Abstract
Intervention volontaire – Recevabilité (oui) – Conditions
Fin de non-recevoir (non) – Notion – Portée
Copropriété – Assemblée générale – Délibération – Nullité (non) – Conditions – Responsabilité délictuelle (non) – Conditions
Résumé
L'article 383 du Code de procédure civile dispose que « Quiconque aura intérêt dans une instance suivie entre d'autres personnes aura le droit d'y intervenir. ». En l'espèce, l'intervention volontaire de g Z sera déclarée recevable dans la mesure où la demande principale vise à revenir sur l'autorisation qui lui a été donnée par les copropriétaires d'acquérir l'air libre au-dessus de l'immeuble et de le surélever étant au surplus relevé qu'aucune des parties ne la conteste.
L'article 278-1 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, une déchéance, une forclusion, la prescription ou la chose jugée. En l'espèce, la qualité de f.E à agir en nullité de délibérations du syndicat des copropriétaires n'est pas discutée, seul son intérêt à obtenir cette annulation est contestée. Toutefois, le fait qu'il n'ait pas acquis, en même temps que l'appartement, la quote-part de l'air libre qui y était attachée, ne peut suffire à le priver d'un intérêt à agir dans la mesure où l'autorisation donnée au syndic de signer l'acte de cession querellé au profit de g Z comprend outre le versement d'une somme d'argent à répartir entre les copropriétaires, le financement de divers travaux tels que la rénovation du système collectif de chauffage, la rénovation des parties communes, de l'ascenseur ou encore de la façade qui doivent nécessairement profiter à l'ensemble des copropriétaires et donc également à f.E. Celui-ci dispose donc d'un intérêt à obtenir la nullité de la délibération litigieuse et donc la remise en cause des travaux ainsi mis à la charge de l'acquéreur ou de leurs conditions d'exécution. La fin de non-recevoir sera donc écartée et f.E déclaré recevable en ses demandes visant à l'annulation de l'assemblée générale du 11 octobre 2022.
En l'espèce, si l'action vise à obtenir l'annulation d'une assemblée générale, f.E en réalité, conteste la validité du vote de la délibération n°13 en considérant que l'assemblée s'est tenue dans des conditions irrégulières au motif que les copropriétaires n'auraient pas eu accès à toutes les informations nécessaires pour pouvoir voter en toute connaissance de cause. S'il ne précise pas le fondement juridique de sa demande, il expose toutefois que le défaut de transparence tant du conseil syndical que du syndic constitue une manœuvre dolosive sans laquelle selon lui, la délibération autorisant le syndic à signer l'acte de cession de l'air libre au-dessus de l'immeuble au profit de g Z, n'aurait pas été votée. Son action en annulation est toutefois dirigée tant à l'encontre du syndic que du syndicat. Il sera à ce stade relevé que selon l'article 5 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 : « Les copropriétaires sont réunis en syndicat, doté de la personnalité civile, qui est chargé de la conservation de l'immeuble et de l'administration des parties communes ». Il s'ensuit que, s'il est constant que le syndicat est susceptible d'engager sa responsabilité notamment pour des dommages causés aux copropriétaires, le lien juridique les unissant n'est pas de nature contractuelle. f.E ne peut donc pertinemment se prévaloir, à l'égard du syndicat des copropriétaires, des dispositions de l'article 971 du Code civil relatives à la validité des conventions et disposant que le dol est susceptible d'entraîner leur nullité. S'agissant par ailleurs de l'action dirigée contre le syndic, il sera rappelé que celui-ci est susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du syndicat des copropriétaires dont il est le mandataire mais non à l'égard de chaque copropriétaire individuellement avec lequel il n'a pas de lien contractuel. Les dispositions de l'article 971 précité ne peuvent donc davantage, lui être opposées. Toutefois, dans la mesure où f.E n'a pas expressément visé l'article 971 précité, le tribunal, auquel il appartient de restituer aux faits et actes délictueux leur exacte qualification, doit rechercher si les faits qu'il dénonce sont néanmoins susceptibles d'entraîner, sur un autre fondement juridique, l'annulation de toute ou partie des délibérations votées lors de l'assemblée générale du 10 octobre 2022. Force est de constater que sur le terrain délictuel, la mise en œuvre des dispositions de l'article 1229 du Code civil qui dispose que : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ne saurait entraîner la nullité d'une délibération du syndicat des copropriétaires mais ouvrirait seulement, le cas échéant, un droit à indemnisation. Il n'apparaît donc pas nécessaire, à ce stade, de rechercher si les agissements dénoncés constituent une faute à l'égard de f.E lui ayant causé un dommage ce point ayant vocation à être abordé dans le cadre de la demande de dommages et intérêts formée contre le syndic.
L'article 11 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 dispose que « La convocation contient l'indication des lieu, date et heure de la réunion, ainsi que l'ordre du jour qui doit préciser chacune des questions soumises à l'assemblée. (…) Lorsque l'assemblée est appelée à délibérer sur la question de travaux ou de dépenses mentionnés aux articles 14, 15, 16 et 17, sont joints à la convocation les devis (…) » En l'espèce, la convocation à l'assemblée générale du 11 octobre 2022 prévoit notamment l'examen de la cession d'une partie de l'air libre de l'immeuble et des droits accessoires aux parties communes y afférant ainsi que du droit à construire de nouveaux locaux privatifs en surélévation de l'immeuble, au profit de g Z. Il est précisé que la demande et l'offre y sont annexées. g Z y indique « Ma proposition consiste à faire l'acquisition de la partie nécessaire de l'air libre au-dessus de la surface de toit existant du bloc A de la côte environ 67 NGM à la cote 74,50 NGM, hors éventuel édicule, équivalent approximativement à 7, 5 mètres de hauteur avec le droit de surélever et de construire au minimum un étage et au maximum deux étages ». Le procès-verbal établi à l'issue de cette assemblée générale indique « Les copropriétaires valident à la majorité de 86 parts la cession de la partie de l'air libre au-dessus du K jusqu'à la cote 77,50 NGM et des droits accessoires aux parties communes y afférent et pour signer l'autorisation de construire (voir des permis modificatifs) permettant la surélévation du K de deux étages afin de construire de nouveaux lots privatifs, toiture -terrasse et tous édicules ou locaux techniques inclus, au-dessus de la toiture existante conservée mais modifiée». g Z produit en outre deux attestations établies par les architectes du projet desquelles il ressort que ceux-ci ont participé à l'assemblée générale du 11 octobre 2022 pour informer les copropriétaires de la nécessité de leur réserver trois mètres supplémentaires pour créer un niveau intermédiaire destiné à accueillir un local technique mais également pour permettre de conserver la même hauteur de plafond que les étages préexistants. Il est donc établi que la différence entre la hauteur d'air libre dont la cession avait été portée à l'ordre du jour et celle qui a finalement été votée par l'assemblée générale n'avait nullement pour objectif ou conséquence d'octroyer à g Z le droit de construire non pas deux, mais trois étages supplémentaires mais seulement de permettre, d'un point de vue technique et esthétique, la surélévation initialement envisagée. Il sera à cet égard relevé que la proposition annexée à la convocation précisait bien que la hauteur de 74,50 NGM n'incluait pas celle d'un éventuel local technique. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient f.E, dès lors que la cession litigieuse avait été portée à l'ordre du jour et que les copropriétaires ont pu discuter librement des ajustements nécessaires, aucune nullité de la résolution votée ne peut être encourue. Dans ces conditions, la demande d'annulation de la résolution n° 3 et a fortiori de l'entièreté de l'assemblée générale du 10 octobre 2022 ne peut qu'être rejetée.
S'il est constant que les juridictions monégasques ne sont pas tenues d'appliquer la jurisprudence des juridictions françaises, la cour de cassation a jugé en pareil cas que si les projets de résolutions sollicités mais non-inscrits à l'ordre du jour n'étaient pas de nature à influer sur le vote des résolutions soumises à l'assemblée générale, le refus du syndic de les faire examiner en assemblée n'affectait pas la validité des décisions prises. Comme le soutiennent pertinemment le syndicat des copropriétaires et le syndic, il s'ensuit que le défaut d'inscription d'une question à l'ordre du jour n'est pas sanctionné par la nullité de l'assemblée générale, sauf si elle était de nature à modifier le vote. Or, au cas d'espèce, f.E ne démontre ni même ne soutient que les votes intervenus lors de l'assemblée générale du 7 avril 2023 auraient pu être influencés par sa demande de voir organiser une expertise destinée à évaluer la valeur de l'air-libre de l'immeuble. En effet, le seul point de l'ordre du jour en relation avec la cession de l'air libre était celui qui avait pour objet de tenir les copropriétaires informés de la procédure en annulation de l'assemblée générale précédente, initiée par f.E et qui ne supposait donc pas un vote de leur part. Par ailleurs, le seul fait que f.E considère que les informations données aux copropriétaires relatives à l'instance en cours étaient lacunaires ne saurait entraîner l'annulation d'une assemblée générale au cours de laquelle aucune résolution en lien avec le litige n'a été votée. Il en résulte que la demande d'annulation de l'assemblée générale du 7 avril 2023 doit être également rejetée.
En vertu des dispositions de l'article 1229 du Code civil, il appartient à f.E d'établir l'existence d'une faute, d'un dommage personnel et enfin du lien de causalité entre cette faute et son dommage. Il sera à titre liminaire observé que f.E, en fondant sa demande, pour partie, sur des fautes qui auraient été commises à l'encontre des autres copropriétaires, méconnaît le principe consacré par la jurisprudence monégasque selon lequel « Nul ne plaide par procureur ». L'argument selon lequel les copropriétaires auraient été financièrement lésés en étant tenus dans l'ignorance d'une offre concurrente plus avantageuse, est donc inopérant. f.E ne justifiant pas d'un préjudice imputable à la S. A. M. I.I, sa demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2023/000186 (assignation du 9 décembre 2022)
N° 2023/000486 (assignation du 23 juin 2023)
JUGEMENT DU 17 OCTOBRE 2024
En la cause de :
* • f.E, né le jma à Savone (Italie), de nationalité italienne, Consultant, demeurant x1 (Grande-Bretagne), Consultant,
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
* 1- Le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé K, sis x3 à Monaco, pris en la personne de son Syndic en exercice la SAM I.I, exerçant à l'enseigne B, dont le siège social se trouve X2, local n° 1 a-2a - lots n° 10 et 11 à Monaco, elle-même représentée par son administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
* 2- La SAM I.I, exerçant à l'enseigne B, dont le siège social se trouve X2, local n° 1a-2a - lots n° 10 et 11 à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
DÉFENDERESSES, ayant toutes deux élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
* 3 - g Z,
INTERVENANT VOLONTAIRE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 9 décembre 2022, enregistré (n° 2023/000186) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 23 juin 2023, enregistré (n° 2023/000486) ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble K et de la SAM I.I en date du 10 juin 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de f.E, en date du 11 juin 2024 ;
Vu les conclusions d'intervention volontaire récapitulatives de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de g Z, en date du 13 juin 2024 ;
Vu les ordonnances de clôture en date du 14 juin 2024 ;
À l'audience publique du 20 juin 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 17 octobre 2024, par mise à disposition au Greffe ;
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant acte dressé le 22 août 2022 par Maître AUREGLIA-CARUSO, notaire à Monaco, f.E a acquis un appartement dépendant de l'immeuble K sis au x3 à Monaco.
Précédemment, le syndicat des copropriétaires - dont le syndic est la SAM I.I - réuni en assemblée générale le 18 janvier 2022, s'était prononcé contre la cession de l'air libre de la copropriété ainsi que du droit à construire y afférent.
Lors de l'assemblée générale suivante, le 19 avril 2022, cette même résolution présentée par suite des deux offres communiquées par l'un des copropriétaires, g Z et par la société X, a pareillement été rejetée.
Le 11 octobre 2022, les copropriétaires réunis en assemblée générale extraordinaire ont finalement donné tous pouvoirs au syndic pour signer l'acte de cession de la partie de l'air libre au-dessus de l'immeuble jusqu'à la côte 77,50 NGM et l'autorisation de construire pour le surélever ce, au profit de g Z, avec faculté de substitution par toute personne morale, au prix global de 6.700.000 euros.
Suivant acte délivré le 9 décembre 2022, f.E a fait citer devant ce tribunal le syndicat des copropriétaires de l'immeuble K et son syndic, la SAM I.I aux fins de voir annuler la délibération n° 3 de l'assemblée générale extraordinaire du 11 octobre 2022 et obtenir des dommages et intérêts en réparation de son préjudice (RG N° 2023-000186).
Suivant conclusions du 11 avril 2023, g Z est intervenu volontairement à l'instance.
Le 7 avril 2023, les copropriétaires se sont réunis en assemblée générale extraordinaire. Considérant que le point qu'il avait souhaité voir porter à l'ordre du jour, relatif à la cession précédemment autorisée, f.E a fait délivrer, le 23 juin 2023, une nouvelle assignation au syndicat des copropriétaires et à son syndic aux fins d'obtenir l'annulation de cette assemblée générale et des dommages et intérêts supplémentaires (RG n° 2023-000486).
Aux termes d'un jeu de conclusions commun aux deux procédures, il sollicite en dernier lieu du Tribunal qu'il :
* • annule, avec toutes conséquences de droit, la délibération portée au point n° 3 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 11 octobre 2022, notifiée le 17 octobre 2022 ainsi que le procès-verbal d'assemblée correspondant ; et plus généralement annule avec toutes conséquences de droit l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 11 octobre 2022 ;
* • dire et juger que le syndic a commis une faute à l'occasion de la convocation de l'assemblée générale extraordinaire du 11 octobre 2022, et engage sa responsabilité vis-à-vis des copropriétaires dont Monsieur E ;
* • condamne en conséquence la SAM A à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts ;
* • déboute les défendeurs et l'intervenant volontaire de leur fin de non-recevoir, mais également de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
* • condamne solidairement les requis ainsi que l'intervenant volontaire au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 238-l du Code de procédure civile ;
* • condamne solidairement les requis ainsi que l'intervenant volontaire aux entiers frais et dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, Avocat Défenseur aux offres de droit.
Sur assignation du 23 juin 2023
* • annuler, avec toutes conséquences de droit, l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 7 avril 2023 :
* • dire et juger que le Syndic a commis une faute à l'occasion de la convocation de l'assemblée générale extraordinaire du 7 avril 2023, et engage sa responsabilité vis-à-vis des copropriétaires dont Monsieur E ;
* • condamner en conséquence la SAM A à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts ;
* • condamner solidairement les requis au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 238-l du Code de procédure civile ;
* • condamner solidairement les requis aux entiers frais et dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, Avocat Défenseur aux offres de droit.
Dans ses dernières écritures, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble K demande au tribunal de :
Sur l'action en nullité de l'assemblée générale du 11 octobre 2022,
* • déclarer Monsieur f.E irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir ;
À titre subsidiaire,
* • donner acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « K » qu'il s'en rapporte à justice sur les demandes présentées par Monsieur f.E à l'encontre de la P. I.I ;
* • débouter Monsieur f.E de son action en nullité de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 comme étant infondée ;
Sur l'action en nullité de l'assemblée générale du 7 avril 2023,
* • déclarer Monsieur f.E irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir ;
* • débouter Monsieur f.E de son action comme étant infondée ;
Dans tous les cas,
* • dire et juger qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la S. A. M. I.I en sa qualité de syndic de nature à engager sa responsabilité professionnelle ;
* • condamner Monsieur f.E à payer à la S. A. M. I.I une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile ;
* • le condamner à payer à la S. A. M. I.I une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
* • condamner Monsieur f.E aux entiers dépens de la présente instance, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.
Aux termes de ses dernières conclusions la P. I.I demande au tribunal de :
Sur l'action en nullité de l'assemblée générale du 11 octobre 2022,
* • déclarer Monsieur f.E irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir ;
À titre subsidiaire,
* • donner acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « K » qu'il s'en rapporte à justice sur les demandes présentées par Monsieur f.E à l'encontre de la S. A. M. I.I ;
* • débouter Monsieur f.E de son action en nullité de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 comme étant infondée ;
Sur l'action en nullité de l'assemblée générale du 7 avril 2023,
* • déclarer Monsieur f.E irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir ;
* • débouter Monsieur f.E de son action comme étant infondée ;
Dans tous les cas,
* • dire et juger qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la S. A. M. I.I en sa qualité de syndic de nature à engager sa responsabilité professionnelle ;
* • condamner Monsieur f.E à payer à la S. A. M. I.I une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile ;
* • le condamner à payer à la S. A. M. I.I une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
* • condamner Monsieur f.E aux entiers dépens de la présente instance, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.
Aux termes de ses dernières écritures, g Z demande au tribunal de :
* • DIRE ET JUGER Monsieur g Z recevable et bien fondé à intervenir volontairement à la procédure en cours en ce qu'il présente un intérêt certain à voir rejeter les demandes de Monsieur f.E ;
* • DONNER ACTE à Monsieur g Z de ce qu'il entend s'associer demandes formulées par le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé « K » ;
* • À TITRE PRINCIPAL
* • DÉCLARER Monsieur f.E irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir ;
* • À TITRE SUBSIDIAIRE
* • DÉBOUTER Monsieur f.E de l'ensemble de ses demandes ;
* • EN TOUT ETAT DE CAUSE
* • DONNER ACTE à Monsieur Q qu'il s'en rapporte à justice sur les demandes présentées par Monsieur f.E à l'encontre du syndic la S. A. M I.I ;
* • CONDAMNER Monsieur f.E à payer à Monsieur Q la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 238-1, 1° du Code de procédure civile ;
* • ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir comme étant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire ;
* • CONDAMNER Monsieur f.E aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Régis BERGONZI, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.
L'instruction des affaires a été clôturée à l'audience du 14 juin 2024. A l'audience du 20 juin 2024, les parties ont été entendus en leurs plaidoiries et l'affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.
SUR CE,
* Sur la jonction des procédures
Il est de principe constant que la jonction de deux instances peut être ordonnée dans le cadre d'une bonne administration de la justice.
En l'espèce, les assignations délivrées à l'initiative de f.E au syndicat des copropriétaires et à son syndic portent toutes deux sur des assemblées générales des copropriétaires dont la nullité est demandée en lien avec l'autorisation donnée à g Z, intervenant volontaire dans la première instance, d'acquérir l'air libre au-dessus de l'immeuble et de le surélever.
Dès lors il apparaît dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction de ces deux procédures sous le n° de rôle 2023/000186.
* Sur l'intervention volontaire de g Z
g Z fait valoir qu'il a un intérêt certain à intervenir à la présente procédure car, outre sa qualité de copropriétaire de l'immeuble K, il est lui-même directement concerné par la demande d'annulation de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 qui lui a octroyé la cession de l'air libre au-dessus de l'immeuble et l'autorisation de construire lui permettant de créer de nouveaux locaux privatifs en surélévation.
Sur ce,
L'Article 383 du Code de procédure civile dispose que « Quiconque aura intérêt dans une instance suivie entre d'autres personnes aura le droit d'y intervenir. ».
En l'espèce, l'intervention volontaire de g Z sera déclarée recevable dans la mesure où la demande principale vise à revenir sur l'autorisation qui lui a été donnée par les copropriétaires d'acquérir l'air libre au-dessus de l'immeuble et de le surélever étant au surplus relevé qu'aucune des parties ne la conteste.
Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale du 11 octobre 2022
* Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir
Le syndicat des copropriétaires et son syndic font valoir que f.E est dépourvu d'intérêt à agir dans la mesure où, lorsqu'il a acquis son appartement, il a expressément consenti à une réserve des droits économiques du vendeur sur l'air libre et que le contentieux porte justement sur la cession de cet air libre par la copropriété moyennant le paiement d'une soulte qui a vocation, compte-tenu de la réserve précitée, à revenir au vendeur et non à f.E.
g Z qui s'associe à cet argumentaire ajoute que f.E poursuit l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 11 octobre 2022 pour des raisons strictement financières puisqu'il reproche l'absence d'expertise immobilière évaluant l'air libre et le défaut de prise en compte d'une offre supérieure à la sienne alors que quelle que soit l'offre retenue, il n'a aucun droit sur la répartition du prix de la cession.
f.E, s'il confirme avoir acquis son appartement en réservant au vendeur la valeur économique du droit d'air de l'immeuble, réplique qu'en sa seule qualité de copropriétaire il dispose non seulement d'un droit mais également d'un intérêt à agir contre des délibérations de l'assemblée générale des copropriétaires. Il ajoute qu'il sera par ailleurs nécessairement impacté par les travaux de surélévation dont l'ampleur et les conditions matérielles de construction dépendaient du choix de l'entrepreneur et du projet adopté par le syndicat.
Sur ce,
L'article 278-1 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, une déchéance, une forclusion, la prescription ou la chose jugée.
En l'espèce, la qualité de f.E à agir en nullité de délibérations du syndicat des copropriétaires n'est pas discutée, seul son intérêt à obtenir cette annulation est contestée. Toutefois, le fait qu'il n'ait pas acquis, en même temps que l'appartement, la quote-part de l'air libre qui y était attachée, ne peut suffire à le priver d'un intérêt à agir dans la mesure où l'autorisation donnée au syndic de signer l'acte de cession querellé au profit de g Z comprend outre le versement d'une somme d'argent à répartir entre les copropriétaires, le financement de divers travaux tels que la rénovation du système collectif de chauffage, la rénovation des parties communes, de l'ascenseur ou encore de la façade qui doivent nécessairement profiter à l'ensemble des copropriétaires et donc également à f.E.
Celui-ci dispose donc d'un intérêt à obtenir la nullité de la délibération litigieuse et donc la remise en cause des travaux ainsi mis à la charge de l'acquéreur ou de leurs conditions d'exécution.
La fin de non-recevoir sera donc écartée et f.E déclaré recevable en ses demandes visant à l'annulation de l'assemblée générale du 11 octobre 2022.
* Sur le dol allégué
f.E considère que cette assemblée s'est tenue dans des conditions irrégulières, les copropriétaires n'ayant pas été informés en amont non seulement de la valeur réelle des droits à céder, faute d'évaluation préalable mais également et surtout de l'existence de l'offre de la société X que les copropriétaires auraient pu juger préférable à celle qui a été retenue. Il fait valoir que cette dissimulation constitue à l'égard des copropriétaires une manoeuvre dolosive qui justifie l'annulation de l'assemblée générale et par conséquent, des décisions qui ont été votées. Il précise que seul le conseil syndical semble avoir eu connaissance de l'offre de la société X, ce qui ressort selon lui de son compte-rendu de réunion diffusé le 6 octobre 2022 mais que ses membres ont délibérément choisi de taire lors de l'assemblée générale. Il rappelle que l'offre de g Z a été acceptée sans qu'aucune évaluation de la valeur des droits à surélévation ne soit réalisée en amont alors que lui-même avait proposé d'organiser une mesure d'expertise amiable et soutient que le refus du syndic de mettre à l'ordre du jour la proposition qu'il avait faite en ce sens pour des motifs prétendument légaux, participe en réalité des manoeuvres dolosives commises au préjudice de l'ensemble des copropriétaires.
Le syndicat des copropriétaires et son syndic répliquent que le 7 octobre 2022, le syndic a diffusé aux membres du conseil syndical l'offre de la société X qu'ils connaissaient par ailleurs pour avoir été présentée lors de l'assemblée générale précédente et que, contrairement à ce que soutient f.E, cette offre a été évoquée lors de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 comme cela ressort d'ailleurs de ses écritures mais également du procès-verbal signé par le président et l'assesseur de séance. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, l'offre de la société X ne pouvait pas être qualifiée de supérieure dans la mesure où, contre le voeu des copropriétaires, elle souhaitait acquérir la totalité de l'air libre et non pas seulement celui correspondant à deux étages comme offert par g Z. Ils font enfin valoir qu'outre que l'organisation d'une expertise préalable n'était pas pertinente, la demande présentée à cette fin était postérieure à la convocation et donc présentée en dehors du délai légal de l'article 11-1 de la loi n°1.329 lequel prévoit que le syndic porte à l'ordre du jour les questions qui lui ont été notifiées au plus tard 10 jours avant l'envoi de la convocation.
g Z, pour sa part, relève que la demande d'annulation présentée par f.E ne vise en réalité que la 3ème résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 11 octobre 2022 de sorte que sa demande, qu'il a élargie dans le dispositif de ses conclusions à l'entièreté de l'assemblée générale, ne peut qu'être rejetée. Il ajoute qu'en tout état de cause, il n'est démontré ni l'existence de manoeuvres procédant d'un comportement malhonnête pratiquées à l'occasion du vote de cette résolution, ni le caractère déterminant de ces manoeuvres sur l'adoption de cette résolution. Il reprend par ailleurs l'argumentaire des défendeurs quant à l'information préalable des copropriétaires des offres concurrentes et de la tardiveté de la demande d'expertise préalable. Il précise que de surcroît, la société X a été déclarée en cessation de paiement dès le 6 juillet 2023 ce qui démontre à suffisance que son offre bien que mieux disante en apparence, n'était en fait que peu crédible.
Sur ce,
L'article 16 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis dispose que « Sont adoptées à la majorité des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix des copropriétaires présents ou représentés, les décisions concernant :
(…)
3) les travaux comportant transformation, addition ou amélioration substantielles des parties communes et des éléments d'équipement commun, tels que la transformation ou la destruction d'un ou de plusieurs éléments d'équipement existants, l'adjonction d'éléments nouveaux, l'aménagement de locaux affectés à l'usage commun ou la création de tels locaux ;
(…)
5) les travaux de surélévation, d'affouillement ou de construction en vue de créer de nouveaux locaux privatifs lorsque ces travaux ne sont pas réalisés par les soins du syndicat.
(…) ».
En l'espèce, si l'action vise à obtenir l'annulation d'une assemblée générale, f.E en réalité, conteste la validité du vote de la délibération n°13 en considérant que l'assemblée s'est tenue dans des conditions irrégulières au motif que les copropriétaires n'auraient pas eu accès à toutes les informations nécessaires pour pouvoir voter en toute connaissance de cause.
S'il ne précise pas le fondement juridique de sa demande, il expose toutefois que le défaut de transparence tant du conseil syndical que du syndic constitue une manoeuvre dolosive sans laquelle selon lui, la délibération autorisant le syndic à signer l'acte de cession de l'air libre au-dessus de l'immeuble au profit de g Z, n'aurait pas été votée. Son action en annulation est toutefois dirigée tant à l'encontre du syndic que du syndicat.
Il sera à ce stade relevé que selon l'article 5 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 : « Les copropriétaires sont réunis en syndicat, doté de la personnalité civile, qui est chargé de la conservation de l'immeuble et de l'administration des parties communes ». Il s'ensuit que, s'il est constant que le syndicat est susceptible d'engager sa responsabilité notamment pour des dommages causés aux copropriétaires, le lien juridique les unissant n'est pas de nature contractuelle.
f.E ne peut donc pertinemment se prévaloir, à l'égard du syndicat des copropriétaires, des dispositions de l'article 971 du Code civil relatives à la validité des conventions et disposant que le dol est susceptible d'entraîner leur nullité.
S'agissant par ailleurs de l'action dirigée contre le syndic, il sera rappelé que celui-ci est susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du syndicat des copropriétaires dont il est le mandataire mais non à l'égard de chaque copropriétaire individuellement avec lequel il n'a pas de lien contractuel. Les dispositions de l'article 971 précité ne peuvent donc davantage, lui être opposées.
Toutefois, dans la mesure où f.E n'a pas expressément visé l'article 971 précité, le tribunal, auquel il appartient de restituer aux faits et actes délictueux leur exacte qualification, doit rechercher si les faits qu'il dénonce sont néanmoins susceptibles d'entraîner, sur un autre fondement juridique, l'annulation de toute ou partie des délibérations votées lors de l'assemblée générale du 10 octobre 2022.
Force est de constater que sur le terrain délictuel, la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1229 du Code civil qui dispose que : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ne saurait entraîner la nullité d'une délibération du syndicat des copropriétaires mais ouvrirait seulement, le cas échéant, un droit à indemnisation.
Il n'apparaît donc pas nécessaire, à ce stade, de rechercher si les agissements dénoncés constituent une faute à l'égard de f.E lui ayant causé un dommage ce point ayant vocation à être abordé dans le cadre de la demande de dommages et intérêts formée contre le syndic.
* Sur le défaut de conformité du procès-verbal de l'assemblée générale à l'ordre du jour
f.E fait valoir qu'alors que le projet sur lequel les copropriétaires se sont prononcés portait sur une cote maximale de 74,50 NGM, le procès-verbal mentionne une cession des droits d'air jusqu'à la cote 77,50 NGM permettant au cessionnaire de construire non pas deux, mais trois étages, ce qui selon lui, constitue une irrégularité substantielle justifiant l'annulation de l'assemblée générale concernée.
Le syndicat des copropriétaires et le syndic répliquent que la proposition présentée par g Z annexée à la convocation de l'assemblée générale spécifiait une surélévation de deux étages au maximum jusqu'à la cote de 74,50 NGM « hors éventuels édicules» et qu'en l'occurrence, la hauteur de 77,50 NGM a finalement été retenue par les copropriétaires tout en limitant la surélévation à deux étages, les mètres supplémentaires alloués l'étant dans le but de construire d'éventuels édicules et locaux techniques, notamment pour assurer la mise aux normes des ascenseurs. Ils rappellent qu'il est de l'essence même de la libre discussion qui doit s'instaurer lors des assemblées générales que la décision prise tienne compte des modifications apportées au projet, dès lors qu'elle statue sur les questions valablement inscrites à l'ordre du jour et que c'est à la suite des explications données par les architectes porteurs du projet de surélévation de l'immeuble, que les copropriétaires ont retenu, en toute connaissance de cause, la hauteur de 77,50 NGM.
g Z s'associe à cet argumentaire en rappelant que dans le pays voisin, il est de jurisprudence constante que les résolutions votées en assemblée générale peuvent faire l'objet d'amendements par rapport à l'ordre du jour de la convocation dès lors que ceux-ci ne dénaturent pas les résolutions portées à l'ordre du jour, ce qui correspond selon lui, au cas d'espèce.
Sur ce,
L'article 11 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 dispose que « La convocation contient l'indication des lieu, date et heure de la réunion, ainsi que l'ordre du jour qui doit préciser chacune des questions soumises à l'assemblée. (…)
Lorsque l'assemblée est appelée à délibérer sur la question de travaux ou de dépenses mentionnés aux articles 14, 15, 16 et 17, sont joints à la convocation les devis (…) »
En l'espèce, la convocation à l'assemblée générale du 11 octobre 2022 prévoit notamment l'examen de la cession d'une partie de l'air libre de l'immeuble et des droits accessoires aux parties communes y afférant ainsi que du droit à construire de nouveaux locaux privatifs en surélévation de l'immeuble, au profit de M. Q.
Il est précisé que la demande et l'offre y sont annexées. g Z y indique « Ma proposition consiste à faire l'acquisition de la partie nécessaire de l'air libre au-dessus de la surface de toit existant du bloc A de la côte environ 67 NGM à la cote 74,50 NGM, hors éventuel édicule, équivalent approximativement à 7, 5 mètres de hauteur avec le droit de surélever et de construire au minimum un étage et au maximum deux étages ».
Le procès-verbal établi à l'issue de cette assemblée générale indique « Les copropriétaires valident à la majorité de 86 parts la cession de la partie de l'air libre au-dessus du K jusqu'à la cote 77,50 NGM et des droits accessoires aux parties communes y afférent et pour signer l'autorisation de construire (voir des permis modificatifs) permettant la surélévation du K de deux étages afin de construire de nouveaux lots privatifs, toiture -terrasse et tous édicules ou locaux techniques inclus, au-dessus de la toiture existante conservée mais modifiée».
g Z produit en outre deux attestations établies par les architectes du projet desquelles il ressort que ceux-ci ont participé à l'assemblée générale du 11 octobre 2022 pour informer les copropriétaires de la nécessité de leur réserver trois mètres supplémentaires pour créer un niveau intermédiaire destiné à accueillir un local technique mais également pour permettre de conserver la même hauteur de plafond que les étages préexistants.
Il est donc établi que la différence entre la hauteur d'air libre dont la cession avait été portée à l'ordre du jour et celle qui a finalement été votée par l'assemblée générale n'avait nullement pour objectif ou conséquence d'octroyer à g Z le droit de construire non pas deux, mais trois étages supplémentaires mais seulement de permettre, d'un point de vue technique et esthétique, la surélévation initialement envisagée. Il sera à cet égard relevé que la proposition annexée à la convocation précisait bien que la hauteur de 74,50 NGM n'incluait pas celle d'un éventuel local technique. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient f.E, dès lors que la cession litigieuse avait été portée à l'ordre du jour et que les copropriétaires ont pu discuter librement des ajustements nécessaires, aucune nullité de la résolution votée ne peut être encourue.
Dans ces conditions, la demande d'annulation de la résolution n° 3 et a fortiori de l'entièreté de l'assemblée générale du 10 octobre 2022 ne peut qu'être rejetée.
* Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale du 7 avril 2023
f.E fait valoir qu'alors que la procédure tendant à l'annulation de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 était toujours pendante devant ce Tribunal, le syndic a convoqué les copropriétaires à une nouvelle assemblée qui s'est tenue le 7 avril 2023 sans que ne soit inscrite à l'ordre du jour la question de la désignation d'un expert préalablement à la cession de l'air libre de l'immeuble. En réplique au syndic qui soutient que ce point n'avait pas à être discuté lors de l'assemblée générale du 7 avril 2023 puisqu'il était devenu obsolète, il rappelle que le syndic n'est pas juge de l'opportunité d'inscrire ou pas à l'ordre du jour une demande formée par un copropriétaire, et qu'en refusant de le faire, il engage sa responsabilité professionnelle. Il ajoute qu'en s'abstenant de fournir aux copropriétaires une information claire et détaillée sur le présent litige, le syndic a commis une faute qui lui est préjudiciable comme à l'ensemble des copropriétaires.
Le syndic et le syndicat des copropriétaires répliquent que le vote sur la cession étant déjà intervenu, la question proposée par f.E n'avait plus d'objet et qu'en tout état de cause, l'omission reprochée est insusceptible d'entraîner l'annulation des résolutions votées, sauf pour ce dernier à démontrer que ladite omission aurait été de nature à entacher les autres votes, ce qu'il ne fait pas. Ils ajoutent qu'à l'occasion de l'assemblée générale du 7 avril 2023, f.E a pu expliquer en toute transparence qu'il avait souhaité que soit portée à l'ordre du jour la question du recours à une expertise immobilière de la valeur de l'air libre et que pour autant, aucun des copropriétaires présents n'a manifesté le désir d'amender l'ordre du jour afin de délibérer sur cette question.
Sur ce,
L'article 11 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 dispose que « La convocation contient l'indication des lieu, date et heure de la réunion, ainsi que l'ordre du jour qui doit préciser chacune des questions soumises à l'assemblée. Elle est notifiée à chaque copropriétaire vingt jours au moins avant la date de réunion ».
L'article 11-1 suivant précise que « À tout moment, tout copropriétaire ou le conseil syndical peut notifier au syndic les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée générale.
Le syndic porte ces questions à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, à condition que la notification mentionnée à l'alinéa précédent soit intervenue au plus tard dix jours avant l'envoi de la convocation visée au premier alinéa de l'article 11, et reçue avant l'envoi de ladite convocation par le syndic.
À défaut de notification ou de réception dans les délais visés à l'alinéa précédent, les questions sont inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée suivante ».
En l'espèce, f.E, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé le 21 septembre 2022 au syndic, une demande d'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 11 octobre 2022, de la nécessité de procéder à l'expertise et à l'évaluation de la valeur de l'air libre dont la cession était projetée.
Dans son courrier du 7 octobre 2022, le syndic a répondu qu'en application des dispositions de l'article 11-1 précité, la question posée par f.E, tardive, serait portée à l'ordre du jour d'une prochaine assemblée générale.
Le 10 mars 2023, le syndic a adressé à l'ensemble des copropriétaires une convocation pour l'assemblée générale du 7 avril 2023 dont l'ordre du jour mentionnait en point VII « Procédure en cours » mais non la question que f.E avait soumise dans le courrier de son conseil le 21 septembre 2022.
Le syndic ne conteste pas avoir décidé, de sa propre initiative, de ne pas mettre à l'ordre du jour la question de l'évaluation de la valeur de l'air libre au-dessus de l'immeuble qu'elle a jugée sans objet, la cession ayant d'ores et déjà été votée lors de l'assemblée générale du 11 octobre 2022.
S'il est constant que les juridictions monégasques ne sont pas tenues d'appliquer la jurisprudence des juridictions françaises, la cour de cassation a jugé en pareil cas que si les projets de résolutions sollicités mais non-inscrits à l'ordre du jour n'étaient pas de nature à influer sur le vote des résolutions soumises à l'assemblée générale, le refus du syndic de les faire examiner en assemblée n'affectait pas la validité des décisions prises.
Comme le soutiennent pertinemment le syndicat des copropriétaires et le syndic, il s'ensuit que le défaut d'inscription d'une question à l'ordre du jour n'est pas sanctionné par la nullité de l'assemblée générale, sauf si elle était de nature à modifier le vote.
Or, au cas d'espèce, f.E ne démontre ni même ne soutient que les votes intervenus lors de l'assemblée générale du 7 avril 2023 auraient pu être influencés par sa demande de voir organiser une expertise destinée à évaluer la valeur de l'air-libre de l'immeuble. En effet, le seul point de l'ordre du jour en relation avec la cession de l'air libre était celui qui avait pour objet de tenir les copropriétaires informés de la procédure en annulation de l'assemblée générale précédente, initiée par f.E et qui ne supposait donc pas un vote de leur part.
Par ailleurs, le seul fait que f.E considère que les informations données aux copropriétaires relatives à l'instance en cours étaient lacunaires ne saurait entraîner l'annulation d'une assemblée générale au cours de laquelle aucune résolution en lien avec le litige n'a été votée.
Il en résulte que la demande d'annulation de l'assemblée générale du 7 avril 2023 doit être également rejetée.
* Sur l'action en responsabilité formée contre le syndic
f.E soutient que le syndic, en s'abstenant d'informer les copropriétaires, avant le vote du 11 octobre 2022, de l'existence d'une offre concurrente d'acquisition de l'air libre au-dessus de l'immeuble a engagé sa responsabilité vis-à-vis de l'ensemble des copropriétaires dont lui-même. Il considère que le préjudice correspond à la perte de chance pour la copropriété comme pour chacun des copropriétaires à titre personnel, de céder l'air libre à un prix plus avantageux de plus de deux millions d'euros et pour lui-même, de bénéficier, en tant que copropriétaire, d'une enveloppe de travaux également supérieure. Il fait par ailleurs valoir que le fait pour le syndic de ne pas avoir inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 7 avril 2023, sa proposition de faire évaluer l'air libre, constitue à son égard une seconde faute dont il est en droit d'obtenir réparation.
La S. A. M. I.I réplique n'avoir commis aucune faute dans le cadre de la gestion de la copropriété et considère au contraire avoir été particulièrement diligente en informant les copropriétaires, mais également en assurant une forme d'appel d'offres garantissant un choix loyal du cessionnaire. Elle précise à cet égard que l'offre de p.M, gérant de la société X a non seulement été portée à la connaissance du conseil syndical, mais présentée ensuite à l'assemblée générale des copropriétaires qui a pu voter en toute connaissance de cause. Elle ajoute que le conseil syndical, qui est élu par l'ensemble des copropriétaires et les représente, a été très précisément informé de l'offre concurrente et que lors de l'assemblée générale, il a pu en être discuté en toute transparence de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre. Elle rappelle enfin que la proposition de f.E n'a pu être inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 car elle était tardive et qu'elle était ensuite devenue sans objet lors de l'assemblée générale du 7 avril 2023 du fait du vote des copropriétaires intervenu précédemment.
Sur ce,
En vertu des dispositions de l'article 1229 du Code civil, il appartient à f.E d'établir l'existence d'une faute, d'un dommage personnel et enfin du lien de causalité entre cette faute et son dommage.
Il sera à titre liminaire observé que f.E, en fondant sa demande, pour partie, sur des fautes qui auraient été commises à l'encontre des autres copropriétaires, méconnaît le principe consacré par la jurisprudence monégasque selon lequel « Nul ne plaide par procureur ». L'argument selon lequel les copropriétaires auraient été financièrement lésés en étant tenus dans l'ignorance d'une offre concurrente plus avantageuse, est donc inopérant.
f.E considère ensuite que cette même faute lui a causé un préjudice personnel dès lors qu'elle a annihilé toute possibilité de voir l'assemblée générale opter pour un projet plus intéressant du point de vue des travaux de réhabilitation des parties communes mis à la charge du cessionnaire.
Il résulte cependant des pièces versées aux débats que le 26 septembre 2022, p.L a adressé au syndic « une offre d'acquisition des droits à construire » portant sur la totalité du droit d'air de l'immeuble « K » au prix total de 8.900.000 euros mais que contrairement à ce que f.E soutient, cette offre a été communiquée au conseil syndical pour suite à donner comme cela résulte du courrier adressé au conseil de p.L mais également de la fiche d'émargement contre remise en mains propres, signée par les six membres du conseil syndical.
Il s'avère donc que si l'offre de la société X n'a ensuite pas été soumise au vote des copropriétaires lors de l'assemblée générale du 11 octobre 2022, cette omission ne peut être imputée au syndic. Il résulte au demeurant de l'examen du procès-verbal de cette assemblée que la S. A. M. I.I a fait état, lors des débats, de l'offre concurrente à celle de g Z et que c'est donc en toute connaissance de cause que les copropriétaires ont opté pour cette dernière qui certes, était financièrement moins avantageuse puisqu'elle portait sur un prix global de 6.700.000 euros, mais était limitée à la construction de deux étages et donc conforme à leur voeu de limiter la surélévation de leur immeuble.
Aucune faute n'est donc établie, à cet égard, à l'encontre de la S. A. M. I.I.
f.E reproche ensuite à cette dernière de ne pas avoir inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 7 avril 2023, la suggestion qu'il avait faite de faire procéder à l'évaluation de la valeur de l'air libre cédé.
Il résulte de ce qui précède que le syndic ne conteste pas s'être sciemment abstenu. Toutefois, si cet agissement est susceptible de constituer à l'égard de f.E une faute, encore faudrait-il que celui-ci justifie d'un préjudice en lien avec cette faute or, dans la mesure où les copropriétaires s'étaient déjà prononcés en faveur du projet présenté par g Z, l'évaluation sollicitée n'avait plus lieu d'être étant rappelé que la demande de f.E n'avait pas été présentée dans les délais légaux et que ce n'est donc que de son fait, si elle n'a pas été retenue au titre de l'ordre du jour de l'assemblée générale du 11 octobre 2022.
Par ailleurs, f.E reproche au syndic de ne pas avoir tenu compte de la présente procédure lorsqu'il a écarté de l'ordre du jour l'évaluation de la valeur de l'air libre. Cependant, à supposer qu'à son issue, la résolution ayant validé l'offre de g Z ait été annulée -ce qui n'est pas le cas- f.E aurait alors recouvré la possibilité, avant un nouvel examen des offres de cession par les copropriétaires, de solliciter la mise à l'ordre du jour de l'évaluation qu'il souhaitait faire réaliser.
f.E ne justifiant pas d'un préjudice imputable à la S. A. M. I.I, sa demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée.
* Sur la demande de dommages et intérêts présentée par le syndic
La S. A. M. I.I sollicite la condamnation du demandeur à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts en faisant valoir que la procédure initiée par f.E, qu'elle juge abusive et vexatoire, a porté atteinte à son honneur et à sa réputation.
Sur ce,
Le seul fait pour f.E d'agir en responsabilité contre le syndic dans le cadre de son action visant à obtenir l'annulation d'assemblées générales ne peut être qualifié de fautif sauf à démontrer que son droit d'agir en justice aurait dégénéré en abus, ce que la S. A. M. I.I ne fait pas.
Par ailleurs, il résulte de ce qui précède que le syndic commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité personnelle lorsqu'il n'inscrit pas à l'ordre du jour de l'assemblée générale les questions dont un copropriétaire demande l'inscription à l'ordre du jour de sorte que l'action en responsabilité de f.E n'était pas totalement dénuée de fondement.
* Sur les frais irrépétibles, les dépens et l'exécution provisoire
f.E qui succombe, devra supporter la charge des dépens en application de l'article 231 du Code de procédure civile et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 238-1 dudit code relatif au remboursement des frais non répétibles exposés.
La S. A. M. I.I et le syndicat des copropriétaires ont été contraints d'exposer des frais non compris dans les dépens pour faire assurer la défense de leurs droits, notamment en honorant un avocat. Il serait inéquitable que ceux-ci demeurent intégralement à leur charge. En conséquence f.E sera condamné à leur verser la somme de 5.000 euros par application de l'article 238-1 précité.
La demande présentée sur ce même fondement par g Z, intervenu volontairement à l'instance et qui n'a formulé à l'encontre de f.E aucune demande personnelle sera rejetée.
L'article 202 du Code de procédure civile dispose que l'exécution provisoire peut être ordonnée, avec ou sans caution, dans tous les cas d'urgence, à moins qu'elle soit de nature à produire des effets irréparables.
Compte tenu de l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire sera ici ordonnée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les n° 2023/000186 et 2023/000486 sous le n° 2023/000186 ;
Déclare recevable l'intervention volontaire de g Z ;
Écarte la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la partie demanderesse ;
En conséquence,
Déclare f.E recevable en sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 11 octobre 2022 ;
Déboute f.E de l'intégralité de ses demandes ;
Déboute la S. A. M. I.I de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne f.E à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « K » et au syndic, ensemble, la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Déboute g Z de sa demande présentée au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne f.E aux dépens, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI et Maître Régis BERGONZI, avocats-défenseurs, sous leurs due affirmation chacun pour ce qui le concerne ;
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 17 OCTOBRE 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Patrice FEY, Juge, assistés, de Madame Sophie LIOTARD, Greffier, en présence du Ministère public.
^