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28/02/2019 | MONACO | N°17945

Monaco | Tribunal de première instance, 28 février 2019, La SAM A c/ État de Monaco et autres


Abstract

Responsabilité de la puissance publique - Concession du service public d'incinération de déchets - Pollution par rejet d'acides - Partage de responsabilité entre l'État et le concessionnaire et le constructeur d'un immeuble à usage commercial et d'habitation (oui)

Assurances - Assurance responsabilité civile - Garantie due (non) - Fait générateur accidentel ou fortuit (non) - Pollution permanente

Responsabilité civile - Évaluation du préjudice - Qualité pour agir du constructeur pour les dommages affectant l'immeuble (non) - Indemnisation du construct

eur limitée aux opérations de nettoyage

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE...

Abstract

Responsabilité de la puissance publique - Concession du service public d'incinération de déchets - Pollution par rejet d'acides - Partage de responsabilité entre l'État et le concessionnaire et le constructeur d'un immeuble à usage commercial et d'habitation (oui)

Assurances - Assurance responsabilité civile - Garantie due (non) - Fait générateur accidentel ou fortuit (non) - Pollution permanente

Responsabilité civile - Évaluation du préjudice - Qualité pour agir du constructeur pour les dommages affectant l'immeuble (non) - Indemnisation du constructeur limitée aux opérations de nettoyage

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2010/000175 (assignation du 28 octobre 2009)

N° 2015/000307 (assignation du 12 janvier 2015)

JUGEMENT DU 28 FÉVRIER 2019

En la cause de :

* La SAM A dont le siège social se trouve dans l'immeuble Z, X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

DEMANDERESSE au principal,

DÉFENDERESSE sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* 1- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par son Excellence M. le Ministre d'État, demeurant en cette qualité au Ministère d'État, Palais du Gouvernement, place de la Visitation à Monaco-Ville et conformément à l'article 153 dudit code, à la Direction des Affaires Juridiques, 1 avenue des Castelans à Monaco ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Laurent ROTGE, avocat au barreau de Nice,

* 2- La SAM B, dont le siège social est sis X2 à Monaco, prise en la personne de son président délégué en exercice, M. g. M. demeurant en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

* 3- La SA C, dont le siège social se trouve X3, 75009 Paris, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, alors avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Jean-Max VIALATTE, avocat au barreau de Grasse,

* 4- La société D devenue la SAS E, sous l'enseigne « F », dont le siège social se trouve X4, 78180 Montigny Le Bretonneux, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSE au principal,

DEMANDERESSE sur appel en garantie, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, alors avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Yann DURMARQUE, avocat au barreau de Paris,

* 5- La société G, dont le siège social se trouve X5, 69006 Lyon, prise en la personne de son Président du conseil d'administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Xavier LEBRASSEUR, avocat au barreau de Paris,

* 6- La SA H (en abrégé H), anciennement dénommée I, dont le siège social se trouve X6, 75008 Paris, prise en la personne de son Président en exercice demeurant en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Xavier LEBRASSEUR, avocat au barreau de Paris,

* 7- La société J, venant aux droits de la société K, dont le siège social se trouve X7, 75008 Paris, prise en la personne de son Président du Conseil d'administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle P. BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître David INNOCENTI, avocat au barreau de Marseille,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 28 octobre 2009, enregistré (n° 2010/000175) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 20 octobre 2011 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 15 décembre 2011 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 27 octobre 2011, enregistré (n° 2012/000234) ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 28 octobre 2011, enregistré (n° 2012/000241) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 18 septembre 2012 (n° 2012/000234) ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 8 novembre 2012 ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 18 septembre 2012 (n° 2012/000241) ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 8 novembre 2012 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 octobre 2012, enregistré (n° 2013/000135) ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 17 octobre 2012, enregistré (n° 2013/000141) ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 8 octobre 2012, enregistré (n° 2013/000142) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 7 février 2013 ayant notamment ordonné la jonction entre les six instances pendantes devant la présente juridiction enrôlées sous les numéros 2010/000175, 2012/000234, 2012/000241, 2013/000135, 2013/000141 et 2013/000142 afin qu'il soit statué à leur égard par un seul et même jugement et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 21 mars 2013 ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 9 janvier 2014 ayant notamment autorisé la société J à appeler en la cause la société D aujourd'hui dénommé la SAS E, la SAM B et l'ÉTAT DE MONACO, et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 20 février 2014 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 20 janvier 2014, enregistré (n° 2014/000415) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 4 décembre 2014 ayant notamment ordonné la jonction des instances 2010/000175 et 2014/000415 et dit qu'elles se poursuivraient sous le n° 2010/000175, et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 22 janvier 2015 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 12 janvier 2015, enregistré (n° 2015/000307)

Vu les conclusions de Maître Joëlle P. BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société J, en date des 12 mars 2015, 6 juillet 2016, 8 février 2017, 18 juillet 2017, 10 janvier 2018 et 6 juin 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM A en date du 8 avril 2015, puis celles de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur pour cette même partie, en date des 11 mai 2016 et 22 février 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM B, en date des 4 mai 2015, 7 juin 2017 et 6 décembre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, alors avocat-défenseur, au nom de la société D devenue la SAS E, en date des 22 octobre 2015 et 5 octobre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SA H, en date des 6 juillet 2016, 24 novembre 2016, 26 octobre 2017 et 19 avril 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Georges BLOT, alors avocat-défenseur, au nom de la SA C, en date du 6 juillet 2016, puis celles de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour cette même partie, en date des 22 juin 2017, 6 décembre 2017 et 6 juin 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO, en date des 26 octobre 2017, 7 décembre 2016 et 19 avril 2018 ;

À l'audience publique du 29 novembre 2018, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 7 février 2019 et prorogé au 28 février 2019, les parties en ayant été avisées ;

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'ÉTAT DE MONACO est propriétaire de l'usine d'incinération des résidus urbains et industriels de Monaco dont la SAM B est l'exploitante suivant contrat de concession.

Cette usine d'incinération a toujours existé sur le site T. La première, édifiée en 1897, a été remplacée par deux fois : en 1938 puis en 1977 suivant un marché de construction passé avec la SA Het la SAM B. Cette usine d'incinération des résidus urbains et industriels de MONACO et des communes limitrophes a vu la première tranche de travaux achevée en 1980 puis la seconde en 1981.

L'Ordonnance souveraine n° 2.508 du 22 avril 1961 en son article 39 indiquait que les immeubles à édifier dans ce secteur devaient avoir une vocation industrielle. Cette règle a été assouplie par ordonnance souveraine n° 7.327 du 20 novembre 1981 qui prévoyait en son article 3 que « sur les parcelles où existaient, à la date de publication de l'ordonnance souveraine, des immeubles comportant des locaux à usage d'habitation, les constructions nouvelles pourront comporter un nombre de logements au plus égal à celui des appartements régulièrement occupés à la susdite date ».

C'est dans ce cadre normatif qu'un permis de construire a été délivré le 3 octobre 1986 (arrêté n° 86-597) à la SAM A pour une construction de deux immeubles, le nombre d'appartements ne pouvant excéder 28 (article 2.3). Il convient de rappeler que les constructions préexistantes sur les terrains, assiette de l'opération V étaient jusqu'alors d'un étage sur rez-de-chaussée. Il s'agissait d'une brasserie en rez-de-chaussée et un étage, la société R et l'enseigne « Y ». La SAM A a obtenu une dérogation pour construire des immeubles de plus grande hauteur.

Deux immeubles de onze étages sur rez-de-chaussée, l'immeuble W et l'immeuble Z ont été construits :

* l'immeuble W, comprenant une terrasse avec quatre accès privatifs au 12ème niveau. Cet immeuble est situé, en partie, en face de l'usine d'incinération (la façade de l'immeuble est à 12,5 mètres de l'usine et le toit en terrasse est au-dessus du débouché des cheminées de l'usine d'incinération). L'autorisation définitive d'occuper l'immeuble W a été délivrée par le service de l'urbanisme et de la construction de l'ÉTAT DE MONACO le 24 juillet 1989 ;

* l'immeuble Z, achevé en 1990. Une autorisation d'occupation provisoire a été délivrée par le service de l'urbanisme de la construction de l'ÉTAT DE MONACO le 26 juin 1990, l'autorisation définitive ayant été accordée le 15 avril 1992.

Les deux bâtiments ont été mis à la vente ou à la location.

Se plaignant d'une corrosion affectant les éléments métalliques d'équipement des façades en aluminium anodisé (baies de fenêtres et de portes fenêtres, rambardes et volets roulants) de ces immeubles, la SAM A sollicitait, suivant assignation du 24 juillet 1989, une expertise concernant l'immeuble W.

Il était fait droit à cette demande aux termes d'une ordonnance de référé en date du 12 juillet 1990 rendue au contradictoire de l'ÉTAT DE MONACO, propriétaire de l'usine, la SAM B, exploitante de l'usine et la société L (devenue la société M), son assureur. Cette mission était étendue à l'immeuble Z suivant ordonnance de référé du 8 juillet 1992 puis arrêt du 6 juillet 1993.

Par arrêt en date du 10 décembre 1996, l'expertise était déclarée commune et opposable à la SA G et à la société D, devenu la SAS E, à la demande de l'ÉTAT DE MONACO, ce dernier ayant passé un marché d'ingénierie avec la société D devenue la SAS E, le 10 avril 1990 et un marché de travaux avec la SA G le 30 décembre 1991 pour « un traitement complémentaire des filmées de l'usine d'incinération de Monaco ».

La SAM A faisait ensuite déclarer cette expertise commune et opposable à ses fournisseurs de menuiserie métallique, les sociétés italiennes P et Q.

Monsieur DE., désigné en qualité d'expert, s'est adjoint deux sapiteurs :

* un spécialiste en corrosion, expert agréé par la Cour de cassation, avec la mission d'examiner les phénomènes de corrosion des différents éléments anodisés des immeubles de la SAM A et de déterminer leur(s) origine(s) et leur importance ;

* un architecte DPLG, expert près la cour d'appel de Paris, avec la mission d'évaluer la dépréciation des immeubles ayant pu se manifester lors des ventes et des locations d'appartements consécutives à la pollution engendrée par la SAM B.

Le rapport d'expertise a été déposé 1er décembre 2008.

La SAM A a assigné l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B, le 28 octobre 2009 aux fins de voir :

* déclarer l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B responsables des dommages affectant les immeubles W et Z appartenant à la SAM A ;

* condamner solidairement la SAM B et l'ÉTAT DE MONACO à verser à la SAM A la somme de :

* 702.385,57 € HT, valeur 16 février 2006 (soit 840.053,14 € TTC valeur 16 février 2006) au titre de l'évaluation des travaux de remplacement des éléments en aluminium anodisé dégradés, à indexer sur l'indice du coût de la construction ;

* 739.639,15 € HT (soit 884.608,42 € au 30 juin 2008) au titre du préjudice immatériel à parfaire ;

* 200.000,00 € à titre de réparation du préjudice moral subi par la SAM A ;

* 84.464,00 € HT (soit 101.018,98 € TTC) au titre de l'opération de nettoyage sollicitée par les experts en 2004 ;

* 20.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

* Montants à parfaire au jour du jugement et augmentés des intérêts légaux ;

* Ordonner l'exécution provisoire.

La SAM A a sollicité la condamnation solidaire de l'ÉTAT DE MONACO et de la SAM B sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle au titre des fautes commises par eux dans la conception, l'exploitation et le contrôle de l'usine d'incinération et, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire de l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B en réparation des préjudices subis sur le fondement des troubles anormaux de voisinage.

Suivant plusieurs jugements successifs en date des 20 octobre 2011 et 18 septembre 2012, le Tribunal a autorisé les appels en garantie suivants :

* par l'ÉTAT DE MONACO :

* de la SA C venant aux droits de la société L ;

* de la société D, devenu la SAS E ;

* de la SA G ;

* de la SAM B ;

* De la société I ;

* Par la SAM B :

* De la société SA C, venant aux droits de la société L ;

* De la société I ;

* De l'ÉTAT DE MONACO ;

* par la SA G :

* De la société D, devenue la SAS E ;

* De la SAM B ;

* De la SA K (désormais la société J);

* Par la SOCIÉTÉ I ;

* De l'ÉTAT DE MONACO.

Suivant jugement en date du 7 février 2013, le Tribunal a ordonné la jonction de l'ensemble de ces procédures.

Par jugement du Tribunal de Première Instance de MONACO le 9 janvier 2014, la société J a été autorisée à appeler en la cause la société D, aujourd'hui dénommée la SAS E, la SAM B et l'ÉTAT DE MONACO.

L'ÉTAT de MONACO et la SAM B ont conclu au rejet des demandes de la SAM A

À titre principal, ils exposent :

* pour l'ÉTAT DE MONACO : l'absence de toute responsabilité tant en sa qualité de maître d'ouvrage qu'en sa qualité d'autorité concédante de l'usine d'incinération en ce que :

* il ne serait pas spécialiste des questions de pollutions et se serait fié aux évaluations faites par les sociétés qualifiées d'expertes s'agissant des problèmes d'évacuation des fumées et de pollution ; que les problèmes afférents au traitement des fumées seraient de la seule responsabilité de la SAM B à qui ce marché avait été attribué .

* il ne saurait être responsable en tant qu'autorité de contrôle et de police de l'environnement dès lors que, dans le cadre des autorisations d'urbanismes délivrées, il revenait à la SAM A de prendre en considération les contraintes techniques du site sur lequel elle construisait, contraintes que la SAM A professionnel de la construction immobilière à Monaco, ne pouvait ignorer.

Par ailleurs, l'ÉTAT de MONACO conteste sa responsabilité au titre du trouble anormal de voisinage, opposant à la SAM A la règle dite de la préoccupation ou règle de l'antériorité. En effet, selon l'ÉTAT de MONACO, la préexistence d'une zone industrielle antérieure à l'édification de l'immeuble Z et de l'immeuble W, serait de nature à exclure toute responsabilité au titre du trouble anormal de voisinage.

Cet argumentaire est repris par la SAM B qui fait également valoir :

* la carence de la SAM A dans le choix des matériaux ;

* le fait qu'elle était concessionnaire d'un service public et qu'à ce titre elle a respecté le cahier des charges qui lui avait été imposé tout en respectant les normes applicables et en vigueur à l'époque.

Par conclusions en date des 26 octobre 2017, 7 décembre 2016 et 19 avril 2018, l'ÉTAT DE MONACO soulève le caractère irrecevable et mal fondée de toutes les demandes de la SAM A à son encontre. À titre subsidiaire, il forme un recours à l'encontre de la SAM B, de la SA H, de la société D devenue la SAS E, devenue la SAS E, de la SA G et de la société O, pour être relevé et garanti de toute condamnation qui pourrait intervenir et dont il aurait la charge.

Précisément, il entend voir :

* dire irrecevable et mal fondée la SAM A en toutes ses demandes à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO ;

* débouter purement et simplement la SAM A de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de l'Etat de Monaco ;

* condamner la SAM A à payer à l'ÉTAT DE MONACO la somme de 50.000 €, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusivement mise en place ;

Subsidiairement :

* voir dire et juger que la SAM B, la SA H, la société D devenue la SAS E, la SA G et la SA C, venant aux droits de la société L, devront relever et garantir intégralement et in solidum entre eux l'ÉTAT DE MONACO de toutes condamnations qui pourraient intervenir et dont il aurait la charge ;

* débouter la SAM B, la SA H, la société D devenue la SAS E, la SA G, et la SA C, venant aux droits de la société L, de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO ;

* débouter particulièrement la SA C de son argumentation portant sur la forclusion et sur une exclusion de garantie au sujet des « risques de pollution » ;

* condamner la SAM B, la SA H, la société D devenue la SAS E, la SA G, et la SA C, venant aux droits de la société L, à payer à l'Etat de Monaco la somme de 50.000 €, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et pour procédure abusivement mise en place ;

* débouter la société J de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de l'ÉTAT de MONACO ;

* condamner la société J à payer à l'ÉTAT DE MONACO la somme de 10.000 € pour procédure d'appel en garantie abusive.

Par conclusions en date des 4 mai 2015, 7 juin 2017 et 6 décembre 2017, la SAM B sollicite :

* Sur l'instance principale :

* vu la nature des demandes de la SAM A dirigées à l'encontre de l'ÉTAT de Monaco et de la SAM B aux fins qu'ils soient reconnus responsables in solidum des dommages générés par l'usine d'incinération, sur le fondement des articles 1229-1230-1234 du Code civil ;

* vu l'inapplicabilité à I'ÉTAT DE MONACO - SAM B des articles 1229-1230-1234 du Code civil ;

* voir dire et juger la SAM A irrecevable en ses demandes et en tous les cas infondée en celles-ci sur le fondement juridique invoqué ;

* Subsidiairement, sur le fond :

* vu les éléments factuels développés par la SAM B, tirés notamment de la préexistence de l'usine d'incinération, du défaut d'étude de faisabilité notamment au regard des vents, de la non présentation des éléments contractuels concernant les aluminiums anodisés présentant une oxydation, de la réglementation monégasque concernant les problèmes de pollution ;

* voir dire et juger que la SAM B concessionnaire ne saurait être tenue pour responsable des dommages- préjudices invoqués par la SAM A et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* Et très subsidiairement :

* si par extraordinaire, le Tribunal de céans était amené à reconnaître la responsabilité, ne serait-ce que pour partie de la SAM B et à la condamner ;

* au regard de l'appel en cause et garantie de la SAM B tant à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO qu'envers sa compagnie d'assurances C, voir dire et juger qu'ils devront la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;

* Et plus subsidiairement ;

* voir déclarer infondées les sociétés G, E et J de leurs appels en cause et garantie à l'encontre de la SAM B et les en débouter ;

* voir condamner la SAM A au paiement d'une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement infondée et abusive.

Concernant la SA H, les prétentions de l'ÉTAT DE MONACO à son encontre reposent sur le constat qu'en qualité de constructeurs conjoints et solidaires avec la SAM B de l'usine d'incinération, ils ont fourni différentes études et analyses à l'ÉTAT DE MONACO et préconisé des solutions de techniques que l'ÉTAT DE MONACO a validées. Les émissions d'acide chlorhydrique ont été très éloignées des estimations faites. De son côté, la SAM B fait valoir que la question de la hauteur de la cheminée et la décision finale qui a été prise ne relèvent pas de sa responsabilité.

Dans ses conclusions en date des 6 juillet 2016, 24 novembre 2016, 26 octobre 2017 et 19 avril 2018, la SA H soulève :

* la prescription de l'action à son encontre. L'assignation de mise en cause par l'ÉTAT DE MONACO date du 29 mars 2012 et celle de la SAM du 2 novembre 2011, soit plus de trente ans après la réception de l'ouvrage. Aucun acte interruptif d'instance n'est intervenu depuis lors, la SA H n'ayant pas été partie aux opérations d'expertise ;

* à titre subsidiaire, l'absence de faute dans l'exécution de ses obligations. Elle soutient en outre que les corrosions n'ont aucun lien de causalité avec la création de l'usine d'incinération qu'elle a réalisée en concours avec la SAM B.

Elle demande donc au Tribunal de Première Instance de :

* dire et juger que la SA H n'a jamais reçu d'acte interruptif de prescription depuis la réception de l'usine d'incinération ;

* dire et juger que la SA H est bien fondée à demander l'irrecevabilité de toute demande à son encontre en raison de la prescription acquisitive ;

En conséquence :

* voir l'ÉTAT DE MONACO déclaré irrecevable de ses demandes, fins et conclusions, celles-ci étant manifestement prescrites ;

* voir la SAM B déclarée irrecevable de ses demandes, fins et conclusions, celles-ci étant manifestement prescrites ;

À titre subsidiaire :

* dire et juger que la SA H n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

* dire et juger que les corrosions n'ont aucun lien de causalité avec la création de l'usine d'incinération réalisée par la SA H et par la SAM B ;

En conséquence :

* voir l'ÉTAT DE MONACO débouté de ses demandes, fins et conclusions, celles-ci étant manifestement infondées ;

* voir la SAM B déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

* condamner la SAM A au paiement d'une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement infondée et abusive ;

À titre subsidiaire :

* - dire et juger que la SA H devra être garantie et relevée indemne par l'ÉTAT DE MONACO et par la SAM B de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre et lui donner acte de ce qu'elle se réserve de conclure au regard des écrits des appelés en la cause.

En tout état de cause :

* réduire à de plus justes proportions les demandes réclamées par le demandeur initial.

Dans ses conclusions en date des 19 juin 2013, 6 juillet 2016, 24 novembre 2016, 26 octobre 2017, 19 avril 2018, la SA G demande sa mise hors de cause en avançant n'avoir commis aucune faute dans l'exécution de son marché et présente en tout état de cause des demandes de relevé de garantie par la SAS E, la SAM B et la société J et souhaite enfin voir réduire à de plus justes proportions les demandes réclamées par le demandeur.

Elle entend voir dire et juger :

* que la SA G n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

* que les corrosions très importantes dès l'origine n'ont aucun lien de causalité avec le fonctionnement des installations de la SA G ;

En conséquence :

* voir l'ÉTAT DE MONACO débouté de ses demandes, fins et conclusions, celles-ci étant manifestement infondées ;

* condamner l'ÉTAT DE MONACO à verser à la SA G la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement infondée ;

À titre subsidiaire :

* rejeter l'exception d'acquisition de la prescription biennale soulevée par la société J ;

* dire et juger que l'exclusion de garantie invoquée par la société J est inapplicable au cas d'espèce ;

* dire et juger que la SA G devra être garantie par la SAS E, la SAM B et la société J de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre et lui donner acte de ce qu'elle se réserve de conclure au regard des écrits des appelés en la cause.

Dans ses écritures des 12 mars 2015, 6 juillet 2016, 8 février 2017, 18 juillet 2017, 10 janvier 2018 et 6 juin 2018, la société J, venant aux droits de la SA K, prise en sa qualité d'assureur de la SOCIÉTÉ ANONYME DE DROIT FRANCAIS G, fait valoir d'une part la prescription de l'action engagée à son encontre et d'autre part que la SA G n'aurait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. À titre subsidiaire, elle estime bien-fondé d'opposer à son assuré une exception de garantie prévue à l'article 4.1.3.3 de la police d'assurance. Elle formule un appel en garantie à l'encontre de la société D devenue la SAS E, et de la SAM B.

Elle demande donc au tribunal de première instance de :

* dire et juger que l'action engagée par la SA G à l'encontre de la société J est irrémédiablement prescrite, au regard des dispositions des articles L.114-1 et LA14-2 du Code des assurances ;

* subsidiairement, dire et juger que la société J est bien fondée à opposer l'exclusion de garantie prévue par l'article 4.1.3.3 des conditions particulières de la police d'assurance ;

* en tout état de cause et à titre plus subsidiaire, dire et juger que la SA G n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

* dire et juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les prestations exécutées par la SA G et les corrosions importantes constatées dès l'origine, avant toute intervention de la SA G ;

* en conséquence, rejeter, étant radicalement infondées, l'ensemble des demandes formées par l'ÉTAT DE MONACO, ou toute autre partie à l'instance, à l'encontre de la SA G ;

* dire et juger que les demandes formées à l'encontre de la société J sont sans objet et, en tout état de cause, infondées ;

* à titre extrêmement subsidiaire, si le Tribunal estimait devoir entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SA G et de son assureur la société J, dire et juger que ce dernier sera relevé et garantie indemne par la société D devenue la SAS E et la SAM B ;

* débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont contraires au dispositif des présentes écritures, en particulier débouter l'ÉTAT DE MONACO de sa demande de condamnation de la société J au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

* condamner tout succombant à payer à la société J la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par conclusions en date des 22 octobre 2015 et 5 octobre 2016, la société D, devenue la SAS E, affirme n'avoir commis aucune faute dans l'exécution de son contrat et sollicite la condamnation conjointe et solidaire de la SAM B, de la SAM A d'avoir à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

Elle demande au Tribunal de Première Instance de :

* la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* dire et juger irrecevables et en tout état de cause mal fondées, toutes demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre la SAS E, venant aux droits de la société D devenue la SAS E ;

En conséquence :

À titre principal, sur l'absence de faute imputable à la société D devenue la SAS E :

* dire et juger que la mission de maîtrise d'œuvre impartie à la société D devenue la SAS E n'était pas équilibrée, la SA G assurant l'essentiel de la mission de maîtrise d'œuvre ;

* dire et juger que l'établissement des plans d'exécution des travaux complémentaires de l'usine d'incinération du site T était contractuellement imparti à la SA G ;

* dire et juger que la SA G avait contractuellement à sa charge le contrôle général des travaux et la constitution du dossier des ouvrages exécutés ;

* dire et juger en conséquence qu'à supposer l'existence de manquements au titre de l'exécution des travaux supplémentaires de l'usine d'incinération du site T, lesdits manquements ne peuvent qu'être imputables à la SA G ;

* constater que l'expert judiciaire retient en page 105 de son rapport que la société D devenue la SAS E a rempli sa mission ;

* constater que l'expert judiciaire ne retient aucune imputabilité à l'encontre de la société D devenue la SAS E ;

* dire et juger que la société D devenue la SAS E n'est, en tout état de cause, tenue d'aucune obligation d'information et de conseil envers la SA G, cette dernière étant professionnelle et maître de l'art ;

* dire et juger que les travaux de la SA G exécutés sous maîtrise d'œuvre très partielle de la société D devenue la SAS E ont en tout état de cause été réceptionnés sans réserve le 14 décembre 1996, confirmant par là même leur caractère conforme aux règles de l'art ;

* prononcer en conséquence la mise hors de cause pure et simple de la SAS E, venant aux droits de la société D ;

À titre subsidiaire, sur l'absence de lien de causalité entre les désordres par corrosion et la société D devenue la SAS E :

* dire et juger que l'ÉTAT DE MONACO connaissait de très longue date - et en tout état de cause avant la conclusion du contrat de maîtrise d'œuvre avec la société D devenue la SAS E le risque de pollution par corrosion émanant de l'usine d'incinération du site T ;

* dire et juger que le processus industriel d'élimination des fumées corrosives a été conçu et déterminé par les sociétés SA H et SAM B ;

* dire et juger que le système d'évacuation des fumées était déjà réalisé avant même que la société D devenue la SAS E ne soit intervenante aux opérations de rénovation de l'usine d'incinération du site T, au seul titre des travaux complémentaires ;

* en déduire l'absence de toute imputabilité à la société D devenue la SAS E des désordres par corrosion survenus sur les immeubles W et Z ;

* prononcer en conséquence la mise hors de cause pure et simple de la SAS E, venant aux droits de la société D ;

À titre très subsidiaire, sur la règle de l'antériorité, cause exonératoire de la responsabilité de la société D devenue la SAS E :

* constater que le site T accueille une usine d'incinération depuis 1888 ;

* dire et juger que les travaux de rénovation de l'usine d'incinération du site T sont achevés et le nouveau centre de traitement des déchets mis en service en 1980 et 1981, soit avant le dépôt du permis de construire de la SAM A

* dire et juger que la SAM A était pleinement informée de l'existence de l'usine d'incinération du site T au moment du dépôt de son projet constructif ;

* dire et juger que la SAM A a contribué à son propre dommage en retenant un mode constructif en R+11 ;

* dire et juger que la règle de l'antériorité doit recevoir pleine application ;

* dire et juger que la SAM A est la seule et unique responsable de son propre dommage, en vertu de la règle de l'antériorité ;

* prononcer en conséquence la mise hors de cause pure et simple de la SAS E, venant aux droits de la société D ;

À titre infiniment subsidiaire, sur les appels en garantie :

* dire et juger que la SAM A est l'unique responsable de son propre dommage ;

* condamner en conséquence la SAM A à relever indemne et garantir la société D devenue la SAS E de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

* dire et juger que la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO est pleinement reconnue par l'expert judiciaire ;

* condamner en conséquence l'ÉTAT DE MONACO à relever indemne et garantir la société D devenue la SAS E de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

* dire et juger que le principe industriel d'évacuation des fumées a été élaboré, conçu, mis en œuvre et réalisé par les seules sociétés SA H et SAM B;

* dire et juger que la conception et la réalisation de ce système d'évacuation des fumées est le seul responsable des désordres affectant les immeubles de la demanderesse ;

* dire et juger que la société D devenue la SAS E est totalement étrangère à la conception et à la réalisation de ce système d'évacuation des fumées ;

* condamner en conséquence solidairement ou à défaut in solidum la SA H et la SAM B à relever indemne et garantir la société D de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

* dire et juger que les travaux complémentaires de l'usine d'incinération du site T ont été réalisés par la SA G, laquelle a en outre assumé une grande partie de la maîtrise d'œuvre ;

* dire et juger que dans l'hypothèse où le Tribunal considérerait que les travaux complémentaires réalisés dans l'usine d'incinération du site T sont susceptibles d'ouvrir droit à réparation, la SA G est seule et entière responsable des désordres allégués ;

* dire et juger que la mission de la maîtrise d'œuvre partielle de la société D devenue la SAS E ne pouvait, en toutes hypothèses, l'amener à se substituer à la SA G et ne la contraignait pas à suivre la SA G pas à pas ;

* dire et juger que, dans le cadre de sa mission, la société D n'était tenue que d'une simple obligation de moyens ;

* dire et juger que, dans le cadre de sa mission, la SA G était tenue d'une obligation de résultat ;

* condamner en conséquence in solidum la SA G et son assureur, la société J, à relever indemne et garantir la société D devenue la SAS E de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

La société M, dans ses écritures en date des 6 juillet 2016, 22 juin 2017, 6 décembre 2017 et 6 juin 2018, soulève la prescription biennale et au fond le caractère non aléatoire de la pollution.

Elle entend voir :

À titre principal, in limine litis, avant toutes défenses au fond :

* dire et juger recevable et bien fondée la société M en son exception de procédure ;

En conséquence :

* autoriser la société M à attraire aux débats, et avant toute défense au fond, les sociétés suivantes :

* la société D aujourd'hui dénommé la société E, Société par Action Simplifiée à l'enseigne F prise en la personne de son Président en exercice ;

* la société J, société anonyme de droit français dénommée J 1ARD, venant aux droits de SA K prise en la personne de son Directeur Général en exercice ;

* la société anonyme de droit français dénommée G, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice ;

* la société anonyme monégasque dénommée SAM A prise en la personne de Président Délégué en exercice ;

* la société anonyme H, (anciennement dénommée SA I), prise en la personne de son Président en exercice ;

Ce, afin que ces sociétés les relèvent et garantissent de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

Voir renvoyer la cause et les parties à une audience ultérieure ces appels en garantie.

À titre subsidiaire, au fond :

* Vu le rapport d'expertise ;

* Vu les dispositions du contrat d'assurance liant les parties ;

* Vu les dispositions des articles 2038 et suivants du Code civil ;

* Voir déclarer forclose pour prescription biennale, l'action introduite par l'état de Monaco à l'encontre de la SA C ;

* Voir déclarer forclose pour prescription biennale, l'action introduite par la SAM B à l'encontre de la SA C ;

* Vu les dispositions de l'article 1111 et suivants du Code civil, en ce qui concerne la police souscrite par l'ÉTAT DE MONACO :

* Constater que le contrat d'assurance liant les parties comporte une clause d'exclusion de garantie en ce qui concerne les cas de pollution ;

* Constater que les constatations expertales ont pu permettre d'établir que le phénomène de corrosion affectant les menuiseries des façades des immeubles Z et W est bien lié à une pollution due à l'utilisation de déchets de matière plastique, laquelle n'a pas un caractère accidentel ;

* constater le défaut d'aléa qui découle des conditions dans lesquelles le fait générateur de responsabilité s'est produit ;

* dire et juger que la police d'assurance souscrite auprès de la société M par l'ÉTAT DE MONACO ne saurait être mobilisée, le contrat d'assurance par nature aléatoire ne pouvant garantir un risque prévisible.

En ce qui concerne la police d'assurance souscrite par la SAM B :

* constater que la pollution invoquée n'a pas un caractère accidentel et correspond bien au traitement des déchets urbains ;

* constater que le défaut d'aléa découle des conditions dans lesquelles le fait générateur de responsabilité s'est produit ;

* constater que la pollution relève bien de l'exploitation de l'usine d'incinération, et de l'émission de gaz HCL par l'usine de traitement des déchets ;

* constater au surplus que la société M est en droit de se prévaloir d'une exception de garantie mentionnée aux conditions générales de la police, au titre de l'inobservation des textes légaux et réglementaires, et du mauvais état et de l'insuffisance ou l'entretien défectueux des installations ;

* voir mettre hors de cause la SA C, en sa double qualité d'assureur de l'état de MONACO et de la SAM B.

En toute hypothèse :

* constater la préexistence de l'usine d'incinération ;

* constater que la société SAM A est bien intervenue en sa qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'œuvre de l'opération ;

* constater qu'elle ne pouvait ignorer, dès l'édification des immeubles, le phénomène de corrosion ;

* constater que l'expert CU. a chiffré le coût des remplacements de menuiseries corrodées à la somme de 700.000 € ;

* constater que la SAM A ne justifie nullement d'un préjudice immatériel, en relation avec la pollution ;

* débouter la société SAM A de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* débouter l'ÉTAT DE MONACO de toutes demandes fins et conclusions présentées à l'encontre de la société O pris en sa qualité d'assureur au titre d'une police responsabilité civile ;

* débouter la SAM A de toutes ses demandes fins et conclusions présentées à l'encontre de la société O prise en sa qualité d'assureur d'une police responsabilité civile ;

* dire et juger que la société O n'a nullement à garantir l'ÉTAT DE MONACO et la STE SAM B ;

* dire et juger en toute hypothèse que la société O est bien fondée à opposer à la SAM B, un plafond de garantie pour un montant de 5.000.000 de francs. soit 762.245,09 €, avec application d'une franchise pour un montant de 25.000 francs, soit 3.811.23 € ;

* dire et juger que la société M, quant à elle, est bien fondée à opposer à l'ÉTAT DE MONACO, un plafond de garantie, en matière de dommages résultant d'atteinte à l'environnement de 2.000.000 de francs, soit 304.898,03 €, au titre des dommages matériels et immatériels consécutifs, une limitation de garantie pour un montant de 3.000.000 de francs, soit 457.347,05 €.

SUR CE,

À titre liminaire, l'ancienneté et la complexité de ce litige commandent d'exposer les éléments factuels et non contestés repris dans le rapport d'expertise et les nombreuses écritures et pièces soit :

* 1- La teneur des différents contrats de droit privé et public évoqués par les parties et, ce, chronologiquement et de manière synthétique ;

* 2- La pollution atmosphérique : le constat, les causes et les conséquences ;

* 3- La règlementation en vigueur à Monaco.

* 1- Rappel chronologique des relations contractuelles entre les parties au présent litige :

Le marché de travaux en date du 19 décembre 1977 à la SAM B et à la SA H, constructeurs conjoints et solidaires de la construction de ladite usine d'incinération :

L'usine d'incinération de Monaco a toujours existé sur le site actuel T. Elle a été édifiée en 1897 puis remplacée en 1938. La construction d'une nouvelle usine d'incinération d'ordures ménagères a été signée le 19 décembre 1977 entre Monsieur le Ministre d'État et les sociétés SA H (entreprise spécialisée pour la construction d'usines de traitement des déchets) et SAM B (concessionnaire à Monaco depuis l'origine).

Ce contrat avait pour objet la réalisation de travaux de construction, de mise en service des installations et d'exécution des essais d'une usine de traitement par incinération avec récupération de chaleur des résidus ménagers, urbains et industriels produits en Principauté de Monaco et des ordures ménagères collectées dans les villes françaises voisines de BEAUSOLEIL, CAP D'AIL et ROQUEBRUNE.

Cette usine était prévue pour une capacité de 5,5 tonnes de déchets par four et par heure avec le fonctionnement de trois fours, dont un de secours. L'usine a été construite à partir de 1978 et l'ÉTAT DE MONACO a concédé son exploitation à la SAM B.

La réception définitive de l'installation a été prononcée en octobre 1981 pour les deux fours, en 1983, pour le troisième four de secours.

Le contrat de concession entre l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B :

* Le traitement des ordures ménagères et industrielles a été confié à la SAM B depuis 1938 par des conventions de concession qui ont été successivement renouvelées. L'exploitation de l'usine devait se faire dans le strict respect du cahier des charges.

* Le contrat de concession et son cahier des charges du 4 avril 1985 précisaient notamment :

* Concernant les résidus : il s'agissait de détritus provenant d'ordures ménagères, de déchets provenant des établissements industriels et commerciaux, de résidus provenant d'établissements tels que les écoles, les hôpitaux etc... Etaient exclus les déchets provenant des travaux publics ou déchets anatomiques ou infectieux, explosifs ou matières dangereuses ;

* Concernant les obligations du concessionnaire : il s'agissait de recevoir et incinérer la totalité des déchets apportés. Pendant toute la durée de la concession, le concessionnaire était seul responsable vis-à-vis des tiers de l'usage de l'installation. Il assurait sous sa responsabilité le fonctionnement et l'entretien de l'installation. Il devait noter les comptes rendus de visites et vérifications faites par les organismes agrées en application de la réglementation monégasque mais aussi de la réglementation française en vigueur. Il devait, également, remettre au concédant chaque mois un compte-rendu quantitatif et qualitatif du traitement des déchets ;

* Concernant les obligations du concédant : il conservait, notamment, un pouvoir de contrôle pour vérifier à tout moment si l'installation était exploitée selon le cahier des charges.

L'article 14 du cahier des charges prévoyait que les travaux de mise en conformité des équipements techniques de l'installation devaient faire l'objet d'un projet justificatif et estimatif établi par le concessionnaire. Ce projet devait recevoir l'accord du concédant dont les dépenses étaient à sa charge.

L'autorisation de construire délivrée par l'ÉTAT DE MONACO à la SAM A :

* Les terrains concernant l'opération immobilière V objet du litige, sont situés directement en face de l'usine existante, au sein du quartier du site T.

* La destination de ce quartier a considérablement évolué au cours des cinquante dernières années. Initialement, il s'agissait d'un quartier à vocation industrielle tel que défini par l'Ordonnance Souveraine n° 2.508 du 22 avril 1961 délimitant le Quartier du site T.

* Ultérieurement, cette règle a été assouplie par l'Ordonnance Souveraine n° 7.327 du 20 novembre 1981 prévoyant en son article 3 que sur les parcelles où existaient à la date de publication de l'ordonnance souveraine des immeubles comportant des locaux à usage d'habitation, les constructions nouvelles « pourront comporter un nombre de logements au plus égal à celui des appartements régulièrement occupés à la susdite date ».

Au moment de l'autorisation de construire, le quartier du site T était devenu un quartier à vocation mixte : industriel, commercial et à usage d'habitation. Sur ce dernier point, l'autorisation de construire, délivrée le 3 octobre 1986 par Arrêté ministériel n° 86-597 à la SAM A rappelait que le nombre d'appartements ne pouvait excéder 28 (article 2.3).

La SAM A a obtenu une autorisation de construire un complexe immobilier à usages multiples d'habitation, commerces, bureaux, industries sur des terrains situés sur l'ancienne Brasserie de Monaco, de la société R et de l'enseigne « Y ». Le promoteur a bénéficié d'une dérogation aux règles d'urbanisme puisqu'il est autorisé à construire des bâtiments de grande hauteur (11 étages) alors que les constructions préexistantes sur les terrains, assiette de l'opération V étaient jusqu'alors d'un étage sur rez-de-chaussée.

Courant 1987, la SAM A a donc entrepris la construction de deux immeubles dans le quartier du site T à MONACO :

* D'une part un bâtiment dénommé W à usage de bureaux et d'habitation et destiné à priori à la vente. La façade de cet immeuble est à 12,50 mètres de l'usine et le toit en terrasse est au-dessus du débouché des cheminées de l'usine d'incinération ;

* D'autre part, un autre bâtiment, l'immeuble Z à usage de bureaux et de commerces exclusivement destiné à la location.

L'autorisation définitive d'occuper l'immeuble W a été délivrée par le service de l'urbanisme et de la construction de l'ÉTAT DE MONACO le 24 juillet 1989. Concernant l'immeuble Z, achevé en 1990, une autorisation d'occupation provisoire a été délivrée par le service de l'urbanisme de la construction de l'ÉTAT DE MONACO le 26 juin 1990. L'autorisation définitive a été accordée le 15 avril 1992.

Les diverses autorisations obtenues de l'ÉTAT DE MONACO par la SAM A pour la construction et l'exploitation des immeubles W et Z n'ont contenu aucune réserve quant aux précautions à prendre concernant une éventuelle pollution industrielle acide susceptible de provenir de l'usine d'incinération.

* * Le 9 mai 1990, un marché d'ingénierie est conclu entre l'ÉTAT DE MONACO et la société D devenue la SAS E, aux fins d'étudier les possibilités d'opérer un traitement complémentaire des filmées de l'usine d'incinération de Monaco :

* La principauté de Monaco a confié à la société D devenue la SAS E une étude de faisabilité le 17 juillet 1989 avec campagne de mesure sur les polluants pour l'installation d'un système d'épuration des fumées. La campagne de mesure s'est déroulée entre septembre et octobre 1989, elle a fait état d'une moyenne globale supérieure à 2100 mg/Nm3. L'expert a noté que cette valeur était très supérieure aux valeurs habituellement rencontrées sur de telles unités de traitement des déchets.

* En analysant ce marché d'ingénierie, le rapport d'expertise a considéré que la société D devenue la SAS E partageait la maîtrise d'œuvre de conception et d'exécution avec la SA G.

* * Le 30 décembre 1991, un marché de travaux est conclu avec la SA G, pour un traitement complémentaire des fumées de l'usine d'incinération de Monaco.

Ce marché avait pour objet les travaux de construction et de mise en service d'un ensemble de traitements complémentaires d'évacuation et de contrôle des fumées. La fourniture incluait deux lignes complètes de traitement pour desservir les trois fours.

Une première réception des travaux a été prononcée par l'ÉTAT DE MONACO le 14 décembre 1993 après des mesures de la part de la société S réalisées en 1993. La levée des réserves est intervenue le 21 février 1994. La mise en exploitation industrielle des deux premières lignes en juillet et décembre 1993 a dû être interrompue en raison de nuisances sonores invoquées par le voisinage. Ce n'est qu'à partir de la fin de l'année 1995 que la SA G a résolu cette difficulté liée au phénomène de vibration et que l'équipement a pu fonctionner correctement (cf. infra ).

* 2- La pollution atmosphérique : le constat, les causes et les conséquences :

Il faut rappeler, au préalable, que les parties ont convenu, lors de l'expertise, que seule la pollution atmosphérique serait analysée, la pollution due aux suies (dépôts noirâtres et graisseux et les fumées noirâtres et nauséabondes) a été exclue du champ de l'expertise, ces désordres étant attribués à d'autres activités situées près de l'usine.

Concernant les conséquences de cette pollution, les parties se sont concentrées sur les phénomènes de corrosion sur l'aluminium anodisé, les incidences de cette pollution sur la santé des personnels ou des occupants ont été écartées.

* Le constat :

La corrosion est manifestement apparue au stade du chantier de construction lors de la pose de la première grue par la SAM A (grue montée en septembre 1988 à proximité d'une cheminée SAM B). Alors que l'immeuble W était en cours de construction et que la hauteur définitive de l'immeuble était atteinte, il a été constaté des émanations d'acides en provenance de l'usine d'incinération située à proximité.

La SAM A faisait parvenir, le 2 mars 1989, un courrier à Monsieur le Ministre d'Etat, afin qu'il mette fin dans les meilleurs délais à cet état de fait.

L'entreprise faisait établir un procès-verbal de constat dressé le 14 juillet 1989 par Maître ESCAUT-MARQUET, huissier de justice. Celui-ci constatait alors : « Des fumées se dégagent de l'usine de la SAM B et des odeurs nauséabondes et émanations semblant acides et irritantes se propagent jusque sur le balcon ».

L'huissier s'étant rendu sur la terrasse jardin située au-dessus de l'appartement du onzième étage notait : « Les odeurs et émanations constatées ci-dessus sont plus fortement perceptibles, faisant même piquer les yeux ».

À la suite de phénomènes de corrosion apparus sur la grue en septembre 1988, un rapport des laboratoires Bouder et Dussaix en date du 17 octobre 1990 signalait : « l'intensité de la corrosion et les teneurs en chlorure trouvées montrent que la grue a été fortement polluée par une atmosphère environnante contenant des chlorures en forte quantité. L'agressivité du milieu est nettement plus importante que l'atmosphère marine naturelle. Il est à noter que la corrosion se développe non seulement en surface mais dans les zones confinées. Une attention particulière doit donc être portée sur l'état des systèmes électriques ou électromécaniques ».

Ultérieurement, après livraison des immeubles, des occupants de l'immeuble W se sont plaints d'émanations ou de corrosion affectant les parties métalliques de l'immeuble ou des objets métalliques personnels. Ils ont fait état d'odeurs pestilentielles, d'une poussière noire et grasse. Ils ont aussi évoqué des problèmes de santé liés à cette pollution (irritations dans la gorge, sinusite, dépression...).

* Les causes :

Les conclusions de l'expert sont sans ambiguïté et ne sont pas contestées par les parties : il s'agit d'une pollution à l'acide chlorhydrique en quantité importante et à l'acide sulfurique en moindre proportion. L'usine d'incinération de déchets en est à l'origine : le chlore provient, notamment, du brulage de matières plastiques chlorées (essentiellement PVC).

Il ne s'agit pas d'une pollution accidentelle ainsi que l'atteste les analyses des rejets d'acide chlorhydrique sur une période allant de 1982 à 1989 :

* une campagne de mesures diffusées par la société S, réalisée les 9 mars et 10 mars 1982 et les 14 et 15 avril 1983, établissait :

* aucune valeur inférieure à 400 mg/Nm3 mesurée au cours de la période ;

* des concentrations supérieures à 1.000 mg/Nm3 mesurées pendant plus de 93 % du temps total de la campagne de mesures ;

* des concentrations supérieures à 3.000 mg/Nm3 observées pendant 10,4 % du temps ;

* des concentrations supérieures à 3.300 mg/Nm3 observées pendant 16,4 % ;

* enfin, la valeur moyenne globale estimée sur les 302 heures de relevés effectivement exploitables était d'au moins 2.000 mg/Nm3.

* en octobre et courant décembre 1984, suite à des mesures ponctuelles concernant l'acidité dans les rejets gazeux, une moyenne de 1.030 mg/Nm3 en octobre et de 920 mg/Nm3 était constatée.

* en février 1988, la teneur en acide chlorhydrique était comprise entre 1.150 et 2.800 mg/Nm3 ;

* en septembre et octobre 1989, une moyenne globale de 2.100 mg/Nm3 et aucune valeur inférieure à 400 mg n'était enregistrée.

* Les conséquences :

Il s'agit donc d'une pollution atmosphérique au chlore continue et très importante. Sur un plan strictement matériel, l'acide chlorhydrique a attaqué l'aluminium anodisé des fenêtres et autres équipements anodisés mais aussi toutes les parties métalliques exposées directement ou indirectement.

Concernant la dispersion de cette pollution, une étude a été réalisée sur la base de huit scénarii (quatre avant la construction des immeubles, quatre postérieurement). Deux directions de vent ont été retenues (Nord/Est, Sud/Ouest) et deux vitesses de vent (10 et 40 km/heure). L'étude a confirmé que dans l'état antérieur, la dispersion avec vent du Sud /Ouest se faisait correctement et qu'en l'état actuel, elle était perturbée par la présence de l'immeuble W et de l'immeuble Z. La dispersion avec le vent Nord/Est restait satisfaisante dans tous les cas puisque les immeubles les plus proches étaient plus bas que l'usine d'incinération.

* 3- La réglementation en vigueur à Monaco :

La Loi monégasque du 19 avril 1974 concernant la lutte contre la pollution de l'eau et de l'air prévoit dans son article 2 : « est interdite l'émission dans l'atmosphère de tout produit qui notamment provoquerait, accroîtrait ou maintiendrait la pollution de l'air, nuirait à la santé publique ou porterait atteinte à la bonne conservation des immeubles ». Les modalités d'application de cette loi ne seront fixées qu'en 1992 par l'Ordonnance souveraine n° 10.571 du 9 juin 1992 (cf. infra ).

Lors de la construction de l'usine, la législation monégasque ne prévoyait donc pas de dispositions contraignantes. Dans les textes français, il n'y avait pas non plus de dispositions concernant explicitement une norme sur les rejets d'acide chlorhydrique.

La réglementation française relative au contrôle des rejets d'acide chlorhydrique remonte au 9 juin 1986 pour la limitation des émissions d'acide chlorhydrique à 100 mg/Nm3. À la suite de la directive européenne n° 89-429 CEE du 21 juin 1989 pour les installations existantes d'incinération des déchets municipaux, la France prend un arrêté ministériel le 25 janvier 1991 qui ramène la valeur d'émission d'acide chlorhydrique à 50 mg/Nm3.

Cette réglementation française est applicable au fonctionnement de l'usine d'incinération du site T puisque le contrat de concession et le cahier des charges y font expressément référence.

L'Ordonnance souveraine du 9 juin 1992, suivie de l'Arrêté ministériel monégasque du 11 juin 1992, fixent la valeur limite d'émission d'acide chlorhydrique à 50 mg/m3. Il est précisé à l'article 16 de l'Ordonnance souveraine du 9 juin 1992 que le délai réglementaire de mise en conformité est de trois ans pour les installations existantes.

* Sur les responsabilités mises en cause concernant cette pollution :

À titre principal, sur le premier moyen tiré de la responsabilité pour faute de l'ÉTAT de MONACO et de la SAM B :

La SAM A sollicite la condamnation solidaire de l'ÉTAT DE MONACO et de la SAM B au titre des fautes commises par eux dans la conception, l'exploitation et le contrôle de l'usine d'incinération. Elle appuie ses demandes sur les fondements de :

* l'article 1229 du Code civil monégasque : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ;

* l'article 1230 dudit code : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » ;

* l'article 1234 dudit code : « Les auteurs et les personnes responsables d'un délit ou quasi-délit, d'après les règles ci-dessus, peuvent être condamné solidairement, s'il y a lieu, à la réparation du dommage ».

Selon la demanderesse, la corrosion des immeubles W et Z résulte directement et exclusivement d'une accumulation de fautes commises par l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B.

L'ÉTAT DE MONACO aurait commis des fautes en tant que maître de l'ouvrage de la construction de l'usine d'incinération au motif qu'en ce qui concerne la conception et la mise en service de l'usine d'incinération, il aurait été informé du risque important de pollution au chlore et n'aurait pas pris, ni imposé en temps utiles les mesures appropriées permettant de prévenir cette pollution. La Principauté se serait fiée aux estimations et aux solutions préconisées par la SAM B-SA H sans chercher à vérifier d'une part, la hauteur de cheminée et d'autre part la neutralisation du chlore émis lors du brûlage de la matière plastique chlorée (essentiellement PVC, polychlorure de vinyle).

L'ÉTAT DE MONACO serait également responsable en tant qu'autorité de contrôle et de police de l'environnement pour ne pas avoir veillé au respect de la législation et des normes en vigueur.

* Sur le fondement de l'action en responsabilité :

Au préalable, il faut prendre acte qu'aucune des parties ne soulève la validité du permis de construire accordé par l'ÉTAT DE MONACO à la SAM A demande qui, au demeurant, ne relèverait pas de la compétence du présent Tribunal.

L'ÉTAT DE MONACO avance qu'il est à la fois le maitre d'ouvrage quant à la construction de l'usine litigieuse mais également puissance publique et autorité concédante quant à l'activité d'exploitation de l'usine d'incinération suite à sa mise en service. À ce titre, la responsabilité de l'Etat, puissance publique, ne peut être appréciée selon les principes du droit privé (et au visa des textes visés par la SAM A. L'ÉTAT DE MONACO soutient qu'en matière quasi délictuelle, les éventuelles fautes pouvant avoir été commises dans l'exécution d'un service public par la puissance publique doivent être appréciées, non pas selon les principes du droit privé mais selon les circonstances particulières de l'espèce et les nécessités du service. En l'espèce, il considère qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une responsabilité de l'Etat suivant les principes de responsabilité applicables à la Puissance Publique.

La SAM B reprend les mêmes arguments de droit et de fait en qualité de concessionnaire de l'usine.

La question de la responsabilité de la puissance publique est clairement évoquée dans ce débat. Or, le tribunal de Première Instance de Monaco est le juge de droit commun en matière administrative et il est le seul habilité à rechercher l'existence d'une faute alléguée de l'Administration.

Il est admis que si par principe l'article 2229 du Code civil est applicable à l'administration monégasque, la responsabilité de l'État ne saurait être appréciée comme s'il s'agissait d'un simple particulier en raison de la mission de sauvegarde des intérêts généraux qui lui est impartie, mais en fonction de critères différents liés aux circonstances de l'espèce et, notamment, la constatation de faits qui n'auraient pas été commandés par les nécessités du service public

C'est en application de ces principes que sera examiné la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO mais aussi celle de la SAM B, en qualité de concessionnaire d'un service public d'incinération de déchets.

* Sur les responsabilités en cause en l'espèce :

Le préjudice allégué par la SAM A résulte clairement, selon le rapport d'expertise, de nuisances provoquées par l'évacuation de l'usine d'incinération de rejets anormalement élevés dans l'air d'acide chlorhydrique. Il ne s'agit pas d'une pollution accidentelle mais d'une pollution permanente se réalisant sur plusieurs années.

La responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO et de la SAM B doit s'apprécier à la date de leur mise en cause, soit en 1989.

Il est constant qu'à la date de construction et de mise en service de l'usine d'incinération (de 1977 à 1980), aucune disposition contraignante n'était en vigueur à Monaco ou en France concernant le taux de rejet d'acide chlorhydrique.

L'ÉTAT DE MONACO avait l'obligation de se référer aux principes généraux de protection de l'environnement posé dans la Loi monégasque du 19 avril 1974, loi particulièrement innovante pour l'époque concernant la lutte contre la pollution de l'eau et de l'air.

Le marché de travaux de 1977 a caractérisé clairement les obligations et engagements qui étaient ceux des sociétés SAM B et SA H quant à l'efficacité attendue de l'usine, notamment :

* Article I de l'acte d'engagement : « L'entrepreneur s'engage en outre à exécuter, au titre du présent marché, sans restriction, ni réserve d'aucune sorte et selon les règles de l'art, tous les travaux et fournitures y compris ceux non décrits et qui seraient nécessaires au complet achèvement de l'œuvre et, à sa parfaite réalisation, compte tenu des exigences et divers décrets, lois, arrêtés, règlements et normes en vigueur... » ;

* Article 7 de la pièce 2 « Cahier des Prescriptions Spéciales » : « L'attribution du marché est prononcée par le maitre de l'ouvrage sur proposition du jury, qui dans son choix tiendra compte, lors de l'examen des propositions présentées par les concurrents de l'importance particulière attribuée : - au respect de l'environnement, sous le triple aspect des fumées, des odeurs nuisances, du bruit et des trépidations, - à l'esthétique de l'ensemble (...), - aux caractéristiques fonctionnelles dans la satisfaction de l'ensemble des besoins (...) » ;

* Article 11.3 de la pièce 2 « Cahier des Prescriptions Spéciales » : « un soin particulier devra être apporté au respect de l'environnement comme il est précisé à l'article 7-3 alinéa ci-dessus » ;

* Article 8 du « Cahier des Prescriptions communes » : « L'installation doit être conçue et construite de façon à permettre une combustion des résidus à traiter aussi complète que possible sans émission de poussières inacceptable (...) ».

La préoccupation environnementale est donc clairement posée.

De fait, les constructeurs avaient pris en compte les nuisances générées par la combustion des déchets en faisant des propositions sur la hauteur de la cheminée et sur les rejets.

* Concernant la hauteur de cheminée :

Dès le 23 octobre 1975, à l'occasion du concours pour la construction de l'usine d'incinération, l'ingénieur en chef des travaux publics de la Principauté de Monaco demandait à la SA H de compléter son offre, notamment en calculant la hauteur de la cheminée.

La SAM B-SA H a, dans ses propositions, tenu compte d'un immeuble voisin situé à 60 mètres de la cheminée et a proposé à l'ÉTAT DE MONACO une solution de surélévation artificielle de la cheminée en augmentant la vitesse d'éjection des gaz de combustion.

* Concernant les rejets :

En se basant sur 1 % de PVC à traiter, ces sociétés en ont déduit que la consommation serait de :

* 0,18 mg par m3 dans le rejet des seuls gaz de combustion ;

* 0,107 mg par m3 dans le rejet avec l'air de climatisation ;

* 0,026 mg par m3 dans le rejet avec neutralisation du chlore proposée en option ;

Ces chiffres étaient comparés à la norme allemande de 0,5 mg/ m3 en vigueur à l'époque et se trouvaient en dessous de cette norme.

Sur la base de ces propositions, l'ÉTAT DE MONACO a validé l'augmentation de la vitesse d'éjection des gaz sans construction d'une cheminée de hauteur importante et n'a pas retenu le dispositif de lavage de fumée proposé en option.

Selon l'expert, le choix de la surélévation artificielle de la cheminée est compréhensible pour des raisons d'esthétisme mais s'est avéré catastrophique sans la neutralisation du chlore qui n'était proposée qu'en option par la SAM B-SA H. Il a constaté, en outre, que l'émanation du chlore avait été très largement sous-estimée par la SAM B-SA H et très loin des résultats observés dans la réalité (cf. infra : analyses).

Cependant, il faut constater qu'il s'agit là d'une analyse a posteriori .

En 1977, alors qu'il n'existe pas de norme contraignante sur les rejets d'acide chlorhydrique et que le site T n'a qu'une vocation industrielle, ce choix technique n'est pas fautif en soi. En ce sens, les mises en cause concernant les constructeurs (SAM B/SA H) et les propositions faites sont sans objet.

En revanche, en application du contrat de concession et du cahier des charges, l'ÉTAT DE MONACO (par des opérations de contrôle) et la SAM B (par des rapports réguliers) devaient régulièrement vérifier la qualité des rejets.

Les analyses effectuées montrent que une pollution sur plusieurs années et un taux élevé des rejets d'acide chlorhydrique (cf. supra : analyses de 1982, 1984, et 1988) Ces résultats étaient nécessairement connus du concédant et du concessionnaire sauf à méconnaître gravement leurs obligations réciproques.

Toujours en exécution du contrat de concession et du cahier des charges (article 5), il fallait appliquer la réglementation en vigueur y compris la réglementation française. Or, la première réglementation française relative au contrôle des rejets d'acide chlorhydrique remonte au 9 juin 1986 et limite les émissions d'acide chlorhydrique à 100 mg/Nm3.

Compte tenu des taux de rejet d'acide chlorhydrique mesurés et de l'écart important avec la norme requise, l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B devaient tous deux rapidement prendre des dispositions de mise en conformité à partir de cette date. En effet, l'article 14 du cahier des charges prévoit que les travaux de mise en conformité des équipements techniques de l'installation (cf. infra : travaux de la SA G) font l'objet d'une action concertée du concessionnaire et du concédant. Il s'agit donc d'une responsabilité partagée.

Pour l'ÉTAT DE MONACO, puissance publique en charge de la mission de sauvegarde des intérêts généraux, cette obligation de mise en conformité était nécessaire en raison des circonstances de l'espèce :

* du fait d'un territoire restreint où la dispersion des rejets n'est pas favorisé en raison de la topographie des lieux et des vents dominants souvent parallèles à la côte ou faibles ;

* de la transformation du site T : d'usage industriel vers un usage mixte et, notamment, à usage d'habitation.

À cette obligation de faire à compter de 1986 s'ajoutait une obligation d'informer au nom de l'intérêt général. Lors de l'autorisation de construire, délivrée le 3 octobre 1986 par Arrêté ministériel n° 86-597 à la SAM A aucune réserve, aucune information en ce sens n'ont été formalisées.

Cependant, cette obligation d'informer est à relativiser vis-à-vis de la SAM A En effet, la demanderesse n'est pas un simple particulier mais un promoteur expérimenté, très implanté localement, sachant parfaitement qu'il édifiait les deux immeubles à usage de bureaux et d'habitation, en site industriel, et, à proximité immédiate, d'une usine d'incinération des déchets urbains dont il avait pour partie construit le gros œuvre.

En qualité de professionnel du bâtiment, s'agissant d'immeubles à usage commercial et d'habitation, il avait une obligation de s'informer sur tous les aspects environnementaux et d'en tirer toutes les conséquences utiles.

Tel n'a pas été le cas :

* En obtenant une dérogation pour construire des immeubles de onze étages, la SAM A réalisait une opération immobilière tout en prenant des risques notamment pour l'immeuble W dont la façade de l'immeuble est à 12,5 mètres de l'usine et le toit en terrasse est au-dessus du débouché des cheminées de l'usine d'incinération. Cette configuration a d'ailleurs contribué à l'aggravation de la pollution : les graphiques des simulations de dispersion atmosphérique confirment que dans l'état antérieur, la dispersion avec vent du Sud-Ouest se faisait correctement et qu'en l'état actuel, elle est perturbée par la présence de l'immeuble W et de l'immeuble Z.

Les premières manifestations de corrosion sur la grue de chantier ne l'ont pas empêchée de poursuivre les travaux.

S'il n'appartient pas au tribunal de première instance de se prononcer sur le permis de construire et les actes administratifs subséquents, il faut observer que l'ÉTAT DE MONACO aurait pu émettre des réserves lors de l'autorisation d'occupation et que la SAM A aurait pu, également, en différer la livraison compte tenu de sa qualité de promoteur expérimenté.

L'ensemble de ces éléments établissent que les corrosions affectant les éléments métalliques d'équipement des façades en aluminium anodisé (baies de fenêtres et de portes fenêtres, rambardes et volets roulants) de ces immeubles proviennent d'une pollution importante au chlore provoquée par le fonctionnement de l'usine d'incinération. Cette pollution s'est développée et s'est aggravée du fait de l'ÉTAT DE MONACO, de la SAM B et de la SAM A :

* En ne programmant pas des travaux de mise en conformité de l'usine à compter de 1986, première réglementation en vigueur, alors qu'il existait une pollution importante, l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B ont commis une faute ;

* En construisant, par dérogation, des immeubles de grande hauteur à usage commercial et d'habitation, dans une configuration de grande proximité avec l'usine d'incinération, sur un site industriel dont elle n'ignorait pas les potentielles nuisances, la SAM A en qualité de professionnel du bâtiment, a également commis une faute.

Une faute pour défaut d'informer est à relever pour l'ÉTAT DE MONACO, en qualité de puissance publique garant de l'intérêt général.

Une faute pour défaut de s'informer est à relever pour la SAM A en qualité de professionnel du bâtiment.

Chacun verra donc sa responsabilité partagée pour un tiers dans la réalisation du dommage.

Il n'est donc pas nécessaire d'examiner le deuxième moyen tiré de la responsabilité pour trouble de voisinage.

À titre subsidiaire, sur les appels en garantie,

Les constructeurs (SAM B/SA H) :

* Ainsi qu'il en a été fait la démonstration, les appels en garantie concernant les constructeurs de l'usine (SAM B/SA H) sont sans objet compte tenu de la règlementation en vigueur en 1977 et du caractère industriel du site à l'époque. Les moyens soulevés par les parties en cause ne seront donc pas analysés.

La société D, devenu la SAS E, la SA G et la société O :

* Ces sociétés sont intervenues pour remédier à la pollution.

En effet, dès 1989, l'ÉTAT DE MONACO a pris en compte cette pollution manifeste et a mis en œuvre les mesures nécessaires pour ne pas laisser perdurer le dommage. La SAM B a également pris des mesures pour arrêter l'incinération de certains déchets. Ainsi :

* le 4 août 1989, l'ÉTAT DE MONACO indiquait à la SAM A de ce qu'un bilan précis des pollutions atmosphériques serait réalisé et qu'un choix de propositions serait établi ;

* des analyses de prélèvements étaient effectuées le 13 juillet 1989 à la demande de la SAM B;

* une campagne de mesures en continu était mise en œuvre à la demande du contrôle technique de la Principauté et pilotée par la société D devenue la SAS E, cette campagne a eu lieu du 19 septembre au 4 octobre 1989 ;

* le 9 mai 1990, un marché d'ingénierie a été conclu entre l'ÉTAT DE MONACO et la société D devenue la SAS E aux fins d'étudier les possibilités d'opérer un traitement complémentaire des filmées de l'usine d'incinération de Monaco. Le bureau d'études a préconisé une solution par voie humide. Il s'est inspiré de la règlementation européenne (Directive du 21 juin 1989) concernant la qualité des fumées après traitement avec une concentration maximale en chlore de 50 mg/Nm3. Il a également imposé des conditions pour éviter la dispersion des bruits gênants dans l'environnement ;

* le 30 décembre 1991, un marché de travaux est passé avec la SA G pour un traitement complémentaire des fumées de l'usine d'incinération de Monaco ;

* en cours d'exécution du marché, une Ordonnance souveraine du 9 juin 1992 suivie de l'Arrêté ministériel monégasque du 11 juin 1992 sont venues fixer la valeur limite d'émission d'acide chlorhydrique à 50 mg/m3 confortant ainsi l'objectif initial des marchés en cours. L'article 16 de l'Ordonnance souveraine du 9 juin 1992 a précisé que le délai réglementaire de mise en conformité était de trois ans.

Les fréquentes analyses de rejets atmosphériques ont fait état :

* entre août et octobre 1992, de concentrations journalières comprises entre 800 et 1900 mg/Nm3 ;

* en 1993, de concentrations moyennes comprises entre 25 et 1.235 mg/Nm3. Les tours de lavage étaient installées fin avril et en aout. En parallèle, des nuisances dues aux bruits et aux vibrations étaient signalées par les riverains ce qui conduira à opérer des modifications sur les laveurs et à arrêter les ventilateurs par période.

L'arrêt de ces laveurs a favorisé des pics de pollution et ralenti le processus de mise aux normes, mais a été rendu nécessaire pour ne pas perturber le voisinage et être conforme à la règlementation en vigueur, les bruits dépassant la norme française inscrite dans le cahier des charges.

À ce sujet, l'expert a noté que ces bruits et vibrations n'étaient pas prévisibles. Il a observé qu'entre fin décembre 1993 et fin juin 1995, le fonctionnement des laveurs a été rendu aléatoire pour résoudre cette difficulté. Il a estimé que la SA G a respecté les contraintes fixées. Pendant cette période qui constitue, pour lui, une période d'essai et de réglage, il a conclu qu'il s'agissait d'une pollution à caractère fortuit ou accidentel due à des difficultés de réglage, à des pannes de matériel ou à des problèmes de bruit ou de vibrations quasiment impossible à prévoir et difficiles à résorber.

La réception définitive des travaux a été prononcée le 14 décembre 1996 après vérification de la qualité des rejets dans l'atmosphère et l'absence de nuisances sonores.

L'expert a considéré que la pollution a été maîtrisée à partir de 1997 mais ne sera vraiment conforme au CCTP qu'en 2000.

Si la réception définitive des travaux intervient un an après les délais prescrits par l'Ordonnance souveraine du 9 juin 1992, il est établi que les travaux entrepris sur les fours de l'usine d'incinération ont été ralentis par des circonstances imprévisibles et certainement compliqués par l'obligation de faire fonctionner en même temps une mission de service public d'incinération des déchets .

Aucune faute ou négligence ne peut être retenue à l'encontre de la société D, devenu la SAS E, ou de la SA G dans l'exécution de leurs missions qui aurait été de nature à faire perdurer la pollution atmosphérique. Au contraire, les travaux effectués ont contribué à résorber la pollution.

La société D devenue la SAS E et la SA G seront, donc, toutes deux mises hors de cause.

L'intervention de la société J devient alors sans objet. Il n'est donc pas nécessaire d'analyser les arguments soulevés à ce sujet.

La SA C, en qualité d'assureur de l'ÉTAT DE MONACO et de la SAM B au titre d'une police responsabilité civile :

La SA C oppose à l'ÉTAT DE MONACO et à la SAM B la prescription biennale et, sur le fond, le défaut d'aléa.

* Concernant la prescription biennale :

Les dispositions du Code des assurances français s'appliquent, les parties ne le contestent pas.

L'ÉTAT DE MONACO et la SAM B ont chacun souscrit une police d'assurance responsabilité civile avec la société M. Les dispositions générales rappellent que toute action dérivant du contrat est prescrite par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance en application des articles L. 114-1 et L. 114-2 du Code français.

* Concernant l'ÉTAT DE MONACO :

La SA C soutient que le délai de prescription biennale a commencé à courir à compter de l'Ordonnance de référé en date du 12 juillet 1990 pour une assignation au fond de la SA C le 28 octobre 2009 soit dans un délai prescrit.

L'ÉTAT DE MONACO fait valoir que pendant toute la durée d'expertise, la SA C a été présente, qu'il n'a connu les prétentions de la SAM A qu'à compter de l'assignation du 28 octobre 2009 et qu'il a immédiatement sollicité d'appeler en la cause de la société M. Un jugement l'y autorisant a été rendu le 20 octobre 2011. Il a fait délivrer une assignation à la SA C le 27 octobre 2011.

En outre, il rappelle que les polices d'assurance doivent mentionner les dispositions de la loi concernant les prescriptions dérivant du contrat d'assurance, que l'inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du Code des assurances. Ces mentions doivent être précises et complètes, indiquant :

* le délai biennal de l'article L. 114-1 ;

* les causes d'interruption de la prescription de l'article L. 114-2 ;

* les causes d'interruption de droit commun ;

* les différents points de départ du délai de prescription ;

* les conséquences de la prescription.

Il soutient que le contrat d'assurance ne contient pas ses dispositions.

Selon l'article L. 114-1 du Code des assurances, en cas d'action de l'assuré contre son assureur à la suite du recours d'un tiers, le délai ne court que du jour où le tiers a exercé un recours en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier. Si cette réclamation doit être formulée par une assignation en justice, la jurisprudence française estime qu'une assignation en référé en vue de la nomination d'un expert constitue une action en justice et fait courir la prescription contre l'assuré (Civ. 1ère, 18 juin 1996)

En l'absence de dispositions relatives à la suspension de la prescription dans le Code des assurances, la jurisprudence applique les règles du droit commun de la prescription modifiées par la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. Depuis cette loi, l'article 2239 du Code civil prévoit ainsi que le prononcé d'une mesure d'expertise judiciaire suspend le cours de la prescription.

Cependant, cette nouvelle règle n'est applicable qu'aux mesures d'instruction ordonnées après l'entrée en vigueur de la loi (Civ. 2e, 3 octobre 2013) Elle s'oppose à la jurisprudence antérieure qui refusait toute suspension de la prescription (Civ. 1ère, 28 octobre 1997).

En l'espèce, l'expertise a été diligentée avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

En application de ces principes, le point de départ de la prescription correspond à l'assignation en référé en date du 12 juillet 1990, la prescription est acquise au moment de l'assignation au fond puisqu'en application de la jurisprudence antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'expertise ne suspend pas le cours de la prescription.

Cependant, force est de constater que le contrat d'assurance entre la SA C et l'ÉTAT DE MONACO ne contient pas les mentions exigées, l'ÉTAT DE MONACO peut donc valablement soulever l'inopposabilité de la prescription biennale.

* Concernant la SAM :

Les mêmes arguments que ceux exposés précédemment sont soulevés par les parties. Les mêmes principes s'appliquent également.

Le point de départ de la prescription court à compter de l'assignation en référé en date du 12 juillet 1990, la SAM B, après autorisation du Tribunal le 20 octobre 2011, a assigné la SA C le 28 octobre 2011. La prescription est acquise.

En revanche, le contrat d'assurance passé entre la SAM B et la SA C ne comprend pas les mentions exigées, la SAM B peut valablement soulever l'inopposabilité de la prescription biennale.

La prescription biennale n'est donc pas acquise pour l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B.

* Concernant le défaut d'aléa :

Les polices d'assurance garantissent la responsabilité civile de l'assuré en cas du dommage survenu du fait de la pollution de l'atmosphère à condition que le fait générateur soit accidentel ou fortuit.

Or, les éléments aboutissant à retenir la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO et de la SAM B conduisent à réfuter tout caractère aléatoire de cette pollution : le défaut d'aléa découle des conditions d'exploitation de l'usine et du traitement des fumées. Il s'agit non pas d'une pollution accidentelle mais d'une pollution permanente. Dès 1986, le concédant et le concessionnaire devaient engager des travaux de mise en conformité alors qu'ils avaient nécessairement connaissance de l'importante pollution à l'acide chlorhydrique.

La SA C sera mise hors de cause.

* Sur la réparation des préjudices :

* Sur l'indemnisation du préjudice matériel :

Il ressort des écritures que l'ensemble immobilier constitué par l'immeuble W, l'immeuble Z et une partie de l'immeuble U a été organisé en syndicat de copropriétaires avec un syndicat principal et des syndicats secondaires pour chacun des immeubles.

Il s'agit donc de copropriétés représentées par des syndics. Ceux-ci ne sont pas dans la cause.

Or, le dommage constaté concerne des phénomènes de corrosion affectant les menuiseries extérieures des façades des immeubles Z et W, les parties ayant choisi de circonscrire le champ de l'expertise à ces dégradations. Il s'agit aujourd'hui de statuer sur l'indemnisation du remplacement de menuiseries qui ont trente ans.

Ces dommages peuvent affecter aussi bien des parties communes que des parties privatives de ces copropriétés.

Dans le premier cas, seul le syndic peut agir au nom du syndicat des copropriétaires qui est une personne morale distincte et autonome.

Concernant les parties privatives, l'immeuble W a fait l'objet de ventes de certains appartements. Pour ces appartements vendus, la SAM A n'a ni qualité à agir ni intérêt à agir, puisqu'elle ne démontre pas s'être engagée vis-à-vis des acheteurs à assumer une garantie de remplacement des menuiseries en question, pas plus qu'elle ne démontre être leur mandataire pour la présente action.

En conséquence, la SAM g. A n'a pas qualité pour agir en réparation de ce préjudice matériel.

* Sur les autres postes d'indemnisation :

Au titre de l'opération de nettoyage sollicitée par les experts en 2004 :

La SAM A sollicite la somme de 84.464 € HT (soit 101.018,98 € TTC) au titre de l'opération de nettoyage sollicitée par les experts en 2004.

Effectivement, pendant les opérations d'expertise, il a été nécessaire de procéder au nettoyage des éléments d'aluminium anodisé. Le nettoyage a été commandé et payé par la SAM A sous le contrôle de l'expert pour une somme de 23 709,54 € TTC pour l'immeuble W, 59 393,36 € et 17 916,08 € TTC pour l'immeuble Z. La SAM A sollicite à juste titre le remboursement de ces frais engagés.

En application du partage des responsabilités, la SAM A obtiendra les 2/3 de cette somme soit 67 345, 98 €.

Au titre du préjudice immatériel :

* La SAM A sollicite une somme de 739.639,15 € HT (soit 884.608,42 € au 30 juin 2008) au titre du préjudice immatériel. Elle soutient avoir subi un préjudice économique important dans les opérations de vente ou de location du fait de cette pollution.

* L'expert a estimé qu'il n'y avait pas de préjudice immatériel pour l'immeuble Z. Il a chiffré le préjudice immatériel pour l'immeuble W pour la période 1990 à juin 2008 à la somme de 739.639,15 € HT.

Il faut se reporter à la lecture du rapport de l'expert sapiteur, notamment, à la chronologie du déroulement des opérations d'expertise entre septembre 1993 et octobre 2006 pour constater les nombreuses difficultés et les réticences évidentes rencontrées pour obtenir les pièces indispensables à sa mission. Pièces qu'il n'a pas obtenues en totalité pour les immeubles concernés, ce qui l'a conduit à constituer des grilles d'évaluation à partir de l'immeuble U qui, lui, n'est pas dans la cause.

L'expert a relevé que les corrosions affectaient principalement l'immeuble W et a laissé à l'appréciation souveraine du Tribunal le soin de « calculer le coefficient inhérent à la connaissance du Promoteur avant la construction des préjudices inévitables et évidents qui pouvaient procéder à la décision de construire à proximité immédiate d'une usine d'incinération de déchets urbains ».

En saisissant l'opportunité de construire dans les conditions sus-décrites sur un site en pleine mutation et à forte valeur ajoutée, la SAM A a réalisé en soi une plus-value considérable. Au demeurant, les immeubles en question ont été occupés depuis leur livraison et le sont toujours.

L'ensemble de ces éléments conduisent à n'accorder aucune réparation au titre du préjudice immatériel à la SAM A

Au titre du préjudice moral :

* La SAM A sollicite 200.000 € au titre de la réparation du préjudice moral. Compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, aucun élément ne vient justifier une telle demande. Elle sera rejetée.

Au titre de la résistance abusive :

Certaines parties à l'instance sollicitent des dommages et intérêts pour procédure et résistance abusive dont :

* la SAM A qui sollicite 20.000 € à l'encontre de l'ÉTAT de Monaco et de la SAM B;

* l'ÉTAT DE MONACO, qui sollicite 50.000 € à l'encontre de la SAM A et 10.000 € à l'encontre de la société J ;

* la SAM B, qui demande à la SAM A 50.000 € ;

* la SA H, qui demande à la SAM A 50.000¿ ;

* la SA G qui demande à l'ÉTAT DE MONACO 10.000 € ;

* la société J qui sollicite 10.000 € à titre de dommages intérêts à tout succombant.

Il est incontestable que ce litige est d'une exceptionnelle durée :

* trente ans se sont écoulés depuis la première action en justice en 1989 ;

* l'expertise s'est déroulée sur une vingtaine d'années : l'expert et ses sapiteurs ont mentionné les innombrables difficultés et lenteurs pour obtenir les pièces utiles ;

* à compter du dépôt du rapport d'expertise en 2008, la mise en état a duré dix ans.

Le caractère abusif pourrait se rapporter à l'exceptionnelle durée de cette procédure à laquelle toutes les parties ont contribué, la mise en état des affaires civiles restant la chose des parties.

Compte tenu de la particulière complexité de ce litige et de l'importance des enjeux, toutes les parties qui auraient pu voir leur responsabilité engagée ont légitimement été attraites dans la cause. Un arrêt de la Cour d'appel du 10 décembre 1996 a rappelé dans cette affaire que « la préservation des intérêts du demandeur justifiait que les opérations d'expertise se déroulent au contradictoire des parties dont elle envisage d'engager la responsabilité ».

En conséquence, aucuns dommages et intérêts ne seront accordés à ce titre.

L'ancienneté du litige commande le prononcé de l'exécution provisoire.

Les dépens seront compensés entre les parties.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Statuant en matière administrative en application de l'article 21 2° du Code de procédure civile ;

Dit que le dommage allégué par la SAM A soit la corrosion affectant les éléments métalliques d'équipement des façades en aluminium anodisé des immeubles W et Z, provient d'une pollution atmosphérique au chlore générée par l'incinération des déchets réalisée par l'usine d'incinération dont la SAM B est l'exploitant en vertu d'un contrat de concession passé avec l'ÉTAT DE MONACO ;

Dit que cette pollution n'est pas accidentelle ou fortuite ;

Dit qu'elle résulte d'une faute de l'ÉTAT DE MONACO et de la SAM B pour ne pas avoir entrepris la mise en conformité nécessaire de l'usine en application de la règlementation en vigueur ;

Dit que l'ÉTAT DE MONACO, en qualité de puissance publique garant de l'intérêt général, a commis une faute pour défaut d'informer ;

Dit que la SAM A a concouru à la réalisation de son dommage en construisant des immeubles de grande hauteur à usage commercial et d'habitation, dans une configuration de grande proximité avec l'usine d'incinération et obtenant pour ce faire une dérogation aux règles d'urbanisme sur un site industriel dont elle n'ignorait pas les potentielles nuisances ;

Dit que la SAM A a commis une faute, en qualité de professionnel du bâtiment, pour défaut de s'informer sur les aspects environnementaux ;

Déclare l'ÉTAT DE MONACO, la SAM B, la SAM A responsables chacun pour un tiers du dommage ;

Ecarte les mises en causes et appels en garantie des constructeurs de l'usine : la SA H et la SAM B, de la société D devenue la SAS E, de la SA G et des sociétés J et C ;

Condamne in solidum l'ÉTAT DE MONACO et la SAM B à verser à la SAM A la somme de 67.345,98 € au titre de l'opération de nettoyage sollicitée par les experts en 2004 ;

Déboute la SAM A de ses autres demandes d'indemnités ;

Déboute l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Ordonne la compensation des dépens ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Françoise BARBIER-CHASSAING, Président, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef adjoint ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 28 FEVRIER 2019, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Françoise BARBIER-CHASSAING, Président, assistée de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 17945
Date de la décision : 28/02/2019

Analyses

Responsabilité (Public) ; Service public ; Responsabilité (Assurance) ; Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle


Parties
Demandeurs : La SAM A
Défendeurs : État de Monaco et autres

Références :

article 139 du Code de procédure civile
Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008
Code civil
ordonnance souveraine n° 7.327 du 20 novembre 1981
article 21 2° du Code de procédure civile
articles 1229-1230-1234 du Code civil
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
Ordonnance souveraine n° 2.508 du 22 avril 1961
article 1229 du Code civil
article 2229 du Code civil
Ordonnance souveraine n° 10.571 du 9 juin 1992
article 2239 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2019-02-28;17945 ?

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