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02/03/2023 | MONACO | N°30044

Monaco | Tribunal de première instance, 2 mars 2023, j. E., n. F. épouse n. J. et la société N c/ La O.


Abstract

Procédure civile - Incident relatif à l'instance - Sursis à statuer - Recevabilité de la demande de révocation du sursis (oui) - Absence de fondement textuel - Obstacle à la demande (non) - Absence d'autorité de la chose jugée - Possibilité de réexaminer la situation procédurale - Bien fondé de la demande (non) - Incidence de la décision pénale à intervenir - Violation du délai raisonnable (non) - Report du procès pénal sans incidence

Résumé

Le fait qu'il n'existe pas de texte permettant à la juridiction qui l'a prononcée de révoquer une dé

cision de sursis à statuer ne fait pas en lui-même obstacle à la recevabilité d'une telle...

Abstract

Procédure civile - Incident relatif à l'instance - Sursis à statuer - Recevabilité de la demande de révocation du sursis (oui) - Absence de fondement textuel - Obstacle à la demande (non) - Absence d'autorité de la chose jugée - Possibilité de réexaminer la situation procédurale - Bien fondé de la demande (non) - Incidence de la décision pénale à intervenir - Violation du délai raisonnable (non) - Report du procès pénal sans incidence

Résumé

Le fait qu'il n'existe pas de texte permettant à la juridiction qui l'a prononcée de révoquer une décision de sursis à statuer ne fait pas en lui-même obstacle à la recevabilité d'une telle demande. La décision qui a ordonné le sursis à statuer n'a pas, au sens de l'article 1198 du Code civil et de la jurisprudence, autorité de la chose jugée à défaut d'avoir tranché sur le fond les demandes des parties. La juridiction peut être appelée à réexaminer sa décision précédente au regard d'éléments nouveaux qui lui seraient soumis de nature à modifier l'appréciation de la situation telle qu'elle lui avait été soumise initialement. Ne pas admettre un tel principe priverait le justiciable de toute possibilité d'un nouvel examen de la situation procédurale alors même qu'il ne peut relever appel et que le terme prévu à l'origine peut être lointain ou être devenu entre-temps sans objet. Le principe d'une bonne administration de la justice qui fonde le sursis à statuer commande également d'admettre que l'on déclare recevable une demande de révocation de sursis à statuer.

L'appréciation de la responsabilité contractuelle de la banque indépendamment de l'examen de sa responsabilité délictuelle en qualité de commettant est à ce stade impossible car elle supposerait, outre d'examiner des points qui sont l'objet de l'instance pénale, le fait de savoir si ces deux régimes de responsabilité peuvent se cumuler dans la présente instance, ce qui serait prématuré et ne peut se faire que dans le cadre de l'appréciation de la responsabilité globale de la banque en statuant au fond. La prétendue violation du délai raisonnable n'est pas de nature à permettre de révoquer le sursis à statuer ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. L'évolution procédurale au pénal avec la demande de report du procès ne fait pas disparaître les risques encourus par le fait de statuer dans la présente instance sans attendre l'issue de la procédure pénale. Il y a donc lieu de rejeter la demande.

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2019/000131 (assignation du 31 juillet 2018)

JUGEMENT DU 2 MARS 2023

En la cause de :

1. j. E., né le jma à Charleroi (Belgique), de nationalité belge, administrateur-gérant de sociétés, demeurant x1 (Belgique) ;

2. n. F. épouse n. J., née le jma à Charleroi (Belgique), de nationalité belge, sans profession, demeurant x1 (Belgique) ;

3. La société N., dont le siège social se trouve x2, Seychelles, agissant poursuites et diligences de ses administrateurs-gérants, Messieurs n. J. ET F., demeurant en cette qualité audit siège ;

DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* • La O., dont le siège social se trouve x3 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, g.B et/ou de son Directeur général, c.C, demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Sirio PIAZZESI, avocat au Barreau de Nice et par Maître Laurent CARRIE, avocat au Barreau de Paris ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL,

* Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 31 juillet 2018, enregistré (n° 2019/000131) ;

* Vu le jugement avant-dire-droit au fond rendu par ce Tribunal en date du 12 décembre 2019 ayant notamment rejeté l'exception de nullité de l'assignation en date du 31 juillet 2018, déclaré recevables les demandes formulées par les demandeurs en leur nom personnel et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 5 février 2020 pour les conclusions des demandeurs ;

* Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 3 décembre 2020 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 1er juin 2021 ;

* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de j. E., n. F. épouse n. J. et la société N., en date du 6 décembre 2022 ;

* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la O. (Monaco), en date du 5 janvier 2023 ;

* Vu l'Ordonnance de clôture du 5 janvier 2023 ;

Motifs

À l'audience publique du 2 février 2023, les conseils des parties ont plaidé puis déposé leurs dossiers, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 2 mars 2023 par mise à disposition au greffe ;

FAITS ET PROCÉDURE :

j. E. et n. F. épouse n. J. étaient clients de la banque P. à MONACO. Au cours de l'année 2009, ils indiquent avoir, sur les conseils de leur gestionnaire de fonds a. G., créé la société N.. Leurs avoirs s'élevaient à environ 300.000 euros.

Ils exposent qu'au cours de l'année 2010, Monsieur H. ayant été recruté par la b. I à MONACO en qualité de gestionnaire de clientèle, ils ont transféré les comptes de la société N. dans cette dernière banque et a conclu avec elle un mandat de gestion discrétionnaire.

En mai 2012, a. G. leur avait proposé un placement générant un taux d'intérêt de 5,12 % net auprès de la b.I, le capital étant garanti. Ils acceptaient de placer tous leurs avoirs soit 280.000 euros.

En juin 2012, a. G. leur remettait un document à l'en-tête d'O. comportant un numéro de compte xxx évaluant leurs avoirs à 298.000 euros. Ils recevaient le même type de document de l'O. en octobre 2012 attestant d'intérêts et portant un solde de 302.565 euros sur le compte xxx.

Le 22 mai 2013, de passage dans la région, ils se rendaient au siège de l'O. afin de rencontrer a. G.. Celui-ci étant absent, ils étaient reçus par M. C. qui leur expliquait que le sous-compte xxx n'existait pas et que si les documents en leur possession correspondaient à ceux délivrés par la banque, les renseignements y figurant étaient faux.

Le même jour, il leur était présenté une instruction de transfert vers un compte K. en Belgique qu'ils auraient signé et daté du 2 mars 2012. Il s'avérait qu'ils n'avaient jamais autorisé un tel transfert et que l'épouse d'a. G. était la bénéficiaire économique de ce compte K.. Ils découvraient que ce faux document avait servi à effectuer trois transferts qu'ils n'avaient jamais ordonnés d'un montant respectif de 230.000 euros, 40.000 euros et 14.000 euros entre le 16 mai 2013 et le 10 juillet 2013 effectués sur l'ordre d'a. G.. Tous les avoirs de la société N. avaient en réalité été détournés par a. G..

Entendu par les dirigeants de l'O. le 27 mai 2013, a. G. reconnaissait certains détournements au préjudice de la société N.à hauteur d'environ 280.000 euros et au préjudice d'autres sociétés.

Ils déposaient plainte le 17 juillet 2013 contre a. G. et son employeur la b.I.

Une enquête pénale était ouverte.

Par acte d'huissier en date du 31 juillet 2018, j. E., n. F. épouse n. J. et la société N. ont donné assignation à la O. devant le Tribunal de première instance de MONACO en vue d'obtenir :

* • qu'il soit dit que la O.doit être déclarée civilement responsable des faits commis par son préposé et qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle en raison des fautes qui lui sont imputables,

* • la condamnation de la O. à leur payer la somme de 284.000€ correspondant aux sommes détournées par Monsieur H. avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012, outre la somme de 200.000€ en réparation du préjudice moral et matériel résultant des détournements opérés,

* • la condamnation de la O. à leur payer la somme de 50.000€ de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.

Par jugement en date du 12 décembre 2019, le présent Tribunal a :

* • rejeté l'exception de nullité de l'assignation délivrée par Johnny et n. J.,

* • déclaré recevables les demandes formulées par les époux n. J. en leur nom personnel,

* • ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de soumettre au Tribunal toutes les informations utiles sur le déroulement de l'information judiciaire enregistrée sous le numéro 2013/0016 et notamment sur le positionnement procédural adopté par j. E., n. F. épouse n. J. et la société N. dans le cadre de la procédure pénale,

* • renvoyé l'affaire.

Par jugement en date du 3 décembre 2020, ce Tribunal a :

* • sursis à statuer sur les demandes formées par j. E., n. F. épouse n. J. et la société N., dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction pénale dans l'affaire ouverte devant le magistrat instructeur monégasque sous le numéro CAB3-2013/000016 à l'encontre d'a. G. ;

* • renvoyé la cause et les parties à l'audience du MARDI 1er JUIN 2021, en l'état ;

* • réservé les dépens en fins de cause.

Par conclusions aux fins de révocation du sursis à statuer et récapitulatives n° 4, j. E., n. F. épouse n. J. et la société N. en date du 6 décembre 2022 demandent au Tribunal de :

* « Vu le Jugement du 4 février 2021,(sic)

* Vu les pièces versées aux débats par les Demandeurs,

* Déclarer recevable la demande formée par la société N. et par Monsieur et Madame n. J. aux fins de révocation du sursis â statuer ordonné selon Jugement avant-dire droit rendu par le Tribunal de Première Instance le 3 décembre 2020 ;

* Ordonner la révocation du sursis à statuer ordonné selon Jugement avant-dire droit rendu par le Tribunal de Première Instance le 3 décembre 2020 ;

* Sur le fond,

* Vu l'article 1231 alinéa 4 du Code civil,

* Vu les pièces versées aux débats par les Demandeurs,

* Vu le Jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 23 novembre 2017,

* Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 3 mars 2020,

* Déclarer recevables les demandes formées par la société N. et par Monsieur n. J. et Madame n. J. à l'encontre de la société O. MONACO ;

* Dire et juger que la O. doit être déclarée civilement responsable des faits commis par son préposé ;

* Condamner la O. à payer aux Demandeurs la somme de 284,000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012, date de l'ordre de virement litigieux à Monsieur H. ;

* Vu l'article 1002 du Code Civil,

* Vu les articles 1754, 1771 et 1831 du même Code,

* Vu l'article 238-1 du Code de procédure civile, Vu la jurisprudence rendue,

* Constater que la O. a manqué à ses obligations de vigilance et de mise en garde,

* Dire et juger que la O. a engagé sa responsabilité contractuelle en raison des fautes qui lui sont imputables du fait de la mauvaise exécution de la convention d'ouverture de compte ;

* Condamner la O. à verser aux Demandeurs ta somme de 200.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice en résultant.

* Condamner la O. à verser aux Demandeurs la somme de 55.000,00 euros au titre de leur préjudice moral.

* Condamner la O. à verser aux Demandeurs la somme de 55.000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.

* Condamner la O. à payer aux Demandeurs la somme de 15.000 euros au titre des frais autres que les dépens.

* Condamner la O. aux entiers dépens, distrait au profit de Monsieur le Bâtonnier Régis BEGONZI, Avocat-Défenseur sous sa due affirmation. ».

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir pour l'essentiel que :

* leur demande de révocation du sursis à statuer est recevable ;

* aux termes de l'article 423 du Code de procédure civile, un jugement avant-dire-droit prononçant un sursis à statuer n'est pas directement appelable en sorte qu'ils ont dû subir le sursis à statuer qui leur a été imposé ;

* l'article 379 § 2 du Code de procédure civile français dispose que « Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis à statuer ou en abréger le délai. » ;

* la révocation d'un sursis à statuer n'est pas expressément prévue en droit monégasque mais les textes ne l'excluent pas ;

* un sursis à statuer s'il est d'une durée excessive est susceptible de caractériser une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ;

* le justiciable peut éventuellement subir un dommage comme conséquence directe du sursis à statuer ;

* la chose jugée par le juge de la mise en état ne se voit conférer qu'un caractère relatif et provisoire ;

* l'article 379 du Code de procédure civile monégasque dispose que les demandes incidentes sont formées par conclusions prises à l'audience par écrit ou même verbalement ; en droit français, la demande de révocation d'un sursis à statuer est considérée comme une demande incidente ; en droit monégasque, la demande de sursis à statuer est une demande incidente et par analogie, la demande de révocation d'un sursis à statuer l'est aussi ;

* la demande de révocation du sursis à statuer est bien fondée ;

* il n'y a pas d'incidence de la procédure pénale en cours sur la présente instance ; les juridictions monégasques exigent, pour faire droit à une demande de sursis à statuer, que l'avancement de la procédure pénale soit renseignée et que son issue soit de nature à avoir une incidence sur les demandes formées dans le cadre de l'instance civile ; a contrario, la révocation du sursis à statuer doit être prononcée en tenant compte de l'avancement de la procédure pénale et du moment à partir duquel son issue n'est pas de nature à avoir une incidence sur les demandes formées dans l'instance civile ;

* en l'espèce, la procédure pénale n'a pas d'incidence sur la procédure civile dans la mesure où elle a un objet différent et qu'elle ne risque pas de contrevenir au principe de réparation intégrale ; la présente instance est intentée contre la b.I et non contre a. G. ; la condamnation susceptible d'intervenir contre a. G. n'aura aucune incidence sur leurs demandes puisque s'il devait être relaxé, ce qui est hautement improbable puisqu'il a reconnu les faits, la responsabilité civile de la banque pourrait être engagée ; en effet, la responsabilité civile du commettant du fait de son préposé ne suppose nullement une condamnation pénale préalable du préposé ; la responsabilité contractuelle de la banque est également recherchée, ce qui devrait suffire à révoquer le sursis à statuer ; si par extraordinaire, la juridiction devait estimer que la responsabilité civile de la banque du fait de son préposé dépend de l'action publique, elle devra statuer sur la responsabilité contractuelle ; l'établissement d'une faute pénale du commettant n'est pas une précondition pour engager la responsabilité délictuelle de ce dernier ; la règle « le criminel tient le civil en l'état » ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ;

* il n'existe pas de risque de double indemnisation pour un même préjudice ; il convient de distinguer la question de l'indemnisation et celle de réparation ; en matière pénale, l'indemnisation est prépondérante puisque la victime recherche une indemnisation directement auprès de celui qui l'a lésée afin de pallier les souffrances ressenties alors qu'en matière civile, le juge s'il accède aux demandes va chercher à remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la survenance du dommage ; l'indemnisation sollicitée au pénal ne pourra viser que le prévenu a. G. ; les juridictions civiles pourraient revenir sur leur décision à la suite d'une décision pénale qui remettrait en cause le respect du principe de la réparation intégrale à tout moment voire après une décision rendue au civil ;

* il existe une violation manifeste du délai raisonnable ; leur plainte est datée du 17 juillet 2013 et a. G. n'a été renvoyé devant le Tribunal criminel que par arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d'appel du 10 décembre 2020 confirmé par arrêt de la Cour de révision du 6 mai 2021 ; le Tribunal doit œuvrer avec célérité dans la procédure civile ; la présente procédure a été initiée depuis près de 5 ans ; ils se retrouvent dans une impasse depuis plusieurs années alors que la procédure pénale est paralysée et pourrait ne jamais aboutir ; le Tribunal de première instance a statué dans une autre procédure d'une victime des agissements d'a. G. en condamnant la b.I alors que la procédure pénale était en cours ;

* il y a des éléments nouveaux ; la procédure pénale est toujours en cours, le tirage au sort des jurés était prévu le 13 juillet 2022 mais a. G. a présenté un certificat médical pour se soustraire à ses obligations et a sollicité le renvoi du procès ; une expertise médicale doit avoir lieu mais elle se déroulera probablement à l'étranger avec des délais de plusieurs mois ou années et le conseil d'a. G. a indiqué n'avoir plus de nouvelles de son client ; a. G. use de tous les recours possibles pour retarder la procédure pénale ; le comportement dilatoire d'a. G. n'exonère pas les autorités judiciaires de leur obligation d'assurer le déroulement de la procédure dans un délai raisonnable ;

* l'article 380 alinéa 1er du Code de procédure civile français prévoit que la décision de sursis à statuer peut être frappée d'un appel sur autorisation du premier président pour motif grave et légitime ; constitue un motif grave et légitime la longueur vraisemblable de la procédure pénale mais aussi l'aggravation de la situation économique et le risque de voir majorer les réclamations ; en l'espèce, ils sont contraints de laisser perdurer la société N. ce qui génère des frais annuels élevés et ils vont devoir se conformer à la nouvelle réglementation des Seychelles avec la communication de documents comptables ce qui va également engendrer des frais importants ; j. E. a un état de santé particulièrement fragile, ce qui a pu être jugé comme un motif grave et légitime de révocation d'un sursis à statuer ;

* sur la responsabilité de la banque du fait des agissements de son préposé a. G. ; la Cour de révision a déjà jugé qu'une banque était civilement responsable des infractions pénales commises par son préposé ; a. G. représentait la banque en vertu de deux contrats de travail de Client Relationship Officer ; dans le dossier déjà jugé par ce Tribunal, la responsabilité de la b.I a été retenue ; la banque doit être reconnue responsable des agissements de son préposé à leur préjudice ; le mode opératoire était le même qu'avec d'autres clients : il leur avait proposé un placement au taux de 5,12 %, a. G. leur a présenté de faux relevés de compte à l'entête d'O. portant le même numéro que leur compte auquel il a rajouté la mention « 2 » et au visa de ces relevés, ils croyaient réellement que leurs fonds étaient placés chez O. et leur rapportaient de l'argent ; a. G. se trouvait dans un lien de subordination lors de ses agissements et c'est grâce à ses fonctions qu'il a obtenu les remises de fonds ; il a avoué ses fautes et reconnu un préjudice d'environ 280.000 euros à leur égard ;

* la responsabilité de la banque est engagée sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil ;

* les transferts ont été réalisés en faveur d'une société K. dont a. G. était le bénéficiaire économique ;

* a. G. visait de petits commerçants ignorants en matière financière ; ils ne sont pas des investisseurs avertis ; cette opération n'avait rien de licite, les demandes de découvert et de virement ont été transmises par le CRO à la banque et non par eux ; ils ont signé un ordre de virement vers le compte K. en Belgique alors que l'identité du bénéficiaire n'était pas précisée et que l'ordre avait été rédigé par a. G. ; ce dernier a agi comme préposé de O. ; il y a un lien entre les manœuvres d'a. G. et leur préjudice évalué à 284.000 euros ; ils n'ont jamais souhaité transférer les fonds sur un compte appartenant à celui-ci ; le lien de causalité est direct et évident ; les demandeurs n'étaient pas informés de l'irrégularité des opérations ; s'ils disposaient d'un compte off-shore c'est parce qu'a. G. leur a fait créer car il percevait une commission ; leur seule imprudence a été de faire aveuglément confiance à a. G. ;

* les relevés de compte étaient relativement complexes et leur ont été remis en Belgique par a. G. lors de ses visites ; il les faisait signer sans leur laisser le temps de les lire et il ne leur laissait pas de copie ; la banque n'a pas contrôlé son préposé ;

* a. G. n'a pas agi en dehors de ses fonctions ;

* sur la responsabilité contractuelle d'O. ; la banque a commis de nombreux manquements contractuels dont elle doit répondre sur le fondement de l'article 1002 du Code civil ; toute contestation sur le non cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles est sans objet, la cause n'étant pas la même ;

* la banque a pris un risque en recrutant a. G. qui avait déjà été licencié par trois établissements bancaires monégasques ; l'audit de la société Q. fait état de fautes graves d'a. G. ; O. ne pouvait ignorer les motifs de ces licenciements mais a fermé les yeux car il apportait de gros portefeuilles ; elle a manqué à son obligation de vigilance et de prudence ;

* elle a laissé a. G. travailler en Belgique alors que son contrat de travail ne prévoyait pas de déplacement et que divers documents mentionnent à tort qu'ils ont été établis à Monaco ; elle a fait preuve d'une négligence manifeste ; O. Monaco n'était pas agréée pour travailler en Belgique en fraude avec la réglementation bancaire belge et l'accord entre la Principauté de Monaco et l'Union Européenne ;

* la banque n'a pas respecté la procédure Hold Mail ou Care of ; les procédures internes n'ont pas été respectées sur ce point ; la règle est que ce n'est pas le gestionnaire qui remet les relevés de compte où à titre exceptionnel sur autorisation de la Direction ; s'ils avaient eu accès à leurs relevés, ils se seraient aperçus que ceux transmis par a. G. étaient des faux et le fait que de nombreux clients d'a. G. n'aient pas eu connaissance de leurs relevés durant plus de 18 mois aurait dû alerter la banque ; elle a lourdement manqué à son obligation de vigilance ;

* la banque n'a pas respecté ses procédures internes sur les transferts de fonds ; a. G. ne pouvait faire exécuter seul une opération initiée par lui ; aucune vérification de second niveau n'a été effectuée ; la banque n'a effectué qu'une partie des opérations demandées par j. E., elle a vendu les liquidités sans transférer toutes les liquidités comme demandé par les clients puis elle a effectué trois transferts vers le compte K. sans clôturer le compte et sans instructions de ses clients mais sur instructions de son propre gestionnaire ;

* ces manquements graves leur ont causé un important préjudice ; la banque n'hésite pas à demander des intérêts sur le découvert qu'elle n'aurait pas dû autoriser ;

* outre le préjudice financier, ils ont souffert un important préjudice moral ; ils ont le sentiment de s'être fait abuser par un banque de renom qu'ils pensaient sérieuse ; ils ont perdu durant six ans beaucoup de leurs économies ; la banque est de mauvaise foi en leur déniant la qualité de victime ;

* la banque a résisté abusivement à leurs demandes ; ils ont tenté de transiger mais la banque n'a pas répondu alors qu'elle est fautive ; elle ose leur réclamer des intérêts faisant preuve d'une malhonnêteté manifeste ; ils ont été contraints de l'assigner et elle a usé de demandes dilatoires pour retarder l'échéance de sa condamnation ;

* ils ont dû exposer des frais irrépétibles pour leur défense dont notamment la rédaction de l'assignation, des conclusions et l'élaboration du dossier de plaidoirie.

Par conclusions du 5 janvier 2023 en réponse sur la demande de révocation de sursis à statuer et récapitulatives n° 5, la société O. (MONACO) a sollicité :

* « Au principal,

* Déclarer irrecevable la demande de révocation du sursis à statuer ordonné par le Tribunal dans son jugement du 3 décembre 2020 présentée par les époux n. J. et la société N..

* En conséquence les en débouter.

* Subsidiairement,

* Déclarer ces demandes infondées.

* En débouter les époux n. J. et la société N..

* Surseoir à statuer sur leurs demandes jusqu'à l'issue définitive de la procédure pénale actuellement en cours à l'encontre de Monsieur a. G.

* Réserver les dépens.

* Subsidiairement, au fond,

* 1. Sur les dispositions de l'article 1231 alinéa 4 du Code Civil :

* Dire et juger inapplicables aux faits de la cause les dispositions de l'article 1231 alinéa 4 du Code Civil,

* En conséquence, débouter la société N. et les époux n. J. de toutes leurs demandes, fins et conclusions tendant à obtenir la condamnation de la société concluante à leur verser la somme de 284.000 euros correspondant au montant des sommes détournées par Monsieur H. avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012 date de l'ordre de virement litigieux.

* 2. Sur les dispositions de l'article 1002 du Code Civil :

* Au principal,

* Dire et juger les demandes de la société N. et les époux n. J. irrecevables sur ce fondement.

* Subsidiairement,

* Dire et juger que la société concluante n'a commis aucune faute contractuelle sur le fondement des dispositions de l'article 1002 du Code Civil,

* En conséquence, débouter la société N.et les époux n. J. de leur demande tendant à la condamnation à la société à leur payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, celle de 50.000 euros au titre de leur préjudice moral et celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

* Les condamner solidairement aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-Défenseur sous sa due affirmation de droit. ».

À l'appui de ses prétentions, elle argue pour l'essentiel que :

* • elle est une banque privée spécialisée dans la gestion de fortune ;

* • a. G. a été embauché par ses soins le 3 mai 2010 en qualité de Clients Relationship Officer ; il occupait auparavant un poste équivalent au P. ;

* • il n'avait pas pour fonction de gérer les actifs ou le patrimoine des clients ; sa mission était d'entrer en relation avec des clients pour leur faire ouvrir des comptes et de veiller à leur satisfaction pour les fidéliser ; il ne procédait pas à l'ouverture des comptes ;

* • la société N. est une société des Seychelles depuis août 2009 ouverte sur les conseils d'a. G. qui n'était alors pas son salarié et appartenant à j. E. et n. F. épouse n. J., tous deux de nationalité italienne et résidant en Belgique ;

* • lorsque a. G. a rejoint O. certains clients du P. l'ont suivi et la société N. a ouvert un compte le 14 mai 2010; à son ouverture environ 300.000 euros ont été transférés sur le compte n° xxx ;

* • les défendeurs avaient souhaité que les relevés soient conservés à la banque selon la procédure Hold mail ; une fois tous les 18 mois un relevé devait leur être remis contre signature ; en définitive, ils ont reçu communication des relevés tous les six mois ; la b.I a respecté l'ensemble de ses obligations ;

* • les époux n. J. ont reçu le 9 décembre 2010 un document portant sur une évaluation de leur portefeuille et le 22 mars 2012 une situation de leurs actifs en date du 16 mars 2012 ; ces documents sont remis contre signature vérifiée du client qui paraphe chaque page du document ; la banque a donc respecté l'intégralité de ses obligations au cours du fonctionnement du compte ;

* • le 2 mai 2012, la banque a reçu en original un ordre signé de j. E. qui demandait l'annulation du mandat de gestion, la vente des actifs détenus et le transfert des liquidités vers le compte K. puis la clôture du compte ;

* • l'ordre donné a été scrupuleusement respecté par la banque après vérification de la signature qui n'est pas contestée ; le transfert des actifs a été réalisé par trois virements les 16 mai 2012, 11 juin 2012 et 10 juillet 2012 pour des montants respectifs de 230.000 euros, 40.000 euros et 14.000 euros ;

* • le 22 mai 2013, les époux n. J. se sont présentés à la banque et a. G. étant absent, ils ont été reçus par une collaboratrice ; ils ont alors produit un document intitulé « Evaluation de comptes » concernant le compte xxx à propos d'un dépôt à terme de 298.000 euros ; la collaboratrice a constaté que ce document ne ressemblait en rien aux documents habituels de la b. I et que le numéro de compte n'existait pas ; si la racine xxx existe, le xxx ne correspond à rien ; la direction a été prévenue et a vérifié les opérations sur le compte et ils sont arrivés à la conclusion que le document remis par les époux n. J. était un faux remis par a. G. pour leur laisser croire qu'ils disposaient encore de cette somme au sein d'O., ce qui n'était pas le cas ; les époux n. J. ont formalisé une réclamation ;

* • il a été appris ensuite que la société K. avait détourné au profit de son dirigeant a. G. les fonds transférés par les époux n. J. ;

* • a. G. a reconnu les faits et être avec son épouse le bénéficiaire de la société K. ;

* • il avait promis aux époux n. J. un taux d'intérêt de 5,12 % ;

* • pour accréditer cette thèse, a. G. a remis aux époux n. J. deux documents l'un du 1er juin 2012 et l'autre du 19 octobre 2012 qui semblent faire office de relevés de compte et ne ressemblent en rien aux documents de la b.I ;

* • ces documents sont postérieurs à l'ordre de virer l'intégralité des actifs vers la société K. dont les époux H. sont bénéficiaires ; ils ne contiennent ni le nom de la société N., ni des époux n. J. ni destinataire, ni signataire ni synthèse ;

* • les sommes apparaissant sur les faux relevés étaient en contradictions avec les ordres émis par les époux n. J. qui ne se sont jamais inquiétés de ces discordances ;

* • la banque a déposé plainte le 27 mai 2013 et la procédure est toujours en cours ;

* • sur l'irrecevabilité de la demande de révocation du sursis à statuer, les demandeurs font référence de manière hétéroclite aux Codes de procédure civile français et monégasque tout en reconnaissant qu'en droit monégasque un jugement de sursis à statuer n'est pas directement appelable ; cette révocation est juridiquement impossible puisque le Code de procédure civile monégasque ne la prévoit pas et même l'exclut ;

* • ce principe d'exclusion découle de l'article 423 du Code de procédure civile qui n'a pas été modifié lors de la réforme de la procédure civile par la loi du 2 décembre 2021 ; le législateur n'a pas estimé utile à cette occasion de rajouter des dispositions similaires à celles de l'article 379 alinéa 2 du Code de procédure civile français sur la possibilité donnée au juge de révoquer le sursis à statuer ou d'en abréger le délai ou celles de l'article 380 du Code de procédure civile français qui permet un appel immédiat sur autorisation du premier président de la Cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; le Tribunal ne peut donc aller au-delà de la volonté du législateur ni décider que certaines dispositions du droit français seraient applicables en Principauté de Monaco ; la référence aux demandes incidentes ou reconventionnelles est sans rapport avec la possibilité de révoquer un sursis à statuer ; la référence à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales est également inefficace car à supposer qu'elle puisse recevoir application, elle ne saurait avoir pour conséquence d'entraîner la révocation d'une décision de justice, seul l'Etat concerné pouvant être sanctionné ; cette demande sera donc déclarée irrecevable ;

* • subsidiairement, la demande de révocation du sursis à statuer est infondée ; il convient de faire application de l'article 3 du Code de procédure pénale ; en l'espèce, il n'est pas contestable ainsi que cela ressort de l'assignation que les agissements d'a. G. font l'objet de plaintes pénales instruites à Monaco et que l'intégralité des faits dont il est question dans le présent litige sont exactement similaires à ceux soulevés devant la juridiction répressive ; un complément d'information a été ordonné le 6 novembre 2019 ; les diverses responsabilités ne sont pas aussi facilement identifiables que le prétendent les demandeurs ; la décision pénale aura une influence sur la future décision dans la présente instance dès lors que les deux procédures ont le même objet à savoir reconnaître la responsabilité d'a. G. dans le détournement d'actifs au préjudice de la société N. et des époux n. J. ; les motifs retenus dans la décision du 3 décembre 2020 restent pertinents ; il appartient au juge pénal de tirer les conséquences des supposées manœuvres d'a. G. et d'ordonner sa comparution devant le Tribunal criminel conformément à l'arrêt de renvoi ; il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'issue définitive de la procédure pénale en cours contre a. G. ;

* • les demandes adverses au fond sont infondées ;

* • l'article 1231 alinéa 4 du Code civil n'est pas applicable en l'espèce ; ces dispositions supposent la réunion de deux conditions cumulatives : la première tient aux liens personnels entre le commettant et la préposé et cette responsabilité suppose que soit établi un rapport de préposition entre le commettant et le préposé et la seconde tient au actes commis par la préposé susceptibles d'engager la responsabilité du commettant, le préposé doit avoir commis une faute dans l'exercice de ses fonctions ; en l'espèce aucune des deux conditions n'est réunie ;

* • sur le détournement par la société K. : le détournement des fonds des époux n. J. n'a pas été commis par un préposé d'O. mais par cette société K. avec laquelle elle n'entretient aucun lien ; les actes commis par a. G. en tant que préposé d'O. ne sont pas liés au préjudice allégué ; au surplus, les demandeurs ont concouru à leur propre préjudice : l'ordre de transfert a été signé par eux et il ne fait aucun doute de leur volonté d'opérer ce virement ; elle a donc correctement exécuté l'ordre donné et elle n'avait d'autre choix que de respecter la volonté des époux n. J. ; selon les dires des demandeurs, une fois le transfert effectué un rendement de 5,12 % devait leur être versé ; or, la société K. n'a pas respecté son engagement et n'a pas restitué les fonds ; cette société n'est pas un préposé d'O. et a. G. n'est pas préposé de la banque lorsqu'il agit en tant que gérant ou préposé de cette société K. ; le transfert n'était pas illicite et sa responsabilité ne peut être recherchée pour des faits postérieurs à ce transfert auprès d'un tiers ;

* • le virement n'est pas fait générateur du dommage ; l'ordre n'a pas été falsifié ; il n'y a pas de lien de causalité entre la transmission par a. G. en tant que préposé d'un ordre voulu et accepté par le client et la perte postérieure des fonds une fois investis ;

* • les faux ultérieurs n'ont pu entraîner la conviction des époux que les fonds étaient toujours chez O. ; la victime qui sait faire affaire avec un préposé agissant pour son compte personnel ne pourra mettre en cause la responsabilité de l'employeur ; les époux n. J. sont les bénéficiaires effectifs d'une société off-shore et disposent de comptes dans une banque d'affaires privée à Monaco alors qu'ils résident en Belgique, ils sont donc rompus au monde des affaires ; O. est totalement extérieure à la création de la société N. ; les faux relevés ont été établis après la signature de l'ordre de virement de l'intégralité des actifs, ils ne pouvaient donc les convaincre que leur argent était chez O., les faux relevés sont postérieurs aux vrais relevés et ils ne pouvaient ignorer que les faux relevés étaient anormaux ; les époux n. J. ont commis une faute inexcusable en lien direct avec la réalisation du préjudice subi qui exonère la b.I de sa responsabilité ;

* • les dispositions de l'article 1002 du Code civil ne sont pas applicables en l'espèce ; les moyens fondés sur une prétendue responsabilité contractuelle sont irrecevables et subsidiairement infondés ; il ne peut y avoir cumul de la responsabilité délictuelle et contractuelle pour une même situation ; la jurisprudence est constante et celle invoquée par les demandeurs vise une situation différente ; en l'espèce, les demandes sont formées devant la même juridiction civile dans la même instance ;

* • l'argument tenant au risque lié au recrutement d'a. G. est ahurissant ; elle ne pouvait avoir connaissance de ses antécédents professionnels ;

* • sur la prétendue activité d'a. G. en Belgique : les contrats souscrits l'ont été à Monaco ainsi que cela ressort de leur libellé ; il assurait les relations publiques avec le Benelux ce qui justifiait ses déplacements et il avait une résidence personnelle en Belgique ; il n'existe à Monaco aucune réglementation des activités transfrontalières, ce qui explique que la banque n'avait pas de procédures sur ce point ; la banque n'a fait l'objet d'aucune plainte des autorités belges ou de l'ACPR ; ce moyen est dépourvu de tout fondement ;

* • sur le prétendu non-respect de la procédure Hold mail ou care of : l'affirmation selon laquelle l'instruction aurait mis en évidence que la procédure n'était pas appliquée est totalement erronée ; compte tenu de la périodicité de 18 mois, les époux n. J. ont reçu les situations de compte les 6 décembre 2010 et 22 mars 2012 contre signature ; ils avaient une parfaite connaissance de l'état de leur compte et pouvaient constater que les autres documents étaient des faux ; la procédure a été parfaitement respectée ;

* • sur la prétendue absence de contrôle des transferts demandés par a. G. : la banque avait obligation de mettre à exécution dans les meilleurs délais l'ordre de transfert ; la situation du compte permettait le virement ; il existe un principe de non-immixtion de la banque dans l'exécution des ordres reçus des clients ; elle n'a commis aucune faute ;

* • elle n'a pas résisté abusivement aux demandes mais n'a fait qu'apporter des réponses à ce qui lui était reproché.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.

À l'audience du 2 février 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et l'affaire mise en délibéré à l'audience du 2 mars 2023.

SUR CE,

* Sur la demande de révocation du sursis à statuer,

* Sur la recevabilité de cette demande,

Les demandeurs fondent en premier lieu la recevabilité de leur demande sur ce point sur les dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile en arguant qu'ils ont été contraint d'accepter le sursis à statuer prononcé par le jugement du 3 décembre 2020 tandis que la société O. se fonde sur ce même texte pour soulever l'irrecevabilité de cette prétention en faisant valoir notamment que le législateur n'a pas souhaité modifier ce point lors de la dernière réforme de la procédure civile.

L'article 423 susvisé dispose que :

« Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal. Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond.

Peuvent aussi être immédiatement frappés d'appel les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance.

Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci. ».

Si ce texte a pu empêcher les demandeurs de relever appel immédiat contre la décision ayant ordonné le sursis à statuer, il n'apparaît pas pertinent pour apprécier la recevabilité de la demande de révocation du sursis à statuer présentée devant le Tribunal de première instance. En effet, la question posée n'est pas de savoir si un appel immédiat avant la décision au fond est ou non ouvert mais si la juridiction qui a statué le 3 décembre 2020 peut revenir sur sa décision initiale.

Le fait que l'article 379 § du Code civil français ouvre la possibilité au juge de révoquer ou abréger le délai du sursis à statuer avancé par les époux n. J. et la société N. à l'appui de leur argumentation n'est pas de nature à influer sur la présente décision dès lors que cette disposition de droit étranger n'est pas applicable en Principauté de Monaco.

La violation alléguée du délai raisonnable tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui serait, selon les demandeurs, de nature à leur ouvrir le droit de solliciter la révocation du sursis à statuer prononcé ne saurait être interprétée comme ces derniers l'entendent. En effet, la nécessité pour les juridictions de statuer dans un délai raisonnable, ne peut ouvrir de droit procédural sur son seul fondement.

Pour le même motif, la circonstance que les demandeurs pourraient éventuellement subir un dommage conséquence directe du sursis à statuer dont ils font état en alléguant notamment de la nécessité de maintenir en fonctionnement la société N. est inopérante.

Il en est de même de l'état de santé de j. E. qui même précaire ne peut justifier qu'il bénéficie d'un traitement particulier de ses demandes et n'est pas de nature à permettre un examen immédiat de ses prétentions sur le fondement du droit à un jugement dans un délai raisonnable ;

Le moyen tenant au fait que la chose jugée par le juge de la mise en état n'a qu'un caractère provisoire et relatif en droit français est sans incidence dans la présente instance suivie suivant le droit procédural monégasque et alors que la décision de sursis à statuer émane du Tribunal de première instance, statuant en formation collégiale, à défaut d'existence en droit monégasque d'un juge de la mise en état au sens du droit français.

Enfin, les demandeurs considèrent que leur demande est une demande incidente, recevable au visa de l'article 379 du Code de procédure civile qui prévoit que :

« Les demandes incidentes seront formées par conclusions prises à l'audience par écrit ou même verbalement. Un défendeur peut présenter une telle demande à l'encontre d'un autre défendeur par voie de conclusions.

Cette demande incidente n'est admise que si elle se rattache à la demande principale par un lien suffisant.

Le tribunal pourra accorder au défendeur un délai pour répondre et ordonner les communications prévues à l'article 177. ».

Or, ce n'est pas le fait que la demande de révocation du sursis à statuer a été faite par conclusions qui est contesté mais la possibilité de former ce type de demande en l'absence de base textuelle prévoyant une telle révocation. Ce moyen sera donc également écarté.

Le sursis à statuer prononcé par ce Tribunal le 3 décembre 2020 l'a été sur la base du principe selon lequel le criminel tient le civil en l'état et sur l'article 3 du Code de procédure pénale ainsi que sur l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Le Tribunal a analysé les faits dont étaient saisies tant la juridiction pénale que la présente juridiction pour estimer devoir le prononcer.

Il est constant que le Code de procédure civile monégasque ne contient aucune disposition d'autre général sur le sursis à statuer et l'éventuelle possibilité de le révoquer ou d'en réduire le délai contrairement au droit français.

L'absence de texte général sur le sursis à statuer n'empêche pas de le prononcer, si besoin, sur le fondement d'une bonne administration de la justice dans d'autres cas que celui d'une instance pénale pendante.

Ainsi, la jurisprudence admet une telle décision en l'absence de texte sur la base des principes généraux du droit applicables en Principauté de Monaco.

Le fait qu'il n'existe pas de texte permettant à la juridiction qui l'a prononcée de révoquer une décision de sursis à statuer ne fait pas en lui-même obstacle à la recevabilité d'une telle demande.

En effet, le jugement du 3 décembre 2020 a été rendu avant-dire-droit au fond.

L'article 1198 du Code civil dispose que : « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ».

La décision qui a ordonné le sursis à statuer n'a pas, au sens de ce texte et de la jurisprudence, autorité de la chose jugée à défaut d'avoir tranché sur le fond les demandes des parties. Que d'ailleurs, si tel avait été le cas, il ne s'agirait pas d'un jugement avant-dire-droit mais d'un jugement mixte qui aurait été susceptible d'un appel immédiat.

À défaut d'autorité de la chose jugée, la juridiction qui a statué avant-dire-droit au fond peut être appelée à réexaminer sa décision précédente au regard d'éléments nouveaux qui lui seraient soumis de nature à modifier l'appréciation de la situation telle qu'elle lui avait été soumise initialement.

Ne pas admettre un tel principe priverait le justiciable de toute possibilité d'un nouvel examen de la situation procédurale alors même qu'il ne peut relever appel et que le terme prévu à l'origine peut être lointain ou être devenu entre-temps sans objet.

Le principe d'une bonne administration de la justice qui fonde le sursis à statuer commande également d'admettre que l'on déclare recevable une demande de révocation de sursis à statuer.

En conséquence, la demande des époux n. J. et de la société N. sera déclarée recevable en ce qu'elle tend à voir réexaminer la mesure de sursis à statuer et en sollicite la révocation.

Il convient donc d'examiner le bien-fondé de cette demande au regard notamment de l'évolution des faits et de la cause et des éléments nouveaux soumis à l'appréciation du Tribunal.

* Sur le bien-fondé de la demande de révocation du sursis à statuer,

Les demandeurs allèguent de nouveau de la non-incidence de la procédure pénale en cours sur la présente instance dans la mesure où elle aurait un objet différent et où il n'y aurait pas de risque de contrevenir au principe de la réparation intégrale.

Ils font valoir notamment que la présente instance est intentée contre la b.I et non contre a. G., que la condamnation préalable de ce dernier n'est pas nécessaire et qu'une condamnation de celui-ci qui ne fait pas de doute serait sans incidence, de même qu'une relaxe, fort improbable eu égard à ses aveux. Ils insistent également sur le fait qu'est également recherchée la responsabilité contractuelle de la banque et que ce dernier point peut, le cas échéant, déjà être jugé si le Tribunal devait par extraordinaire considérer que la responsabilité de la banque du fait des agissements de son préposé dépendait de l'action pénale.

Comme déjà mentionné dans le jugement du 3 décembre 2020, si dans la présente instance les demandeurs recherchent la responsabilité civile de la société O. en sa qualité de commettant de son préposé a. G., l'issue de l'action pénale aura nécessairement une incidence sur la présente instance.

En effet, la responsabilité de la banque en sa qualité de commettant ne pourra être engagée qu'en cas de dommage causé par un fait fautif de son préposé commis dans l'exercice de ses fonctions puisqu'à défaut de toute faute d'a. G. dans l'exercice de ses fonctions, la société O. ne saurait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil.

Le fait qu'a. G. a reconnu, au moins, pour partie, les faits qui lui sont reprochés dans le cadre de l'instance pénale est indifférent puisqu'il est, en application de l'article 180 du Code de procédure pénale, présumé innocent tant qu'il n'a pas été définitivement condamné.

Il conviendra d'analyser chaque fait reproché à a. G. dans la présente instance et notamment les conditions d'émission et d'encaissement du chèque en faveur de la société K. afin de connaître les responsabilités engagées, ce qui nécessite l'issue de l'instance pénale seule à même d'apporter les éléments nécessaires à une telle analyse.

L'appréciation de la responsabilité contractuelle de la banque indépendamment de l'examen de sa responsabilité délictuelle en qualité de commettant est à ce stade impossible car elle supposerait, outre d'examiner des points qui sont l'objet de l'instance pénale, le fait de savoir si ces deux régimes de responsabilité peuvent se cumuler dans la présente instance, ce qui serait prématuré et ne peut se faire que dans le cadre de l'appréciation de la responsabilité globale de la banque en statuant au fond.

Le développement sur la distinction entre l'indemnisation et la réparation effectué par le conseil des demandeurs est également sans portée pour statuer sur la révocation du sursis dès lors que même si les demandes viseront dans l'instance pénale a. G. et la b.I dans la présente instance, le risque de double indemnisation existe ainsi que l'a relevé ce Tribunal dans le jugement du 3 décembre 2020. Contrairement à ce qui est prétendu l'autorité de la chose jugée s'opposerait à ce qu'il soit de nouveau statué au plan civil à la suite de la décision pénale.

Comme déjà indiqué supra, la prétendue violation du délai raisonnable n'est pas de nature à permettre de révoquer le sursis à statuer ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

L'évolution procédurale au pénal avec la demande de report pour raisons de santé de son procès par a. G. ne fait pas disparaître les risques encourus par le fait de statuer dans la présente instance sans attendre l'issue de la procédure pénale, l'attitude d'a. G. étant indifférente de même que l'éventuelle longueur de la procédure pénale ou le coût du maintien de l'enregistrement de la société N. jusqu'à l'issue de la présente procédure. L'état de santé du demandeur est également inopérant en ce qu'il ne permet pas de passer outre la nécessité de connaître l'issue de la procédure pénale et lui accorder un traitement différent des autres plaignants. La référence à la possibilité en droit français d'un appel immédiat sur autorisation du premier président s'il est justifié d'un motif grave et légitime est sans portée s'agissant d'un texte français et relatif à la procédure d'appel et non à la révocation d'un sursis à statuer par la juridiction du premier degré, la comparaison effectuée fondée sur le fait qu'il s'agit dans les deux cas de contester une mesure d'administration judiciaire n'apparaît pas pertinente.

Eu égard à ces éléments, il convient de rejeter la demande de révocation du sursis à statuer prononcé par le jugement du 3 décembre 2020 et de le maintenir en sorte qu'il n'y pas lieu de statuer sur le fond des demandes des parties.

Les dépens seront réservés en fin de cause.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, avant-dire-droit au fond, prononcé par mise à disposition au greffe ;

Déclare recevable la demande de révocation du sursis à statuer prononcé par le jugement du 3 décembre 2020 présentée par j. E., n. F. épouse n. J. et la société N. ;

Les déboute de cette demande ;

Maintient le sursis à statuer sur les demandes formées par j. E., n. F. épouse n. J. et la société N. dans l'attente d'une décision pénale définitive suite à l'information judiciaire ouverte devant le magistrat instructeur monégasque sous le numéro CAB3-2013/000016 à l'encontre d'a. G. ;

Dit que l'affaire sera rappelée à la demande de la partie la plus diligente, dès lors qu'une décision pénale définitive sera rendue, suite à l'information judiciaire ouverte devant le magistrat instructeur monégasque sous le numéro CAB3-2013/000016 à l'encontre d'a. G., ou en cas de circonstances nouvelles le justifiant ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 2 MARS 2023, par Monsieur Olivier SCHWEITZER, Vice-Président, Madame Aline BROUSSE, Premier Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, assistés, de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence du Ministère Public

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30044
Date de la décision : 02/03/2023

Analyses

Procédure civile ; Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : j. E., n. F. épouse n. J. et la société N
Défendeurs : La O.

Références :

article 180 du Code de procédure pénale
article 1231 alinéa 4 du Code civil
article 1002 du Code Civil
article 423 du Code de procédure civile
article 1198 du Code civil
Code de procédure civile
article 238-1 du Code de procédure civile
article 379 du Code de procédure civile
article 3 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2023-03-02;30044 ?

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