Abstract
Succession – Partage – Préjudice financier – Indemnisation (oui)
Résumé
Si l'on compare le projet notarié et le testament olographe, il apparaît un déséquilibre au profit de j.K dans la mesure où le bien de l'immeuble x5 estimé à 5 millions d'euros que la défunte voulait voir vendu pour partager le prix de vente en deux est intégralement attribué à j.K avec une soulte insuffisante à rétablir l'équilibre entre les deux héritiers alors que cet équilibre entre les deux enfants dans le partage est le souhait clairement exprimé par c.K dans son testament.
Le Tribunal considère que c'est à bon droit qu'i.K s'oppose à entériner l'accord envisagé avec son frère dans la mesure où il apparaît que la soulte de 1.800.000 euros n'est pas de nature à assurer un équilibre entre les droits de chacun, étant précisé que les biens à Dakar et au Liban ne sont pas clairement estimés.
Il convient de considérer que le projet dont j.K demande la validation doit être validé en ce qu'il prévoit :
* l'attribution à i.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x1 » sis x1 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble sis x8 à Monaco ;
* le partage à parts égales des avoirs déposés à la banque A à Monaco ;
* l'attribution à j.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x4 » sis x4 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble « x5 » situé x5 à Monaco ;
Et modifié s'agissant du montant de la soulte à verser à i.K.
Le Tribunal fait droit à la demande d'i.K et dit que le projet de partage établi par Maître Magali CROVETTO-AQUILINA le 23 mai 2017, incluant les projets du 9 avril 2016, 9 septembre 2016 et 24 avril 2017 sera modifié en ce que la soulte prévue dans l'acte à la charge de j.K au profit d'i.K sera de 3 millions d'euros et non 1.8 millions d'euros.
Par ailleurs, i.K sollicite l'indemnisation de la perte financière subie par elle du fait que la soulte, à sa juste valeur, aurait dû lui être versée dès 2017 alors qu'à ce jour, elle ne l'a toujours pas perçue. Elle rappelle qu'elle est représentée dans le présent litige par un conseil désigné au titre de l'assistance judiciaire. Si l'on applique un taux de 3 % à la soulte prévue initialement, sur sept ans, la perte financière d'i.K est au minimum, sans intérêts composés, de 378.000 euros. Le préjudice financier est incontestablement établi. S'agissant du préjudice moral, i.K explique avoir souffert des nombreuses manœuvres tentées par son frère pour limiter la part lui revenant à la succession. La faute que retient le Tribunal à la charge de j.K est qu'il ne pouvait ignorer la valeur de l'immeuble « x5 », valeur qui ne fait que croître au fil des années. Il connaissait en outre les dispositions testamentaires de sa mère qui a manifesté sa claire intention de mettre ses enfants sur un pied d'égalité. Or, la soulte prévue initialement à 1.9 millions d'euros a été réduite de 100.000 euros à la demande de j.K. Non assistée d'un conseil, i.K a été incontestablement victime d'une tentative de son frère de s'approprier une part d'héritage bien supérieure à la moitié qui devait lui revenir. Le Tribunal fait droit à la demande de dommages et intérêts d'i.K et condamne j.K à verser à i.K une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2023/000173 (assignation du 23 novembre 2022)
JUGEMENT DU 17 OCTOBRE 2024
En la cause de :
* • j.K, né le jma à Dakar (Sénégal), de nationalités française, libanaise et sénégalaise, demeurant x3 à Monaco,
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
* • i.K, née le jma à Dakar (Sénégal), de nationalités française et libanaise, demeurant x2 à Monaco,
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 784 BAJ 21 par décision du bureau en date du 19 octobre 2021
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
En présence de :
1. Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire, demeurant Hôtel de Genève, 31 boulevard Charles III à Monaco ;
Non comparante, ni représentée,
* 2. Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO, Notaire, demeurant 4 boulevard des Moulins à Monaco ;
Non comparante, ni représentée,
Visa
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 23 novembre 2022, enregistré (n° 2023/000173) ;
Vu la correspondance de Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO, Notaire, en date du 30 novembre 2022 ;
Vu la correspondance de Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire, en date du 1er décembre 2022 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de j.K, en date du 21 mai 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom d'i.K, en date du 4 juin 2024 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 juin 2024 ;
À l'audience publique du 20 juin 2024, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 17 octobre 2024, par mise à disposition au Greffe.
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte d'huissier en date du 23 novembre 2022, j.K a assigné i.K, en présence de Maître Magali CROVETTO-AQUILINA et Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO, notaires et demande au Tribunal de :
* dire et juger que le partage de la succession de c.G veuve K est intervenu entre les consorts K par actes notariés des 24 avril 2017 et 23 mai 2017 ;
* dire et juger que les actifs de la défunte ont été partagés amiablement entre les parties aux conditions suivantes :
* attribution à i.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x1 » sis x1 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble sis x8 à Monaco ;
* le partage à parts égales des avoirs déposés à la banque A à Monaco ;
* l'attribution à j.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x4 » sis x4 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble « x5 » situé x5 à Monaco ;
* le versement par j.K à i.K d'une soulte de 1.800.000 euros ;
* ordonner le partage de l'ensemble des actifs de la succession de feue c.G veuve K en exécution des actes notariés des 24 avril 2017 et 23 mai 2017 ;
* dire et juger qu'i.K doit régulariser l'acte authentique de partage ainsi que tout document y afférent sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;
* désigner Maître CROVETTO-AQUILINA notaire pour y procéder ;
* condamner i.K à lui payer une somme de 98.454,60 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier constitué de la perte de chance de bénéficier du prêt initialement consenti et accepté au taux de 2.37 % ;
* condamner i.K à lui payer une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
* condamner i.K à lui payer une somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
* condamner i.K à lui payer une somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure ;
* ordonner l'exécution provisoire du jugement ;
* condamner i.K aux dépens distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
Par conclusion du 21 mai 2024, j.K a maintenu ses demandes initiales outre le débouté d'i.K de ses demandes.
Par conclusions du 4 juin 2024, i.K demande au Tribunal de :
* lui donner acte de ce qu'elle sollicite également le partage des biens dépendant de la succession de c.G veuve K ;
* désigner tel notaire qu'il appartiendra ;
* désigner un magistrat du siège pour suivre les opérations ;
* dire que le notaire et le magistrat pourront être remplacés par simple ordonnance ;
* dire et juger que l'accord inégalitaire intervenu entre les parties portant sur leurs droits respectifs et le partage amiable des biens de la succession, visé dans les actes notariés des 24 avril 2017 et 23 mai 2021 était expressément subordonnés à une signature sans délai devant intervenir dans le courant de l'année 2017 ;
* donner acte que le partage des biens immobiliers tel qu'il est détaillé dans les actes n'est pas remis en cause par i.K ;
* dire et juger que ce partage ne pourra se faire qu'après correction du montant de la soulte qui devra être fixée à la somme de trois millions d'euros au paiement de laquelle j.K devra être condamné ;
* condamner j.K à lui payer une somme de 100.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral ;
Subsidiairement,
* ordonner la vente par licitation des biens dépendant de l'immeuble des caravelles sis 35 Boulevard Albert 1er ;
* dire et juger que la mise à prix devra être fixée à une somme ne pouvant être inférieure à 5 millions d'euros ;
* dire et juger que le produit de la vente sera partagé entre les deux enfants par moitié chacun ;
* donner acte à i.K qu'elle régularisera la procuration sollicitée par son frère pour les biens sis au Sénégal concomitamment à la signature de l'acte de partage ;
* lui donner acte qu'elle accepterait de signer concomitamment à la signature de l'acte de partage, l'acte d'exhumation de leur mère pour la réinhumer dans un caveau neuf au cimetière de Monaco à la condition que la mairie de Monaco le concède à j.K, que les frais soient à sa charge et qu'il informe la concluante du jour de l'exhumation ;
En toutes hypothèses,
* débouter j.K de l'ensemble de ses demandes ;
* condamner j.K au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure ;
* condamner j.K aux entiers dépens distraits comme en matière judiciaire.
À l'audience du 20 juin 2024, les conseils des parties ont déposé leur dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.
SUR CE,
Il convient en préalable de constater que les parties s'accordent pour voir ordonner la liquidation et le partage des biens dépendant de la succession de feue c.G veuve K, ce que le Tribunal ordonnera avec désignation de Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco pour ce faire.
Les parties au présent litige ont rencontré à deux reprises Maître CROVETTO-AQUILINA. Le procès-verbal du notaire du 24 avril 2017 indique que les parties s'accordent sur le partage des avoirs bancaires par moitié et échangent sur la répartition des biens immobiliers que compte la succession.
Le procès-verbal de Maître CROVETTO-AQUILINA du 23 mai 2017 fixe l'accord intervenu entre les parties en ces termes « compte tenu de ce qui précède, les comparants demandent au notaire soussigné de procéder à la rédaction des actes successoraux reflétant les accords convenus entre eux, et notamment le partage par attribution des biens et de leur adresser en adresser le projet ».
L'accord à formaliser était le suivant :
* Pour j.K : les biens dépendant des immeubles « x4 » et « des x5 », la moitié des comptes bancaires à Monaco et les biens situés à Dakar, à charge pour j.K de verser à sa soeur une soulte de 1.800.000 euros,
* Pour i.K : les biens dépendant des immeubles « x1 » et de Monaco ville, l'entrepôt du Liban, la moitié des comptes bancaires monégasques et une soulte de 1.800.000 euros.
Le projet n'a pas été régularisé et Maître CROVETTO-AQUILINA a reçu à nouveau les parties le 28 juin 2019.
Le partage envisagé était le suivant :
* Pour j.K :
* les biens dépendant de l'immeuble « x4 » d'une valeur estimée de 2.200.000 euros,
* les biens dépendant de l'immeuble « des x5 » d'une valeur estimée à 5.000.000 d'euros,
* la moitié des comptes bancaires à Monaco soit 163.535,77 euros,
* à déduire une soulte de 1.800.000 euros,
Soit une valeur successorale nette de 5.563.535,77 euros ;
* Pour i.K :
* les biens dépendant de l'immeuble « x1 » d'une valeur estimée de 2.200.000 euros,
* l'appartement sis à Monaco ville, 2 rue Comte Felix GASTALDI d'une valeur estimée de 800.000 euros,
* La moitié des comptes bancaires à Monaco soit 163.535,77 euros,
* Une soulte de 1.800.000 euros,
Soit une valeur successorale nette de 4.493.535,77 euros.
Le projet d'acte notarié fait état d'un testament olographe de la défunte du 26 juin 2012 et d'un codicille du 22 septembre 2014 confirmant le testament de 2012, rédigé en ces termes :
« Je soussignée Madame c.K, demeurant à Monaco au x5 x5 déclare prendre les dispositions de dernières volontés suivantes :
* Je révoque toutes les dispositions testamentaires antérieures,
* Je lègue la totalité de mes biens à raison de moitié indivise à chacun de mes enfants Isabelle et Jean-Claude,
* Je partage mes biens immobiliers entre eux de la manière suivante :
* Mon fils recueillera :
• Tous les droits indivis qui m'appartiennent sur les immeubles situés à Dakar, immeuble x6 et immeuble x7, appartement, magasins, dépendances,
• L'appartement et dépendance que je possède en Principauté de Monaco x4 x4 qu'il occupe actuellement,
* Ma fille Isabelle recueillera :
• L'appartement, la cave et le parking que je possède en Principauté de Monaco, le x1 x1 qu'elle occupe actuellement avec mon petit-fils Christophe-Rony,
• L'appartement sis à Monaco ville x8,
• La totalité de mes bijoux,
* En ce qui concerne mon appartement situé aux x5 x5 où je réside actuellement et ses dépendances, une cave et deux parkings, ils devront être vendus et le produit sera partagé entre mes deux enfants à raison de la moitié indivise chacun,
* Le surplus de mes biens (notamment les comptes bancaires) sera partagé entre mes enfants de manière à ce qu'ils aient chacun recueilli la moitié de ma succession ».
Si l'on compare le projet notarié et le testament olographe, il apparaît un déséquilibre au profit de j.K dans la mesure où le bien de l'immeuble x5 estimé à 5 millions d'euros que la défunte voulait voir vendu pour partager le prix de vente en deux est intégralement attribué à j.K avec une soulte insuffisante à rétablir l'équilibre entre les deux héritiers alors que cet équilibre entre les deux enfants dans le partage est le souhait clairement exprimé par c.K dans son testament.
Le Tribunal considère que c'est à bon droit qu'i.K s'oppose à entériner l'accord envisagé avec son frère dans la mesure où il apparaît que la soulte de 1.800.000 euros n'est pas de nature à assurer un équilibre entre les droits de chacun, étant précisé que les biens à Dakar et au Liban ne sont pas clairement estimés.
j.K soutient que sa sœur est tenue par l'acte sous seing privé de partage sur lequel il n'y a pas lieu de revenir en application de l'article 989 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Toutefois, le Tribunal relève que si des discussions ont abouti entre les parties permettant au notaire de finaliser un projet, ledit projet n'a jamais été signé par i.K compte tenu de ce qu'elle estime qu'il existe dans ce projet un déséquilibre entre les héritiers, ce qui est effectivement le cas.
Le notaire a poursuivi les échanges amiables et a proposé un nouveau projet aux parties en septembre 2019, la signature de j.K étant conditionné par lui à la signature préalable par sa soeur de l'attribution des biens au Sénégal, ce qu'elle a refusé au motif que le partage forme un tout et qu'il convient de signer un accord global pour garantir un équilibre entre les héritiers.
Les pièces du dossier, tant les courriels du notaire que les courriers des conseils attestent que chacune des parties a fait obstacle à la poursuite du partage amiable sans que l'échec ne puisse être attribué exclusivement à i.K comme l'affirme j.K.
L'explication des difficultés réside dans le fait que chacun avant signature devait accepter des préalables et chacun refusait son accord au motif que le partage n'était pas finalisé, les mois sont ainsi passés avec une réelle résistance de part et d'autre.
Au-delà du refus de l'un ou de l'autre de signer pour des raisons qui leur sont propres, il n'en demeure pas moins que le projet de partage qui est soumis à la juridiction présente un déséquilibre entre les deux héritiers, d'autant moins acceptable qu'il ressort clairement du testament olographe de la défunte qu'elle entendait mettre ses deux enfants sur un pied d'égalité.
Il convient en conséquence de considérer que le projet dont j.K demande la validation doit être validé en ce qu'il prévoit :
* l'attribution à i.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x1 » sis x1 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble sis x8 à Monaco ;
* le partage à parts égales des avoirs déposés à la banque A à Monaco ;
* l'attribution à j.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x4 » sis x4 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble « x5 » situé x5 à Monaco ;
Et modifié s'agissant du montant de la soulte à verser à i.K.
Avec une soulte de 1.800.000 euros, le différentiel entre héritiers est de 1.070.000 euros en faveur de j.K si l'on retient une estimation du bien « x5 » à 5 millions d'euros, i.K demande une somme de 1.200.000 euros au motif que l'immeuble x5 évalué à 5 millions dans l'acte notarié vaut beaucoup plus. Elle fournit un courriel de la SAM agence du Midi du 13 novembre 2023 qui indique que des ventes dans le même quartier se font actuellement au prix de 40.000 euros le m2, soit pour ce bien une estimation à 6.400.000 euros, la SAM conseillant même de tenter une mise en vente à 6.900.000 euros. Il est justifié à la procédure par i.K que les revenus locatifs de ce bien entre février 2018 et juillet 2023 représentent une somme de 756.000 euros, l'appartement revenant à i.K sur la même période n'a rapporté une somme de 120.000 euros, soit un différentiel de 1 à 6.
L'immeuble « x5 » est le bien le plus important de la succession, de sorte que la de cujus n'avait pas envisagé de l'intégrer dans le partage en nature et en avait souhaité la vente. Les parties s'accordent toutefois sur l'attribution en nature du bien à j.K mais au vu des dernières volontés de la défunte, ce différentiel n'est absolument pas conforme et un rééquilibre en faveur d'i.K s'impose.
Le Tribunal fait droit à la demande d'i.K et dit que le projet de partage établi par Maître Magali CROVETTO-AQUILINA le 23 mai 2017, incluant les projets du 9 avril 2016, 9 septembre 2016 et 24 avril 2017 sera modifié en ce que la soulte prévue dans l'acte à la charge de j.K au profit d'i.K sera de 3 millions d'euros et non 1.8 millions d'euros.
* Sur la demande de dommages et intérêts de j.K au titre des préjudices financier et moral subis
La soulte qui était prévue à l'acte notarié devait être financée par j.K à l'aide d'un prêt bancaire dont il bénéficiait à des conditions intéressantes selon lui, proposition de prêt qui aujourd'hui est caduque et il considère que le refus de sa soeur de signer l'acte authentique préparé par le notaire le prive de la possibilité de financer dans de bonnes conditions la soulte. Les pièces de la procédure attestent toutefois que j.K a sollicité ultérieurement des prêts de 1.600.000 euros puis 1.400.000 euros, sans finalisation puisque l'accord n'a pas été signé mais cela atteste de ce qu'au fil du temps, ses revenus lui permettaient de financer une partie de la soulte et aujourd'hui, au vu du partage et des revenus locatifs accumulés, il doit être en mesure de financer la soulte dans une proportion très importante. Le délai n'a généré pour lui, selon le Tribunal, aucun préjudice qu'il soit financier ou moral.
En outre, il n'y a aucune faute à retenir à l'actif d'i.K qui pourrait justifier qu'elle indemnise j.K puisque son refus de signer l'acte notarié était justifié.
Le Tribunal déboute j.K de sa demande de dommages et intérêts.
* Sur la demande de dommages et intérêts de j.K pour résistance abusive d'i.K
Au vu des développements précédents qui ont conduit la juridiction à considérer que l'acte notarié prévoyait une soulte insuffisante pour i.K, il n'y a pas de résistance abusive de sa part.
j.K est débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive d'i.K.
* Sur la demande de dommages et intérêts d'i.K
i.K sollicite l'indemnisation de la perte financière subie par elle du fait que la soulte, à sa juste valeur, aurait dû lui être versée dès 2017 alors qu'à ce jour, elle ne l'a toujours pas perçue. Elle rappelle qu'elle est représentée dans le présent litige par un conseil désigné au titre de l'assistance judiciaire.
Si l'on applique un taux de 3 % à la soulte prévue initialement, sur sept ans, la perte financière d'i.K est au minimum, sans intérêts composés, de 378.000 euros.
Le préjudice financier est incontestablement établi. S'agissant du préjudice moral, i.K explique avoir souffert des nombreuses manoeuvres tentées par son frère pour limiter la part lui revenant à la succession.
La faute que retient le Tribunal à la charge de j.K est qu'il ne pouvait ignorer la valeur de l'immeuble « x5 », valeur qui ne fait que croître au fil des années. Il connaissait en outre les dispositions testamentaires de sa mère qui a manifesté sa claire intention de mettre ses enfants sur un pied d'égalité. Or, la soulte prévue initialement à 1.9 millions d'euros a été réduite de 100.000 euros à la demande de j.K. Non assistée d'un conseil, i.K a été incontestablement victime d'une tentative de son frère de s'approprier une part d'héritage bien supérieure à la moitié qui devait lui revenir.
Le Tribunal fait droit à la demande de dommages et intérêts d'i.K et condamne j.K à verser à i.K une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le Tribunal donne acte à i.K qu'elle signera concomitamment l'acte de partage et la procuration sollicitée par j.K pour les biens sis au Sénégal.
S'agissant de l'exhumation de la défunte pour une inhumation dans un autre caveau, le Tribunal donne acte à i.K de ce qu'elle signera concomitamment l'acte de partage et l'acte d'exhumation de leur mère pour inhumation dans un caveau neuf au cimetière de Monaco, sous réserve d'une concession accordée par la mairie de Monaco à j.K, que celui-ci assume les frais y afférents et l'informe du jour de l'exhumation.
* Sur la demande au titre des frais de procédure
L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :
« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :
* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;
Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'Etat.
L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».
j.K, succombant, sera débouté de sa demande d'indemnisation au titre de ses frais de procédure et condamné à payer à Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur d'i.K une somme de 6.000 euros au titre des frais de procédure exposés par elle, non compris dans les dépens.
i.K, étant bénéficiaire de l'assistance judiciaire, j.K est condamné aux dépens dont distraction au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Ordonne le partage des biens composant la succession de feue c.G veuve K ;
Désigne pour ce faire, Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco ;
Dit que Anne-Sophie HOUBART, magistrat du siège, est désignée pour suivre les opérations et faire rapport au cas où s'élèveraient des difficultés ;
Dit que le magistrat et/ou le notaire seront remplacés par simple ordonnance présidentielle ;
Donne acte aux parties qu'elles acquiescent au partage des biens immobiliers tel que prévu à l'acte notarie du 23 mai 2017, s'agissant de :
* l'attribution à i.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x1 » sis x1 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble sis x8 à Monaco ;
* le partage à parts égales des avoirs déposés à la banque A à Monaco ;
* l'attribution à j.K des biens immobiliers dépendant de l'immeuble « x4 » sis x4 à Monaco et ceux dépendant de l'immeuble « x5 » situé x5 à Monaco ;
Dit que le projet de partage établi par Maître Magali CROVETTO-AQUILINA le 23 mai 2017, incluant les projets du 9 avril 2016, 9 septembre 2016 et 24 avril 2017 sera modifié en ce que la soulte prévue dans l'acte à la charge de j.K au profit d'i.K sera de 3 millions d'euros et non 1.8 millions d'euros ;
Déboute j.K de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices financier et moral ;
Déboute j.K de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive d'i.K ;
Condamne j.K à verser à i.K une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices moral et financier ;
Donne acte à i.K qu'elle signera concomitamment l'acte de partage et la procuration sollicitée par j.K pour les biens sis au Sénégal ;
Donne acte à i.K de ce qu'elle signera concomitamment l'acte de partage et l'acte d'exhumation de leur mère pour inhumation dans un caveau neuf au cimetière de Monaco, sous réserve d'une concession de la mairie de Monaco à j.K, que celui-ci assume les frais y afférents et l'informe du jour de l'exhumation ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne j.K à payer à Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur d'i.K une somme de 6.000 euros au titre des frais de procédure exposés par elle, non compris dans les dépens ;
Rappelle qu'en application de l'article 238-1 du Code de procédure civile, l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme qui vient de lui être allouée avec la part contributive de l'Etat ;
Condamne j.K aux dépens de l'instance dont distraction au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;
Composition
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 17 OCTOBRE 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Catherine OSTENGO, Juge, Monsieur Patrice FEY, Juge, assistés, de Madame Sophie LIOTARD, Greffier, en présence du Ministère public.
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