 euros sera rejetée.

S'agissant du manque à gagner de 85.592 euros, invoqué par la SAM M du fait de la résiliation du contrat, il est indéniable que la mission de pilotage et de gestion était de 130.000 euros HT, outre 45.000 euros pour le BET et conception et 45.000 euros pour les études d'exécution.

Sur la facture de septembre 2021, la SAM M récapitule les paiements reçus de la SCP AB au titre des trois missions soit 128.409 euros, d'où un reste dû de 91.591 euros.

Le Tribunal relève que la SAM M n'est plus intervenue à compter de la résiliation qu'elle a considérée effective en novembre 2021, elle a d'ailleurs explicitement écrit en décembre 2021 que compte tenu de la résiliation amiable, elle n'intervenait plus. Elle ne peut donc dans ces conditions prétendre au paiement de la totalité de ses honoraires. Il s'agit en réalité d'un préjudice correspondant à la perte de chance de les percevoir en lien avec la résiliation fautive de son contractant.

A ce titre, il convient de ramener la demande de la SAM M à de plus justes proportions et le Tribunal limite le préjudice invoqué au titre d'une perte de chance de poursuivre le contrat à une somme de 30.000 euros.

Le Tribunal condamne la SCP AB à payer à la SAM M la somme totale de 37.200 euros toutes causes de préjudices confondues.

* Sur l'exécution provisoire du présent jugement

En application de l'article 202 du Code de procédure civile, « Hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203 ».

Le texte précise que « l'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ».

Il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire du présent jugement.

* Sur la demande au titre des frais de procédure

L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.

L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».

La SCP AB, succombante, est condamnée aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

La SCP AB est condamnée à payer à la SAM M la somme de 4.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Dit qu'il n'y a pas eu de résiliation amiable du contrat entre la SCP AB et la SAM M ;

Déboute la SCP AB de sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SAM M ;

Prononce la résiliation du contrat aux torts de la SCP AB ;

Fixe le préjudice de la SAM M à la somme de 37.200 euros ;

Condamne la SCP AB à payer à la SAM M la somme totale de 37.200 euros toutes causes de préjudices confondues ;

Condamne la SCP AB à payer à la SAM M la somme de 4.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Dit n'y avoir lieu d'assortir le présent jugement de l'exécution provisoire ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SCP AB aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 19 DÉCEMBRE 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Thierry DESCHANELS, Juge, assistés, de Madame Cécile BRANCHE, Greffier stagiaire, en présence du Ministère public.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30761
Date de la décision : 19/12/2024

Analyses

Contrat - Inexécution ; Contrats commerciaux


Parties
Demandeurs : La Société Civile Particulière de droit monégasque E
Défendeurs : La Société Anonyme Monégasque M

Références :

article 238-1 du Code de procédure civile
article 202 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2024-12-19;30761 ?

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