Abstract
Testament olographe – Faux – Expertise
Résumé
Avant d'ordonner l'expertise graphologique du testament de feu o.J du 21 octobre 2019, le Tribunal doit vérifier, au vu de tous les éléments fournis par les parties, s'il est en mesure d'apprécier l'authenticité du testament.
o.J avait rédigé le 8 janvier 2004 un testament au terme duquel il nommait Loudmila B, son épouse, fiduciaire testamentaire de sa succession, à défaut ses deux filles e B et v B. Il « donne et lègue à son fiduciaire tous ses biens meubles et immeubles de quelque nature qu'ils soient et où qu'ils se trouvent ». Si le testament olographe du 21 octobre 2019 venait à être déclaré authentique, il privit les fiduciaires désignés en 2004 du bénéfice du testament.
Le Tribunal considère qu'une traduction officielle du testament dans un cadre judiciaire s'impose.
L'impact du testament litigieux sur les droits de successions de chacune des parties au litige justifie que le Tribunal puisse disposer de conclusions d'experts complètes, objectives, réalisées sur le document original et accompagnées d'analyses techniques sur le document lui-même. Le Tribunal considère que les éléments qui lui sont fournis par chaque partie pour apprécier l'authenticité ne sont pas suffisamment probants. Il est nécessaire de réaliser une expertise dans un cadre judiciaire du testament olographe d'o.J en date du 21 octobre 2019 inséré dans le carnet du de cujus actuellement détenu par le notaire. Le Tribunal désigne pour ce faire, un expert graphologue pour effectuer la mission qui sera détaillée dans le dispositif. Si l'expert a pour mission principale de s'exprimer sur l'authenticité, il devra également faire traduire fidèlement le « testament » et dira si les difficultés de traduction peuvent conduire à des interprétations différentes en s'adjoignant un sapiteur en sémantique.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2022/000209 (assignation du 27 octobre 2021)
JUGEMENT DU 3 OCTOBRE 2024
* En la cause de :
* 1- l.A veuve B, née le jma à Kiev (Ukraine), de nationalités ukrainienne, russe et canadienne, domiciliée x1 à Monaco, demeurant actuellement x2 à Monaco ;
* 2- e B épouse C, née le jma à Kiev (Ukraine), de nationalités ukrainienne, russe et canadienne, demeurant x3, Ontario (Canada) ;
* 3- v B épouse I, née le 18 décembre 1984 à Kharkiv (Ukraine), de nationalités ukrainienne, russe et canadienne, demeurant x2 à Monaco ;
DEMANDERESSES, ayant toutes trois élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
* 1- La Fondation de droit du Liechtenstein « D », créée le 22 juillet 2021 et enregistrée le 23juillet 2021 sous le numéro xxx, ayant son siège social à Vaduz (Liechtenstein), et son bureau de représentation sis x4 (Liechtenstein), administrée par E domicilié à Road Town (Iles Vierges Britanniques) et a.F domicilié à Triesen (Suisse) ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA et Maître Richard MULLOT, avocats-défenseurs près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Frédéric de BAETS, avocat au barreau de Nice ;
* 2- n.G, né le jma à Sillamae (Estonie), de nationalité estonienne, demeurant x5 à Monaco ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
* 3- v B épouse H, née le 10 août 1955 à Kertch (Russie), de nationalités russe et estonienne, demeurant x5 à Monaco ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Frédéric de BAETS, avocat au barreau de Nice ;
* 4- s.H, née le jma à Kaliningrad (Russie), de nationalité russe, demeurant x6 à Jurmala (Lettonie), agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de sa fille mineure n.H ;
INTERVENANTE VOLONTAIRE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître William JULIÉ, avocat au barreau de Paris ;
d'autre part ;
En présence de :
* Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL, près la Cour d'Appel, séant en son Parquet, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE,
* Maître Henry REY, Notaire à Monaco, demeurant 2 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;
ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
* Maître Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire à Monaco, demeurant 31 boulevard Charles III à Monaco ;
NON COMPARANTE, NI REPRÉSENTÉE,
Visa
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 27 octobre 2021, enregistré (n° 2022/000209) ;
Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 6 octobre 2022 ayant déclaré sa compétence territoriale pour statuer sur le présent litige, rejeté comme non fondée la demande de l.A épouse B, e B, v B épouse I de communication de pièces par la Fondation de droit du Liechtenstein « D », dit que la demande d'expertise graphologique du testament olographe du 21 octobre 2019 relève de la juridiction du fond, rejeté à ce stade de la procédure la demande d'expertise graphologique formée par les parties et les demandes d'indemnisation des préjudices et des frais de procédure, renvoyé l'affaire à la mise en état dématérialisée du 8 novembre 2022 aux fins de fixation d'un nouveau calendrier et réservé les dépens ;
Vu l'arrêt de la Cour d'appel en date du 13 février 2024 ayant notamment confirmé le jugement déféré en ce qu'il se déclare territorialement compétent pour statuer sur le présent litige ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de l.A veuve B, e B épouse C et v B épouse I, en date du 17 mai 2024 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 mai 2024 ;
À l'audience publique du 6 juin 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 octobre 2024, par mise à disposition au Greffe.
Motifs
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte d'huissier en date du 27 octobre 2021, l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I ont assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco la Fondation de droit du Liechtenstein « D », n.G, v B épouse H en présence de Monsieur le Procureur Général, de Maître Henry REY et Maître Magali CROVETTO-AQUILINA et demandent à la juridiction de :
* • Les accueillir en leur demande de faux civil concernant le testament olographe du 21 octobre 2019 déposé au rang des minutes de Maître CROVETTO-AQUILINA le 4 août 2021 ;
* • Déclarer faux le testament olographe du 21 octobre 2019 susmentionné avec toutes conséquences de droit ;
* • Ordonner la mention du jugement à intervenir en marge de la déclaration d'inscription de faux ainsi que de la photocopie et de l'original de la pièce litigieuse, lesquels seront conservés au Greffe et demeureront annexés à la déclaration d'inscription de faux ;
À défaut pour le Tribunal de constater lui-même la falsification,
* • Ordonner une expertise graphologique du testament olographe du 21 octobre 2019 et désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal pour effectuer la mission suivante :
* • Déterminer si le prétendu testament a été intégralement écrit de la main de feu o.J au vu des documents qui lui seront fournis dont spécifiquement au vu de l'original du carnet de l'ensemble des pages du carnet dans lequel figure ledit testament ;
* • Déterminer si le prétendu testament a été signé de la main de feu o.J ;
* • Déterminer si le prétendu testament a été daté par feu o.J ;
* • Déterminer si le prétendu testament a été intégralement rédigé à la même date ;
* • Et procéder à toutes vérifications nécessaires ;
* • Dire que l'expert pourra s'adjoindre les services de tout praticien et notamment tout traducteur ou interprète russophone ;
* • Ordonner la communication par Maître CROVETTO-AQUILINA de l'original du testament ainsi que de l'original du carnet de notes déposé en son étude, duquel a été extrait ledit testament ;
Subsidiairement,
* • Déclarer nul le premier legs consenti au sein du prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ainsi que la charge dont il est assorti ;
* • Déclarer nul le second legs, legs à titre particulier, consenti au sein du prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ;
* • Dire et juger que la nullité de l'ensemble des legs affecte la nullité de l'acte lui-même et ce, avec toutes conséquences de droit ;
En tout état de cause,
* • Condamner les défendeurs aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Par jugement en date du 6 octobre 2022, le Tribunal, statuant sur incident, a :
* • Déclaré sa compétence territoriale pour statuer sur le présent litige ;
* • Rejeté comme non fondée la demande de l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I de communication de pièces par la Fondation de droit du Liechtenstein « D » ;
* • Dit que la demande d'expertise graphologique relève de la juridiction du fond ;
* • Rejeté à ce stade de la procédure la demande d'expertise graphologique ;
* • Rejeté à ce stade de la procédure les demandes d'indemnisation des préjudices et des frais de procédure ;
* • Renvoyé l'affaire à la mise en état dématérialisée ;
* • Réservé les dépens.
Par arrêt du 13 février 2024, la Cour d'appel a confirmé la compétence territoriale du Tribunal de première instance de Monaco.
Par conclusions récapitulatives du 17 mai 2024, l.A épouse B, e K épouse C, v B épouse I demandent au Tribunal de :
À titre liminaire,
* • Dire et juger que les époux G ont abandonné l'exception de nullité de l'action qui a été couverte par application de l'article 264 du Code de procédure civile ;
* • Déclarer valable et recevable l'action et la demande d'inscription de faux formée par devant le Greffe Général le 25 octobre 2021 pour le compte de l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I à l'encontre du prétendu testament du 21 octobre 2019 ;
À titre principal,
* • Accueillir l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I en leur demande de faux civil concernant le testament olographe du 21 octobre 2019 déposé au rang des minutes de Maître CROVETTO-AQUILINA le 4 août 2021 ;
* • Déclarer faux le testament olographe du 21 octobre 2019 avec toutes conséquences de droit ;
* • Ordonner la mention du jugement à intervenir en marge de la déclaration d'inscription de faux, ainsi que de la photocopie et de l'original de la pièce litigieuse, lesquels seront conservés au Greffe et demeureront annexés à la déclaration d'inscription de faux ;
À défaut pour le Tribunal de constater lui-même la falsification,
* • Ordonner une expertise graphologique du testament olographe du 21 octobre 2019 et désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal pour effectuer la mission suivante :
* • Déterminer si le prétendu testament a été intégralement écrit de la main de feu o.J au vu des documents qui lui seront fournis dont spécifiquement au vu de l'original du carnet de l'ensemble des pages du carnet dans lequel figure ledit testament ;
* • Déterminer si le prétendu testament a été signé de la main de feu o.J ;
* • Déterminer si le prétendu testament a été daté par feu o.J ;
* • Déterminer si le prétendu testament a été intégralement rédigé à la même date ;
* • Et procéder à toutes vérifications nécessaires ;
* • Dire que l'expert pourra s'adjoindre les services de tout praticien et notamment tout traducteur ou interprète russophone ;
* • Dire que le document argué de faux pourra faire l'objet d'analyses techniques en laboratoire ;
* • Dire que les parties pourront assister à l'expertise accompagnées de tout sapiteur de leur choix ;
* • Ordonner la communication par Maître CROVETTO-AQUILINA de l'original du testament ainsi que de l'original du carnet de notes déposé en son étude, duquel a été extrait ledit testament ;
Subsidiairement,
Sur le legs universel,
* • Dire et juger que seule la Fondation de droit du Liechtenstein « D » peut se prévaloir du legs universel contenu dans le prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ;
* • Dire et juger que le prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ne contient aucun legs universel au profit des époux G ;
* • Dire et juger que les époux G n'ont pas la qualité de légataires universels de feu o.J ;
* • Prononcer la nullité du legs universel consenti au sein du prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ainsi que la charge dont il est assorti, avec toutes conséquences de droit ;
À défaut,
* • Dire et juger que la Fondation de droit du Liechtenstein « D » est incapable de recueillir le legs universel ;
* • Prononcer la caducité du legs universel consenti au sein du prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ainsi que la charge dont il est assorti, avec toutes conséquences de droit ;
À défaut,
* • Dire et juger que la Fondation de droit du Liechtenstein « D » a répudié le legs avec toutes conséquences de droit ;
* • Prononcer la caducité du legs universel consenti au sein du prétendu testament olographe du 21 octobre 2019 ainsi que la charge dont il est assorti, avec toutes conséquences de droit ;
Sur le legs particulier,
* • Prononcer la nullité du legs à titre particulier, consenti au sein du prétendu testament olographe du 21 octobre 2019, avec toutes conséquences de droit ;
* • Dire et juger que la nullité de l'ensemble des legs affecte la nullité de l'acte lui-même et ce avec toutes conséquences de droit ;
À titre infiniment subsidiaire,
* • Ordonner la jonction de l'instance avec l'affaire n° 2022/000223 ;
En tout état de cause,
* • Prononcer la réduction de toute libéralité qui pourrait porter atteinte à la réserve héréditaire des consorts B, notamment les éventuelles libéralités au profit des époux G ou de la Fondation de droit du Liechtenstein « D » ;
* • Condamner in solidum v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » à leur payer la somme de 50.000 euros chacune au titre des frais non compris dans les dépens ;
* • Condamner les défendeurs aux dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défendeur, sous sa due affirmation.
Par conclusions récapitulatives en date du 9 juin 2022, v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » demandent au Tribunal de :
* • Débouter s.H de sa demande d'exception d'incompétence des juridictions monégasques au profit des juridictions lettones ;
* • Débouter l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I de leur demande d'incident de communication de pièces ;
* • Ordonner une expertise graphologique du testament olographe de feu o.J en date du 21 octobre 2019 déposé au rang des minutes de Maître CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco le 4 août 2021 ;
* • Désigner tel collège d'experts qu'il plaira au Tribunal pour effectuer la mission suivante :
* • Déterminer si le testament olographe de feu o.J en date du 21 octobre 2019 est écrit intégralement de sa main ;
* • Déterminer si le testament olographe de feu o.J en date du 21 octobre 2019 est signé et daté de la main d'o.J ;
* • Procéder à toutes les vérifications nécessaires permettant de s'assurer de l'authenticité du testament olographe d'o.J du 21 octobre 2019 ;
* • Dire que le collège d'experts pourra se faire assister de tout sapiteur et notamment d'interprète-traducteur en langue russe et au besoin, d'expert graphologue en caractères cyrilliques ;
* • Dire que le collège d'experts pourra se faire remettre ou présenter tous les documents originaux de la main de feu o.J en ce compris ceux versés dans les procédures pénales en cours d'instruction à Monaco ;
* • Dire que le collège d'experts devra déposer son rapport définitif dans le délai de trois mois maximum à compter de leur acceptation de cette mission ;
* • Dire que ce rapport définitif devra être précédé du dépôt d'un pré-rapport ;
* • Prescrire le dépôt aux mains du greffier du testament olographe de feu o.J du 21 octobre 2019 déposé au rang des minutes de Maître CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco le 4 août 2021 par application des dispositions de l'article 285 du Code de procédure civile ;
* • Dire que les frais et honoraires d'expertise seront à la charge solidaire de l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I et qu'à défaut pour elles de les régler, la Fondation de droit du Liechtenstein « D », v B épouse H et n.G y procéderont ;
En toute hypothèse,
* • Condamner conjointement et solidairement l.A épouse B, e B épouse C et v B épouse I au paiement d'une somme de 200.000 euros de dommages et intérêts pour abus de droit ;
* • Renvoyer les parties au fond en maintenant le calendrier procédural fixé avec toutes conséquences de droit ;
* • Assortir la décision à venir de l'exécution provisoire en vertu de l'article 202 du Code de procédure civile ;
* • Condamner tout contestant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA et Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne.
* Par conclusions récapitulatives en date du 17 juin 2022, s.H agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de sa fille mineure n.H demande au Tribunal de :
* • Juger que les juridictions monégasques ne sont pas compétentes en raison de ce que le principal établissement du défunt n'était pas situé à Monaco mais en Lettonie ;
* • Se déclarer incompétent au profit des juridictions lettones ;
* • Ordonner la communication par la Fondation de droit du Liechtenstein « D » de ses statuts annexes, ainsi que tout autre document utile permettant de déterminer qui en sont les fondateurs et les bénéficiaires effectifs ;
* • Donner acte à s.H qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'expertise graphologique ;
* • Condamner tout contestant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ;
* • Ordonner l'exécution provisoire du jugement à venir.
Par conclusions du 2 juin 2022, Maître Henry REY, notaire demande au Tribunal de :
* • Lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice quant à la décision à intervenir ;
* • Condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
À l'audience du 6 juin 2024, les conseils des parties ont plaidé l'affaire qui a été mise en délibéré au 3 octobre 2024.
SUR CE,
Il convient de rappeler que dans le jugement du 6 octobre 2022, le Tribunal a tranché sa compétence territoriale et l'incident de communication de pièces soulevée par les demanderesses.
Dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 13 février 2024, la compétence territoriale a été confirmée.
En conséquence, les débats sur la compétence de la juridiction n'ont plus lieu d'être puisque la décision sur ce point a autorité de la chose jugée.
De même, le Tribunal a tranché la question des documents demandés à la Fondation de droit du Liechtenstein « D » qui est devenue sans objet.
* Sur la demande de faux civil de l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I
Le 25 octobre 2021, l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I ont formé une déclaration d'inscription de faux à l'encontre du prétendu testament du 21 octobre 2019 par devant le Greffe général. L'acte de déclaration d'inscription de faux a été rédigé le même jour.
Le Tribunal n'est plus saisi d'une demande de nullité de la procédure d'inscription de faux. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point, étant précisé qu'il est établi que la procédure a été faite en application des articles 290 et suivants du Code de procédure civile.
* Sur la demande de l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I de voir déclaré faux le testament olographe de feu o.J du 21 octobre 2019
Sur l'instruction du faux civil, l'article 294 du Code de procédure civile, indique « qu'il sera procédé pour l'instruction de l'affaire comme il est dit aux articles 279 à 286 inclusivement ».
L'article 279 du même code indique que « lorsque soit sur une demande principale en reconnaissance d'écritures, soit au cours d'une instance, l'une des parties déniera ou déclarera ne pas reconnaître l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé, le tribunal de première instance statuera immédiatement, s'il possède des éléments d'appréciation suffisants ».
L'article 281 du même code précise que « si le Tribunal ne trouve ni dans les réponses et moyens des parties, ni dans les documents produits par elles, ni dans les corps d'écriture que le président a le droit de dicter des éléments suffisants pour établir sa conviction, il pourra ordonner la vérification par experts de l'écriture déniée ou méconnue. Dans ce cas, il déterminera les écrits qui devront servir de pièces à conviction ».
De l'articulation des dispositions précitées, il ressort qu'avant d'ordonner l'expertise graphologique du testament de feu o.J du 21 octobre 2019, le Tribunal doit vérifier, au vu de tous les éléments fournis par les parties, s'il est en mesure d'apprécier l'authenticité du testament.
o.J avait rédigé le 8 janvier 2004 un testament au terme duquel il nommait Loudmila B, son épouse, fiduciaire testamentaire de sa succession, à défaut ses deux filles e B et v B. Il « donne et lègue à son fiduciaire tous ses biens meubles et immeubles de quelque nature qu'ils soient et où qu'ils se trouvent ».
Si le testament olographe du 21 octobre 2019 venait à être déclaré authentique, il privit les fiduciaires désignés en 2004 du bénéfice du testament.
Le 20 mars 2024, Maître GRIMAUD-PALMERO a établi un procès-verbal en l'étude de Maître CROVETTO-AQUILINA consistant à photographier toutes les pages d'un carnet appartenant à o.J dans lequel figurent des volontés du défunt caractérisant un testament olographe.
Il a été indiqué au Tribunal que les juridictions russes ont d'ores et déjà considéré comme authentique le testament d'o.J du 21 octobre 2019. Le 28 octobre 2022, la juridiction de première instance de Moscou a effectivement fait droit à la demande testamentaire, cette décision a été confirmée le 4 avril 2023 et le 8 août 2023.
Cependant, la Cour suprême de la Fédération de Russie a annulé le jugement et les autres décisions dans leur intégralité et a renvoyé l'affaire pour un nouveau procès devant le Tribunal de première instance. Il n'y a donc pas à ce jour de décision définitive russe reconnaissant l'authenticité du testament du 21 octobre 2019.
Le « testament » rédigé en cyrillique, langue natale d'o.J, a été traduit par un expert assermenté auprès de la Cour d'appel de Paris, traduction produite par v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » en pièce 41 et ainsi rédigé :
* Page 27
« Je, o l J, passeport xxx délivré le 12 mars 2009 à Moscou par le Service Fédéral de Migration, département de l'arrondissement Tverskoï de Moscou,
Lègue toute ma fortune et notamment les sommes d'argent sur mes comptes personnels, sur les comptes de mes sociétés, toutes les actions, parts et titres dont je suis propriétaire, les biens immobiliers, véhicules ou autres valeurs au Fonds des G v et n, pour effectuer tous les paiements et notamment ceux des besoins vitaux de la famille T U,
Page 28 (suite) Sonia Shevtsova (à elle 10 millions de dollars, famille Altshuller
Transmettre le Yacht « Perle Noire » aux G n et v L
Le 21 octobre 2019 / Signature ».
Pour trancher la question de l'authenticité du testament du 21 octobre 2019, le Tribunal dispose à la procédure des éléments suivants :
* En pièce 25, les demanderesses communiquent un rapport préliminaire du 16 septembre 2021 sur l'examen du testament effectué par f.M, spécialisée dans l'examen scientifique des documents et de l'écriture manuscrite. Pour donner son avis sur l'authenticité du testament, cette experte a eu à sa disposition une copie photographique du testament olographe tirée du carnet, une traduction ligne par ligne du prétendu testament du russe à l'anglais et une liasse de documents contenant ce que les membres de la famille pensent être des échantillons authentiques de sa signature et de son écriture, datant de 1991 à 2021.
* Son avis est ainsi rédigé « Mon examen préliminaire d'une copie du prétendu testament soulève de sérieuses inquiétudes quant à l'authenticité du testament. Le changement de style d'écriture peut être le fait de plus d'un rédacteur. Il existe des preuves indiquant que tous les détails du prétendu testament n'ont pas été écrits en même temps et la disposition des deux pages du prétendu testament (…) n'était pas à la vue du rédacteur et pourrait donc faire partie d'un document différent. La meilleure preuve proviendra toujours de l'examen des documents originaux, car des informations et des détails importants seront masqués lors du processus de copie. Par conséquent, afin d'évaluer pleinement la signification de ces conclusions, il est essentiel d'examiner le carnet original contenant le prétendu testament ».
* En pièce 45, les demanderesses fournissent une autre expertise émanant de m.N experte à la Cour d'appel de Toulouse qui a travaillé sur une copie du testament et conclut dans son rapport du 12 décembre 2021 « avec les réserves inhérentes à l'étude de documents en copie :
Aucun examen physique du document n'a été réalisé dès lors qu'il s'agit d'un support en copie numérique. L'examen physique est pourtant indispensable pour mettre en évidence les altérations du support, caractériser les encres et révéler certains types de faux,
Sur l'étude comparative des signatures :
la qualité du trait de la signature des questions est difficile à apprécier compte tenu de la faible résolution du document soumis à l'étude. Le crénelage (aspect en escalier) masque les éventuelles altérations (reprise, interruption, tremblement) révélatrices de faux,
un faciès de type complexe difficile à imiter,
des similitudes nombreuses mais aussi des dissemblances importantes dont certaines sont significatives entre la signature en question et les signatures d'o.J. Les dissemblances significatives s'observent au niveau de la construction et du positionnement relatif,
l'étude formelle a également mis en évidence des similitudes nombreuses mais aussi des formes absentes des signatures de comparaison d'o.J en dépit d'une palette graphique variable et fournie,
Sur l'étude comparative des écritures :
L'étude des caractères généraux a mis en évidence des similitudes nombreuses mais aussi quelques discordances entre l'écriture du testament et celle d'o.J,
L'étude formelle non pertinente en raison de l'absence d'éléments techniques due à la faible résolution des supports n'a pas été conduite,
Ces résultats autorisent la formulation de fortes présomptions d'origine différente concernant la signature du testament litigieux et o.J ; ils ne permettent pas de se prononcer concernant l'écriture du testament litigieux ».
* En pièce 39, v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » communiquent l'avis d'i.O, graphologue, experte en écritures à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence émis le 29 novembre 2021 qui a travaillé par examen de l'original des pages du carnet d'o.J dans lesquelles figurent les dispositions testamentaires. Elle a pu avoir accès à cet original en l'étude de Maître CROVETTO-AQUILINA, notaire à Monaco. Elle a procédé par comparaison avec de nombreux échantillons d'écritures et de signatures du défunt. L'experte conclut « avec la réserve due à la difficulté d'identification des lettres (le testament étant rédigé en russe) » de la façon suivante :
« les mentions manuscrites du prénom et du nom paraissent compatibles,
certains chiffres présentent également des points de concordance probants,
ces mentions émanent très vraisemblablement de la même main que les écrits de comparaison C observés au nom d'o.J,
les points de convergence très nombreux et signifiants relevés dans la structure des signatures en présence et l'absence de points de divergence probants nous amènent à conclure que la signature du testament porté sur le 34ème page au verso du carnet de notes/journal de Monsieur o.J émane de la même main que les spécimens de signature de comparaison C observés au nom d'o.J ».
* En pièce 40 bis, v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » communiquent l'avis d'un expert s.P qui a étudié une copie du testament litigieux et a conclu le 27 octobre 2021 en ces termes : « le texte manuscrit sur la photocopie du testament à expertiser (sur support papier) au nom de o.Q du 21 octobre 2019 situé sur la page n° 27 recto verso du carnet portant le logo « R » a été écrit par o.Q l lui-même (…). La signature au nom de o.Q l sur la photocopie du testament à expertiser (sur support papier) au nom de o.Q l du 21 octobre 2019, située sur le côté verso de la page n° 27 du carnet portant le logo « R » a été apposée par o.Q l lui-même ».
* En pièce 87B, v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » communiquent une expertise datant du 24 août 2022 de S, experte russe, qui a fait exactement les mêmes conclusions que s.P en octobre 2021.
Sur l'ensemble de ces éléments visant à établir que le testament est authentique ou faux, le Tribunal relève que :
* • Il y a de nombreuses divergences de points de vue entre les experts consultés amiablement :
* • Les demanderesses fournissent en pièce 145 les observations de f.M sur le rapport d'i.O. f.M considère que la signature du prétendu testament présente trop de caractéristiques qui ne correspondent pas à la vaste gamme de variations naturelles que l'on trouve dans les signatures de référence pour autoriser un expert à conclure à l'authenticité. Elle évoque le fait que tout falsificateur de signature s'efforce à la ressemblance et qu'il est donc normal, y compris avec un faux qu'il y ait des similitudes. Elle réitère à ce titre qu'elle ne peut exclure la possibilité que la signature d'o.J sur le testament soit un faux réalisé par une personne familière avec la signature connue d'o.J ;
* • i.O a répondu sur les observations de f.M, le 30 mai 2024 en indiquant qu'elle avait vérifié la similitude des échantillons de signatures pour les sélectionner dans l'exercice de comparaison avec la signature sur le testament. Elle conteste l'affirmation de Madame M selon laquelle la forme et les proportions de la boucle ovale majeure qui traverse le haut de la signature d'o.J de la signature figurant sur le testament ne correspondent à aucune de ces caractéristiques figurant sur les signatures de référence. Elle précise d'ailleurs que les différences entre les signatures existent d'autant plus en l'espèce que la signature d'o.J présente un déroulement graphique long et complexe. Elle confirme comme « tout à fait improbable la présence d'une contrefaçon, comme nous l'avons largement démontré » ;
* • Le rapport de s.P a été critiqué par f.M qui considère que le fait de travailler sur une copie et non sur l'original d'un document génère un aléa que n'évoque pas s.P qui a en outre tendance, selon elle, à ne retenir que les similitudes et non les divergences pour conclure à l'authenticité ;
* • Certains experts eux-mêmes émettent des réserves sur leur propre analyse :
* • Ainsi, f.M considère que la preuve de la nullité proviendra davantage de l'examen de l'original du carnet que d'une copie ;
* • m.N n'a pu faire un examen physique du document qu'elle considère pourtant comme indispensable pour révéler certains faux. Elle souligne que son travail d'analyse est complexifié par la faible résolution du document qui lui est soumis ;
* • i.O qui a travaillé sur l'original mentionne des difficultés d'identification des lettres compte tenu de la langue de rédaction ;
* • Il existe dans le testament une difficulté particulière sur laquelle les avis divergent et le Tribunal va devoir y répondre s'il devait mettre en application le testament.
Le texte comporte un ajout du mot « également » écrit en cyrillique, langue natale du testateur. Le de cujus a écrit « demande que toute ma fortune sous forme de dépôts en argent sur mes comptes et ceux de mes sociétés d'actions qui m'appartiennent, des parts, bonus, d'immobilier, d'automobiles et autres objets de valeur, soit versée à la Fondation de Monsieur et Madame G v et n, d'où seront effectués « également » des paiements pour répondre aux besoins vitaux de la famille « T U, s.V (pour elle 10 millions), W ».
f.M considère que cet ajout est de nature à conforter ses doutes sur l'authenticité.
Une analyse sémantique du Professeur X du 22 février 2022, fournie en pièce 49 des demanderesses, explique que l'ajout du mot « aussi » ou « également » a pour effet de modifier la portée des dispositions testamentaires. Il prend ainsi l'exemple de l'expression « je lui ai donné de l'argent pour les livres » et « je lui ai donné de l'argent aussi pour les livres ». Les deux expressions n'ont pas le même sens par le seul ajout du mot « aussi ».
En l'espèce, selon ce professeur, avant que le mot « aussi » ait été incorporé dans le texte, l'affectation des versements provenant du fonds des G pour subvenir aux besoins de la famille « T U, s.V (pour elle 10 millions), W » était unique. Après que le mot ait été ajouté, l'affectation des versements n'est plus unique, l'auteur a eu l'idée d'une affectation ou plusieurs affectations en plus. Ceci est de nature à engendrer une incertitude sur l'usage des ressources investies dans ce fonds, conduisant le professeur à suggérer que le testament n'est qu'un projet, « l'auteur n'a pas finalisé l'expression de sa volonté et le texte n'exprime pas d'une façon définitive la volonté de l'auteur ».
Le Tribunal relève sur cette question que la traduction assermentée du testament faite par n.Y le 29 octobre 2021 mentionne « notamment » et non « également ».
Les demanderesses fournissent un extrait du site « reverso » ayant traduit le mot cyrillique « ТаКЖе » dans le sens de « aussi ».
La question de cet ajout, par o.J ou non, se pose effectivement et seule l'analyse physique du document devrait permettre la datation de cet ajout par rapport au texte initial.
En pièce 70, les consorts G communiquent une consultation juridique de février 2022 de t.Z, professeur de droit, saisi de la question de l'interprétation du testament, qui traduit la formule du testateur ainsi : « d'où seront également effectués des paiements pour répondre aux besoins vitaux de la famille… ».
Le Tribunal considère qu'une traduction officielle du testament dans un cadre judiciaire s'impose.
* • Différentes copies du testament existent et ne sont pas identiques, de sorte qu'il est indispensable que l'analyse du testament litigieux soit faite exclusivement sur l'original détenu en l'étude de Maître CROVETTO-AQUILINA.
* • Les parties n'ont pas été à égalité s'agissant des moyens de preuve dont elles disposaient. Il est établi, en effet, que les mandataires des époux G et leur expert i.O ont eu accès au document original en l'étude de Maître CROVETTO-AQUILINA, en sa présence alors que ce notaire a, par ailleurs, rejeté la demande de l.A épouse B, e B épouse C, v B épouse I d'accéder au document pour expertise.
* Le conseil des consorts G en a d'ailleurs tiré argument en ce qu'il indique que les conclusions de l'expert KIEFFER « ne peuvent sérieusement être remises en question par les rapports critiques des autres experts qui n'ont pas vu l'original ».
* • Les expertises amiables ont été réalisées sans la collaboration d'un traducteur de la langue cyrillique, alors qu'il est indispensable dans la perspective d'une mise en oeuvre éventuelle du testament que la volonté de son auteur soit traduite fidèlement. Un des experts intervenu a effectivement souligné cette difficulté de réaliser une expertise graphologique d'un document rédigé en cyrillique. Le Tribunal aura nécessairement besoin de la traduction exhaustive en langue française par expert assermenté du testament rédigé en langue cyrillique.
* • Le contexte général qui entoure ce carnet justifie également que son authenticité soit vérifiée. En effet, s.H, la dernière compagne, relate dans une attestation qu'elle a trouvé ce carnet un jour au domicile en 2019 alors qu'o.J venait de quitter les lieux pour se rendre à Monaco. Elle a lu ce carnet et indique qu'il y avait une courte note manuscrite qui indiquait approximativement que « o l mettra son argent dans une certaine fondation d'où les paiements seront effectués afin de satisfaire aux besoins de ses parents éloignés avec qui ils n'avaient pas de contact ». Elle ajoute « la note disait à propos de moi « 10 millions de dollars américains » et « le yacht la perle noire sera transféré à v et n ».
Elle précise « j'ai le souvenir que la note était visuellement propre, sans ajouts ou corrections ». Elle a rangé ce carnet et o.J ne lui en a jamais reparlé. Ce carnet a été récupéré par n.G après le décès d'o.J le 22 juin 2021, s.H lui avait envoyé les clés de l'appartement de Riga pour qu'il accède au coffre avec un serrurier.
Il découle de cela que plusieurs personnes à cette procédure ont eu accès au carnet avant qu'il ne soit confié au notaire et qu'il importe de vérifier si le texte a fait l'objet d'ajouts ou de corrections postérieurement à sa rédaction initiale.
L'impact du testament litigieux sur les droits de successions de chacune des parties au litige justifie que le Tribunal puisse disposer de conclusions d'experts complètes, objectives, réalisées sur le document original et accompagnées d'analyses techniques sur le document lui-même.
En conséquence de tout cela, le Tribunal considère que les éléments qui lui sont fournis par chaque partie pour apprécier l'authenticité du Tribunal ne sont pas suffisamment probants.
Il est nécessaire de réaliser une expertise dans un cadre judiciaire du testament olographe d'o.J en date du 21 octobre 2019 inséré dans le carnet du de cujus actuellement détenu par le notaire.
Le Tribunal désigne pour ce faire, un expert graphologue pour effectuer la mission qui sera détaillée dans le dispositif. Si l'expert a pour mission principale de s'exprimer sur l'authenticité, il devra également faire traduire fidèlement le « testament » et dira si les difficultés de traduction peuvent conduire à des interprétations différentes en s'adjoignant un sapiteur en sémantique.
Le Tribunal sursoit à statuer sur l'ensemble des autres demandes et dit que l'affaire sera réinscrite au rôle à la première audience utile du Tribunal, à la diligence du greffe des expertises.
Le Tribunal réserve les dépens de la présente instance.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement
avant-dire-droit contradictoire, et en premier ressort,
Rappelle que la compétence territoriale de la présente juridiction pour le présent litige a autorité de la chose jugée ;
Rappelle que la demande de communication de pièces par la Fondation de droit du Liechtenstein « D » est sans objet pour avoir déjà été tranchée ;
Dit que la demande de jonction de la présente instance avec l'affaire enrôlée sous le n° 2022/000223 est sans objet, cette dernière ayant déjà été jugée ;
Donne acte à v B épouse H, n.G et la Fondation de droit du Liechtenstein « D » qu'ils ne sollicitent plus la nullité de la procédure d'inscription de faux ;
Constate que la preuve de l'authenticité du testament olographe du 21 octobre 2019 n'est pas rapportée ;
Avant dire droit,
Ordonne une expertise dudit « testament » olographe du 21 octobre 2019 attribué à o.J ;
Ordonne à Maître Magali CROVETTO-AQUILINA de déposer le carnet en sa possession au Greffe général qui lui délivrera récépissé ;
Désigne en qualité d'expert, Sylvie CAMPSERVEUX domiciliée 125 Rue de l'Hostellerie Immeuble VIAEXPERTS à Nîmes (30 900) (sylvie. campserveux@gmail. com) dont la mission est la suivante :
* Se faire remettre par le greffier du Tribunal, le carnet d'o.J dans lequel est inséré les pages constituant le testament litigieux ;
* Détailler le contexte général du carnet et les pages concernées par la rédaction de volontés émanant d'o.J et préciser notamment si des pages du carnet ont pu être arrachées ;
* Interroger les parties sur « l'histoire » de ce carnet : qui en avait connaissance, où était-il entreposé, qui avait accès à ce carnet avant et après le décès d'o.J ;
* Préciser, en lien avec les parties qui a pu détenir ce carnet, y compris Maître CROVETTO-AQUILINA, si des ajouts extérieurs ont été effectués par un ou des détenteurs ;
* S'adjoindre un sapiteur en langue russe, alphabet cyrillique, afin de traduire fidèlement le « testament » et dire si des difficultés de traduction peuvent conduire à des interprétations différentes avec un sapiteur en sémantique sur les interprétations possibles ;
* Déterminer précisément par des analyses techniques du « testament » les conditions de sa rédaction, par un ou plusieurs auteurs, avec une ou plusieurs encres, à la même date ou à des dates différentes ;
* Se procurer auprès des parties des échantillons de signatures d'o.J s'échelonnant sur plusieurs années, avant et après 2019 afin de déterminer la signature de référence d'o.J ;
* Déterminer par des analyses graphologiques si le « testament » est écrit intégralement de la main d'o.J ;
* Déterminer par des analyses graphologiques si le « testament » est signé et daté de la main d'o.J par référence à l'échantillonnage ;
* Analyser particulièrement les mentions qui sont susceptibles d'avoir été ajoutées au texte général et indiquer si elles ont été faites par un tiers ou par l'auteur lui-même, en octobre 2019 ou postérieurement ;
* Procéder à toute recherche utile pouvant éclairer le tribunal sur l'authenticité ou non de ce texte ;
* Procéder à toute recherche ou analyse utile permettant d'éclairer la juridiction sur l'interprétation du testament ;
Impartit à l'expert ainsi commis un délai de HUIT JOURS pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le Greffe Général ;
Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, le même expert déposera au greffe général un rapport écrit de ses opérations dans les QUATRE MOIS du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance ;
Ordonne que les frais d'expertise seront avancés par l.A épouse B, e B, v B épouse I, lesquelles seront tenues de verser une provision à l'expert de 10.000 euros ;
Commet Catherine OSTENGO, Juge, à l'effet de suivre les opérations d'expertise ;
Dit qu'en cas d'empêchement du Magistrat commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;
Dit que l'affaire sera rappelée après dépôt du rapport d'expertise, à la première audience utile du Tribunal, à la diligence du greffe des expertises qui en avisera les parties par lettre simple, sans qu'il y ait lieu à nouvelle assignation ;
Sursoit à statuer sur les autres demandes ;
Réserve les dépens en fin de cause ;
Composition
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 3 OCTOBRE 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Alexia BRIANTI, Premier Juge, Madame Catherine OSTENGO, Juge, assistées, de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.
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