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15/05/2024 | MONACO | N°30499

Monaco | Tribunal de première instance, 15 mai 2024, La Société Anonyme Monégasque B. c/ La société par actions simplifiée de droit français dénommée L.


Abstract

Ordonnances présidentielles – Rétractation (oui) – Effets

Résumé

L'ordonnance présidentielle du 6 décembre 2023 a autorisé, sur le fondement de l'article 300-1 du Code de procédure civile, la SAS L. à mandater un huissier aux fins de mener dans les locaux de la SAM J. diverses opérations visant à établir les fabricants opérationnels sous-traitants des produits commercialisées sous les noms « A » et « D » auprès desquels la SAM J. se fournit, investiguer les supports informatiques pour déterminer les quantités vendues et le chiffre d'affair

es en découlant.

L'ordonnance du 8 janvier 2024 a régularisé une erreur matérielle conten...

Abstract

Ordonnances présidentielles – Rétractation (oui) – Effets

Résumé

L'ordonnance présidentielle du 6 décembre 2023 a autorisé, sur le fondement de l'article 300-1 du Code de procédure civile, la SAS L. à mandater un huissier aux fins de mener dans les locaux de la SAM J. diverses opérations visant à établir les fabricants opérationnels sous-traitants des produits commercialisées sous les noms « A » et « D » auprès desquels la SAM J. se fournit, investiguer les supports informatiques pour déterminer les quantités vendues et le chiffre d'affaires en découlant.

L'ordonnance du 8 janvier 2024 a régularisé une erreur matérielle contenue dans l'ordonnance du 6 décembre 2023.

L'huissier instrumentaire a réalisé sa mission le 18 janvier 2024 au cours de laquelle il a saisi dans les locaux de la SAM J. de nombreux documents et fichiers, relevant notamment du secret des affaires.

L'article 300-1 du Code de procédure civile dispose que : « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête, lorsque les circonstances exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, ou en référé ».

La requête aux fins de mesure d'instruction déposée le 1er décembre 2023 par la SAS HORUS PHARM A mentionne en page 7, s'agissant des mesures qu'elle sollicite « les mesures sont de deux ordres : la première a pour objet d'obtenir des informations sur l'identité et les coordonnées du fabricant opérationnel des produits « A » et « D » (…) la seconde a pour objet de connaître l'étendue des actes de contrefaçon réalisés ».

Il est clairement écrit dans la requête elle-même que les opérations sollicitées sont en lien direct avec une suspicion de contrefaçon de la part de la SAM J.

Les opérations sollicitées par la requérante à la mesure d'instruction visent à rechercher l'origine des produits « A » et « D » commercialisés par la SAM J., les fichiers devant permettre de mieux appréhender l'origine de ces produits, ce qui est de nature à éclairer sur une éventuelle contrefaçon. La fabrication de ces produits ne se fait pas dans les locaux de la SAM J. et la SAS L. est déjà en possession d'échantillons des produits qu'elle considère comme contrefaits, d'où le fait que les opérations ne visent pas matériellement les produits mais plus généralement, tous éléments visant à éclairer sur le processus de fabrication permettant d'établir la réalité de la contrefaçon.

Il découle de ces éléments que la procédure engagée par la société HORUS à l'encontre de la SAM J. vise à réunir des éléments permettant de démontrer directement ou indirectement des faits de contrefaçon. À ce titre, seules les dispositions de la loi n° 606 s'appliquent et la requête engagée par la SAS L. ne pouvait l'être sur le fondement du texte général du Code de procédure civile, en l'occurrence l'article 300-1 du Code de procédure civile.

Si l'article 50 de la loi sur les brevets d'invention évoque effectivement des opérations sur les produits, il n'exclut pas explicitement toute opération visant à établir l'origine des produits et notamment le processus de fabrication en lien avec une suspicion de contrefaçon.

Le recours au texte général est clairement moins exigeant pour la requérante que le texte spécifique qui fixe un cadre et des délais d'action contraints.

Le juge considère que la volonté de la SAS L. de contourner la procédure exigeante de la loi n° 606 liée au domaine particulier des brevets d'invention, au profit de l'article 300-1 du Code de procédure civile moins contraignant, est établie.

Les ordonnance présidentielles du 6 décembre 2023 et du 8 janvier 2024 sont nulles en ce qu'elles sont dépourvues de base légale. Il convient donc de faire droit à la demande de la SAM J. de rétractation des ordonnances du 6 décembre 2023 et du 8 janvier 2024. En conséquence de cela, le juge ordonne la restitution immédiate des éléments saisis qui sont toujours en possession de Maître GRIMAUD- PALMERO, y compris le procès-verbal de saisie, ainsi que des copies, aux frais de la SAS L. Le juge fait interdiction à la SAS L. d'utiliser ou de communiquer, dans quelque procédure que ce soit le procès-verbal de saisie, ses annexes ainsi que l'ensemble des éléments saisis, dans l'hypothèse où elle serait entrée en possession de ces éléments. Du fait de la décision rendue, la demande d'expertise de la SAS L. visant au tri des documents saisis n'a pas lieu d'être examinée.

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 15 MAI 2024

N°RG : 2024/000043

Assignation du 30 janvier 2024

Par Evelyne HUSSON, Vice-Président du Tribunal de première instance de la Principauté de Monaco, assistée de Marine PISANI, Greffier en chef adjoint,

DEMANDERESSE

* La Société Anonyme Monégasque B., dont le siège social se trouve x1 à MONACO, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué v. C., demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, Avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et plaidant par Maître Stephan NAUMANN, avocat au barreau de Paris ;

DEFENDERESSE

* La société par actions simplifiée de droit français dénommée L., dont le siège social se trouve x3 à Nice (06200), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et plaidant par Maître Barbara Sylvie BERTHOLET, avocat au barreau de Lyon ;

En présence du :

* PROCUREUR GÉNÉRAL, près la Cour d'Appel, séant en son Parquet, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

Visa

Vu l'assignation en date du 30 janvier 2024 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SAS L., en date du 19 mars 2024 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de la SAM J., en date du 3 avril 2024 ;

À l'audience publique du 10 avril 2024 l'affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées verbalement que l'ordonnance serait rendue le 15 MAI 2024.

Motifs

EXPOSÉ DU LITIGE- MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAM J. oeuvre dans le secteur des dispositifs médicaux ophtalmiques. Elle commercialise notamment une solution ophtalmique utilisée pour le traitement des oedèmes cornéens, sous forme de deux produits nommés « A » et « D ».

Elle a obtenu la certification ISO 13485 Quality Management Standard for Medical Devices.

La SAS L. est un laboratoire pharmaceutique situé à Nice spécialisé en ophtalmologie qui opère dans le même secteur que la SAM J. Elle est titulaire d'un brevet européen EP 3 125 867 délivré le 15 septembre 2021.

La SAS L. soutient que les produits « A » et « D » sont des contrefaçons de plusieurs éléments du brevet EP 3 125 867.

Par ordonnance du 6 décembre 2023, Madame le Président du Tribunal de première instance de Monaco a autorisé la SAS L. à mandater un huissier de justice à l'effet de se rendre dans les locaux de la SAM J. et à prendre diverses mesures consistant principalement en la saisie de documents et fichiers.

Le 18 janvier 2024, Maître GRIMAUD-PALMERO, huissier de justice, s'est rendue dans les locaux de la SAM J., accompagnée d'un expert informatique et d'un expert en informations règlementaires et a procédé à la saisie de nombreux documents et fichiers.

Par acte d'huissier du 30 janvier 2024, la SAM J. a assigné devant le juge des référés la SAS L. et lui demande de :

À titre principal,

* Ordonner la rétractation des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 ;

* Ordonner la restitution immédiate des éléments saisis, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, Maître GRIMAUD-PALMERO, des conseils de la SAS L. ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, et la destruction immédiate du procès-verbal de saisie et de l'ensemble des copies et des éléments saisis, aux frais de la société saisissante ;

* Écarter des débats l'ensemble des documents, procès-verbal et éléments saisis afférents à ces opérations de saisie effectuées en exécution des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 rétractées ;

* Interdire à la SAS L. d'utiliser ou de communiquer, dans quelque procédure que ce soit le procès-verbal de saisie, les annexes du procès-verbal de saisie ainsi que l'ensemble des éléments saisis ;

À titre subsidiaire,

* Ordonner la rétractation partielle des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 en supprimant les autorisations suivantes :

« - les pièces justificatives suivantes :

* un exemplaire de certificat de conformité ou de certificat d'analyse (pouvant aussi être désigné sous les termes de dossier d'analyse ou bulletin d'analyse en français ou en une autre langue) d'un lot de produits A et d'un lot de produits D émis par les fabricants opérationnels (sous-traitants),

* un exemplaire de dossier de lot complet de chaque produit A et D émis par les fabricants opérationnels (sous-traitants),

* une facture de vente des fabricants opérationnels (sous-traitants) de chaque produit A et D à la société J.,

* et toute autre pièce justificative utile.

Faire procéder à la recherche sur tous supports papier ou numérique, en procédant à la recherche de ces informations, lorsque sur supports numériques par l'utilisation des mots-clés suivants, tant en majuscules qu'en minuscules, avec ou sans accent, au singulier ou au pluriel avec ou sans caractère d'espacement (…)

Et se faire communiquer :

* les quantités vendues et le chiffre d'affaires associé pour chacun des produits A et D réalisé depuis le 1er janvier 2019 par la SAM J. à Monaco et dans les pays suivants couverts par un brevet EP 3 125 867 : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Suède, Suisse et Turquie,

Rechercher sur tous supports papier ou numérique :

* les quantités vendues et le chiffre d'affaires associé pour chacun des produits A et D réalisé depuis le 1er janvier 2019 par la société J. à Monaco et dans les pays suivants couverts par un brevet EP 3 125 867 : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Suède, Suisse et Turquie,

Autorisons l'huissier instrumentaire dans le cadre de ses missions ci-avant, à copier les parties des fichiers et documents contenant l'identité et les coordonnées des fabricants opérationnels des produits commercialisés sous les noms A et D ainsi que, avec l'assistance de l'expert en affaires réglementaires, en occulter toute autre information confidentielle qui serait identifiée comme telle par toute personne autorisée, à l'exception des informations relatives à l'identité et aux coordonnées des fabricants opérationnels de chaque produit A et D,

Autorisons l'huissier instrumentaire dans le cadre de ses missions ci-avant, à copier les documents comptables et toutes factures et bons de livraison des produits vendus sous les noms A et D ainsi qu'à occulter toute information confidentielle qui serait identifiée comme telle par La société J. à l'exception des informations relatives à la ville et aux pays de destination des produits mentionnés sur ces documents et à occulter toute autre information sans lien avec les produits A et D ;

(…) d'un expert réglementaire »

* Ordonner la restitution immédiate des annexes du procès-verbal de saisie et des documents non autorisés, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, des conseils de la SAS L. ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, et leur destruction immédiate aux frais de la société saisissante ;

* Interdire à la SAS L. d'utiliser ou de communiquer, dans quelque procédure que ce soit les parties expurgées et les annexes du procès-verbal de saisie et les documents non autorisés ;

* Ecarter des débats l'ensemble des documents, procès-verbal de saisie, annexes du procès-verbal de saisie et éléments saisis afférents aux parties expurgées ;

* Ordonner la rétractation partielle des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 en ajoutant, pour les passages non supprimés, les termes et autorisations suivants :

* Ordonner en tant que de besoin le séquestre entre les mains de l'huissier instrumentaire, Maître GRIMAUD-PALMERO, des documents et fichiers collectés le 18 janvier 2024 dans le cadre de l'exécution des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024,

* Ordonner une mesure d'expertise des documents et fichiers collectés et désigner pour y procéder tel expert qu'il plaira à Madame le Président avec pour mission de :

* Se faire remettre une copie du procès-verbal de saisie dressé par Maître GRIMAUD-PALMERO ainsi que les pièces annexées,

* procéder au contrôle des pièces sous séquestre en présence des avocats des parties et d'un ou deux conseils en propriété intellectuelle de chacune d'elles, dont l'identité devra être communiquée avant la première réunion d'expertise à l'expert et aux avocats des parties,

* recueillir les explications des avocats des parties ou d'un ou deux conseils en propriété intellectuelle du choix des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission,

* rechercher parmi ces documents, pièces ou fichiers ceux présentant une utilité pour rapporter la preuve de l'origine et l'étendue de la contrefaçon du brevet EP 3 125 867 alléguée,

* dresser la liste de ces documents et informations et les annexer au rapport d'expertise dans lequel sera exposé le travail de recherche et de distinction effectué,

* parmi les documents pièces fichiers non écartés, rechercher et distinguer les parties des documents, pièces et fichiers qui ne présentent pas d'utilité pour rapporter la preuve de la contrefaçon, et occulter lesdites parties ne présentant pas d'utilité ;

* Dire qu'à l'issue des opérations d'expertise, l'expert devra remettre les documents, pièces et fichiers originaux à l'huissier instrumentaire pour qu'il les conserve sous séquestre ;

* Dire que seuls les avocats des parties et un ou deux conseils en propriété intellectuelle de chacune d'elles pourront participer aux opérations d'expertise et avoir accès aux documents expertises, sans pouvoir en faire la moindre copie ou reproduction, et sans communiquer à leur client quelque information que ce soit ;

À titre infiniment subsidiaire,

* Ordonner la rétractation partielle des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 en ajoutant les termes et autorisations suivants :

* Ordonner en tant que de besoin le séquestre entre les mains de l'huissier instrumentaire, Maître GRIMAUD-PALMERO, des documents et fichiers collectés le 18 janvier 2024 dans le cadre de l'exécution des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024,

* Ordonner une mesure d'expertise des documents et fichiers collectés et désigner pour y procéder tel expert qu'il plaira à Madame le Président avec pour mission de :

* Se faire remettre une copie du procès-verbal de saisie dressé par Maître GRIMAUD-PALMERO ainsi que les pièces annexées,

* procéder au contrôle des pièces sous séquestre en présence des avocats des parties et d'un ou deux conseils en propriété intellectuelle de chacune d'elles, dont l'identité devra être communiquée avant la première réunion d'expertise à l'expert et aux avocats des parties,

* recueillir les explications des avocats des parties ou d'un ou propriété intellectuelle du choix des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission,

* rechercher, parmi ces documents, pièces ou fichiers ceux présentant une utilité pour rapporter la preuve de l'origine et l'étendue de la contrefaçon du brevet EP 3 125 867 alléguée,

* dresser la liste de ces documents et informations et les annexer au rapport d'expertise dans lequel sera exposé le travail de recherche et de distinction effectué,

* parmi les documents pièces fichiers non écartés, rechercher et distinguer les parties des documents, pièces et fichiers qui ne présentent pas d'utilité pour rapporter la preuve de la contrefaçon, et occulter lesdites parties ne présentant pas d'utilité ;

* Dire qu'à l'issue des opérations d'expertise, l'expert devra remettre les documents, pièces et fichiers originaux à l'huissier instrumentaire pour qu'il les conserve sous séquestre ;

* Dire que seuls les avocats des parties et un ou deux conseils en propriété intellectuelle de chacune d'elles pourront participer aux opérations d'expertise et avoir accès aux documents expertises, sans pouvoir en faire la moindre copie ou reproduction, et sans communiquer à leur client quelque information que ce soit ;

En tout état de cause,

* Débouter la SAS L. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* Juger que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute et avant enregistrement nonobstant appel ou opposition ;

* Condamner la SAS L. à lui payer 30.000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

* c.F. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives du 19 mars 2024, la SAS L. demande au juge de :

* Débouter la SAM J. de sa demande de rétractation totale des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 ;

* Débouter la SAM J. de sa demande de rétractation partielle des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 ;

* Constater que Maître GRIMAUD-PALMERO a pris l'engagement de ne pas se dessaisir des documents collectés le 18 janvier 2024 et en conséquence, débouter la SAM J. de sa demande de séquestre desdits documents ;

* Ordonner la mise en place d'une expertise de tri et désigner tel expert indépendant qu'il plaira au président du Tribunal avec mission de :

* se faire remettre par l'huissier GRIMAUD- PALMERO copie du procès-verbal de constat rédigé suite aux opérations de constat du 18 janvier 2024 y compris les documents collectés annexés ;

* réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats des parties, dont l'identité devra être communiquée avant la réunion de cercle à l'expert et aux avocats de l'autre partie, lesquels signeront un engagement de confidentialité concernant les opérations menées lors des opérations d'expertise dont ils seront libérés pour toutes informations figurant dans les documents qui seront annexés au rapport final de l'expert ;

* procéder à l'examen du procès-verbal de constat et les documents collectés annexés, avec les conseils des parties ;

* recueillir les explications des conseils des parties sur le procès-verbal de constat et les documents collectés annexés et les occultations réalisées par l'huissier de justice et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission ;

* rechercher parmi les documents collectés annexés au procès-verbal de constat, les documents ou parties de documents présentant une utilité pour rapporter la preuve de l'origine et de l'étendue de la contrefaçon du brevet EP 3 125 867 ;

* parmi les documents visés au point ci-avant et après en avoir réalisé une copie, rechercher, distinguer et occulter dans lesdits documents, les parties qui ne présentent pas d'utilité pour rapporter la preuve de l'origine ou de l'étendue de la contrefaçon ;

* écarter les documents annexés au procès-verbal ne présentant pas d'utilité pour rapporter la preuve de l'origine et de l'étendue de la contrefaçon ;

* consigner dans un rapport le détail des opérations de tri réalisées et y annexer copie des documents présentant une utilité pour rapporter la preuve de l'origine et de l'étendue de la contrefaçon après occultation par l'expert, ainsi que le procès-verbal de constat de Maître GRIMAUD- PALMERO ;

* communiquer le projet de rapport, y compris ses annexes aux conseils des parties pour leurs observations, dans un délai de 15 jours à compter de la date de la réunion ;

* rédiger et communiquer au Tribunal et aux parties un rapport final décrivant le détail des opérations de tri réalisées et contenant en annexe les documents présentant une utilité pour rapporter la preuve de l'origine et de l'étendue de la contrefaçon après occultation ainsi que le procès-verbal de constat de Maître GRIMAUD-PALMERO avec ses seules annexes telle que conservées et occultées à l'issue des opérations de tri ;

* À l'issue des opérations, de restituer à l'huissier instrumentaire les documents qui lui auront été remis pour la réalisation de sa mission ;

* dire que l'expert devra remettre son rapport final en ce compris ses annexes dans un délai de 60 jours à compter de l'ordonnance à intervenir ;

* dire qu'il vous sera référé de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations ;

* débouter la SAM J. de sa demande tendant au prononcé de la nullité des pièces 5.9 et 5.10 et les écarter des débats ;

* débouter la SAM J. de l'intégralité de ses demandes ;

* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

* condamner la SAM J. à lui payer une somme de 30.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

* condamner la SAM J. aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives du 3 avril 2024, la SAM J a maintenu ses demandes initiales à l'exception de la demande de nullité de la pièce 5.10 à laquelle elle a renoncé.

Par conclusions en date du 3 avril 2024, le Parquet Général de Monaco s'en est rapporté.

Par ordonnance du 24 janvier 2024, Madame le Président de la juridiction a autorisé la SAM J. à assigner la SAS L. devant le Tribunal en référé aux fins de solliciter le séquestre entre les mains de l'huissier instrumentaire des documents saisis par elle le 18 janvier 2024 dans les locaux de la SAM J., et ce jusqu'à l'obtention d'une décision définitive dans la procédure de référé rétractation des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024. Cette procédure est toujours en cours.

À l'audience du 10 avril 2024, les conseils des parties ont plaidé l'affaire qui a été mise en délibéré au 15 mai 2024.

SUR CE,

Sur la demande de la SAM J. de nullité de la pièce 5.9 produite au débat par la société L.

Le juge relève que la SAM J., dans ses dernières écritures, ne sollicite plus la nullité de la pièce 5.10. Seule la demande de nullité de la pièce 5.9 sera examinée.

La pièce 5.9 communiquée par la SAS L. est une attestation émanant de q. H., directeur commercial de la société E. qui atteste le 13 février 2024 « avoir été contacté le 20 décembre 2023 par le conseil de la société L. puis mandatée pour mettre à disposition un de nos experts en affaires réglementaires aux fins d'accompagner un huissier lors d'opérations de constats dans les locaux de la société J. La société E. ne connaissait pas la société L. et n'avait jamais travaillé pour cette dernière ».

La SAM J. explique que cette attestation n'est aucunement conforme aux exigences légales, outre que la qualité statutaire de q. H. pour représenter la société et attester en son nom n'est aucunement démontrée.

En application de l'article 324 du Code de procédure civile,

« l'attestation doit à peine de nullité :

* 1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

* 2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

* 3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

* 4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

* 5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

* 6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ».

Le juge relève que l'attestation n'est pas rédigée de la main de r. I. puisque dactylographiée, ce qui constitue une irrégularité, outre le fait qu'aucun document n'est joint établissant que le témoin est habilité à s'exprimer au nom de la société notamment s'agissant de dire qu'elle ne connaissait pas la SAM L.

Le juge constate l'irrégularité de l'attestation de q. H. et en conséquence écarte des débats la pièce 5.9 communiquée par la SAM L.

Sur la demande de la SAM J. de rétractation des ordonnances présidentielles des 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024

L'ordonnance présidentielle du 6 décembre 2023 a autorisé, sur le fondement de l'article 300-1 du Code de procédure civile, la SAS L. à mandater un huissier aux fins de mener dans les locaux de la SAM J. diverses opérations visant à établir les fabricants opérationnels sous-traitants des produits commercialisées sous les noms « A » et « D » auprès desquels la SAM J. se fournit, investiguer les supports informatiques pour déterminer les quantités vendues et le chiffre d'affaires en découlant.

L'ordonnance du 8 janvier 2024 a régularisé une erreur matérielle contenue dans l'ordonnance du 6 décembre 2023.

L'huissier instrumentaire a réalisé sa mission le 18 janvier 2024 au cours de laquelle il a saisi dans les locaux de la SAM J. de nombreux documents et fichiers, relevant notamment du secret des affaires.

L'article 300-1 du Code de procédure civile dispose que : « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête, lorsque les circonstances exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, ou en référé ».

La SAM J. explique qu'il existe des dispositions spécifiques relatives à la matière des brevets d'invention, à savoir la loi n° 606 du 20 juin 1955 et son article 50 qui prévoit que « les propriétaires de brevet pourront, en vertu d'une ordonnance du président du Tribunal de première instance, faire procéder, par tout huissier, à la désignation et description détaillées, avec ou sans saisie, des objets prétendus contrefaits. L'ordonnance sera rendue sur simple requête et sur la représentation du brevet, elle contiendra s'il y a lieu la nomination d'un expert pour aider l'huissier dans sa description ».

L'article 51 de cette même loi précise que « à défaut pour le requérant de s'être pourvu soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle dans le délai de huitaine, la saisie ou description est nulle de plein droit sans préjudice des dommages et intérêts qui pourront être réclamés s'il y a lieu dans la forme prescrite par l'article 29 ».

La SAM J. fait le parallèle avec les textes français généraux aux mesures d'instruction et spécifiques aux brevets d'invention et à la contrefaçon qui sont équivalents au droit monégasque pour soutenir que la jurisprudence française annule régulièrement des mesures d'investigation en matière de brevet d'invention lorsque les dispositions spécifiques n'en sont pas le fondement.

La requête aux fins de mesure d'instruction déposée le 1er décembre 2023 par la SAS HORUS PHARM A mentionne en page 7, s'agissant des mesures qu'elle sollicite « les mesures sont de deux ordres : la première a pour objet d'obtenir des informations sur l'identité et les coordonnées du fabricant opérationnel des produits « A » et « D » (…) la seconde a pour objet de connaître l'étendue des actes de contrefaçon réalisés ».

Il est clairement écrit dans la requête elle-même que les opérations sollicitées sont en lien direct avec une suspicion de contrefaçon de la part de la SAM J.

Les opérations sollicitées par la requérante à la mesure d'instruction visent à rechercher l'origine des produits « A » et « D » commercialisés par la SAM J., les fichiers devant permettre de mieux appréhender l'origine de ces produits, ce qui est de nature à éclairer sur une éventuelle contrefaçon. La fabrication de ces produits ne se fait pas dans les locaux de la SAM J. et la SAS L. est déjà en possession d'échantillons des produits qu'elle considère comme contrefaits, d'où le fait que les opérations ne visent pas matériellement les produits mais plus généralement, tous éléments visant à éclairer sur le processus de fabrication permettant d'établir la réalité de la contrefaçon.

Il découle de ces éléments que la procédure engagée par la société HORUS à l'encontre de la SAM J. vise à réunir des éléments permettant de démontrer directement ou indirectement des faits de contrefaçon. À ce titre, seules les dispositions de la loi n° 606 s'appliquent et la requête engagée par la SAS L. ne pouvait l'être sur le fondement du texte général du Code de procédure civile, en l'occurrence l'article 300-1 du Code de procédure civile.

Pour soutenir la position contraire, la SAS L. explique, reprenant les termes de l'article 300-1 du Code de procédure civile, que les conditions d'application de ce texte sont réunies. Sur ce point, le juge des référés acquiesce à une telle affirmation puisque la requête présentée répond aux conditions légales de ce texte mais nonobstant cela, dès lors qu'un texte spécifique est applicable, c'est exclusivement ce texte qui doit être appliqué même si le texte général paraît également applicable.

Par ailleurs, la SAS L. soutient l'inapplicabilité au cas d'espèce du texte de loi n° 606 et notamment son article 50, expliquant que les opérations demandées ne correspondent pas aux termes légaux, à savoir que les opérations d'instruction ne portaient pas directement sur les produits eux-mêmes susceptibles d'être contrefaits.

Si l'article 50 de la loi sur les brevets d'invention évoque effectivement des opérations sur les produits, il n'exclut pas explicitement toute opération visant à établir l'origine des produits et notamment le processus de fabrication en lien avec une suspicion de contrefaçon.

Le recours au texte général est clairement moins exigeant pour la requérante que le texte spécifique qui fixe un cadre et des délais d'action contraints.

Le juge considère que la volonté de la SAS L. de contourner la procédure exigeante de la loi n° 606 liée au domaine particulier des brevets d'invention, au profit de l'article 300-1 du Code de procédure civile moins contraignant, est établie.

Les ordonnance présidentielles du 6 décembre 2023 et du 8 janvier 2024 sont nulles en ce qu'elles sont dépourvues de base légale.

Il convient donc de faire droit à la demande de la SAM J. de rétractation des ordonnances du 6 décembre 2023 et du 8 janvier 2024.

En conséquence de cela, le juge ordonne la restitution immédiate des éléments saisis qui sont toujours en possession de Maître GRIMAUD- PALMERO, y compris le procès-verbal de saisie, ainsi que des copies, aux frais de la SASA L.

Le juge fait interdiction à la SAS L. d'utiliser ou de communiquer, dans quelque procédure que ce soit le procès-verbal de saisie, ses annexes ainsi que l'ensemble des éléments saisis, dans l'hypothèse où elle serait entrée en possession de ces éléments.

Du fait de la décision rendue, la demande d'expertise de la SAS L. visant au tri des documents saisis n'a pas lieu d'être examinée.

Sur la demande au titre des frais de procédure

L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

* 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.

L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État ».

La SAS L., succombante, est condamnée à payer à la SAM J. la somme de 10.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens. Elle sera déboutée de sa demande s'agissant de la prise en charge de ses frais de procédure.

La SAS L. est condamnée aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Constatons l'irrégularité de l'attestation de q. H. communiquée par la SAS L. ;

Ecartons en conséquence des débats la pièce 5.9 de la SAS L. ;

Ordonnons la rétractation des ordonnances présidentielles du 6 décembre 2023 et 8 janvier 2024 ;

Ordonnons la restitution immédiate des éléments saisis par Maître GRIMAUD-PALMERO, huissier de justice à Monaco, suivant procès-verbal du 18 janvier 2024 y compris le procès-verbal de saisie, ainsi que des copies, éléments qui sont toujours en possession de l'huissier, et ce, aux frais de la SAS L. ;

Faisons interdiction à la SAS L. d'utiliser ou de communiquer, dans quelque procédure que ce soit le procès-verbal de saisie, ses annexes ainsi que l'ensemble des éléments saisis, dans l'hypothèse où elle serait entrée en possession de ces éléments ;

Condamnons la SAS L. à payer à la SAM J. la somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Déboutons la SAS L. de l'ensemble de ses demandes et la SAM J. du surplus de ses demandes ;

Rappelons qu'en vertu des dispositions de l'article 419 du Code de procédure civile, les ordonnances de référé emportent l'exécution provisoire et sont exécutoires sur minute ;

Condamnons la SAS L. aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Ordonnons que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Et avons signé avec notre greffier.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30499
Date de la décision : 15/05/2024

Analyses

Marques et brevets ; Procédures - Général ; Procédure commerciale


Parties
Demandeurs : La Société Anonyme Monégasque B.
Défendeurs : La société par actions simplifiée de droit français dénommée L.

Références :

Code de procédure civile
article 324 du Code de procédure civile
loi n° 606 du 20 juin 1955
article 300-1 du Code de procédure civile
article 238-1 du Code de procédure civile
article 419 du Code de procédure civile
article 103 du Code pénal
a loi n° 606


Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2024-05-15;30499 ?

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