La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2020 | MONACO | N°19432

Monaco | Tribunal de première instance, 3 décembre 2020, i. D veuve F. c/ La société B et d. G


Abstract

Accident du travail - Assassinat d'un salarié par un autre salarié sur le lieu de travail - Responsabilité de l'employeur (non) - Recherche d'un manquement à une obligation de sécurité de moyen ou de résultat (non) - Discussion sur la responsabilité du commettant (non) - Spécificité de la législation sur les accidents du travail dérogatoire du droit commun - Notion de faute inexcusable - Faute d'une exceptionnelle gravité de l'employeur conscient du danger - Preuve (non)

Résumé

Son époux ayant été poignardé à 27 reprises sur son lieu de travail

par l'un de ses collègues, la demanderesse invoque une faute inexcusable de son empl...

Abstract

Accident du travail - Assassinat d'un salarié par un autre salarié sur le lieu de travail - Responsabilité de l'employeur (non) - Recherche d'un manquement à une obligation de sécurité de moyen ou de résultat (non) - Discussion sur la responsabilité du commettant (non) - Spécificité de la législation sur les accidents du travail dérogatoire du droit commun - Notion de faute inexcusable - Faute d'une exceptionnelle gravité de l'employeur conscient du danger - Preuve (non)

Résumé

Son époux ayant été poignardé à 27 reprises sur son lieu de travail par l'un de ses collègues, la demanderesse invoque une faute inexcusable de son employeur. À titre liminaire, il convient de préciser qu'il importe peu de savoir si l'employeur a, le cas échéant, manqué à une obligation de sécurité de moyen ou de résultat dès lors que le litige vise à déterminer si l'employeur a ou non commis une faute inexcusable. De plus, en matière d'accident du travail, une obligation de résultat ne saurait s'appliquer strictement quelles que soient les circonstances de l'accident mais vise à imposer à l'employeur la prise d'un certain nombre de mesures de sécurité. Elle ne saurait donc se confonde avec la faute inexcusable de l'employeur qui exige de ce dernier une faute d'une gravité exceptionnelle et une conscience du danger.

En outre, la lecture de l'article L. 4121-1 du Code du travail français relative à l'obligation de sécurité de l'employeur, qui n'a pas d'équivalent en droit monégasque, montre bien que seules certaines mesures sont concernées par une obligation de résultat à la charge de l'employeur et qu'aucune de celles-ci ne sont adaptées aux faits de l'espèce, la prévention d'un homicide ne pouvant se confondre avec la prévention des risques professionnels concernant deux cuisiniers. Enfin, la discussion relative à la responsabilité du commettant n'est pas pertinente eu égard à la spécificité de la législation sur les accidents du travail qui déroge au droit commun. S'agissant dès lors de la faute inexcusable de l'employeur, qu'il appartient à la demanderesse de prouver, il est établi que l'information ouverte du chef d'assassinat contre l'auteur des coups de couteau a abouti à une ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité pénale, l'expertise psychiatrique ayant conclu à un état d'altération psychique excluant la possession de ses facultés mentales. Par ailleurs, si des témoignages mettent en évidence chez ce salarié une personnalité à tendance paranoïaque au sens commun du terme, ils ne démontrent pas que sa dangerosité aurait été connue avant l'agression. Ainsi, aucun élément ne permet de dire que son état psychiatrique était connu et prévisible.

De même, s'il est établi qu'une dispute a eu lieu entre les deux salariés un mois avant l'assassinat, il est également établi que l'employeur a pris une mesure suffisante en le rappelant à l'ordre avec menace de licenciement eu égard aux éléments dont il disposait. En effet, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir procédé au licenciement immédiat du salarié dès lors qu'il ne pouvait raisonnablement prévoir qu'une banale altercation entre deux salariés pouvait aboutir quelques semaines plus tard à un homicide commis avec guet-apens. Quant au passage de ce salarié en contrat à durée indéterminée, il ne peut être fautive dès lors que l'employeur avait pris la précaution de consulter les deux responsables de cuisine qui le côtoyaient au quotidien, lesquels avaient émis un avis favorable. Il convient donc de rejeter la demande.

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2019/000472 (assignation du 1er mars 2019)

JUGEMENT DU 3 DÉCEMBRE 2020

En la cause de :

* i. D veuve F., née le 26 février 1986 à Paterno (Italie), de nationalité italienne, venant aux droits de son mari a. F. décédé d'un accident du travail, demeurant X1à Menton (06500),

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme de droit français B, dont le siège social se trouve X2 à Bois-Colombes (92270), prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, et en tant que de besoin la société anonyme B, prise en la personne de son agent général en Principauté de Monaco, d. D. commerçant exploitant en son nom personnel à l'enseigne « Cabinet D. Cabinet de Courtage », dont le siège social se trouve X1 à Monaco,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* d. G, né le 18 juin 1945 à Florence (Italie), de nationalité italienne, commerçant exploitant en nom personnel le commerce sous l'enseigne AA demeurant en cette qualité en son siège principal X2 et exploitant un établissement secondaire BB au X3 à Monaco,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 1er mars 2019, enregistré (n° 2019/000472) ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de d. G en date des 8 mai 2019, 31 janvier 2020 et 8 mai 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SA B, en date des 26 juillet 2019, 20 décembre 2019 et 13 mai 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom d i. D veuve F. en date des 8 novembre 2019 et 4 mars 2020 ;

À l'audience publique du 22 octobre 2020, les conseils des parties déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 décembre 2020 ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 24 février 2017, a. F. est décédé après avoir été poignardé de 27 coups de couteau sur son lieu de travail, le BB dont le propriétaire est d. G et dont l'assureur-loi est la compagnie d'assurances B ; L'auteur des coups mortels était un de ses collègues de travail, r. N.;

Ces faits ont constitué un accident du travail régulièrement déclaré par l'employeur ;

a. F. a laissé une veuve i. D veuve F.;

Cette dernière a invoqué la faute inexcusable de l'employeur et a refusé en conséquence de se concilier ; une enquête a été diligentée par le Juge chargé des accidents du travail qui n'a pas permis de parvenir à un accord et une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 2 mars 2018 ;

Par exploit du 1er mars 2019, i. D veuve F. a fait assigner devant ce Tribunal la compagnie d'assurances B et d. G aux fins de voir :

* - dire et juger que d. G n'a pas pris toutes les mesures de sécurité qui s'imposaient pour garantir la sécurité physique et psychique d a. F. ce qui a contribué à l'accident mortel du travail dont ce dernier a été victime ;

* - dire et juger que ce faisant, d. G a manqué à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de son employé ;

* - dire et juger que ladite faute s'analyse en une faute inexcusable ;

* - condamner d. G et la société B à lui verser une rente égale à 100 % du salaire réel de son défunt époux, soit la somme annuelle de 27.694,37 euros ;

* - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Au soutien de ses demandes, i. D veuve F. fait valoir pour l'essentiel que :

* - en vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation concernant leur santé et leur sécurité dans tous les aspects du travail dont il doit assurer l'effectivité ; il est, à ce titre, tenu d'une obligation générale de prévention du danger ;

* - il s'agit d'une obligation de résultat, ce qui signifie qu'en cas de risque avéré ou réalisé, l'employeur engage sa responsabilité ; La Cour de cassation donne une portée très vaste à ce principe en considérant que l'employeur manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur son lieu de travail de violences physiques ou morales par l'un ou l'autre de ses salariés ;

* - dès lors qu'un salarié est victime sur son lieu de travail de violences physiques ou morales exercées par un collègue, l'employeur est responsable sans pouvoir arguer, pour s'exonérer de sa responsabilité à ce titre, de son absence de faute ou du comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ;

* - en l'espèce, a. F. a été agressé dans la cave de l'établissement, après avoir été attiré dans un piège en coupant l'électricité, son agresseur lui ayant asséné une trentaine de coups de couteau, ce qui a entraîné sa mort quasi-immédiate ;

* - l'imputabilité de l'accident à l'activité au sein du restaurant n'est pas contestable, que l'on se base sur le lieu de l'agression ou encore sur son auteur ;

* - il en résulte que d. G a manqué à son obligation de sécurité de résultat et que ce manquement revêt le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

* - pour se dédouaner de sa faute, l'employeur doit prouver non seulement qu'il est intervenu de manière adaptée pour faire cesser la situation (action de prévention dite secondaire) mais aussi et surtout qu'il a effectivement pris toutes les mesures au titre de l'obligation générale de sécurité et des principes généraux de prévention (action de prévention dite primaire) ;

* - plusieurs jurisprudences françaises sur la mise en place de telles mesures vont dans ce sens ;

* - il existait, à la date des faits, des signes avant-coureurs des gestes de violence commis à l'encontre d a. F. de sorte que cet indice laissait présager de l'accès de rage ultérieur de r. N.; les témoignages recueillis lors des enquêtes pénales établissent sans aucun doute possible le risque qui pesait sur l'ensemble des salariés et plus particulièrement, sur la victime ; cet état de fait a été confirmé par l'interrogatoire mené lors de l'enquête du Juge chargé des accidents du travail ;

* - il ressort des éléments du dossier que r. N. s'était fait remarquer défavorablement par un comportement belliqueux et peu coopératif vis-à-vis de ses collègues, faisant preuve d'un manque de respect et allant jusqu'à critiquer leur travail ; en outre, il manifestait une attitude hostile à l'encontre de ces derniers et se montrait paranoïaque, s'imaginant faussement que les autres employés parlaient de lui dans son dos ;

* - ces difficultés d'adaptation et certains troubles du comportement étaient de nature à alerter l'employeur sur son état de dangerosité, ce d'autant plus que cette situation avait été dûment portée à sa connaissance par le directeur de son établissement, sans susciter aucune réaction ni action particulière de sa part ;

* - d. Gétait parfaitement informé du comportement potentiellement violent de r. N. qui, au mois de janvier 2017, avait été, pour un motif futile, à l'origine d'une altercation physique et verbale avec a. F.à l'encontre duquel il avait proféré des menaces de mort ;

* - la victime avait été dès le lendemain des faits voir son employeur et lui avait fait part de ses craintes, évoquant la « peur » que suscitait chez lui son collègue de travail ;

* - la seule réaction de l'employeur avait été, selon ses propres dires, de menacer r. N. de licenciement ;

* - l'employeur de son époux avait connaissance de l'existence d'un conflit important entre lui-même et un autre salarié et l'a laissé sciemment travailler aux côtés de son collègue de travail, sans prendre aucune mesure, le plaçant ainsi dans une situation de danger ;

* - plus grave encore, quelques semaines plus tard, et une semaine avant l'agression, l'employeur décidait d'embaucher r. N. en contrat à durée indéterminée, avec, comme seule précaution, prise une question posée à son chef de cuisine quant aux capacités de cuisiner de l'agresseur ; l'unique inquiétude de l'employeur portait sur la pérennité de ses affaires comme il l'a admis devant le Juge chargé des accidents du travail ; il était pourtant loisible à l'employeur de mettre fin au contrat de r. N. pendant la période probatoire qui s'achevait ;

* - à défaut, il aurait dû s'assurer que l'intégration définitive de cette personne dans les effectifs n'était pas de nature à entraîner des risques pour l'équipe et plus particulièrement pour l'employé qui l'avait alerté en exprimant des craintes parfaitement fondées ;

* - aucune action concrète n'a été mise en œuvre par d. G selon son propre aveu, à la suite de la première altercation entre ses deux employés et antérieurement à l'agression qui a été fatale à a. F. pour assurer la sécurité de ce dernier et protéger sa santé physique et mentale ;

* - elle est donc fondée, en application de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 prévoyant une majoration de rente en cas de faute inexcusable de l'employeur, à solliciter une rente égale à 100 % du salaire réel de son défunt époux ;

Par conclusions des 8 mai 2019, 31 janvier 2020 et 8 mai 2020, d. G demande au Tribunal :

* - avant-dire-droit au fond, d'ordonner la communication de la procédure pénale ouverte sous les numéros CAB1/17/07 - PG 2017/000317 ;

* - au fond, de débouter i. D veuve F. de l'ensemble de ses demandes.

À l'appui de ses prétentions, il allègue en substance que :

* - il exploite en nom personnel le restaurant BB ouvert midi et soir, tous les jours et qui avait en 2017 un effectif de 14 salariés ;

* - a. F. a été engagé en qualité de cuisinier le 15 mars 2015 ;

* - r. N. a d'abord été embauché en qualité d'extra cuisinier à compter du 1er décembre 2016, puis en contrat à durée déterminée de trois mois avec un terme au 28 février 2017 ; celui-ci avait auparavant travaillé dans plusieurs restaurants ;

* - le 20 janvier 2017, une altercation a eu lieu entre r. N. et a. F.; il s'agissait d'une dispute verbale ainsi que l'ont déclaré Messieurs T C. A. et B.; à la suite, il a convoqué r. N. pour lui demander de changer de comportement et il a modifié les tâches de ce dernier afin qu'il ne travaille plus directement avec a. F.; aucun autre incident n'a été signalé jusqu'au 24 février 2017 ;

* - aucun incident n'a eu lieu lors du service du midi du 24 février 2017 ; ce jour-là, a. F. est arrivé au restaurant à 16 heures 52 ; puis 25 minutes plus tard, r. N. est arrivé, descendu directement à la cave et l'électricité a été coupée ; a. F. est alors descendu à la cave pour la remettre et a été poignardé mortellement par r. N.; M. M. a découvert le corps et appelé les secours ;

* - après avoir quitté le restaurant, r. N. s'est livré à la police italienne et a été placé en garde à vue et mis en examen ;

* - une information judiciaire a été ouverte à Monaco à laquelle il n'a pas eu accès, n'étant pas partie, contrairement à i. D veuve F.; il a obtenu copie du dossier le 22 mai 2019 ;

* - une déclaration d'accident du travail a été effectuée le 27 février 2017 et l'assureur-loi a mis en œuvre sa garantie notamment par le paiement des frais d'obsèques et le versement d'une rente à la veuve égale à 30 % du salaire annuel du défunt ;

* - dans l'intérêt de la manifestation de la vérité, il apparaît nécessaire que le Tribunal se fasse communiquer l'entier dossier pénal ;

* - la faute inexcusable est définie par la jurisprudence comme « une faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l'absence de toute cause justificative » ;

* - la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié ou à ses ayant-droits aux termes de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 et de l'article 1162 du Code civil ;

* - i. D veuve F. tente d'inverser la charge de la preuve et jusqu'à la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relative au harcèlement moral et à la violence au travail, aucun texte ou jurisprudence n'imposait à l'employeur une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses salariés ;

* - l'obligation de sécurité qui pesait sur lui était une obligation de moyen ;

* - il appartient dès lors à la demanderesse de rapporter la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de moyen constituant une faute d'une exceptionnelle gravité et de la conscience du danger ;

* - la jurisprudence invoquée en demande concerne une poursuite pour blessures involontaires et le Tribunal n'a pas retenu une quelconque obligation de sécurité de résultat à la charge de l'employeur ;

* - l'altercation du 20 janvier 2017 était uniquement verbale ;

* - à cette date, r. N. n'était pas en période d'essai mais en contrat à durée déterminée de trois mois ; à l'approche du terme de ce contrat, il a, à nouveau, interrogé les deux chefs du restaurant pour savoir si celui-ci donnait satisfaction et ils lui ont répondu qu'il travaillait bien et ne lui ont pas fait part de difficultés de comportement postérieures au 20 janvier 2017 ;

* - il n'a jamais affirmé devant le Juge chargé des accidents du travail que « son unique inquiétude portait sur la pérennité de ses affaires » ;

* - à la suite de l'altercation verbale, il a entendu les deux salariés sur les faits, procédé à un rappel à l'ordre verbal de r. N. précisé à ce dernier que si ces faits venaient à se reproduire, il se verrait contraint d'envisager son licenciement et modifié les fonctions de r. N. pour que celui-ci ne travaille plus avec a. F.;

* - les faits du 24 février 2017 ont eu lieu en dehors des heures de travail et en pénétrant dans les locaux de l'entreprise en dehors des heures de travail ; les deux salariés ont méconnu le règlement intérieur et se sont soustraits à la subordination de l'employeur ; dès lors, aucune faute ne peut être reprochée à ce dernier ;

* - la demanderesse ne rapporte pas la preuve que l'employeur aurait eu connaissance d'un quelconque danger mais procède par affirmations ;

* - aucun fait postérieur n'a été porté à sa connaissance après le 20 janvier 2017, et rien dans le comportement du salarié ne pouvait susciter la conscience d'un quelconque danger, alors que de surcroît, de telles altercations sont fréquentes en cuisine du fait du stress du service sans pour autant aboutir à de telles extrémités qu'un homicide ;

* - r. N. n'a jamais fait preuve de violence physique au sein du restaurant ;

* - il ressort de l'expertise médicale italienne que l'agression semble résulter uniquement de l'état psychiatrique de r. N. qui n'a pu être identifié que par l'expertise du docteur RO. le 12 juin 2017 ;

* - il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir tenu compte de cet état psychiatrique décelé quatre mois après les faits et ignoré de tous jusqu'à cette date ;

* - le curriculum vitae de r. N. ne pouvait laisser prévoir la violence manifestée dans la mesure où il a travaillé de manière interrompue depuis 2004 dont 8 ans au sein du même établissement ;

* - le danger était totalement imprévisible ;

Par conclusions des 26 juillet 2019, 20 décembre 2019 et 13 mai 2020, la compagnie B, assureur-loi, entend voir le Tribunal :

* - avant-dire-droit au fond, ordonner la communication de la procédure pénale monégasque, si le Tribunal ne s'estime pas suffisamment informé,

* - au fond, débouter i. D veuve F. de l'ensemble de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, elle soutient pour l'essentiel que :

* - les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas réunis à savoir une faute d'une particulière gravité et la conscience de la gravité du danger ; elle se fonde pour ce faire sur une jurisprudence du Tribunal de première instance du 29 avril 1976 F / SAM R. ;

* - aucun élément de l'enquête ou pièce du dossier ne permet de venir affirmer que l'employeur aurait été conscient que la victime était exposée à un risque majeur ;

* - une simple dispute verbale quelques semaines plus tôt ne pouvait raisonnablement être annonciatrice d'un homicide, alors surtout qu'entre cette dispute le 20 janvier 2017 et l'homicide le 24 février 2017, aucun nouvel incident n'avait été porté à la connaissance de l'employeur ;

* - il résulte également du procès-verbal d'enquête du 21 février 2018 établi par le Juge chargé des accidents du travail qu'aucun comportement inquiétant n'a été mis en exergue, ni par a. F. ni par les chefs qui travaillaient tous les jours avec r. N. et que d. G demandait à ses employés de ne pas travailler seuls ;

* - le caractère imprévisible de cet accident impliquait que l'employeur ne pouvait prendre d'autre mesure utile ;

* - la demanderesse entend vouloir soulever la faute inexcusable de l'employeur, alors même que celui-ci bénéficie d''une exonération de responsabilité en vertu de l'article 1231 du Code civil, le commettant n'étant responsable des actes commis par ses préposés que s'ils ont agi dans le cadre de leurs attributions ; en l'espèce, r. N. a commis une infraction pénale et n'agissait pas dans l'exercice de sa profession ;

* - seule la procédure pénale en cours et totalement indépendante de la présente action, qui entre dans le cadre strict de la loi n° 636 sur les accidents du travail, permettra d'éclaircir les zones d'ombre et le mobile du meurtrier d'origine professionnelle ou tout autre ;

* - d. G doit être exonéré de toute responsabilité, la responsabilité de cet accident étant intégralement imputable à r. N. qui est d'ailleurs poursuivi au plan pénal ;

* - en l'absence de faute inexcusable de l'employeur, il n'y a pas lieu d'appliquer la majoration de rente prévue à l'article 30 de la loi n° 636 ;

* - i. D veuve F. procède par voie d'affirmation et l'assureur-loi fait siennes les écritures prises par d. G le 8 mai 2020 ;

i. D veuve F. a conclu les 8 novembre 2019 et 4 mars 2020 ; Elle a repris ses demandes et moyens contenus dans l'assignation et y ajoutant demande au Tribunal de :

* - rejeter tous moyens, fins et conclusions contraires ;

* - dire et juger que d. G n'a pas pris toutes les mesures de sécurité qui s'imposaient pour garantir la sécurité physique et psychique d a. F. ce qui a contribué à l'accident du travail mortel dont ce dernier a été victime ;

* - dire et juger que ce faisant, d. G a manqué à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de son employé ;

* - dire et juger que ladite faute s'analyse en une faute inexcusable ;

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, en substance, que :

* - qu'il ressort de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relative au harcèlement et à la violence au travail qu'en vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité qui s'analyse en une obligation de résultat et qu'en cas de risque avéré ou réalisé, l'employeur engage en principe sa responsabilité ;

* - l'employeur est soumis à une obligation générale de prévention du danger et des risques qu'encourent ses employés, ce qui implique de prendre les mesures de prévention, de formation, d'information et de gestion nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; par conséquent, même à considérer que l'obligation à la charge de d. G s'analysait en une obligation de moyen, force est de constater que ce dernier a failli à cette obligation en ne mettant pas en œuvre les moyens nécessaires pour protéger son salarié ;

* - eu égard à l'interdiction de proférer des menaces de mort, un employeur diligent n'aurait pas attendu que la situation dégénère ; or, après cet incident grave, l'employeur n'a pris aucune mesure ;

* - l'employeur rappelle justement que la responsabilité de l'employeur peut être recherchée sur le fondement de l'obligation de bonne foi de l'article 989 du Code civil lorsqu'il a été informé de difficultés relationnelles entre ses salariés et s'est abstenu de prendre les mesures appropriées ;

* - d. G n'a pris aucune mesure et aucune pièce n'étaye son affirmation selon laquelle il aurait adressé à r. N. un rappel à l'ordre avec menace de licenciement ;

* - aucun document cité en défense à savoir le procès-verbal du commandant TO. du 26 février 2017 ou le procès-verbal de déclaration de M. B. du 24 février 2017 ne mentionne de mesures nouvelles mises en œuvre au restaurant à compter de janvier 2017 ;

* - les déclarations de M. A. ne sont que des suppositions sujettes à caution car il travaillait en salle ; elles sont contredites par les déclarations des autres employés dont le chef de cuisine ; il ressort du dossier que r. N. était chargé de la préparation des pâtes depuis décembre 2016, tandis que la victime s'occupait des entrées froides et des desserts ; cette répartition existait bien avant l'altercation et d. G n'a procédé à aucun changement de poste ; l'employeur n'a d'ailleurs jamais allégué avoir pris ce type de mesure tant devant les services de police que devant le Juge chargé des accidents du travail ; même à considérer que l'obligation de sécurité soit de moyen, il n'a pas rempli son obligation et n'a même pas tenté de le faire ;

* - pour se dédouaner de son obligation de prendre les mesures nécessaires à la sécurité de ses salariés, l'employeur doit prouver non seulement qu'il est intervenu de manière adaptée pour faire cesser la situation mais aussi et surtout qu'il a pris toutes les mesures au titre de l'obligation générale de sécurité et des principes généraux de prévention ;

* - les signes avant-coureurs de violence de r. N. laissaient supposer son accès de rage ultérieur ;

* - l'attention de l'employeur sur l'état de déséquilibre psychique de r. N. avait été attirée par j. T C. ce qui est corroboré par les témoignages de Messieurs L. et S.;

* - la seule fois où la victime s'est départie de sa bonne humeur en 10 ans a été pour se plaindre auprès de son employeur de r. N.;

* - l'employeur n'a pas pris la mesure de la gravité des menaces proférées à l'encontre de son employé, malgré les circonstances ; son directeur lui avait précisé que s'il n'était pas intervenu lors de l'altercation, ils se seraient certainement battus ;

* - l'employeur n'a pris aucune mesure et, au contraire, a accordé un contrat à durée indéterminée à r. N.;

* - de nombreux éléments militaient en faveur d'une rupture de contrat de travail et plus particulièrement le comportement asocial de r. N. qui laissait clairement présupposer une psychopathie ; l'employeur a lui-même témoigné de ce comportement ; n. M. chef de cuisine, l'a confirmé ;

* - l'employeur n'a pas pris la peine de se renseigner sur le comportement passé de son employé lors de ses emplois précédents et les raisons pour lesquelles il ne gardait jamais longtemps un emploi, alors qu'il lui aurait été facile d'obtenir des informations dans le petit milieu de la restauration à Monaco ;

* - l'employeur a fait passer les considérations financières et le profit de son restaurant avant le bien-être et la sécurité de ses employés ;

* - la défenderesse, qui se fonde sur l'article 1231 du Code civil feint d'ignorer le caractère spécifique de la législation sur les accidents du travail dont la réparation est exclusive du droit commun de la responsabilité ;

SUR CE,

* Sur la communication du dossier de la procédure pénale monégasque,

d. G et la compagnie B, cette dernière dans le cas où le Tribunal ne s'estimerait pas suffisamment informé, sollicitent, avant-dire-droit au fond, le versement à la présente procédure du dossier de l'information judiciaire ouverte à Monaco à l'encontre de r. N. sous les numéros CAB1/17/07 - PG 2017/000377 ;

Un certain nombre de pièces tirées de cette procédure ont été produites par les parties chacune à l'appui de ses moyens ; dès lors, le Tribunal estime disposer des éléments nécessaires pour statuer sans ordonner la communication sollicitée qui ne permettrait pas davantage la manifestation de la vérité eu égard au présent litige et en retarderait inutilement l'issue ;

Cette demande sera donc rejetée ;

* Sur la faute inexcusable de d. G,

À titre liminaire, il convient de constater que la discussion instaurée sur le fondement de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 est sans portée dans la présente instance qui trouve son origine dans le décès d a. F. le 24 février 2017, ce décès revêtant, ce qui n'est pas contesté, le caractère d'un accident du travail ; En effet, le fait générateur d'une éventuelle faute inexcusable de l'employeur, se situant avant son vote, ne saurait être influencé par ces dispositions législatives ;

Concernant la discussion sur l'obligation de moyen ou de résultat, celle-ci apparaît également sans portée en l'espèce dès lors que le présent litige ne trouvera sa solution non pas dans le fait de savoir si l'employeur aurait, le cas échéant, manqué à une obligation de moyen ou de résultat mais vise à déterminer si l'employeur a ou non commis une faute inexcusable ; de plus, en matière d'accident du travail, une obligation de résultat ne saurait s'appliquer strictement quelles que soient les circonstances de l'accident mais vise à imposer à l'employeur la prise d'un certain nombre de mesures de sécurité ; que d'ailleurs cette obligation de résultat a été forgée en France à propos de l'amiante et a été étendue sans que son éventuelle violation ne se confonde avec la faute inexcusable de l'employeur qui nécessite que l'employeur ait commis une faute d'une gravité exceptionnelle et avait ou aurait dû avoir conscience du danger ;

À cet égard, l'article L. 4121-1 du Code du travail français prévoit que :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

* 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

* 2° Des actions d'information et de formation ;

* 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes . » ;

Cet article n'a pas d'équivalent en droit monégasque mais sa lecture montre bien que seules certaines mesures sont concernées par une obligation de résultat à la charge de l'employeur et qu'aucune de celles-ci ne sont adaptées aux faits de l'espèce ;

En effet, la prévention d'un homicide ne saurait se confondre avec la prévention des risques professionnels concernant deux cuisiniers ;

De même, la discussion concernant la responsabilité du commettant n'est pas pertinente, eu égard à la spécificité de la législation sur les accidents du travail qui déroge au droit commun ;

Il est donc nécessaire de savoir si l'employeur a commis une faute d'une exceptionnelle gravité et savait ou devait avoir eu conscience du danger encouru par son salarié sur son lieu de travail, eu égard aux éléments dont il avait connaissance avant les faits ;

L'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 mentionne que :

« Aucune des indemnités prévues par la présente loi ne peut être attribuée à la victime qui a intentionnellement provoqué l'accident.

Le tribunal a le droit, s'il est prouvé que l'accident est dû à une faute inexcusable du salarié, de diminuer la pension fixée au titre premier.

Lorsqu'il est prouvé que l'accident est dû à une faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, l'indemnité pourra être majorée, mais sans que la rente ou le total des rentes allouées puisse dépasser soit la réduction visée à l'article 4, soit le montant du salaire annuel réel.

Lorsque l'accident a été causé intentionnellement par un des ayants droit de la victime, celui-ci est déchu de tous ses droits qui sont transférés aux enfants et descendants visés aux articles 4-6 et 4-7 ou, à défaut, aux autres ayants droit.

En cas de poursuites criminelles ou correctionnelles les pièces de procédure seront communiquées à la victime ou à ses ayants droit.

Le même droit appartiendra à l'employeur, à son assureur ou à leurs ayants droit » ;

Il appartient en conséquence à la victime ou à ses ayant-droits de prouver la faute inexcusable de l'employeur ;

Il lui faut démontrer tout à la fois l'existence d'une faute d'une exceptionnelle gravité qui peut résulter d'une action ou d'une omission et le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié ;

a. F. a été mortellement agressé par son collègue de travail r. N. qui lui a porté de nombreux coups de couteau dans la cave du restaurant à la suite d'un guet-apens, le 24 février 2017 sur son lieu de travail ; l'employeur a effectué une déclaration d'accident du travail et l'assureur-loi en a pris en charge les conséquences ;

L'information judiciaire ouverte du chef d'assassinat a abouti à une ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité pénale de r. N. et ce, eu égard notamment à une expertise psychiatrique diligentée en Italie qui a conclu à un trouble schizo-affectif sous contrôle partiel, retenant qu'il était, au moment des faits, dans un état d'altération psychique tel qu'il était exclu qu'il ait alors été en pleine possession de ses facultés mentales ;

Une altercation avait eu lieu le 20 janvier 2017 entre a. F. et r. N.; Il ressort des différents témoignages versés aux débats que cette dispute a été verbale sans contact physique comme l'a indiqué le directeur du restaurant j. T C. en précisant qu'il s'était interposé et que quelque chose avait été jeté ; qu'à cette occasion, r. N. avait proféré des menaces de mort à l'égard d a. F.;

À la suite de cet incident, a. F. s'est plaint auprès de d. G et lui avait dit avoir peur de r. N. et que « c'était un fou » ;

Qu'il n'est pas contesté qu'aucun nouvel incident n'a plus eu lieu entre les deux salariés ou entre r. N. et d'autres salariés jusqu'au 24 février 2017, ni au moment du service du midi de ce jour ;

À la suite de ces faits, d. G a déclaré tant devant les services de police le 25 février 2017 que devant le Juge chargé des accidents du travail le 21 février 2018 et les enquêteurs italiens le 22 mars 2017 qu'il avait effectué un rappel à l'ordre à r. N. en lui indiquant qu'en cas de renouvellement, il le licencierait ;

Dans ses conclusions, d. G affirme, pour la première fois, avoir changé les postes de travail des deux protagonistes ; ce changement ne ressort pas des autres témoignages qui établissent qu a. F. et r. N. n'avaient pas les mêmes tâches en cuisine et ne travaillaient pas de façon constante ensemble ; n. M. chef de cuisine, a ainsi déclaré que r. N. s'occupait des pâtes, tandis qu a. F. s'occupait des plats froids et de la pâtisserie, alors que d. G a indiqué que r. N. s'occupait des entrées, ce qui semble avoir été le cas avant qu'il ne passe aux plats chauds selon les déclarations de n. M. devant les services italiens ;

Les différents témoignages attestent d'un comportement difficile pour ses collègues de r. N.:

* - d. G a indiqué devant les enquêteurs italiens le 22 mars 2017 qu'il avait appris, après le décès d a. F. en se renseignant, que r. N. avait déjà eu des problèmes de comportement dans des emplois précédents ; il a décrit r. N. comme « une personne plutôt renfermée et peu sociable ; Certainement un grand travailleur mais peu adapté au travail d'équipe, qui est essentiel en cuisine » ; devant les policiers monégasques le 25 février 2017 ; il le décrivait comme « un peu bizarre avec tout le monde » ;

* - n. M. a déclaré le 31 mars 2017 devant les policiers italiens que r. N. se considérait supérieur aux autres employés, était susceptible et « très concentré sur son travail et il restait plutôt de son côté ; il n'avait pas tendance à se lier aux autres » ; que devant les policiers monégasques le 24 février 2017, il avait décrit ce dernier comme « très bizarre. Il avait souvent un mauvais comportement », « il était paranoïaque et se sentait souvent persécuté en croyant qu'on parlait mal de lui derrière son dos » ;

* - i. L. a indiqué devant les services de police monégasques le 24 février 2017 que r. N. était « une personne un peu paranoïaque », « tout le monde disait que R. r. N. n'était pas normal. Le responsable une fois a dit qu'il fallait faire attention à lui avec les couteaux en cuisine. Il donnait des signes de déséquilibre » ;

* - j. T C. directeur de l'établissement, a déclaré devant les policiers monégasques le 24 février 2017 sur les faits « Nous avons tout de suite pensé à R. r. N. car je le trouvais très bizarre. Pour moi, il est fou. J'avais d'ailleurs dit qu'il fallait faire attention avec tous les couteaux dans le restaurant. Il s'agissait d'une boutade, mais jamais je n'aurai cru que ce soit vrai à ce point. Pour moi il n'est pas net, il est parano et très étrange » ;

* - g. S. a, le même jour, indiqué aux policiers monégasques à propos de r. N. que « C'est un individu bizarre. Un collègue, an. cuisinier au restaurant, a même dit un jour sur le ton de la plaisanterie que r. était une personne capable de prendre un couteau et de nous tuer. Il disait ça parce r. est albanais et au regard de la réputation des albanais. Quand il s'est passé ça ce soir, nous avons donc tous immédiatement pensé à r. » ;

Concernant le contrat à durée indéterminée octroyé à r. N. d. G a toujours indiqué avoir sollicité l'avis des chefs de cuisine avant d'y procéder mais ne pas avoir demandé son avis à a. F.; n. M. a confirmé, devant les policiers italiens, avoir été consulté, de même qu an. C. chef de cuisine) et qu'ils avaient tous deux répondu qu'il faisait son travail et que, durant cette période, ils avaient besoin d'une personne en cuisine et qu'ils n'avaient pas le temps de trouver une autre personne ;

Ces témoignages, s'ils mettent en exergue des difficultés comportementales de r. N. et des traits de personnalité à tendance paranoïaque, au sens commun du terme, ne démontrent pas que sa dangerosité aurait été connue antérieurement aux faits du 24 février 2017 ; en effet, les allusions au fait qu'il pourrait utiliser les couteaux de la cuisine ont été faites sur le ton de la plaisanterie et si le terme « fou » est employé par certains, c'est après les faits qui les ont choqués et dans une assertion commune et non au sens psychiatrique compte tenu des qualifications des déclarants ; aucun élément ne permet de dire que son état psychiatrique était connu et prévisible ;

À l'occasion de l'expertise psychiatrique menée par le Professeur g. RO. en Italie, r. N. a dit « ne jamais avoir eu de problèmes avec a. seulement une prise de bec après le nouvel an « mais je je lui en voulais pas à lui, c'était la faute d an. le chef cuisinier (...) je ne sais pas pourquoi je l'ai tué, je ne lui voulais de mal, je suis désolé, c'était un brave gars » ;

Concernant les mesures prises après la dispute du 20 janvier 2017, à savoir un rappel à l'ordre avec menace de licenciement puis son passage en contrat à durée indéterminée : la première n'apparaît pas insuffisante au vu des éléments dont disposait l'employeur d. G à ce moment, ni la seconde fautive dès lors que ce dernier a pris la précaution de consulter les deux responsables de cuisine qui côtoyaient r. N. au quotidien et ont émis un avis favorable ;

d. G n'apparaît dès lors avoir commis aucune faute inexcusable en l'absence de faute d'une exceptionnelle gravité et dans la mesure où il ne savait pas et n'aurait pas dû raisonnablement savoir qu'en agissant ainsi et donc en ne licenciant pas immédiatement r. N. il mettait en danger son employé a. F. ou ses autres salariés ; En effet, il n'était pas vraisemblablement prévisible qu'une banale altercation entre deux salariés - même si l'un avait des difficultés relationnelles avec ses collègues - pouvait aboutir quelques semaines plus tard à un homicide commis avec guet-apens par un employé dont l'expertise psychiatrique a établi qu'il était exclu qu'il ait été en possession de ses facultés mentales lors des faits et à propos duquel l'expert a noté « il ne semble pas y avoir de doutes concernant l'apparition en février 2017 d'un état mixte psychotique chez M. N. »;

i. D veuve F. sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ;

La cause et les parties seront renvoyées devant le Juge chargé des accidents du travail pour la suite à donner à la procédure ;

* Sur l'exécution provisoire et les dépens,

La demande principale d i. D veuve F.étant rejetée, sa demande d'exécution provisoire est devenue sans objet et elle sera condamnée aux dépens de l'instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,

Dit n'y avoir lieu à ordonner la communication de la procédure pénale portant les numéros CAB1/17/07 - PG 2017/000377 ;

Déboute i. D veuve F. de ses demandes ;

Renvoie l'affaire devant le Juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Condamne i. D veuve F. aux dépens, avec distraction au profit de Maîtres Arnaud ZABALDANO et Joëlle PASTOR-BENSA, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, Madame Aline BROUSSE, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef adjoint ;

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience du 3 DECEMBRE 2020, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, assistée de Madame Isabel DELLERBA, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général Adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de Justice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19432
Date de la décision : 03/12/2020

Analyses

Accidents du travail ; Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : i. D veuve F.
Défendeurs : La société B et d. G

Références :

article 989 du Code civil
article 1231 du Code civil
loi n° 1.457 du 12 décembre 2017
article 1162 du Code civil
article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2020-12-03;19432 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award