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14/02/2019 | MONACO | N°17805

Monaco | Tribunal de première instance, 14 février 2019, Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y c/ L'État de Monaco et la SAM J


Abstract

Action en justice - Irrecevabilité - Fin de non-recevoir (oui) - Défaut de qualité pour agir - Syndic de copropriété - Absence d'autorisation valable de l'assemblée générale des copropriétaires

Résumé

L'autorisation nécessaire donnée au syndic, au sens de l'article 21 alinéa 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, doit, pour être valable indiquer avec précision la nature de la procédure à engager, l'objet de la demande et les parties à assigner. La résolution votée par l'assemblée générale des copropriétaires ne remplit à l'évidence nul

lement ces impératifs puisqu'elle n'arrête pas le principe même d'une action judiciaire dont ...

Abstract

Action en justice - Irrecevabilité - Fin de non-recevoir (oui) - Défaut de qualité pour agir - Syndic de copropriété - Absence d'autorisation valable de l'assemblée générale des copropriétaires

Résumé

L'autorisation nécessaire donnée au syndic, au sens de l'article 21 alinéa 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, doit, pour être valable indiquer avec précision la nature de la procédure à engager, l'objet de la demande et les parties à assigner. La résolution votée par l'assemblée générale des copropriétaires ne remplit à l'évidence nullement ces impératifs puisqu'elle n'arrête pas le principe même d'une action judiciaire dont l'objet resterait à déterminer et ne mentionne pas les parties à attraire devant une juridiction. En conséquence, le syndic de la copropriété n'a pas agi en vertu d'une valable autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. Aucune ratification a posteriori n'est intervenue, le demandeur se bornant à produire aux débats un procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires au cours de laquelle une simple information de l'assemblée sur le présent litige a été donnée, sans un quelconque vote qui aurait été nécessaire pour régulariser l'action du syndic. En conséquence, les demandes sont irrecevables pour défaut de qualité du syndic pour agir.

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2018/000355 (assignation du 15 février 2018)

JUGEMENT DU 14 FÉVRIER 2019

En la cause de :

* Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé Y, X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Syndic en exercice, la SARL G, exerçant sous l'enseigne H dont le siège se trouve « X2 », X2 à Monaco, représentée par son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège social ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* L'ÉTAT DE MONACO, représenté par son Excellence Monsieur le Ministre d'État de la Principauté de Monaco, demeurant au Ministère d'État, place de la Visitation à Monaco, étant pour ce, conformément à l'article 153 du CPC, à la Direction des Affaires Juridiques, X3 à Monaco ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* La SAM J, dont le siège social se trouve X4 à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège social ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 15 février 2018, enregistré (n° 2018/000355) ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM J, en date des 19 avril 2018, 7 novembre 2018 et 22 novembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO, en date des 6 juin 2018, 7 novembre 2018 et 29 novembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé Y, en date du 17 juillet 2018 ;

À l'audience publique du 13 décembre 2018, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 14 février 2019 ;

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte en date du 15 février 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé « Y », sis, X1 faisait citer l'État de Monaco et la société anonyme monégasque J devant le Tribunal de Première Instance en sollicitant :

* - qu'il soit constaté qu'il bénéficie d'une servitude de vue grevant l'immeuble sis X4, appartenant à l'État de Monaco et dans lequel la SAM J exploite son fonds de commerce,

* - qu'il soit constaté que la véranda édifiée sur le toit de cet immeuble, qui dépasse le parapet situé X1 viole ladite servitude et qu'en conséquence, il soit fait injonction à l'État de Monaco de démonter ou de faire démonter la véranda litigieuse, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

* - qu'il soit dit que le jugement à intervenir sera opposable à la SAM J qui devra laisser libre accès à ses locaux aux fins de démontage de la véranda,

* - la condamnation de l'État de Monaco et de la SAM J au paiement à son profit d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

À l'appui de ses demandes, le syndicat de copropriétaires demandeur fait valoir que suivant acte authentique en date du 26 mars 1904, v. AR., aux droits de laquelle il vient aujourd'hui, a cédé aux domaines de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain de Monaco, un terrain en nature de rochers, situé à Monaco, Section Z, entre X5 et le rivage de la mer en face de l'immeuble Y. Cet acte, sous le titre « Condition particulière » contenait une servitude ainsi rédigée :

* « Conformément à une délibération du Comité des Travaux Publics, en date du vingt et un décembre mil neuf cent trois, dont une copie en due forme demeurera ci- annexée après mention, il est expressément convenu, comme condition particulière de la présente vente, et à titre de servitude réelle et perpétuelle, que les constructions qui pourront être édifiées par la suite sur le terrain présentement vendu ne devront pas dépasser la hauteur du parapet actuel situé X5, M. P. ès-qualités engage l'administration des Domaines de Son Altesse Sérénissime à respecter strictement cette condition au parapet de l'immeuble dénommé Y appartenant à la venderesse ainsi qu'il est dit plus haut ».

Cette servitude avait en outre été rappelée dans le règlement de copropriété de l'immeuble Y en date du 4 mai 1961. Le bâtiment construit sur le terrain précité est aujourd'hui exploité par la SAM J et une véranda a été édifiée sur son toit terrasse, sa hauteur dépassant largement le parapet situé X5, comme cela ressortirait d'un constat d'huissier établi par Maître GRIMAUD-PALMERO le 28 août 2017.

Malgré plusieurs courriers adressés tant à l'État de Monaco qu'à la SAM J, aucune réponse n'était apportée aux demandes présentées par le syndic de copropriété de l'immeuble le Y aux fins de faire respecter la servitude. Le demandeur indiquait avoir en conséquence été contraint d'initier la présente instance, sur le fondement des dispositions de l'article 586 du Code civil.

Par conclusions en date des 19 avril, 7 novembre et 22 novembre 2018, la SAM J sollicitait à titre principal la nullité pour vice de fond de l'assignation du 15 février 2018 et à défaut que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y soit déclaré irrecevable en son action. À titre subsidiaire, elle entendait qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait de conclure au fond et qu'en conséquence soit ordonnée la réouverture des débats.

Elle fait valoir qu'en application des dispositions de l'article 21 alinéa 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis, le syndic doit justifier d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour valablement agir en justice. En l'espèce il existerait bien une résolution n° 12 de l'assemblée générale extraordinaire du 23 mars 2017 de la copropriété de l'immeuble « Y » mais ses termes seraient vagues et ne caractériseraient aucune prise de décision explicite. Ni la nature de la procédure à engager, ni la désignation des éventuelles parties à assigner n'y figurerait.

En outre, aucune preuve d'une éventuelle ratification a posteriori n'est apportée aux débats, puisqu'aucun vote de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble Le Beau Rivage n'est intervenu sur ce point postérieurement à l'assignation du 15 février 2018.

L'État de Monaco a conclu les 6 juin, 7 novembre et 29 novembre 2018 en sollicitant la nullité de l'exploit d'assignation du 15 février 2018 ou en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble. A défaut, il sollicitait la possibilité d'appeler en garantie la SAM J.

Au soutien de ses prétentions, l'État développait des moyens similaires à ceux présentés par la SAM J.

Par conclusions en date du 17 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Y » a maintenu ses demandes initiales, ajoutant ne pas s'opposer, le cas échéant, à la demande d'appel en garantie formulée par l'État de Monaco. Le syndicat demandeur estime qu'un vote est valablement intervenu et que le syndic avait la possibilité d'engager la présente instance.

SUR QUOI,

Attendu qu'aux termes de l'article 278-1 du Code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, une déchéance, une forclusion, la prescription ou la chose jugée. » ;

Attendu qu'aux termes de l'article 21 alinéa 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis, « le syndic représente le syndicat dans tous les actes civils et en justice ; toutefois, il ne peut agir en justice, au nom du syndicat, qu'après y avoir été autorisé par l'assemblée générale. Cette autorisation n'est pas nécessaire pour les mesures conservatoires, les actions en recouvrement de créances, les demandes en référé et pour défendre aux actions intentées contre le syndicat » ;

Attendu en conséquence qu'en l'absence de valable autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, une fin de non-recevoir pour défaut de qualité pour agir pourrait être caractérisée à l'encontre du syndic ;

Qu'en l'espèce, l'ordre du jour de l'assemblée générale annuelle de la copropriété de l'immeuble « Y », en date du 23 mars 2017 comprend un point 12 intitulé « Dossier K - Respect de la servitude de l'immeuble Y- Décision à prendre- Vote » ;

Que les termes de la délibération afférente sont les suivants, tels qu'ils résultent des pages 7 et 8 du procès-verbal de séance :

* « Suite à la demande de copropriétaires, il est discuté du restaurant « K » qui semble ne pas respecter la servitude. En effet, les constructions dites temporaires dépassent le parapet de l'avenue d'Ostende.

* Il est alors demandé aux copropriétaires quelle suite ces derniers veulent entreprendre à ce sujet.

* Une discussion s'instaure.

* Monsieur S. demande si la société « K » est concerné par la servitude. A ce jour, aucune réponse ne peut être donnée.

* Le Syndic précise qu'il conviendrait de se rapprocher d'un avocat (voire d'un géomètre) afin d'agir comme il se doit pour l'intérêt des copropriétaires et de la copropriété.

* Après discussion, la volonté de l'ensemble de la copropriété est de faire respecter l'éventuelle servitude.

* Vote(nt) POUR : 30 copropriétaire(s) totalisant 7960/7960 tantièmes.

* Résolution adoptée à la majorité des copropriétaires représentant au moins les 2/3 des voix des copropriétaires présents ou représentés. - (Article 16) » ;

Attendu que l'objet de la présente instance n'est pas de ceux énumérés limitativement par l'article 21 alinéa 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 comme ne nécessitant pas d'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;

Que l'autorisation nécessaire, au sens de ce texte doit, pour être valable indiquer avec précision la nature de la procédure à engager, l'objet de la demande et les parties à assigner ;

Que ces critères sont nécessaires pour s'assurer de la volonté éclairée de l'assemblée quant à une toute action juridictionnelle et ses implications ;

Attendu que la résolution votée le 23 mars 2017 ne remplit à l'évidence nullement ces impératifs puisqu'est seule mentionnée la « volonté de l'ensemble de la copropriété est de faire respecter l'éventuelle servitude » sans précision des voies et moyens pour y parvenir, sans arrêter le principe même d'une action judiciaire dont l'objet resterait à déterminer et enfin sans mention expresse des parties à attraire devant une juridiction, précision faite à ce dernier égard que l'État de Monaco n'apparait pas avoir même été seulement évoqué lors de la discussion en assemblée générale ;

Attendu en conséquence qu'il doit être conclu que le syndic de la copropriété n'a pas agi, dans le cadre de l'assignation du 15 février 2018, en vertu d'une valable autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;

Attendu enfin qu'aucune ratification a posteriori n'est intervenue, le demandeur se bornant à produire aux débats un procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires en date du 28 mars 2018 au cours de laquelle une simple information de l'assemblée sur le présent litige a été donnée, sans un quelconque vote qui aurait été nécessaire pour régulariser l'action du syndic ;

Attendu en conséquence qu'une fin de non-recevoir est caractérisée, l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité du syndic pour agir pour le compte du syndicat devant être retenue ;

Attendu que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Y », qui succombe, sera condamné aux dépens, en application des dispositions de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y irrecevable en ses demandes ;

Le condamne aux dépens avec distraction au profit de Maître Alexis MARQUET et Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, chacun en ce qui le concerne, sous leur due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Séverine LASCH, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Mademoiselle Florence TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 14 FEVRIER 2019, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, assisté de Mademoiselle Amandine RENOU, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17805
Date de la décision : 14/02/2019

Analyses

Procédure civile ; Copropriété


Parties
Demandeurs : Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Y
Défendeurs : L'État de Monaco et la SAM J

Références :

article 153 du CPC
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 586 du Code civil
article 278-1 du Code de procédure civile
article 21 alinéa 2 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2019-02-14;17805 ?

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