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19/01/2023 | MONACO | N°20901

Monaco | Tribunal de première instance, 19 janvier 2023, p. A. c/ g m. B.


TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

N° 2017/000480 (assignation du 29 mars 2017)

JUGEMENT DU 19 JANVIER 2023

En la cause de :

* p. A. né le 19 novembre 1964 à Nice (France), de nationalité française, demeurant X1 à Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Céline ALINOT, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* g m. B. né le 16 février 1923 à Malegno (Italie) de nationalité italienn

e, demeurant de son vivant X2 à Monaco, décédé le 2 avril 2018 ;

DÉFENDEUR ayant élu domicile en l'étude de Maître Tho...

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

N° 2017/000480 (assignation du 29 mars 2017)

JUGEMENT DU 19 JANVIER 2023

En la cause de :

* p. A. né le 19 novembre 1964 à Nice (France), de nationalité française, demeurant X1 à Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Céline ALINOT, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* g m. B. né le 16 février 1923 à Malegno (Italie) de nationalité italienne, demeurant de son vivant X2 à Monaco, décédé le 2 avril 2018 ;

DÉFENDEUR ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* m. A., né le 14 mai 1933 à Carnoules (83), de nationalité française, demeurant X3 « X4 », Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

DÉFENDEUR ayant élu domicile en l'étude de Maître c. SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Philippe DEPRET, avocat au barreau de Nice ;

d'autre part ;

En présence de :

* Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL par intérim, près la Cour d'Appel, séant en son Parquet, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE,

* j-p. B. né le 30 novembre 1955 à Pian Camuno (Brescia-Italie), de nationalité italienne, administrateur de sociétés, demeurant X5 à Monaco, venant aux droits de g m. B. décédé le 2 avril 2018 ;

INTERVENANT VOLONTAIRE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* s. B. épouse C., née le 14 janvier 1961 à Menton (France), venant aux droits de g m. B. décédé le 2 avril 2018 ;

INTERVENANTE VOLONTAIRE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* m. B. né le 8 février 1965, demeurant CH-Bellinzona (TI) en Suisse, représenté par Maître Massimo BIONDA, demeurant via X6 CH-Lugano (Suisse), ès-qualités de curateur (article 393-2 du Code civil suisse) de m. B. venant aux droits de g m. B. décédé le 2 avril 2018 ;

INTERVENANT VOLONTAIRE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* n. D. née B., née le 9 août 1952 à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant X7 à Monaco, venant aux droits de g m. B. décédé le 2 avril 2018 ;

* g. E. née B., née le 16 août 1951 à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant X8 à Monaco, venant aux droits de g m. B. décédé le 2 avril 2018 ;

INTERVENANTES VOLONTAIRES, ayant toutes deux élu domicile en l'étude de Maître c. BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Olivier GRISONI, avocat au barreau de Paris ;

Visa

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 mars 2017, enregistré (n° 2017/000480) ;

Vu le jugement avant-dire-droit au fond rendu par ce Tribunal en date du 18 novembre 2021, ayant notamment reçu les consorts B. dans leurs interventions volontaires, dit que la loi française était applicable au litige, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 20 janvier 2022 afin que le Ministère public prenne des conclusions sur l'application ou non du principe de proportionnalité au cas d'espèce, les parties en présence ayant la possibilité, dans le respect du contradictoire, de conclure de nouveau sur cette question et réservé l'examen de demandes et les dépens en fins de cause ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de j-p. B. en date du 21 mars 2021 (sic) en réalité 21 mars 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître c. SOSSO, avocat-défenseur, au nom de m. A. en date du 4 avril 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de m. B. représenté par Maître Massimo BIONDA, en date du 21 avril 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître c. BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de n. D. et de g. E. en date du 26 avril 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives du Ministère Public en date du 2 juin 2022 soulevant l'irrecevabilité de l'action de p. A. sans que le contrôle de proportionnalité ne conduise à écarter les dispositions de l'article 333 du Code civil français et ses conséquences ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de p. A. en date du 5 septembre 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de s. B. épouse C. en date du 5 septembre 2022 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 octobre 2022 ;

Motifs

À l'audience publique du 13 octobre 2022, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, le Ministère public en ses observations et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 15 décembre 2022 et prorogé au 19 janvier 2023, les parties en ayant été avisées ;

FAITS ET PROCÉDURE

Par assignation du 29 mars 2017, p. A. faisait attraire g m. B.et m. A. à comparaître, en présence de Monsieur le Procureur Général, par-devant le Tribunal de Première Instance aux fins de :

* Contestation et annulation de la paternité de m. A.

* Établissement de paternité à l'égard de g m. B.

Il demandait, avant-dire droit, une expertise hérédo-biologique, si le Tribunal ne devait pas s'estimer suffisamment informé.

À l'appui de sa demande, il exposait les faits suivants :

m. A.et c. A. se sont mariés le 10 avril 1958. De cette union sont nés cinq enfants dont les jumeaux p.et c. nés prématurément à 7 mois, le 19 novembre 1964.

La famille A.et la famille B. entretenaient des relations amicales depuis les années 1960. g m. B. est ainsi le parrain de l'un des jumeaux, c. A. le baptême ayant eu lieu en juin 1965 en l'église Saint-Charles à Monaco.

Durant toute son activité professionnelle et jusqu'à sa retraite prise en 2003, m. A. était la plupart du temps en déplacements en Afrique pour le compte d'EDF INTERNATIONAL.

c. A. décédait le 12 mai 2016 des suites d'une longue maladie.

p. A. affirmait que, quelques jours avant son décès, sa mère lui aurait avoué avoir eu une relation adultérine sur une longue durée avec g m. B. laissant entendre que ce dernier serait en réalité le père biologique des jumeaux A.

p. A. attendait le décès de sa mère pour rechercher dans les affaires de celle-ci des preuves de ce secret et découvrait des documents qui confirmeraient cette liaison. Il décidait d'effectuer un test biologique de paternité à l'étranger dès le 30 mai 2016. Ledit test révèlerait que m.A.ne serait pas le père biologique de p. A.

p. A. contactait alors g m. B. Il soutenait qu'ils auraient, durant l'été 2016, tenté d'établir leur relation père-fils, rencontres au cours desquelles aurait été envisagée par g m. B. une solution visant à rétablir la filiation. p. A.se heurtait à l'opposition totale des enfants légitimes de Monsieur B. Confronté à cette situation, il décidait d'engager une action en contestation et recherche de paternité afin de voir triompher la vérité sur ses origines.

g m. B. décédait en cours d'instance le 2 avril 2018 laissant cinq enfants légitimes issus de son union avec l. F. elle-même prédécédée le 4 juin 2002. Ceux-ci intervenaient volontairement à la présente instance, venant aux droits de leur père, ce, par conclusions du :

* 12 juillet 2018, 18 février 2019, 28 juin 2019 et 3 juillet 2020 pour Madame D. et Madame E.

* 11 octobre 2018, 22 mars 2019 et 1er septembre 2020 pour m. B. représenté par son curateur,

* 16 octobre 2018, 22 mars 2019, 18 mai 2020 et 29 janvier 2021 pour j-p. B.

Ces ayants droits, à l'exception de s. B. épouse C. qui s'est associée aux demandes de p. A. demandent de déclarer recevables leurs interventions volontaires, souhaitent voir écarter des pièces produites par p. A. et s. B. et concluent à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes.

Ils soutiennent principalement que :

* l'action en contestation de paternité engagée par p. A. est prescrite, ce dernier bénéficiant d'un titre et d'une possession d'état, de sorte que son action est irrecevable en vertu de l'article 333 alinéa 2 du Code civil, celui-ci n'ayant pas qualité pour agir,

* le Ministère public n'a engagé aucune action en vertu de l'article 336 du Code civil.

Parallèlement à la présente instance, p. A. a saisi le 29 mai 2019 le Juge des référés en vue de l'instauration d'une mesure d'expertise. Madame C. s'est associée à cette demande. Par ordonnance du 15 janvier 2020, le Juge des référés, aux motifs que l'urgence n'était pas caractérisée et que l'expertise sollicitée ne permettrait pas la résolution du litige au fond, a débouté p. A. et Madame C. de leurs demandes. p. A. a interjeté appel de cette décision par acte du 30 janvier 2020. Dans un arrêt du 18 mai 2021, la Cour d'appel de Monaco a infirmé cette ordonnance estimant que le juge des référés était incompétent pour statuer sur une telle demande.

Un jugement avant-dire-droit au fond du 18 novembre 2021 a reçu les consorts B. dans leurs interventions volontaires, dit que la loi française était applicable au présent litige, en application de l'article 43 de la loi monégasque n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, p. A. étant de nationalité française).

Ce jugement a subordonné l'examen du rejet des pièces 4, 10 et 11 communiquées par p.A.et des pièces 1 et 2 communiquées par Madame C. à l'analyse préalable de la recevabilité des actions.

Il a ainsi ordonné la réouverture des débats afin que le Parquet Général de Monaco prenne des conclusions sur l'application ou non du principe de proportionnalité au cas d'espèce, les parties en présence ayant la possibilité, dans le respect du contradictoire, de conclure de nouveau sur cette question ;

Cette réouverture des débats s'appuie sur le fait que la recevabilité de l'action de p. A. est soumise à l'examen d'une double prescription en application des articles 311-1, 333 et 336 du code civil, actions qu'il convient d'analyser en respectant le principe chronologique posé par l'article 320 du Code civil qui empêche l'établissement juridique d'un lien de filiation contraire à celui qui a été établi en premier lieu.

Dans l'hypothèse où la prescription de l'action serait acquise, il conviendrait alors, conformément au moyen soulevé par le demandeur, d'apprécier concrètement si la mise en œuvre des dispositions des articles 320 et 333 du Code civil ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée au regard du but légitime poursuivi.

Par conclusions récapitulatives du 5 septembre 2022, le demandeur entend voir :

AVANT DIRE DROIT

Juger qu'il n'existait pas de possession d'état de p. A. conforme au titre ;

Juger que l'action en contestation et établissement de paternité de p. A. n'est pas prescrite, en ce que ce dernier a eu connaissance des faits le 12 mai 2016, que désormais le délai décennal de l'article 321 du Code civil était encore en cours, en l'absence de possession d'état conforme au titre ;

Juger que même en présence d'une possession d'état conforme au titre ou dans le cas où l'action serait considérée comme légalement prescrite, le droit au respect de la vie privée et à connaître son ascendance impose d'effectuer un contrôle de proportionnalité des intérêts en jeu ;

Juger que l'action de p. A. n'emportera pas de bouleversements des équilibres familiaux, et que le droit à la vérité biologique prime sur tout obstacle procédural, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ;

Débouter les codéfendeurs, à l'exception de s. B. épouse C.de leurs demandes ;

En conséquence,

Accueillir ainsi p. A. en son action comme recevable en la forme, au fond l'y déclarant fondée :

Entendre désigner tel expert qu'il appartiendra à l'effet de procéder à une expertise hérédo-biologique, lequel pourra recevoir pour mission de :

* Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,

* Convoquer les ayants-droits masculins de Monsieur g m. B. savoir : g-p. dit j-p. B. et m. B. ainsi que Messieurs m. A. et p. A.

* Effectuer en présence des parties, et s'il échet avec l'assistance et dans les locaux de tel laboratoire d'analyse médicale qu'il appartiendra - préalablement avisé - un prélèvement sanguin sur Messieurs g-p. dit j-p. B. et/ou m. B. m. A. et p. A. en s'assurant au préalable de l'identité de ces personnes ;

En cas de refus des ayants-droit masculins susvisés d'effectuer les tests, s'entendre le Tribunal ordonner l'exhumation du corps du défunt afin que l'expert désigné puisse procéder aux prélèvements nécessaires à son expertise ;

Procéder aux analyses d'empreintes génétiques nécessaires,

En fonction du résultat de ces analyses ;

Dire si m. A. est le père biologique de p. A. ;

Dire si g m. B. est le père biologique de p. A. ;

SUR LE FOND

S'entendre le Tribunal dire que faute par g-p. dit j-p. B. et/ou m. B. de déférer à la convocation de l'expert ou le fait de refuser de se prêter aux prélèvements qui pourraient être nécessaires pour la bonne réalisation de l'expertise, il pourra être jugé que ce refus S'interprète comme laissant présumer que le résultat de l'expertise leur aurait été défavorables avec toutes les conséquences de droit qui pourront en être déduites ;

Sur la contestation de paternité :

Constater que les demandes de p. A. ne heurtent en rien l'Ordre Public monégasque ;

Constater que p. A. par la production d'un test hérédo-biologique fait entre lui et m. A. juste après le décès de sa mère, apporte la preuve du point de départ de son action en contestation de paternité ;

Entendre le Tribunal dire et juger que m. A. n'est pas le père biologique de p. A. :

En conséquence,

Annuler la filiation de p. A. tel que retranscrit par l'Officier d'État civil de Nice, le 20 novembre 1964 ;

Sur la reconnaissance de paternité :

Entendre le Tribunal dire et juger que g m. B. est le père biologique de p. A. né le 19 novembre 1964 à Nice, non reconnu par celui-ci ;

Reconnaître cette filiation et ce avec toutes conséquences de droit ;

Dire et juger que p. A. pourra prendre le nom de son père biologique ;

Ordonner la transcription du dispositif de la décision, partout où besoin sera et notamment sur l'acte de naissance de p. A. ;

Débouter tout contestant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Condamner tout contestant aux entiers frais et dépens en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur aux offres de droit ;

En tout état de cause,

Débouter tout contestant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Condamner tout contestant au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile et aux entiers frais et dépens en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur aux offres de droit ;

Par conclusions du 5 septembre 2022, s. B. souhaite que soit :

Donné acte à la concluante de ce qu'elle associe pleinement aux demandes formulées par p. A. suivant exploit d'huissier du 29 mars 2017 ainsi et ses écritures ultérieures ;

Par conséquent, avant-dire-droit au fond,

Ordonner une expertise hérédo-biologique entre p.A.et les ayants-droits masculins de g m. B. savoir j-p. B. et m. B. ainsi que m. A. ;

Commettre tel expert de son choix pour procéder aux analyses d'empreintes génétiques de Messieurs p. A. j-p. B. m. A. et, en tant que de besoin, de m. B. ;

Surabondamment sur le fond,

Rejeter des débats les dernières écritures du Ministère public en date du 2 juin 2022 en application du principe de l'estoppel au profit des précédentes ;

Débouter j-p.B.de sa demande tendant au rejet des pièces n°1 et 2 versées aux débats par s. B. ;

Par conclusions du 21 mars 2022, j-p. B. entend voir :

1. Accueillir j-p. B. en son intervention volontaire,

2. Sur le rejet de pièces :

* Écarter des débats les pièces communiquées par p. A. sous les numéros 4, 10 et 11,

* Écarter des débats la pièce communiquée par Madame C. sous le numéro 1.

3. Sur l'action en contestation de paternité :

* Dire et juger que l'action de p. A. en contestation de paternité est prescrite,

* Dire et juger que p. A. n'a pas qualité pour contester la paternité de m. A.

* Constater que l'action en contestation de paternité n'appartient qu'au Ministère public et qu'en tout état de cause, celle-ci est prescrite,

En conséquence, déclarer irrecevable l'action en contestation et en annulation de la paternité dirigée contre m. A.

4. Sur l'action en recherche de paternité : À titre principal,

Constater que l'action en recherche de paternité ne peut être exercée à défaut de pouvoir contester la filiation légalement établie,

Déclarer irrecevable l'action en recherche de paternité dirigée contre g m. B. à défaut pour p. A. de pouvoir contester sa filiation légalement établie.

À titre subsidiaire, pour le cas où, par extraordinaire, p. A. serait déclaré recevable en son action en contestation de paternité :

* Déclarer prescrite l'action en recherche de paternité.

À titre plus subsidiaire, si par extraordinaire, le Tribunal devait estimer que le point de départ du délai de prescription imposé par la loi doit se situer au jour où le demandeur a eu connaissance de la prétendue paternité :

* Constater que Monsieur A. ne justifie pas du point de départ de la prescription de son action,

* Le débouter de sa demande avec toutes conséquences de droit.

Sur la demande avant-dire-droit au fond :

5. À titre principal, débouter Monsieur A. de sa demande d'expertise avant dire droit.

À titre subsidiaire, si l'action en contestation de paternité était accueillie et par suite dans l'hypothèse où son action en recherche de paternité devait prospérer :

* Donner acte au concluant de ce qu'il s'en rapporte à justice sur la demande d'expertise des sangs le concernant,

* Constater que feu g m. B. n'a pas donné son accord pour que soit effectué sur son corps un prélèvement tendant à la comparaison des empreintes génétiques,

* Donner acte à j-p. B. de ce qu'il s'oppose à l'exhumation du corps de son père feu g m. B. et au prélèvement sur le corps de celui-ci tendant à la comparaison des empreintes génétiques,

* Débouter p. A. de sa demande d'exhumation du corps de feu g m. B. de prélèvement et de comparaison des empreintes génétiques.

6. En tout état de cause :

* Débouter Monsieur A. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions parfaitement infondées.

Par conclusions du 26 avril 2022, Mesdames n. D. et g. E. souhaitent voir :

Juger recevable et bien fondées les conclusions d'intervention volontaire de Mesdames n. D. et g. E.

À titre liminaire :

Juger que Mesdames n. D. et g. E. contestent de manière catégorique avoir prononcé la phrase que Madame s. C. leur prête dans ses conclusions « Ha, mais tu parles du ou des fils A. ? » ;

Rejeter les pièces n°4, 10 et 11 de p. A. ainsi que la pièce n°1 de s. C.

Sur l'action en contestation de paternité :

À titre principal : juger irrecevable l'action engagée par p. A. aux fins de contestation de sa filiation, pour défaut de qualité à agir.

À titre subsidiaire : juger irrecevable car prescrite l'action engagée par p. A. aux fins de contestation de sa filiation.

Sur l'action en recherche de paternité :

À titre principal : juger irrecevable son action en recherche de paternité, en raison de l'irrecevabilité de l'action en contestation de paternité,

À titre subsidiaire : juger prescrite l'action en recherche de paternité de p. A.

Sur la demande avant dire droit :

Surseoir à statuer sur la demande d'expertise dans l'attente de la décision à intervenir sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité de p. A.

En tout état de cause :

Rejeter l'ensemble de l'argumentation de p. A. ;

Débouter p. A. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner p. A. aux entiers dépens distraits au profit de Maître c. BALLERIO, avocat-défenseur sur sa due affirmation.

Par conclusions du 21 avril 2022, m. B. entend voir :

Déclarer recevable l'intervention volontaire de m. B. représenté par Maître Massimo BIONDA, ès-qualités de curateur (article 393-2 du Code civil suisse) de m. B. ;

Dire et juger que la loi française est applicable à la présente procédure ;

Dire et juger que la pièce n° 4 de p. A. ainsi que la pièce n° 1 de s.C.ne sont pas conformes aux prescriptions du Code civil français ;

En conséquence,

Ecarter des débats la pièce n° 4 de p. A. ainsi que la n° 1 de s. C. ;

Dire et juger que l'action en contestation de paternité est prescrite ;

En conséquence,

Déclarer irrecevable l'action en contestation de paternité ;

Dire et juger que le lien de filiation entre m. A. et p. A. subsiste ;

Subsidiairement,

Dire et juger que l'action en recherche de paternité est prescrite ;

En conséquence,

Déclarer irrecevable l'action en recherche de paternité ;

En tout état de cause,

Dire et juger que le droit français relatif aux délais de prescription des actions en matière de filiation conforme à l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; Débouter p.A.de sa demande d'expertise ;

Prononcer le bâtonnement du sous chapitre C-3-c, contenu en pages 50 et 51 des conclusions de p. A. en date du 19 février 2020, intitulé : « l'étonnant comportement du curateur de Monsieur m. B. », dont les extraits ci-dessus reproduits sont particulièrement irrespectueux à l'égard de Maître Massimo BIONDA et portent ainsi atteinte tant à l'honneur et à la probité de cet auxiliaire de justice ;

Débouter p. A. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Par conclusions du 4 avril 2022, m. A. souhaite que lui soit donner acte qu'il en remet à justice sur la demande de p. A. ;

À titre subsidiaire, si la juridiction entend ordonner une expertise :

Donner acte à m. A. de ses protestations et réserves sur la demande d'expertise de p. A. qui devra toutefois être à ses frais exclusifs ;

Par conclusions du 2 juin 2022, le Ministère public a conclu à la prescription de l'action en contestation de paternité et donc à l'irrecevabilité de la demande et considéré que l'application du principe de proportionnalité ne permettait pas d'y déroger.

La clôture de ce dossier a été prononcée par ordonnance du 10 octobre 2022

SUR CE

Sur le rejet des conclusions du Ministère public du 2 juin 2022

s. B. invoque le principe de l'Estoppel pour demander le rejet des dernières conclusions du Ministère public.

Le principe de l'estoppel est un mécanisme qui permet de sanctionner des prétentions contradictoires qui auraient été défendues par un plaideur au cours d'une même instance. Ce principe consacre ainsi une véritable obligation de loyauté procédurale imposant aux parties une cohérence au cours de la discussion judiciaire.

Invité par jugement avant-dire-droit au fond à se prononcer sur l'application du principe de proportionnalité, le Ministère public a déposé des conclusions le 27 décembre 2021 puis le 2 juin 2022.

Il a soutenu, dans les deux jeux d'écritures, que la prescription de l'action en contestation de paternité était acquise. Concernant l'appréciation in concreto du principe de proportionnalité, il a proposé une argumentation développée dans les conclusions du 2 juin 2022 et précisé que, si le Ministère public n'était pas opposant à une mesure d'expertise, cette mesure n'était envisageable que si la prescription était écartée.

Il a clairement conclu à l'irrecevabilité de l'action sans que le contrôle de proportionnalité ne conduise à écarter les dispositions de l'article 333 du Code civil.

Au cours de la mise en état de cette procédure, le contradictoire a été respecté et toutes les parties ont pu conclure jusqu'à l'ordonnance de clôture prononcée le 10 octobre 2022.

En l'absence de violation des principes directeurs du procès civil, il convient donc d'écarter l'application du principe de l'Estoppel et de ne pas rejeter les conclusions du Ministère public du 2 juin 2022.

Concernant la demande de bâtonnement

Le conseil de m. B. sollicite le bâtonnement du sous chapitre C-3-c, contenu en pages 50 et 51 des conclusions de p. A. en date du 19 février 2020, intitulé : « l'étonnant comportement du curateur de Monsieur m. B. », considérant que ces écrits sont particulièrement irrespectueux à son égard et portent ainsi atteinte tant à l'honneur et à la probité de cet auxiliaire de justice.

Les propos tenus dans ses conclusions sont certes inappropriés mais ne justifient pas en l'état leur bâtonnement. De surcroît les conclusions suivantes y compris récapitulatives de p.A.ne reprennent pas ces propos.

Cette demande sera donc rejetée.

Concernant l'action en contestation de paternité :

Il est établi que p. A. de nationalité française, est né du mariage de c. A. et de m. A. dont il est le fils légitime, ainsi que cela résulte expressément de son acte de naissance ce qui constitue un titre.

Il est également établi que ni le Ministère public ni m. A. n'ont engagé d'action en contestation de paternité. m. A. qui souhaite adopter une position de neutralité dans le présent litige, rappelle qu'il a toujours considéré et considère toujours p. A. comme son fils.

Les pièces versées aux débats établissent que p. A. n'aurait eu connaissance de sa véritable filiation qu'au décès de sa mère en 2016.

L'article 333 du Code civil français dispose que :

« Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé, ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté ».

« Nul, à l'exception du Ministère public ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement »

Ce délai est d'ordre public.

Les éléments de la possession d'état sont clairement définis à l'article 311-1 du Code civil français.

p. A. soutient que les conditions posées par les alinéas 1 et 2 de l'article 311-1 ne sont pas remplies ce qui reporte le point de départ du délai de prescription. Il réfute ainsi l'existence d'une possession d'état non équivoque au motif que, selon lui, l'entourage de la famille A. était au courant que m. A. ne pouvait pas être le père biologique des jumeaux, comme étant absent au moment de leur conception. Il invoque un secret de famille bien gardé à l'égard des jumeaux A. Il fait aussi observer une forme de désintérêt à son égard manifesté par son père légitime y compris lors de la présente instance.

Il s'appuie également sur le témoignage de s. B. qui relate, notamment, qu'à l'occasion d'une assemblée générale d'actionnaires, ses sœurs auraient évoqué que le ou les enfants A. seraient les enfants adultérins de leur père, propos que réfutent totalement les sœurs B.

Selon les ayants droits de Monsieur B. ainsi que Monsieur le Procureur général, l'action en contestation de paternité est prescrite : Monsieur A. enfant légitime ayant bénéficié d'une possession d'état conforme à son titre au-delà même du délai de cinq ans requis. Ils considèrent, d'ailleurs, que les attestations produites par le demandeur vont en ce sens puisque p. A. affirme n'avoir découvert sa véritable filiation qu'en 1986.

De fait, les pièces versées aux débats ne font pas la démonstration d'une possession d'état équivoque, le demandeur reconnaissant lui-même ne s'être interrogé sur sa filiation paternelle qu'au décès de sa mère. Ainsi de sa naissance à ses cinquante ans, force est de constater qu'il a porté le nom de A. qu'il a été un membre à part entière de la famille A. et qu'il été traité par Monsieur A. comme son enfant, celui-ci ayant notamment pourvu à son éducation et à son entretien malgré ses nombreux déplacements professionnels à l'étranger.

Ainsi, p. A. a bénéficié d'une possession d'état d'enfant légitime conforme à son titre. L'application combinée des articles 333 et 311-1 du Code civil aboutissent donc à déclarer prescrite l'action en contestation de paternité.

Dans l'hypothèse où la prescription de l'action serait acquise, le demandeur a souhaité voir contourner cette prescription par l'exercice d'un contrôle de proportionnalité. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme impose au Juge de faire une application in concreto de la mise en œuvre des dispositions légales qui ne doit pas porter, compte tenu du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi.

En France, la Cour de cassation a retenu qu'il appartenait aux juridictions saisies d'une demande tardive et prescrite en recherche de paternité d'opérer un contrôle de proportionnalité. Jusqu'à ce jour, les juridictions monégasques, alors même qu'elles peuvent opérer un contrôle de conventionalité, n'ont pas été saisies d'une telle question.

Dans ses conclusions, le Ministère public considère que les conditions ne sont pas réunies en l'espèce pour écarter les dispositions de l'article 333 du Code civil français et ses conséquences. Il soutient en substance que parmi les intérêts en présence, la stabilité de l'état des personnes, la préservation des filiations légalement établies et notamment celle du frère jumeau du demandeur priment sur l'atteinte à la vie familiale de p. A. Le Ministère public précise que la Cour européenne des droits de l'homme privilégie la notion de vie familiale projetée par rapport à la notion de vie privée qu'elle envisage plus comme un droit à reconnaître ses origines sans que l'établissement légal de la filiation soit nécessairement subséquent.

L'article 8 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnait à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Selon la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître ou de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la vie privée.

L'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée. Cette ingérence est prévue par la loi française et résulte de l'application combinée de plusieurs articles du Code civil qui définissent d'une manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation.

Cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets. Elle poursuit un but légitime puisqu'elle tend à protéger le droit des tiers et la sécurité juridique et, dans la présente instance, la stabilité de l'état des personnes, la préservation des filiations légalement établies et ses conséquences au sein des familles concernées soit la fratrie A. ainsi que la famille B.

L'appréciation d'un contrôle de proportionnalité au cas d'espèce conduit à examiner si la mise en œuvre des délais légaux de prescription porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur au regard du but légitime poursuivi exposé ci-dessus et si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts en présence.

Dans cette balance, l'intérêt supérieur de l'enfant doit également être pris en considération en vertu de l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant. En matière de filiation, la Cour Européenne des droits de l'homme privilégie cependant la notion de vie familiale projetée soit la relation potentielle qui aurait pu se développer entre un père et son enfant.

Au regard des pièces fournies aux débats, il n'est pas contesté que si les familles A. et B. ont entretenu pendant de longues années des relations de grande proximité, les difficultés conjugales des époux A. telles que relatées par p. A. n'ont pas pour autant rejailli sur les conditions de vie et d'éducation de leurs enfants qui ont tous bénéficié d'une possession d'état d'enfant légitime.

Aucun élément probant ne vient accréditer que g m. B. ait fait de son vivant quelque démarche que ce soit pour établir des relations filiales avec p. A. ou son jumeau dont il était le parrain. Force est de constater que p. A. n'est aujourd'hui ni en situation de vouloir la consécration d'un lien affectif de nature filiale avec son père biologique supposé ni dans celle de projeter une relation filiale avec celui-ci.

Par ailleurs, le décès de g m. B. a fait naître un lourd contentieux successoral dans un contexte particulièrement conflictuel entre les héritiers compte tenu de l'important patrimoine en jeu. Ce contexte ne peut en rien favoriser la création de liens fraternels entre p. A. et la fratrie B. qui ne pourrait voir dans l'action de ce dernier qu'un objectif successoral.

Enfin, l'équilibre de la fratrie A. est également à considérer et, plus précisément, celui du frère jumeau de p. A. qui n'est pas partie à la procédure et continue de bénéficier de la possession d'état d'enfant légitime.

L'analyse de ces éléments conduit à ne pas écarter l'application des dispositions de l'article 333 et 311-1 du Code civil et à déclarer l'action en contestation de paternité prescrite et donc irrecevable.

Le respect du principe chronologique posé par l'article 320 du Code civil qui empêche l'établissement juridique d'un lien de filiation contraire à celui qui a été établi en premier lieu conduit par voie de conséquence au débouté de toutes les autres demandes des parties.

En l'état de la solution du litige, p. A. sera débouté de sa demande formulée au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

p. A. qui succombe sera condamné aux entiers dépens de l'instance qui comprendront ceux réservés par jugement en date du 18 novembre 2021, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL

Statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au Greffe,

Rejette l'application du principe de l'Estoppel et la demande de rejet des conclusions du Ministère public du 2 juin 2022 ;

Rejette la demande de bâtonnement formulée par le conseil de m. B. ;

Déclare l'action en contestation de paternité formulée par p. A. irrecevable ;

Après un contrôle de proportionnalité, dit que la prescription de l'action en contestation de paternité et ses conséquences ne sera pas écartée ;

En conséquence, en application de l'article 320 du Code civil, déboute l'ensemble des parties pour le surplus de leurs demandes respectives ;

Condamne p. A. aux entiers dépens de l'instance qui comprendront ceux réservés par jugement en date du 18 novembre 2021, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Maître Hervé CAMPANA, Maître c. SOSSO et Maître c. BALLERIO avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable ;

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 19 JANVIER 2023, par Madame Françoise BARBIER-CHASSAING, Président, Madame Aline BROUSSE, Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, assistés de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence du Ministère public.

Note

Voir aussi la décision du Tribunal de première instance du 18 novembre 2021 rendu dans la même cause.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20901
Date de la décision : 19/01/2023

Analyses

Le principe de l'estoppel est un mécanisme qui permet de sanctionner des prétentions contradictoires qui auraient été défendues par un plaideur au cours d'une même instance. Ce principe consacre ainsi une véritable obligation de loyauté procédurale imposant aux parties une cohérence au cours de la discussion judiciaire.Le délai prévu par l'article 333 du Code civil français est d'ordre public. Les éléments de la possession d'état sont clairement définis à l'article 311-1 du même code. A. a bénéficié d'une possession d'état d'enfant légitime conforme à son titre. L'application combinée des articles 333 et 311-1 du Code civil aboutissent donc à déclarer prescrite l'action en contestation de paternité.Dans l'hypothèse où la prescription de l'action serait acquise, le demandeur a souhaité voir contourner cette prescription par l'exercice d'un contrôle de proportionnalité. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme impose au Juge de faire une application in concreto de la mise en œuvre des dispositions légales qui ne doit pas porter, compte tenu du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. En France, la Cour de cassation a retenu qu'il appartenait aux juridictions saisies d'une demande tardive et prescrite en recherche de paternité d'opérer un contrôle de proportionnalité. Jusqu'à ce jour, les juridictions monégasques, alors même qu'elles peuvent opérer un contrôle de conventionalité, n'ont pas été saisies d'une telle question.Selon la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître ou de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la vie privée. L'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée. Cette ingérence est prévue par la loi française et résulte de l'application combinée de plusieurs articles du Code civil qui définissent d'une manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation. Cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets. Elle poursuit un but légitime puisqu'elle tend à protéger le droit des tiers et la sécurité juridique et, dans la présente instance, la stabilité de l'état des personnes, la préservation des filiations légalement établies et ses conséquences au sein des familles concernée.L'appréciation d'un contrôle de proportionnalité conduit à examiner si la mise en œuvre des délais légaux de prescription porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur au regard du but légitime poursuivi exposé ci-dessus et si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts en présence. Dans cette balance, l'intérêt supérieur de l'enfant doit également être pris en considération en vertu de l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant. En matière de filiation, la Cour Européenne des droits de l'homme privilégie cependant la notion de vie familiale projetée soit la relation potentielle qui aurait pu se développer entre un père et son enfant.

Procédure civile  - Droit de la famille - Filiation.

Procédure - Obligation de loyauté - EstoppelFiliation - Action en contestation de paternité - Droit français - Prescription - Contrôle de proportionnalité.


Parties
Demandeurs : p. A.
Défendeurs : g m. B.

Références :

article 333 alinéa 2 du Code civil
article 393-2 du Code civil
Code civil
article 321 du Code civil
article 238-1 du Code de procédure civile
articles 311-1, 333 et 336 du code civil
article 336 du Code civil
article 231 du Code de procédure civile
article 320 du Code civil
articles 320 et 333 du Code civil
articles 333 et 311-1 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2023-01-19;20901 ?

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