Abstract
Procédure civile - Demande reconventionnelle - Recevabilité (non)
Contrat de prêt - Impossibilité morale d'établir un contrat écrit - Preuve de la réalité de l'engagement invoqué (non)
Résumé
Il y a lieu d'annuler l'attestation totalement taisante sur l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties au procès. En revanche, il n'y a pas lieu d'annuler les attestations faisant l'objet de griefs ne relevant pas des exigences prescrites à l'article 324 du Code de procédure civile mais portant en réalité sur leur valeur probante.
Le requérant allègue avoir prêté à son beau-fils la somme totale de 178 000 euros en procédant à sept virements de son compte personnel vers celui de son beau-fils et en réclame le remboursement. Or, il se borne à invoquer l'impossibilité morale dans laquelle il s'est trouvé pour obtenir un écrit, sans verser aucun élément venant corroborer l'existence du prêt allégué. La preuve de l'existence de l'obligation de restitution des fonds litigieux dont il réclame l'exécution n'est donc pas rapportée, de sorte que le Tribunal rejette sa demande principale en paiement de la somme de 178 000 euros ainsi que ses demandes subséquentes afférentes à la déchéance du terme et à la capitalisation des intérêts.
Pour sa part, le beau-fils présente des demandes reconventionnelles tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait entre les parties pour la période antérieure à la constitution de la société qu'ils ont créée et tendant aux versements des dividendes générées par la société créée de fait puis par la société. Ces demandes ne procèdent pas de la même cause que la demande principale et les moyens invoqués à l'appui de cette demande reconventionnelle ne sont pas dirigés directement à l'encontre de la demande en paiement pour établir qu'elle est injustifiée. Elle ne peut donc être considérée comme formant une défense contre la demande principale. Enfin, ces demandes ne tendent pas à obtenir, directement ou indirectement, le bénéfice de la compensation qui n'est aucunement invoqué. Le Tribunal déclare en conséquence ces demandes irrecevables en application des dispositions de l'article 382 du Code de procédure civile.
Motifs
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2017/000381 (assignation du 20 février 2017)
JUGEMENT DU 4 JUILLET 2019
En la cause de :
* c. S. né le 17 juin 1945 à Monaco, de nationalité monégasque, divorcé de f. A. domicilié avenue X1 à Monaco ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Stéphane MEGYERI, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
* f. D né le 9 novembre 1970 à Monaco, de nationalité monégasque, domicilié X2 à Monaco ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 20 février 2017, enregistré (n° 2017/000381) ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de f. D en date des 3 mai 2017, 26 octobre 2017, 4 avril 2018, 3 octobre 2018 et 1er mars 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom de c. S. en date du 7 juin 2017, puis celles de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, pour cette même partie, en date des 10 janvier 2018 et 16 mai 2018 et celles de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, en date du 9 janvier 2019 ;
À l'audience publique du 25 avril 2019, le conseil de c. S. a été entendu en ses plaidoiries, le conseil de f. D a déposé son dossier et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 4 juillet 2019 ;
FAITS ET PROCÉDURE
c. S. et f. A. ont été mariés du 23 décembre 1982 au 2 juin 2016 ;
De cette union est issu, un enfant, g. S.;
f. A. a eu un autre enfant, issu d'une union précédente, f. D né le 9 novembre 1970 ;
À compter de 2004, c. S. a exploité en nom personnel, sous l'enseigne C une société ;
Le 1er juin 2004, il a embauché f. D en qualité de manager, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ;
Courant 2014, c. S. f. D et g. S. ont constitué la SARL A au sein de laquelle le premier, gérant et associé majoritaire, a apporté le fonds de commerce de la société sous l'enseigne C qu'il exploitait en nom personnel ;
Soutenant avoir prêté à son beau-fils la somme totale de 178.000 euros entre octobre 2013 et décembre 2014 pour financer l'achat de locaux professionnels au Maroc et la réalisation de travaux dans la propriété de l'épouse de celui-ci, et en avoir réclamé en vain le remboursement, c. S. a, par l'exploit du 20 février 2017, fait assigner f. D en condamnation au paiement de ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016, date de la mise en demeure ;
Dans le dernier état de ses écritures, c. S.:
* demande l'annulation de la pièce adverse n° 27 ;
* réitère sa demande initiale de condamnation en paiement ainsi que sa demande de déchéance du terme si le paiement en était assorti ;
* réclame la capitalisation des intérêts ;
* conclut à l'irrecevabilité de la demande de reconventionnelle de f. D et au débouté de la demande reconventionnelle afférente au contrat de société ;
* sollicite la condamnation de f. D à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
* demande que la décision à venir soit assortie de l'exécution provisoire ;
En défense, f. D conclut au débouté de c. S. de ses demandes, et à titre reconventionnel il sollicite :
* l'annulation des pièces adverses n° 5, 6, 21, 22, 23 et 24 ;
* la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 240.000 euros au titre de sa quote-part des bénéfices générés par la SARL A dus au 11 mai 2015 ;
* la production par la partie adverse des documents comptables (bilans, feuilles de vente et de caisse) sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en vue de déterminer les bénéfices lui restant dus depuis le 11 mai 2015 ;
* la condamnation de c. S. à lui payer la quote-part des bénéfices qui lui sont dus depuis mai 2015 ;
* la condamnation de c. S. à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
* que la juridiction prenne acte de ce qu'il se réserve de former toute demande additionnelle dès qu'il aura pu accéder aux documents comptables et de ce qu'il a renoncé à sa demande d'annulation de l'assignation ;
MOTIFS
* Sur les incidents relatifs aux pièces :
L'article 324 du Code de procédure civile prévoit que l'attestation doit, à peine de nullité :
* * 1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
* * 2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
* * 3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
* * 4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
* * 5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
* * 6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ;
* Sur la demande de c. S. d'annulation de la pièce adverse n° 27 :
c. S. affirme que cette attestation émanant de la mère du défendeur ne répond pas aux exigences de l'article 324 du Code de procédure civile ;
f. D estime cette attestation régulière ;
En l'espèce, l'attestation litigieuse rédigée par f. A. satisfait à l'ensemble des exigences posées par l'article 324, 3° du Code de procédure civile;
Dès lors, la pièce n° 27 communiquée par le défendeur ne sera pas annulée ;
* Sur la demande de f. D d'annulation des pièces adverses n° 5, 6, 21, 22, 23 et 24 :
Le défendeur soutient que les attestations adverses n° 22 à 24 ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile en ce qu'elles sont taisantes sur le lien de subordination des témoins avec le demandeur ;
Il estime en outre ces attestations complaisantes, au vu de leurs termes identiques ;
S'agissant de la pièce n° 21 (relevés d'accès par badge à la salle de G., f. D en réclame la nullité considérant que les documents versés par c. S. en ce qu'ils portent sur une période limitée (opportunément choisie par ce dernier) et sur ses seuls accès (et non ceux de c. S. ne permettent pas d'avoir une vision sincère de la réalité ; il ajoute que les documents ne sont pas probants puisqu'il n'était pas obligé de badger pour accéder à la salle et que le système de badgeuse n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable auprès de la CCIN, de sorte que les relevés ne sont pas valables ;
Enfin s'agissant des pièces n° 5 et n° 6 produites par le demandeur, le défendeur ne s'explique pas sur les motifs d'annulation;
c. S. n'a pas répondu sur les griefs afférents aux pièces développés par f. D;
En l'espèce, c. C. et l. B. précisent dans leurs attestations (pièces n°23 et 24) être coach sportif au sein de la salle C la première depuis 2004 et le second depuis 2009 ;
Il s'évince de ces déclarations qu'il existe un lien de subordination avec c. S.(exploitant de ladite salle de G. puis gérant et associé-majoritaire de la SARL A ;
Il s'ensuit que l'attestation litigieuse satisfait l'exigence posée par l'article 324, 3° du Code de procédure civile, l'absence de mention en préambule d'un lien de subordination ou d'intérêt ne dissimulant de fait pas l'existence d'un tel lien mais relevant plutôt d'une mauvaise compréhension de ces termes ;
Ainsi, les pièces n° 23 et 24 communiquées par c. S. ne seront pas annulées ;
En revanche, l'attestation de a. C.(pièce n° 22) est totalement taisante sur l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties au procès ;
Elle sera donc annulée ;
Les griefs formulés par f. Dà l'encontre de la pièce n° 21 ne relèvent pas des exigences prescrites à l'article 324 du Code de procédure civile mais portent en réalité sur la valeur probante de ladite pièce ;
Or, le caractère probant ou non d'une pièce ne conditionne ni sa validité, ni sa recevabilité ;
En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler la pièce n° 21 ;
Il en sera de même des pièces n° 5 et 6 versées par c. S. (attestation de l'expert-comptable de la société sous l'enseigne C puis de la SARL A, faute pour le défendeur de s'expliquer sur les irrégularités qui affecteraient ces pièces ;
* Sur la demande principale en paiement :
c. S. expose que :
* soucieux d'aider son beau-fils avec lequel il entretenait d'excellentes relations, il a accepté de lui prêter diverses sommes d'argent, en procédant à plusieurs virements de son compte personnel vers celui de f. D à savoir :
* 120.000 euros, le 8 octobre 2013,
* 15.000 euros, le 14 avril 2014,
* 4.000 euros, le 19 mai 2014,
* 20.000 euros, le 18 juin 2014,
* 4.000 euros, le 24 juillet 2014,
* 5.000 euros, le 26 août 2014,
* 10.000 euros, le 11 décembre 2014 ;
* à l'exception des deux derniers virements, tous les mouvements de fonds sont intervenus alors que le défendeur était son salarié dans le cadre de l'exploitation en nom personnel de la société sous l'enseigne C ;
* aucune reconnaissance de dette n'a été formalisée entre les parties ;
* f. D s'était engagé à le rembourser sans que soit fixé un terme, mais il n'a déféré à aucune de ses demandes de remboursement ;
Le demandeur soutient que :
* l'existence du contrat de prêt est établie par les mouvements de fonds de son compte bancaire personnel vers celui de f. D; les sommes remises au défendeur provenaient d'économies personnelles ; et ce contrairement aux versements de dividendes résultant de l'exploitation de la société sous l'enseigne C lesquels étaient effectués du compte de la société vers celui de f. D;
* ce dernier n'a jamais contesté avoir reçues lesdites sommes ;
* la remise des fonds, ainsi établie, est une condition de formation du contrat de prêt ainsi qu'une condition de son exécution ;
* les liens d'affection et familiaux existants entre eux ont constitué un obstacle moral empêchant la régularisation d'une reconnaissance de dette, de sorte qu'il peut valablement rapporter la preuve du prêt par tous moyens ;
* c'est à la partie adverse de montrer en quoi de tels liens n'auraient pas constitué une impossibilité morale de se procurer un écrit ;
En défense et pour s'opposer à cette demande en paiement, f. D avance pour l'essentiel que :
* la remise des fonds est insuffisante à caractériser une obligation de remboursement ;
* toutes les sommes versées par c. S. l'ont été depuis son compte personnel, en ceux compris les dividendes résultant de l'exploitation de la salle de G.;
* c. S. ne verse aucune preuve écrite de l'existence d'un contrat de prêt ;
* lui-même ne s'est jamais engagé à rembourser aucune somme au demandeur ;
* les virements litigieux ne constituent pas un commencement de preuve par écrit, aucun d'eux n'étant accompagnés du libellé « prêt » ;
* il appartient au demandeur de démontrer l'impossibilité morale dans laquelle il s'est trouvé de se procurer un écrit ; les liens familiaux de confiance ayant pu exister entre les parties, allégués par c. S. sont insuffisants à caractériser cette impossibilité morale ;
* l'importance des sommes litigieuses ne permet pas de croire à une impossibilité morale ;
D'après l'article 1730 du Code civil, le simple prêt est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de mêmes espèces et qualité ;
La preuve du contrat de prêt incombe au préteur (C. A. 3 février 2015 g. TI. Epouse BA., r. AB. CH., g. RO. et la société G c/ lor. FR. et lou. FE. Epouse FR.) ;
L'article 1188 du Code civil exige un acte devant notaire ou sous signature privée pour tout engagement excédant la somme ou valeur de 1 140 euros ;
Il résulte de l'application des dispositions de l'article 1195 du même code que cette règle reçoit exception toutes les fois où il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale de l'obligation qui a été contractée envers lui, notamment en cas d'impossibilité morale ;
L'impossibilité morale entre proches de se procurer un écrit ne suffit pas à établir que les affirmations de celui qui s'en prévaut sont exactes s'il n'apporte pas par ailleurs des éléments de fait constituant un commencement de preuve de ses allégations (C. A. 10 mars 2015, j-p. BO. c/ la SCI H, a. AI. Et m. AI.) ;
Sur cette question de l'impossibilité morale, il convient de mentionner la jurisprudence de la Cour de cassation française, en application de l'article 1348 du Code civil français dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016, selon laquelle : si l'impossibilité morale dispense non seulement de la présentation d'un écrit, mais aussi de celle d'un commencement de preuve par écrit, elle ne dispense pas le demandeur de prouver par tous moyens l'obligation dont il réclame l'exécution (Cass. Civ. 1ère 19 octobre 2016, 15-27387)
En l'espèce, il est constant que :
* entre le 8 octobre 2013 et le 11 décembre 2014, c. S. a opéré de son compte bancaire personnel vers un compte bancaire de f. D sept virements d'un montant total de 178.000 euros ;
* aucun des virements n'est accompagné de la mention « prêt » ;
* des liens affectifs ont existé entre les parties pendant de nombreuses années : le défendeur ayant été le beau-fils du demandeur de 1982 à 2016 ;
* c. S. qui se prétend préteur des fonds litigieux est dépourvu de tout acte écrit valant reconnaissance de dette de la part de f. D;
La preuve de la remise des fonds ne suffisant pas à justifier l'obligation pour celui qui les a reçus de les restituer, il appartient à c. S. de démontrer, par tous moyens, l'existence d'une obligation de restitution de la somme de 178.000 euros pesant sur son ex-beau-fils ;
Or, le demandeur se borne à invoquer l'impossibilité morale dans laquelle il s'est trouvé pour obtenir un écrit, sans verser aucun élément venant corroborer l'existence du prêt allégué ;
Il s'ensuit que la preuve de l'existence de l'obligation de restitution des fonds litigieux dont c. S. réclame l'exécution n'est pas rapportée ;
Il sera donc débouté de sa demande en paiement ;
* Sur les demandes reconventionnelles formulées par f. D tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait entre les parties pour la période antérieure à la constitution de la SARL A et tendant aux versements des dividendes générées par la société créée de fait puis la SARL A :
c. S. soulève l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles du défendeur en se fondant sur les dispositions prévues à l'article 382 du Code de procédure civile et en soulignant que ces demandes ne procèdent pas de la même cause que la demande principale, qu'elles ne forment pas une défense contre cette demande puisque f. D conclut au débouté de la demande principale et qu'il ne sollicite pas non plus la compensation ;
f. D soutient que ses demandes reconventionnelles permettent de rétablir le déséquilibre factuel crée par c. S. qui n'aurait procédé qu'à une présentation parcellaire des faits en ayant omis de faire état de la somme de 774.390 euros qu'il lui a versée ;
Les sommes objets de la demande en remboursement de c. S. ont la même cause que les sommes dont il réclame le versement : ce sont des dividendes ;
En outre, il prétend que ses demandes reconventionnelles forment une défense à la demande principale dans la mesure où elles permettent de montrer que les fonds litigieux n'ont pas été versés au titre d'un prêt mais dans le cadre du versement de dividendes ;
Pour être déclarées recevables les demandes reconventionnelles doivent satisfaire aux critères définis par l'article 382 du Code de procédure civile, lequel exige :
* soit qu'elles procèdent de la même cause que la demande principale ;
* soit qu'elles forment une défense contre cette demande ;
* soit qu'elles tendent à obtenir le bénéfice de la compensation ;
La jurisprudence a précisé les critères ainsi énoncés par l'article 382 :
* la notion de « même cause » est entendue sous l'angle strict de la cause identique, la simple connexité ne suffisant pas (T. P. I. 13 février 1986) ;
* la notion de défense est définie comme l'ensemble des moyens dirigés directement à l'encontre de la prétention du demandeur pour établir qu'elle est injustifiée (T. P. I. 11 mai 1995) ;
* la demande reconventionnelle vise directement à obtenir le bénéfice de la compensation (T. du travail 16 mai 2002) ;
* 1/ les demandes reconventionnelles formées par f. D procèdent-elles de la même cause que la demande principale de c. S. ?
En l'espèce, il faut rappeler que c. S. demande à titre principal le remboursement de sommes d'argent virées sur le compte bancaire de f. D;
Les demandes reconventionnelles consistent pour le défendeur à obtenir la reconnaissance d'une société de créée de fait entre les parties afin d'obtenir le versement de dividendes ;
Ainsi la demande principale et les demandes reconventionnelles susmentionnées :
* ne s'appuient pas sur les mêmes faits ;
* n'ont pas le même objet (restitution de fonds d'une part, et versement de dividendes d'autre part) ;
* n'ont pas les mêmes fondements juridiques ;
La demande reconventionnelle de f. D ne procède donc pas de la même cause que la demande principale de c. S.;
* 2/ les demandes reconventionnelles formées par f. D forment-elles une défense contre la demande principale de c. S. ?
Aucun des moyens développés par f. D à l'appui de sa demande reconventionnelle ne tendent à faire échouer la demande en remboursement de c. S.;
En effet, f. D conclut au débouté de la demande en paiement en se fondant sur le droit de la preuve tandis qu'il développe une argumentation nouvelle au soutien de ses demandes reconventionnelles (l'existence d'une société créée de fait quant à l'exploitation du fonds de la société sous l'enseigne C et ce en l'état d'apports réalisés par le défendeur, du partage des bénéfices entre les parties et de la volonté des parties de s'associer, le droit aux dividendes) dans le cadre de laquelle il évoque les fonds litigieux pour accréditer sa position ;
Ainsi, les moyens invoqués par f. D à l'appui de sa demande reconventionnelle ne sont pas dirigés directement à l'encontre de la demande en paiement pour établir qu'elle est injustifiée ;
La demande reconventionnelle ne peut donc être considérée comme formant une défense contre la demande principale de c. S.
* 3/ les demandes reconventionnelles formées par f. D tendent-elles à obtenir le bénéfice de la compensation ?
A aucun moment la demande reconventionnelle de f. D ne tend à obtenir directement (ou indirectement du reste) le bénéfice la compensation, celui-ci ne l'invoquant nullement ;
Il résulte de ce qui précèdent que les demandes reconventionnelles formées par f. D doivent être déclarées irrecevables en application des dispositions de l'article 382 du Code de procédure civile ;
* Sur les demandes des dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives :
Il est de principe jurisprudentiel que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ;
Chacune des parties est mal fondée à solliciter des dommages et intérêts pour procédure ou résistance abusives, en l'état de leur succombance réciproque ;
c. S. et f. D seront donc déboutés de leur demande de ce chef ;
* Sur l'exécution provisoire
Les conditions de l'exécution provisoire n'étant pas réunies, il n'y a pas lieu de l'ordonner ;
* Sur les dépens
Les dépens seront supportés par c. S. partie succombante ayant pris l'initiative de la procédure ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Dit n'y avoir lieu à annuler la pièce n° 27 communiquée par f. D;
Dit n'y avoir lieu à annuler les pièces n° 5, 6, 21, 23 et 24 versées par c. S.;
Annule la pièce n° 22 produite par le demandeur ;
Déboute c. S. de sa demande principale en paiement de la somme de 178.000 euros et de ses demandes subséquentes afférentes à la déchéance du terme et à la capitalisation des intérêts ;
Déclare irrecevables les demandes reconventionnelles formées par f. D et tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait entre les parties pour la période antérieure à la constitution de la SARL A et tendant aux versements des dividendes générés par la société créée de fait puis la SARL A ;
Déboute les parties de leur demande de dommages et intérêts pour résistance ou procédure abusives ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne c. S. aux dépens de la procédure, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Madame Séverine LASCH, Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Mademoiselle Amandine RENOU, Greffier stagiaire ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 4 JUILLET 2019, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, assisté de Madame Monsieur Damien TOURNEUX, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
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