Abstract
Responsabilité médicale - Établissement public - Retrait d'un ballon gastrique - Inhalation de liquide gastrique - Responsabilité (oui) - Application des règles du droit administratif - Faute de service - Risque habituel - Nature du préjudice - Perte de chance d'éviter l'accident - Manquement à l'obligation d'information (oui) - Information insuffisante relative à l'anesthésie - Absence d'incidence - Absence de perte de chance de refuser l'intervention - Cumul de pertes de chance (non) - Incidence sur l'éventuel préjudice d'impréparation.
Résumé
Souffrant d'obésité morbide, le demandeur a bénéficié de la pose d'un ballon intra-gastrique. En raison d'un malaise, il a été pris en charge par le service des urgences de l'établissement public de droit monégasque A où il a été décidé de procéder à l'ablation de ce ballon gastrique. Lors de l'anesthésie, il a inhalé une quantité importante de liquide gastrique. Il considère que plusieurs fautes ayant altéré son état de santé ont été commises à l'occasion de cette prise en charge médicale. L'éventuelle responsabilité de l'établissement public de droit monégasque A, établissement public régi par les dispositions de la loi n° 918 du 27 décembre 1971, doit être appréciée selon les règles de droit administratif qui supposent l'établissement à son encontre d'une faute de service, étant précisé que le demandeur était soigné lors de son accident en régime hôpital et non en régime de clinique ouverte. Or, en l'espèce, si l'intervention principale était justifiée, il n'est pas contestable qu'une faute a été commise par l'établissement public de droit monégasque A dans la prise en charge médicale du demandeur au titre de l'administration insuffisante de succinylcholine ayant favorisé la survenue de l'inhalation gastrique et de la non-réalisation d'une aspiration gastrique. Compte tenu de ce qu'il est précisé dans le rapport d'expertise judiciaire qu'une telle inhalation constitue un risque habituel pour ce type d'intervention, il convient d'entériner les conclusions de l'expert retenant que les manquements relevés sont à l'origine d'une perte de chance d'éviter l'accident évaluée à 70 %.
Par ailleurs, s'agissant du devoir d'information pesant sur les médecins, s'il est établi qu'une information a bien été donnée concernant le risque de l'anesthésie, le patient n'a pas été informé des risques de l'anesthésie chez un malade à l'estomac plein. Toutefois, il doit être considéré que, compte tenu de l'urgence de recourir à cette intervention médicale impérative, l'information sur le risque d'inhalation ne pouvait pas conduire le patient à refuser une anesthésie générale pour une intervention qui s'imposait en urgence. En outre, l'éventuelle perte de chance pouvant résulter d'un manquement à cette obligation d'information ne saurait se cumuler avec la perte de chance consécutive aux fautes commises d'ores et déjà retenue à hauteur de 70 %. Cette non-délivrance de l'information ne peut donc pas être considérée comme ayant occasionné une perte de chance. Cependant, les conséquences du défaut d'information pourront être prises en compte dans l'appréciation du préjudice d'impréparation invoqué par le demandeur.
Motifs
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2014/000347 (assignation du 8 janvier 2014)
JUGEMENT DU 27 JUIN 2019
En la cause de :
* 1- j. G. né le 15 juillet 1940 à Narbonne (France), de nationalité belge, retraité, demeurant X1, 98000 Monaco ;
* 2- m. F. R. épouse G. née le 6 septembre 1948 à Gembloux (Belgique), de nationalité belge, retraitée, demeurant X1, 98000 Monaco ;
DEMANDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
* L'établissement public de droit monégasque A, dont le siège social se trouve X2 - BP N° XX - 98012 Monaco cedex,
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par Maître Sophie CHAS, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Claude-André CHAS, avocat au même barreau,
d'autre part ;
En présence de :
* Madame le Procureur Général, près la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 8 janvier 2014, enregistré (n° 2014/000347) ;
Vu le jugement avant dire droit rendu par le Tribunal de céans en date du 16 septembre 2014 ayant notamment rejeté la demande aux fins de jonction des procédures 2014/000093 et 2014/000347 et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 30 octobre 2014 ;
Vu le jugement avant dire droit rendu par le Tribunal de céans en date du 25 février 2016 ayant notamment ordonné une mesure d'expertise confiée au Professeur p. CO. ;
Vu le rapport de cet expert déposé au Greffe Général le 8 septembre 2017 ;
Vu le renvoi subséquent de la cause et des parties à l'audience du Tribunal du 19 octobre 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de j. G. et m. F R. épouse G. en date des 1er mars 2018 et 4 octobre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de l'établissement public de droit monégasque A, en date des 28 juin 2018 et 5 décembre 2018 ;
Vu les conclusions du Ministère public en date du 11 octobre 2018 ;
À l'audience publique du 4 avril 2019, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 27 juin 2019 ;
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 30 mai 2012, j. G. a bénéficié de la pose d'un ballon intra-gastrique à la clinique B à Bruxelles, indication médicale justifiée par la présentation d'une obésité morbide.
En raison de la survenance de différents symptômes de malaise, j. G. a été pris en charge par le service des urgences de l'établissement public de droit monégasque A le 13 juin 2012. Le même jour, il a été décidé de procéder à l'ablation de ce ballon gastrique, l'intervention ayant été réalisée par le Dr D.
Lors de l'anesthésie, pratiquée par le Dr B., j. G. a inhalé une quantité importante de liquide gastrique, cet accident ayant impliqué sa prise en charge au service de soins intensifs du 13 juin au 20 août 2012.
j. G. considère que plusieurs fautes ayant altéré son état de santé ont été commises à l'occasion de cette prise en charge médicale par l'établissement public de droit monégasque A. Par acte d'huissier en date du 8 janvier 2014, j. G. et m. F. R. ép. G. ont donc donné assignation à l'établissement public de droit monégasque A devant le Tribunal de première instance de Monaco en vue notamment d'obtenir qu'il soit dit que l'hôpital a commis une faute dans le cadre de la prise en charge et sa condamnation à l'indemniser des préjudices subis. Ils demandaient également la jonction de l'instance en responsabilité avec celle engagée par l'établissement hospitalier à l'encontre de Monsieur G. Subsidiairement, ils sollicitaient l'instauration d'une mesure d'expertise médicale.
Par jugement en date du 16 septembre 2014, le Tribunal de première instance de Monaco a rejeté la demande de jonction.
Par jugement en date du 25 février 2016, ce Tribunal a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Professeur p. CO..
L'expert a déposé son rapport le 8 septembre 2017.
Par conclusions après expertise déposées le 1er MA.2018, Monsieur et Madame G. demandent, sous le régime de l'exécution provisoire :
* qu'il soit constaté que l'établissement public de droit monégasque A a commis plusieurs fautes successives de nature à engager sa responsabilité,
* la condamnation de l'établissement public de droit monégasque A à payer à j. G. les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :
* Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
* Frais médicaux, dépenses de santé actuelles : 11.295,33€
* Assistance tierce personne : 18.156€
* Frais divers : 6.174,44€
* Préjudices patrimoniaux définitifs (après consolidation)
* Incidence professionnelle : 35.000€
* Assistance par tierce personne : 143.409,96€
* Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
* Déficit fonctionnel temporaire : 10.194€
* Souffrances endurées : 22.000€
* Préjudice esthétique temporaire : 2.500€
* Préjudices extra patrimoniaux définitifs (après consolidation)
* Déficit fonctionnel permanent : 71.537,50€
* Préjudice d'agrément : 30.000€
* Préjudice esthétique permanent : 4.000€
* Préjudice sexuel : 15.000€
* Devoir d'information : 30.000€
* Préjudices moral spécifique : 50.000€
* la condamnation de l'établissement public de droit monégasque A à payer à m. G. une somme de 20.000€ à titre d'indemnisation de son préjudice moral,
* qu'il soit donné acte à j. G. qu'il se réserve la possibilité de solliciter judiciairement l'indemnisation de toute aggravation ultérieure de son état de santé,
* à titre subsidiaire, d'être déclaré recevable dans sa demande de contre-expertise,
* en tout état de cause, la condamnation de l'établissement public de droit monégasque A au paiement de la somme de 100.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et sa condamnation aux dépens de l'instance.
Par conclusions additionnelles déposées le 4 octobre 2018, Monsieur et Madame G. maintiennent leurs prétentions et élèvent la somme demandée à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à 159.930€.
À l'appui de leurs demandes, ils font valoir que plusieurs fautes médicales ont été commises à l'occasion de cette prise en charge au cours de la consultation pré-anesthésique et dans la réalisation de cette anesthésie ainsi que dans la gestion de l'incident survenu en cours d'anesthésie, ces manquements étant à l'origine du préjudice corporel dont la réparation est demandée. Ils concluent donc que la prise en charge de j. G. dans le cadre de ce retrait du ballon gastrique n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science.
L'établissement public de droit monégasque A, par conclusions déposées le 28 juin 2018 demande :
* qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en remet à la sagesse du Tribunal pour ce qui est du principe de l'engagement de sa responsabilité et qu'il soit retenu comme étant imputable au défaut de prise en charge reproché 70% des préjudices retenus,
* s'agissant de l'indemnisation des préjudices subis par les demandeurs, il sollicite que celle-ci soit faite par poste de préjudice selon les offres mentionnées en ses écritures,
* le rejet de la demande de contre-expertise telle que formulée et, subsidiairement, si une telle mesure était ordonnée, que soit confiée à l'expert une mission complète identique à celle de l'expert CO..
Par conclusions déposées le 5 décembre 2018, l'établissement public de droit monégasque A sollicite à titre principal qu'il soit dit que n'est rapportée la preuve d'aucune faute ayant de manière certaine et exclusive engendré l'inhalation dont a été victime j. G. que sa responsabilité n'est donc pas engagée et que soit rejetée l'intégralité des demandes formulées à son encontre. À titre subsidiaire, il maintient les demandes formulées dans ses précédentes écritures.
L'établissement public de droit monégasque A fait valoir que j. G. s'est présenté en situation d'urgence vitale avec risque d'occlusion impliquant une prise en charge immédiate et qu'aucune raison n'imposait aux médecins de l'hôpital de se coordonner avec les médecins belges qui avaient précédemment suivi ce patient ; il soutient que l'intervention pratiquée s'est faite en conformité avec les recommandations des autorités de santé existantes et dans le respect des données acquises de la science ; qu'aucune faute n'a été commise au titre de la non administration d'antiacide ou de l'absence de pose d'une sonde gastrique et qu'aucun manquement n'est intervenu s'agissant du positionnement de ce patient pendant l'intervention et l'accomplissement de la manœuvre de Sellick. L'établissement public de droit monégasque A soutient ainsi que l'accident médical survenu relève de l'aléa thérapeutique. Il s'oppose aux conclusions de l'expert sur l'insuffisance de l'administration de succinylcholine en faisant valoir que l'inhalation est survenue avant l'injection de ce produit
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur la responsabilité de l'établissement public de droit monégasque A :
L'éventuelle responsabilité de l'établissement public de droit monégasque A, établissement public régi par les dispositions de la loi n° 918 du 27 décembre 1971, doit être appréciée selon les règles de droit administratif qui supposent l'établissement à son encontre d'une faute de service.
Dès lors, le présent litige relatif à la responsabilité de cet établissement relève de la compétence du Tribunal de première instance appliquant les règles du droit administratif, en ce que j. G. était soigné lors de son accident en régime hôpital et non en régime de clinique ouverte. Ainsi, la responsabilité de l'établissement public de droit monégasque A peut être engagée sur le fondement d'une faute de service.
En l'espèce, il n'est pas contestable que la responsabilité de l'établissement hospitalier est recherchée au titre d'une faute qui aurait été commise dans la réalisation des soins dispensés à j. G. à l'occasion de sa prise en charge du 13 juin 2012.
***
Les demandeurs soutiennent qu'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier a bien été commise lors de la prise en charge et que le syndrome de Mendelson dont j. G. a été victime ne résulte pas d'un aléa thérapeutique, s'agissant d'un évènement prévisible et maîtrisable. Ils considèrent au vu du rapport d'expertise que les conditions de l'anesthésie n'étaient pas conformes aux données acquises de la science.
Les demandeurs reprochent à l'expert de n'avoir retenu comme manquement que l'absence de vidange gastrique et la mauvaise posologie de succinylocholine administrée pour l'induction anesthésique, d'en relativiser la gravité et d'écarter d'autres manquements. Ils considèrent notamment que si le retrait rapide du ballon gastrique était justifié, rien n'imposait une précipitation et une procédure d'urgence vitale ; que l'état clinique de j. G. a été mal apprécié notamment du fait de la non prise en compte des vomissements présentés par celui-ci qui exprimaient une forte probabilité de développement d'un syndrome de Mendelson et imposaient donc des précautions particulières pour éviter une inhalation. De la même façon, ils soutiennent que l'absence d'administration d'un neutralisant chimique du contenu gastrique n'a pas permis d'assurer une protection supplémentaire alors que le risque d'augmenter de façon excessive le volume intra-gastrique n'était pas significatif.
Ils reprochent en outre au service médical de ne pas avoir procédé à l'ensemble des examens nécessaires pour s'assurer que les symptômes présentés par j. G. résultaient d'une intolérance au ballon gastrique. Les demandeurs pointent également des interrogations relatives à la bonne installation de j. G. dans le cadre de cette opération, notamment quant à son positionnement en déclive après intubation, et aux conditions dans lesquelles a été pratiquée la manœuvre de Sellick destinée à prévenir l'inhalation du contenu gastrique.
S'agissant des conséquences de l'accident, les époux G. reprochent à l'expert de n'évoquer que ces conséquences sans en mentionner les causes. Selon eux, c'est à tort que l'expert considère que les fautes commises ne constituent qu'une perte de chance d'éviter l'inhalation de liquide gastrique, la notion de perte de chance ne pouvant pas s'appliquer à l'affaire dès lors que compte tenu des fautes commises, j. G. n'avait aucune chance pour que son intervention se déroule sans danger. S'agissant de l'existence d'un aléa thérapeutique, ils considèrent que les conditions pour qu'un tel aléa soit retenu, à savoir que le dommage ne résulte pas d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et que le risque ne puisse pas être maîtrisé, ne sont pas réunies.
Enfin, ils soutiennent que le médecin expert a omis d'évoquer le manquement à l'obligation d'information dont a été victime j. G. alors qu'en l'absence d'une situation d'urgence vitale, il n'y avait aucune raison d'exonérer les médecins de ce devoir d'information.
Outre le rapport de l'expert judiciaire, les demandeurs versent notamment aux débats un rapport d'expertise privée, un rapport complémentaire et des commentaires de conclusions établis par le Docteur EW. au cours des années 2013 et 2014, un rapport d'expertise psychologique établi par le Docteur j. DE MO. le 26 février 2014 et un rapport de consultation établi par le Docteur j. G. le 24 janvier 2013. Ces documents seront pris en compte dans la détermination des responsabilités encourues et dans la fixation des droits de j. G.
Concernant l'indication de retrait du ballon gastrique, il ressort du rapport d'expertise qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'établissement hospitalier dès lors que le recours à cette ablation sous anesthésie générale s'imposait de façon impérative ; l'analyse de la situation et la prise en charge pré-opératoire sont donc considérées par l'expert comme « strictement conforme à des règles de bonne pratique clinique ».
S'agissant de la réalisation des gestes anesthésiques et de la prise en charge réalisée en salle d'endoscopie, selon la chronologie de cette intervention telle que décrite par l'expert, la régurgitation à l'origine de l'inhalation est survenue sous l'effet de la Cécolurine au moment du positionnement du tube endo trachéal et après induction de l'anesthésie. Concernant l'administration des produits médicamenteux, il est précisé qu'il est « très difficile de déterminer si la régurgitation de liquide gastrique est survenue après l'administration de Propofol ou après l'administration de Propofol et de Célocurine, les deux produits devant être injectés immédiatement l'un après l'autre ». Il précise également que selon les règles de bonne pratique clinique, s'agissant d'une indication d'induction à séquence rapide en raison de la présence d'un estomac plein, la Célocurine (permettant le relâchement des cordes vocales) devait être administrée immédiatement après le Propofol (produit hypnotique).
À la suite de cette inhalation du liquide gastrique, il est rapporté qu'une broncho aspiration a été réalisée par le Docteur CE., puis que le patient a été placé sous ventilation artificielle et a subi l'ablation du ballon gastrique.
Aux termes de cet accident et de la prise en charge subséquente, qualifiée d'adaptée, le médecin expert précise que « en conclusions, une inhalation de liquide gastrique qui a été à l'origine d'une pneumopathie d'inhalation grave, compliquée d'un syndrome de défaillance multi viscérale, est survenues à l'induction de l'anesthésie » (rapport p.11).
Il doit être souligné que le médecin expert se réfère dans son rapport aux bonnes pratiques et recommandations répertoriées dans la littérature médicale et cela en considération de l'état de santé initial de j. G. présentant un diabète et une obésité morbide.
S'agissant de la non-réalisation d'une aspiration gastrique préalablement à l'anesthésie, selon les bonnes pratiques acquises, il n'apparaît pas que celle-ci puisse être considérée comme nécessairement fautive en l'absence de consensus sur une telle indication en fonction des circonstances cliniques rencontrées. Toutefois, en p.18, l'expert conclu qu'une telle aspiration aurait été souhaitable compte tenu dans cette situation de la « haute probabilité d'un estomac plein de liquide gastrique » ; si l'absence d'aspiration n'est pas considérée comme en opposition avec les recommandations, en l'occurrence, les médecins intervenus auraient dû procéder à une vérification de la quantité de liquide gastrique présente dans l'estomac afin d'apprécier plus précisément le risque de régurgitation.
Le Professeur p. CO. retient par ailleurs au titre des manquements une insuffisance de la posologie de succinylcholine puisque l'administration de ce produit a été faite à hauteur de 0.70mg/kg alors que les recommandations se prononcent en faveur d'une administration à 1mg/kg de poids réel en vue d'une curarisation efficace permettant d'éviter les mouvements musculaires donnant lieu aux vomissements. Il précise que « l'administration d'une dose plus faible que celle recommandée de succinylcholine a majoré le risque d'inhalation gastrique à l'induction de l'anesthésie » (rapport p.19). Quant à savoir si la régurgitation est intervenue avant l'administration de la Célocurine l'expert rappelle que ce point est difficile à déterminer et qu'en tout état de cause, si la Célocurine n'a pas été administrée immédiatement après le Propofol, l'induction à séquence rapide n'a pas été réalisée dans les règles de bonne pratique clinique.
Il ressort de l'ensemble de ces conclusions que si l'indication principale était justifiée, les conditions de déroulement de l'anesthésie et les manquements tenant à une absence d'aspiration gastrique et à une administration trop faible de Succinylcholine sont de nature à caractériser l'existence d'une faute dans la prise en charge. Ces éléments conduisent le médecin expert à évaluer à 70% la perte de chance de ne pas subir l'accident médical d'inhalation de liquide gastrique. Il est cependant précisé qu'un tel risque fait en tout état de cause partie des risques habituels pour ce type d'intervention, indépendamment de toute faute ou maladresse.
En revanche, aucun élément du rapport ne permet de retenir l'existence d'une défaillance dans l'accomplissement de la manœuvre de Sellick ni de contester la procédure d'urgence appliquée à la prise en charge de j. G. compte tenu de la nécessité de procéder de façon impérative au retrait du ballon gastrique.
Il doit être souligné que cet avis de l'expert a été maintenu en considération des données médicales et des dires soumis par les parties au cours de la mesure d'expertise.
***
Ainsi, au vu de ces éléments, il n'est pas contestable qu'une faute a été commise par l'établissement public de droit monégasque A dans la prise en charge médicale de j. G. au titre de l'administration insuffisante de succinylcholine ayant favorisé la survenue de l'inhalation gastrique et de la non réalisation d'une aspiration gastrique. Compte tenu de ce qu'il est précisément indiqué dans le rapport qu'une telle inhalation constitue un risque habituel pour ce type de d'intervention, il convient d'entériner les conclusions de l'expert en ce que celui-ci indique que les manquements relevés sont à l'origine d'une perte de chance d'éviter l'accident et de fixer cette perte de chance à 70%. En effet, dès lors que le patient, à l'occasion de sa prise en charge médicale ne bénéficie pas d'actes de soins exempts, au regard des données acquises de la science, de tout défaut susceptible de porter atteinte à son intégrité physique, il doit être considéré comme victime d'une faute de service ouvrant droit à réparation.
Concernant le manquement au devoir d'information pesant sur les médecins, il ressort du rapport du médecin expert (p.6) que selon la feuille de consultation d'anesthésie, une information a bien été donnée concernant le risque de l'anesthésie sans cependant que j. G. ait été informé « des risques de l'anesthésie donnée chez un malade à l'estomac plein ». Il précise toutefois que compte tenu de l'urgence de recourir à cette indication impérative, l'information sur le risque de l'inhalation ne pouvait pas conduire j. G. à refuser une anesthésie générale pour une ablation du ballon qui s'imposait en urgence. Il rappelle ainsi en p.17 que « l'information donnée à Monsieur j. G. sur le risque éventuel de retrait de ballon ne pouvait pas conduire le malade à refuser le retrait du ballon qui, de toute façon, s'imposait ».
Cependant, il convient de relever que d'une part, la perte de chance consécutive aux fautes commises à l'occasion de l'induction est d'ores et déjà retenue à hauteur de 70%, et qu'elle ne saurait se cumuler avec la perte de chance résultant d'un manquement au devoir d'information. D'autre part, compte tenu de ce qu'en tout état de cause, la situation médicale de j. G. ne lui permettait pas de refuser l'acte, cette non-délivrance de l'information ne peut pas être considérée comme ayant occasionné une perte de chance. Les conséquences du défaut d'information pourront cependant être prises en compte dans l'appréciation du préjudice d'impréparation dont se prévaut également j. G.
Il ressort de ce rapport que l'expert a justement apprécié, par une motivation détaillée et circonstanciée, les conséquences des fautes qu'il retient. Les griefs adressés par les demandeurs à ce rapport quant à l'évaluation des fautes et à la reconnaissance d'un principe de perte de chance ne sont en conséquence pas fondés.
S'agissant de l'imputation de cet accident au seul aléa thérapeutique, argument dont se prévaut l'établissement public de droit monégasque A, si le risque qui s'est en l'occurrence réalisé constitue effectivement un risque habituel dans de telles circonstances d'intervention, il n'est pas contestable, au vu du rapport, que les manquements pointés par l'expert ont augmenté l'exposition au risque de j. G. et ont conséquence, précisément, occasionné une perte de chance de ne pas subir cet accident.
Il convient en conséquence de dire que l'établissement public de droit monégasque A a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la prise en charge médicale de j. G. le 13 juin 2012, cette faute ayant occasionné au préjudice de j. G. une perte de chance qu'il convient d'évaluer à 70% de ne pas subir une inhalation de produit gastrique.
* Sur le préjudice :
* Préjudice de j. G. :
* Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
Frais médicaux, dépenses de santé actuelles :
* j. G. indique qu'indépendamment des dépenses liées à sa prise en charge par l'établissement public de droit monégasque A, il a dû s'acquitter d'une facture d'un montant de 10.411,33€ suite à son hospitalisation dans la clinique B à Bruxelles dans laquelle il a séjourné jusqu'au 28 septembre 2012 outre une facture de 884€ au titre des frais de kinésithérapie.
* Il verse aux débats le justificatif de ces dépenses à savoir une facture de la clinique G établie au mois de septembre 2012 ainsi que les factures de kinésithérapie.
* L'établissement public de droit monégasque A indique s'en remettre à la sagesse du Tribunal sur ce poste de préjudice.
* Au vu des justificatifs produits, il convient de faire droit à la demande dans la limite de la perte de chance retenue et de condamner l'établissement public de droit monégasque A à payer à Monsieur G. une somme de 7.906,73€ au titre de ce poste de préjudice.
Assistance tierce personne :
* j. G. se prévaut des conclusions de l'expert judiciaire selon lequel une assistance tierce personne était nécessaire entre le 10 septembre 2012 et le 31 mai 2013. En effet, selon l'expert, un besoin en tierce personne doit être retenu dans les mesures suivantes :
* entre le 10 septembre et le 31 décembre 2012, aide à hauteur de 8 heures par jour,
* du 1er janvier au 31 mai 2013, besoin à hauteur de 5 heures par jour.
* L'établissement public de droit monégasque A indique s'en remettre à la sagesse du Tribunal sur ce poste de préjudice.
* Compte tenu du nombre d'heures dont le besoin a été reconnu par l'expert et de la nature de l'aide nécessaire, il convient de considérer la demande d'indemnisation formulée par j. G. bien fondée et de lui allouer en réparation de ce poste de préjudice une somme de 12.709,20€ après application du taux de perte de chance.
Frais divers :
* j G. indique, au titre de ce poste de préjudice, qu'il s'est acquitté des frais de rapatriement de l'établissement public de droit monégasque A vers la Clinique B à BRUXELLES à hauteur de 5.850€ ; que par la suite il a été transféré par véhicule médicalisé au domicile de sa belle-mère, le coût ayant été de 274.44€ et qu'enfin, il a supporté le coût de location d'un lit médicalisé et d'une chaise roulante à hauteur de 50€.
* L'établissement public de droit monégasque A indique s'en remettre à la sagesse du Tribunal sur cette demande.
* Les demandeurs versent aux débats les justificatifs de paiement du transport de rapatriement (la société C, facture en date du 22 novembre 2012 d'un montant de 5.183,38€), du déplacement en véhicule médicalisé (274,44€, facture de la société D du 25 octobre 2012) et d'un contrat de location de matériel chaise roulante conclu avec la SPRL E pour un coût de 1,17€ par jour et caution de 50€.
* En l'absence d'opposition du défendeur sur ce chef de demande, il convient d'allouer à j. G. une somme de 4.322,11€ après application du taux de perte de chance de 70%.
* Préjudices patrimoniaux définitifs (après consolidation) :
Incidence professionnelle :
* j. G. indique que s'il était effectivement retraité au moment de son accident, il continuait à participer à des réunions d'affaire et des évènements internationaux ; que l'accident a donc eu pour conséquence de l'exclure de la scène socio-économique qu'il occupait et de lui faire perdre l'aura dont il disposait dans ce champ socio-professionnel. Il évalue ce préjudice à 35.000€.
* Il verse aux débats une attestation de Monsieur f. E. MA. qui fait état de son passé professionnel.
* Le défendeur oppose que cette demande ne correspond pas à la nature de ce poste de préjudice et que l'atteinte aux activités sociales de j. G. ne peut pas être indemnisée sur ce fondement.
* C'est à juste titre que l'établissement public de droit monégasque A rappelle que l'incidence professionnelle s'entend comme une dévalorisation sur le marché du travail ou comme la survenance d'une pénibilité accrue du fait de l'état séquellaire. Ce poste de préjudice vise en conséquence à indemniser cette pénibilité augmentée ou les effets de déclassement qui peuvent intervenir du fait d'un accident. En l'espèce, il doit être relevé que du fait de la situation de retraite, le médecin expert n'a pas retenu l'existence d'une incidence professionnelle. Si la perte cognitive objectivée par l'expert est de nature à s'être répercutée sur les activités sociales et relationnelles que j. G. a pu maintenir malgré sa cessation d'activité, ces conséquences ne sont pas démontrées par les pièces produites et l'exclusion de celui-ci de son champ d'activité précédent n'est pas établie. Ainsi, j. G. ne caractérise pas l'existence d'une incidence professionnelle au sens de la définition ci-dessus.
* Il sera débouté de ce chef de demande.
Assistance par tierce personne :
* Le demandeur indique que depuis le 31 mai 2013, son état de santé nécessite l'assistance de son épouse à hauteur de 3 heures par jour afin de l'aider dans ses déplacements, d'assurer les tâches de la vie courante et de lui dispenser les soins nécessaires. Il considère que la dépendance accrue dans laquelle il se trouve du fait de son état séquellaire justifie une évaluation de son besoin en tierce personne à 3 heures par jour dont il sollicite l'indemnisation par capitalisation.
* Cependant, il convient de relever que le médecin expert ne retient pas de besoin en tierce personne postérieurement au 31 mai 2013, date de consolidation de l'état de santé. En réponse au dire formulé par le demandeur, l'expert a maintenu cette conclusion précisant en p.50 du rapport que « aucun trouble neurologique majeur attribuable au passage en réanimation ne peut, depuis la consolidation, expliquer que l'état clinique de Monsieur j. G. impose la présence à ses côtés d'une tierce personne ».
* En conséquence, en l'absence d'éléments de nature à invalider les conclusions circonstanciées prises par le médecin expert, il convient de débouter j. G. de ce chef de demande.
* Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Déficit fonctionnel temporaire :
* Le médecin expert a retenu les périodes de déficit fonctionnel temporaire suivantes :
* déficit total entre le 13 juin 2012 et le 10 septembre 2012, période correspondant aux hospitalisations en réanimation et en service d'urologie,
* déficit partiel de 60% entre le 10 septembre et le 31 décembre 2012,
* déficit partiel de 40% entre le 1er janvier et le 31 mai 2013.
* j. G. conteste cette appréciation du médecin expert en soutenant que pendant une période de 5 mois, il a été coupé de son univers familial et a été privé de toute qualité de vie. Il invoque également le fait qu'il reste dépendant de son épouse pour la majorité de ses activités quotidiennes.
* Il demande en conséquence l'indemnisation de ce poste de préjudice par référence aux conclusions du Docteur EW. qui a retenu un déficit de 100% entre le 13 juin et le 15 octobre 2012, de 90% entre le 15 octobre et le 31 décembre 2012, de 60% entre le 1er janvier et le 31 mai 2013 et de 50% entre le 31 mai 2013 et le 17 février 2014.
* L'établissement public de droit monégasque A conclut à une indemnisation en fonction des conclusions de l'expert judiciaire et propose l'allocation d'une somme de 3.487,26€ après application du taux de perte de chance.
* En l'espèce, les conclusions du Docteur EW. ne justifient pas une remise en cause des termes du rapport judiciaire établi contradictoirement à l'égard de toutes les parties. Par ailleurs, il convient de rappeler que le déficit fonctionnel temporaire n'a pour objectif que d'indemniser la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante pendant la période traumatique et donc jusqu'à la date de consolidation. L'état séquellaire persistant après consolidation des blessures doit être envisagé au titre du déficit fonctionnel permanent.
* Compte tenu de ces éléments, au vu des conclusions de l'expert judiciaire et après application du taux de perte de chance subi par Monsieur G. il convient de lui allouer la somme de 3.801€ au titre de ce poste de préjudice.
Souffrances endurées :
* Les souffrances endurées sont évaluées par le médecin expert :
* à 4/7 pour la période allant du 13 juin au 20 août 2012,
* à 3/7 pour la période allant du 20 août au 10 septembre 2012,
* à 2/7 pour la période allant du 10 septembre 2012 au 31 mai 2013.
* j. G. reproche à l'expert de ne pas décrire ces souffrances et de ne les évaluer qu'avant la consolidation des blessures. Il se prévaut donc des conclusions du Docteur EW. qui considère que les souffrances subies ne sont pas évaluables pendant la période de coma artificiel puis les apprécie de 6 à 3/7 avec une évaluation à 5/7. Il sollicite en conséquence une indemnisation à hauteur de 22.000€.
* L'établissement public de droit monégasque A sollicite une évaluation de ce poste de préjudice à 8.000€ et en conséquence à la fixation des droits de Monsieur G. à 5.600€.
* Les termes du rapport d'expertise privée ne justifient pas la remise en cause des conclusions de l'expert judiciaire. Compte tenu de leur nature et de leur taux, il convient d'évaluer les souffrances endurées à 10.000€ et d'allouer en conséquence une somme de 7.000€ à j. G. en indemnisation de ce poste de préjudice.
* Préjudice esthétique temporaire : 2.500€
* Le médecin expert a retenu l'existence d'un préjudice esthétique temporaire et l'évalue à 2/7.
* j. G. sollicite une somme de 2.500€ à ce titre.
* L'établissement public de droit monégasque A propose le versement d'une somme de 700€.
* Compte tenu de sa nature et de son taux et s'agissant d'un préjudice temporaire, il convient de déclarer l'offre d'indemnisation formulée par l'établissement public de droit monégasque A satisfactoire et d'allouer à j. G. une somme de 700€ au titre de ce poste de préjudice.
* Préjudices extra patrimoniaux définitifs (après consolidation) :
Déficit fonctionnel permanent :
* Aux termes de ses conclusions additionnelles, j. G. soutient qu'une partie de ses préjudices a été omise par le médecin expert. Il évoque notamment l'altération de sa fonction rénale et son préjudice psychologique. S'agissant du déficit cognitif dont il reste atteint, il soutient que celui-ci est entièrement imputable à l'accident médical et précise que préalablement à celui-ci, il n'avait jamais connu de fluctuation de l'humeur. Par ailleurs, il considère que les préjudices qu'il subit ne sont pas en lien avec son âge ni avec son diabète. Il sollicite la somme de 71.537,50€ en réparation de ce préjudice.
* S'agissant de l'altération de la fonction rénale, en p.48 de son rapport, le Professeur p. CO. attribue effectivement cet état au diabète présenté par j. G. Le demandeur oppose que préalablement à son accident médical, sa fonction rénale était parfaitement normale, que ces complications liées au diabète ne s'étaient pas manifestées et que l'insuffisance rénale qu'il présente est donc la conséquence de l'accident du mois de juin 2012.
* Il verse ainsi aux débats un avis du Docteur RE. établi le 25 janvier 2013 qui conclut à une « insuffisance rénale chronique modérée à sévère séquellaire de la nécrose tubulaire présentée en juin 2012 (nécrose coritcale) » ainsi que les résultats d'examen médicaux qui objectiveraient cette nécrose tubulaire rénale.
* Concernant les séquelles psychologiques, il fait état d'un syndrome anxio-dépressif et de la persistance de troubles cognitifs.
* Le médecin expert ne retient pourtant qu'un déficit fonctionnel permanent secondaire consécutif au séjour en réanimation évalué à 10% en précisant que « en cas de contestation, une évaluation clinique par un sapiteur neurologue et des examens électromyographiques et des tests cognitifs seront nécessaires ». Au terme de son rapport (p.78), il retient un DFP total de 15% au vu de l'ensemble des symptômes présentés par la victime. Cette conclusion est prise en tenant compte des résultats de l'examen clinique pratiqué par le Professeur DU.
* Concernant les conséquences sur la fonction rénale, l'expert exclut cette doléance en relevant que les atteintes à la fonction rénale qui ont pu survenir lors de cet accident « touchent des tubules et non la corticale rénale, elles sont à l'origine d'une insuffisance rénale passagère, qui généralement, régresse totalement, après quelques séances de rein artificiel » (rapport p.40)
* S'agissant de l'imputabilité des troubles neurologiques et cognitifs à l'accident médical, l'expert indique lors de ses réponses aux dires en p.39 de son rapport que « à partir du moment où ces troubles s'inscrivent également dans le cadre de l'évolution naturelle des pathologies associées (diabète, hypertension, syndrome métabolique) dont souffre Monsieur j. G. il est très difficile sans avoir recours à des examens complémentaires, de déterminer l'importance des troubles neurologiques et des troubles cognitifs de Monsieur j. G. et surtout de les rattacher à un séjour en réanimation quatre ans après les faits ».
* Il en résulte que lors de l'établissement de son rapport, le Professeur p. CO. a pris utilement en considération l'état médical de j. G. et les conséquences fonctionnelles, cognitives et neurologiques objectivement rattachables à l'accident afin de déterminer le taux de déficit fonctionnel. Si des incertitudes sont effectivement relevées par le médecin expert au titre de cette dimension neurologique et cognitive des séquelles, d'une part, le demandeur ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause les conclusions de l'expert et de retenir une autre évaluation de ce poste de préjudice. D'autre part, il est précisé dans le rapport qu'en tout état de cause, le temps écoulé depuis l'accident, survenu en 2012, rend improbable le rattachement de l'état de santé actuel avec celui-ci compte tenu de ce que l'évolution défavorable de l'état général est également rattachable « à l'évolution naturelle des pathologies associées (...) dont souffre Monsieur j. G. » (rapport p.39) ainsi qu'aux « effets du vieillissement cérébral » (rapport p.40 et 42).
* Après réponse aux dires formulés sur ce point, le médecin expert exclut en conséquence de retenir un déficit fonctionnel temporaire de 42% et rappelle qu'il n'est pas en mesure en l'absence d'examens spécialisés complémentaires d'attribuer les troubles anxio-dépressifs de j. G.à son passage en réanimation. En considération des données de l'examen clinique pratiqué par le Professeur DU., il rejette également toute possibilité de fixer ce taux de déficit à 48,5% (rapport p.79).
* Il convient en conséquence de retenir l'existence d'un déficit fonctionnel permanent de 15% tel qu'il a été fixé par le médecin expert.
* L'établissement public de droit monégasque A oppose qu'en considération de l'expert, la somme allouée à j. G. ne peut devra pas dépasser les 20.000€, soit 14.000€ après application du taux de perte de chance.
* Compte tenu du taux de déficit retenu par le médecin expert, de la nature de cet état séquellaire et du taux de perte de chance, il convient de fixer à 16.000€ le montant de l'indemnisation revenant à Monsieur G. au titre de ce poste de préjudice, après application du taux de perte de chance retenu.
Préjudice d'agrément :
* j. G. se considère victime d'un préjudice d'agrément qui ne résulte pas de son âge, mais bien des conséquences de la réanimation dont il a fait l'objet. Il indique ainsi que son état de santé ne lui permet plus de réaliser les voyages d'agrément qu'il faisait avant son accident, notamment pour rendre visite à sa famille. Il précise que les voyages constituent pour lui une passion et qu'il en est désormais privé. Il verse notamment aux débats des copies de ses passeports qui démontrent qu'au cours des années qui ont précédé l'accident, il a effectivement accompli de nombreux voyages à travers le monde.
* L'établissement public de droit monégasque A propose en réparation de ce poste de préjudice une somme de 2.100€ après application du taux de perte de chance.
* Dans l'évaluation de ce poste de préjudice, le médecin expert a pris en considération le fait que j. G. était une personne très active et à l'emploi du temps chargé bien qu'il soit à la retraite. L'appréciation de ce poste de préjudice par l'expert est nuancée en ce qu'il est tenu compte des doléances exprimées au titre de ce poste de préjudice tout en demandant qu'il soit pris en compte « qu'à 76 ans, l'évolution naturelle conduit immanquablement à une baisse des activités physiques et cognitives ».
* Au vu de ces éléments, il n'est pas contestable la perte d'aptitude physique subie par j. G. du fait de l'accident s'est répercutée sur sa capacité de voyager alors que cette activité dépassait de façon non contestable le seul engagement professionnel et constituait pour le demandeur une activité particulière de loisir assimilable à une activité d'agrément.
* En conséquence, il convient de fixer à 6.000€ la valeur d'indemnisation de ce préjudice et d'allouer à j. G. une somme de 4.200€ après application du taux de perte de chance de 70%.
Préjudice esthétique permanent :
* Si le médecin expert a retenu l'existence d'un préjudice esthétique temporaire, indemnisé ci-dessus, il exclut en revanche la persistance d'un tel préjudice après la consolidation de j. G.
* j. G. oppose qu'il subit bien un tel préjudice sous la forme d'une démarche boitillante, hésitante et ralentie et du fait d'une atteinte à son allure générale. Il considère que cette atteinte est sans rapport avec son poids, que ce préjudice doit être évalué à 3/7 et sollicite ainsi une somme de 4.000€ en réparation.
* L'établissement public de droit monégasque A conclut au rejet de la demande formulée de ce chef.
* Compte tenu de ce que les seules déclarations de j. G. ne permettent pas d'objectiver ce poste de préjudice qui n'a pas été retenu par le médecin expert et en l'absence de pièce de nature à remettre en cause l'avis de ce dernier, il convient de débouter j. G. de ce chef de demande.
Préjudice sexuel :
* j. G. demande la condamnation de l'établissement public de droit monégasque A au paiement de la somme de 15.000€ au titre de ce préjudice. Il fait valoir qu'il a toujours fait mention de celui-ci au cours de la procédure en soulignant son importance et que selon le rapport d'expertise du Docteur EW., son accident a conduit à une impuissance totale de sorte qu'il se trouve désormais privé de toute vie sexuelle, son obésité étant sans incidence sur cette situation.
* L'établissement public de droit monégasque A s'oppose à cette demande au motif que les difficultés sexuelles rencontrées par le demandeur ne sont pas imputables à l'accident médical.
* Dans son rapport (p.73), le médecin expert indique que j. G. n'a pas allégué de préjudice sexuel. S'agissant de ce préjudice, il mentionne : « un préjudice d'agrément à 1/7 est retenu car dans l'évaluation de ces préjudices il prend en compte l'âge de Monsieur j. G. et ses pathologies que constituent l'obésité morbide, le diabète et l'hypertension artérielle qui sont des pathologies qui limitent de façon très significative tous les types d'activité des malades qui en sont atteints ».
* Le Docteur EW., dans son rapport établi à la demande de j. G. retient l'existence d'un préjudice sexuel décrit de la façon suivante : « impuissance totale depuis l'accident » (rapport EW. p.18).
* Au vu de ces éléments, le préjudice sexuel invoqué par j. G. ne peut pas être retenu. En effet, les conclusions du Docteur EW. ne sont pas suffisamment motivées et circonstanciées pour invalider les conclusions du médecin expert. Si ce dernier envisage de manière inopportune le préjudice sexuel sous l'angle du préjudice d'agrément, en tout état de cause il n'indique pas que la perte de capacité à l'acte soit imputable à l'accident médical alors que les pathologies associées sont également susceptibles de se répercuter sur cette aptitude fonctionnelle.
* Il en résulte que l'existence d'un lien causal entre le préjudice subi et le fait dommageable n'est pas démontrée. j. G. sera en conséquence débouté de ce chef de demande.
* Devoir d'information : 30.000€
* j. G. soutient qu'il a été victime d'un manquement au devoir d'information s'agissant de la réalisation d'une intervention chirurgicale avec un estomac plein et il s'oppose aux concluions du médecin expert en ce que celui-ci considère que dans tous les cas, aucune alternative thérapeutique n'était envisageable. Par ailleurs, il fait valoir qu'à minima, ce défaut d'information lui a causé un préjudice d'impréparation.
* L'établissement public de droit monégasque A oppose que le manquement au devoir d'information n'a pas été retenu par le médecin expert et que l'intervention réalisée relevant de l'urgence vitale, j. G. n'avait aucune possibilité de s'y soustraire.
* Il est constant que dans son rapport, le Professeur CO. rappelle que cette intervention en vue d'un retrait du ballon gastrique ne pouvait pas être refusée, le pronostic vital du patient étant engagé lors de la prise en charge aux urgences de l'établissement hospitalier ; sur la question du devoir d'information, il est mentionné que la délivrance de celle-ci ne peut pas être vérifiée, que s'il est vraisemblable qu'une telle information ait été donnée, l'acte ne pouvait de toute façon pas être refusé.
* Il en résulte que la preuve de la délivrance de l'information relative à l'intervention pratiquée n'est pas rapportée par l'établissement de soins alors que la charge de la preuve en ce sens lui incombe. Par ailleurs, s'il doit être admis qu'en tout état de cause l'intervention devait être pratiquée et qu'en conséquence, aucune perte de chance de refuser celle-ci ou de s'orienter vers une autre prise en charge ne peut être retenue, ce manquement n'a pas permis à j. G. de se préparer aux conséquences dommageables pouvant survenir à l'occasion de sa prise en charge. Il n'est pas contestable que cette impréparation constitue un préjudice moral indemnisable, la délivrance de l'information s'imposant aux médecins indépendamment de la possibilité dont dispose le patient de refuser l'acte qui lui est proposé.
* Il convient d'allouer à Monsieur G. une somme de 3.500€ après application du taux de perte de chance au titre de ce préjudice d'impréparation.
Préjudices moral spécifique :
* Au titre de ce poste de préjudice, j. G. demande la condamnation de l'établissement public de droit monégasque A à lui payer une somme de 50.000€. Il considère être victime d'un préjudice moral qui se distingue de ceux précédemment indemnisés ; qu'il est en effet particulièrement affecté par la diminution de son état physique puisqu'il a toujours été une personne particulièrement active et à l'emploi du temps chargé ; que son déclin physique le prive à la fois de la possibilité de se déplacer pour rendre visite à son fils qui réside à l'étranger, mais également d'un maintien des liens avec son ancien employeur vis-à-vis duquel il devait rester disponible afin de pouvoir apporter son aide et ses conseils. Il indique qu'il ne peut plus assurer de tels engagements et que par ailleurs, les troubles cognitifs et pertes de mémoire qu'il subit affectent son quotidien. Selon lui, ces bouleversements dans sa vie quotidienne constituent donc un préjudice moral devant être indemnisé séparément.
* L'établissement public de droit monégasque A sollicite le rejet de cette demande compte tenu de l'indemnisation d'ores et déjà allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.
* La victime d'un dommage corporel peut légitimement prétendre à l'indemnisation d'un préjudice exceptionnel caractérisable en considération de sa personnalité ou des circonstances de l'événement dommageable. Cependant, le préjudice moral occasionné par un accident est pris en considération dans l'évaluation des souffrances endurées dès lors que ces dernières ont pour fonction d'indemniser l'ensemble des souffrances physiques et morales subies par la victime d'un accident au cours de la période traumatique. S'agissant des séquelles morales, psychologiques et physiologiques qui persistent à la suite d'un accident, elles sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.
* Ainsi, si en l'espèce il n'est pas contestable que j. G. était dans une période très active au moment de son accident et qu'il conservait un ancrage dans son ancienne sphère professionnelle, ces éléments ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un préjudice moral spécifique non pris en considération au titre des indemnisations accordées ci-avant.
* Il y a donc lieu de débouter j. G. de ce chef de demande.
Préjudice de Madame G. :
* m. F. R. épouse G. indique que le 13 juin 2012, la prise en charge de son époux à l'établissement public de droit monégasque A ne devait être qu'une simple consultation mais qu'elle a donné lieu à des complications importantes et à un accident médical fautif. Elle fait valoir que cette situation a été pour elle particulièrement brutale et qu'elle s'est trouvée plongée dans une angoisse permanente pendant tout la période d'hospitalisation et a ensuite dû faire face à la dégradation de l'état de santé de son époux. Elle considère en outre être directement affectée par les préjudices subis par j. G. en ce qu'elle doit se rendre disponible pour celui-ci et subit également l'impossibilité de voyager dont il est victime. Elle souligne également le fait qu'elle se trouve définitivement privée de toute vie sexuelle.
* Il n'est pas contestable que les blessures, souffrances et handicaps subis par une victime directe peuvent justifier la reconnaissance d'un droit à indemnisation pour un proche en raison des préjudices qu'il a lui-même subi du fait de l'accident dès lors que le lien de causalité direct entre l'accident et ce préjudice par ricochet est établi.
* L'établissement public de droit monégasque A ne conteste pas le principe de cette demande et présente une offre d'indemnisation d'un montant de 2.000€ et donc de 1.400€ après application du taux de perte de chance.
* Compte tenu de la durée de la prise en charge médicale de j. G. ayant résulté de l'accident survenu au mois de juin 2012 et du préjudice nécessairement subi par m. G. au cours de cette période d'hospitalisation ainsi que des répercussions de l'état séquellaire de son époux sur ses propres conditions de vie, au vu des circonstances de l'espèce, il convient d'allouer à m. F. R. épouse G. une somme de 4.200€ .
* Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
j. G. reproche à l'établissement public de droit monégasque A, en dépit de la faute médicale intervenue, de lui avoir réclamé le paiement du solde de sa facture d'hospitalisation à hauteur de 77.001,87€ et que les tentatives engagées en vue d'aboutir à une solution amiable soient restées vaines. Il considère que le déni de sa responsabilité par l'établissement public de droit monégasque A dans les dommages survenus constitue une résistance abusive l'ayant contraint à agir en justice en vue d'obtenir la reconnaissance de ses droits et à engager à ce titre des sommes considérables.
À ce titre, il verse aux débats les notes d'honoraires établies par le Docteur EW. d'un montant total de 7.920€ ainsi que par le Docteur DE MO. d'un montant de 600€.
L'établissement public de droit monégasque A oppose qu'aucun comportement caractérisant une résistance abusive ne peut lui être reproché et que dans le cadre de la présente instance, il a uniquement défendu sa position et fait valoir ses droits ; qu'ainsi la somme qui sera allouée à j. G. ne pourra pas être supérieure à 5.000€.
Compte tenu des circonstances et de l'enjeu du litige, il n'y a pas lieu de considérer qu'en l'espèce, les moyens développés par l'établissement public de droit monégasque A pour soutenir sa défense puissent relever d'une résistance abusive.
Toutefois, compte tenu de ce que le fait que j. G. a été contraint d'engager des frais afin d'assurer la reconnaissance de ses droits et qu'il justifie des notes d'honoraires dont il a dû s'acquitter auprès des médecins conseils, alors que la démarche, pour la victime d'un accident, consistant à s'adjoindre d'un médecin conseil afin d'assurer la préservation de ses droits dans la détermination et dans l'évaluation de son préjudice corporel apparaît légitime, il convient d'allouer une somme de 10.000€ au titre de l'ensemble des frais de procédure engagés.
* Sur les demandes annexes :
S'agissant de la demande de donner acte présentée par j. G. le donner acte n'emportant pas création de droit, il convient de déclarer cette prétention sans objet.
L'établissement public de droit monégasque A qui succombe au principal sera condamné aux entiers dépens de l'instance.
Les demandeurs sollicitent que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision compte tenu de la situation d'urgence tenant à l'âge de j. G. et à la précarité de son état de santé. En l'espèce, au vu de l'ancienneté du litige et afin de pérenniser l'indemnisation du préjudice des demandeurs, il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Dit que l'établissement public de droit monégasque A a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la prise en charge médicale de j. G. le 13 juin 2012 ;
Dit que la faute commise a occasionné à j. G. une perte de chance d'éviter la réalisation du dommage subi au cours de son anesthésie et fixe le taux de cette perte de chance à 70% ;
Condamne l'établissement public de droit monégasque A à payer à j. G. la somme totale de 70.139,04€ en réparation du préjudice occasionné par son accident médical ;
Condamne l'établissement public de droit monégasque A à payer m. F. R. épouse G. la somme de 4.200€ en réparation de son préjudice personnel suite à l'accident médical dont j. G. a été victime ;
Déclare sans objet la demande de j. G. visant à ce qu'il lui soit donné acte qu'il se réserve la possibilité de solliciter judiciairement l'indemnisation de toute aggravation ultérieure de son état de santé ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Ordonne l'exécution provisoire de la présence décision.
Condamne l'établissement public de droit monégasque A aux dépens de l'instance qui comprendront ceux réservés par jugements en date des 16 septembre 2014 et 25 février 2016, avec distraction au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Madame Léa PARIENTI, Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 27 JUIN 2019, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, assisté de Mademoiselle Amandine RENOU, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
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