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05/03/2015 | MONACO | N°13010

Monaco | Tribunal de première instance, 5 mars 2015, La Société Anonyme de droit français dénommée AVIVA ASSURANCES SOCIETE ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS c/ ÉTAT DE MONACO, Compagnie d'Assurances AXA FRANCE


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 5 MARS 2015

En la cause de :

La Société Anonyme de droit français dénommée AVIVA ASSURANCES SOCIETE ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS, dont le siège social est 13 rue du Moulin Bailly à Bois Colombes Cedex (92271), agissant poursuites et diligences de son directeur général en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, représentée en Principauté de Monaco par son Agent général, M. g. DO., demeurant en cette qualité au X à Monaco,

DEMANDERESSE, ayant él

u domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et pla...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 5 MARS 2015

En la cause de :

La Société Anonyme de droit français dénommée AVIVA ASSURANCES SOCIETE ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS, dont le siège social est 13 rue du Moulin Bailly à Bois Colombes Cedex (92271), agissant poursuites et diligences de son directeur général en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, représentée en Principauté de Monaco par son Agent général, M. g. DO., demeurant en cette qualité au X à Monaco,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 153 du Code de procédure civile par Monsieur le Ministre d'Etat, Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco-Ville, étant pour ce dans les bureaux de la direction du Contentieux et des Etudes Législatives, 13 avenue des Castelans à Monaco,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Françoise ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de Nice,

La Compagnie d'Assurances AXA FRANCE, Société Anonyme de droit français, dont le siège social se trouve 313 Terrasses de l'Arche - 92727 Nanterre Cedex, prise en la personne de son directeur général en exercice, représentée en Principauté de Monaco par la SAM ASCOMA-JUTHEAU HUSSON, dont le siège social se trouve 24 boulevard Princesse Charlotte à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Françoise ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de Nice,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 3 juin 2013, enregistré (n° 2013/000558) ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ETAT DE MONACO, en date des 24 octobre 2013, 14 mai 2014 et 30 octobre 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de la compagnie d'assurances AXA FRANCE, en date des 24 octobre 2013, 30 janvier 2014, 12 mars 2014 et 8 octobre 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SA AVIVA ASSURANCES, en date des 28 novembre 2013, 11 juin 2014 et 27 novembre 2014 ;

À l'audience publique du 22 janvier 2015, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 5 mars 2015 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Le 5 novembre 2008, la boutique exploitée par la société à responsabilité limitée de droit monégasque RÉGINA COUTURE au rez-de-chaussée de l'hôtel FAIRMONT, 12 avenue des Spélugues à Monaco, a subi un dégât des eaux.

Au titre d'une police d'assurances n°74801005, la société française AVIVA ASSURANCES SOCIÉTÉ ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS (ci-après, la société AVIVA ASSURANCES) a procédé au paiement d'une somme de 14.189,40 euros au bénéfice de la société RÉGINA COUTURE.

Par acte en date du 3 juin 2013, la société AVIVA ASSURANCES a fait citer l'ÉTAT DE MONACO et la société anonyme de droit français AXA FRANCE devant le Tribunal de Première Instance en sollicitant la condamnation de l'ÉTAT DE MONACO à lui payer la somme de 14.189,40 euros.

À l'appui de ses demandes la société AVIVA ASSURANCES s'est présentée comme subrogée dans les droits de la SARL RÉGINA COUTURE. Elle indique que le sinistre subi par son assuré le 5 novembre 2008 a été provoqué, lors des pluies qui se sont abattues sur la Principauté de Monaco, par le débordement du collecteur public d'évacuation des eaux pluviales, au niveau de l'avenue des Spélugues. En raison de ce débordement, les eaux de ruissellement se sont infiltrées sous la porte de la boutique exploitée par la SARL RÉGINA COUTURE, causant des dommages tant à la structure de celle-ci qu'aux marchandises, vêtements et chaussures stockés et mis en vente.

Aux termes d'un procès-verbal d'expertise amiable contradictoire, en date du 2 décembre 2008, le montant des dommages causés au mobilier et aux marchandises a été évalué à la somme de 15.766 euros. Pour autant, la société AVIVA s'est vu refuser tout paiement par la société AXA, assureur de l'ÉTAT DE MONACO, au motif du caractère exceptionnel des intempéries, qui ont entraîné une saturation instantanée du réseau public d'évacuation.

La société AVIVA invoque à l'appui de sa demande le principe de responsabilité sans faute de l'ÉTAT du fait d'un dommage anormal causé par un ouvrage public. Elle estime en conséquence qu'il lui appartient uniquement de prouver l'existence d'un préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et l'ouvrage public. Tel est, selon elle, bien le cas en l'espèce, puisque d'une part la société RÉGINA COUTURE a subi des désordres excédant par leur ampleur ce qu'elle aurait été tenue de supporter et d'autre part la cause en est le débordement du collecteur public d'évacuation.

L'ÉTAT DE MONACO a conclu les 24 octobre 2013, 14 mai 2014 et 30 octobre 2014. Aux termes de ses dernières écritures, il sollicite sa mise hors de cause et le débouté des demandes de la société AVIVA ASSURANCES et en tout état de cause qu'il soit jugé que la société AXA FRANCE doit être condamnée à le relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Reconventionnellement il demande la condamnation de la société AVIVA ASSURANCES au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'ÉTAT DE MONACO, dans ses premières conclusions, avait entendu in limine litis solliciter l'appel en garantie de la société AXA FRANCE.

Sur le fond, l'ÉTAT fait valoir que sa responsabilité ne saurait être engagée dans la mesure où il n'existe pas de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. En l'espèce le cabinet CEBA, expert désigné par la société AVIVA elle-même a affirmé que le sinistre ne résultait pas d'une insuffisance de dimensionnement du réseau existant ni d'un défaut d'entretien de celui-ci puisqu'il fait l'objet d'un entretien biannuel systématique, le dernier en date ayant été effectué au mois de septembre 2008, soit seulement deux mois avant le sinistre.

Par ailleurs, au vu des pièces produites aux débats, la société RÉGINA COUTURE n'est pas un tiers, mais un usager de l'ouvrage public incriminé, puisque l'immeuble où elle exploite ses locaux est relié au réseau public d'écoulement des eaux pluviales. Dès lors, le régime de responsabilité juridique applicable lui permet de s'exonérer de sa responsabilité en démontrant que l'ouvrage a été correctement entretenu.

De plus, la situation caractérise un cas de force majeure, cause exonératoire de responsabilité. Ainsi, le cabinet SARETEC, expert désigné par la société anonyme AXA France, a décrit une intensité particulièrement forte et insisté sur la durée de l'épisode pluvieux, la concomitance de ces deux facteurs ayant contribué à saturer le réseau, pourtant correctement dimensionné et entretenu.

L'ÉTAT estime enfin que la SARL RÉGINA COUTURE n'a pas pris toutes les précautions nécessaires qui auraient permis de limiter les dommages.

La société AXA FRANCE a conclu les 24 octobre 2013, 30 janvier 2014, 12 mars 2014 et 18 octobre 2014.

Aux termes de ses dernières écritures elle sollicite :

* qu'il lui soit donné acte, sans aucune approbation, des demandes formulées par la société AVIVA ASSURANCES, de ce qu'elle relèvera et garantira son assuré, l'ÉTAT DE MONACO, des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

* qu'il soit jugé que tant qu'une commission consultative d'arbitrage n'aura pas rendu sa sentence, aucune mesure juridictionnelle ne saurait être prise,

* qu'il soit jugé que la société AVIVA ne dispose d'aucune subrogation, légale ou conventionnelle, sur laquelle elle fonde pourtant son action,

* le débouté des demandes de la société AXA FRANCE,

* la condamnation reconventionnelle de la société AVIVA ASSURANCES au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour instance abusive.

À l'appui de ses demandes, la société AXA indique qu'un arbitrage a été initié entre les deux sociétés d'assurances, si bien que le Tribunal ne peut statuer sans connaître le sort de cette mesure alternative au règlement du litige.

Sur la subrogation, la société AXA FRANCE indique que la société AVIVA ASSURANCES doit prouver son paiement et justifier que l'indemnité est contractuellement due.

Sur le fond, la société AXA FRANCE présente les mêmes moyens de défense que l'ÉTAT DE MONACO. Elle ajoute que la demanderesse ne précise nullement à quoi correspond le montant de 14.189,40 euros sollicité, la société AVIVA étant intervenue à concurrence de son plafond de garantie vis-à-vis de la société RÉGINA COUTURE, sans que n'aient été produits pour autant des justificatifs réels sur l'évaluation des dommages.

Par d'ultimes conclusions dites récapitulatives en date du 27 novembre 2014, la société AVIVA ASSURANCES sollicite :

* qu'il soit fait droit à la demande de l'ÉTAT DE MONACO d'être autorisé à appeler en garantie la société AXA FRANCE,

* que l'ÉTAT soit déclaré responsable du dommage anormal subi par la SARL RÉGINA COUTURE lors de l'épisode pluvieux survenu le 5 novembre 2008,

* la condamnation in solidum de l'ÉTAT DE MONACO et de son assureur la compagnie AXA FRANCE, à lui payer, en sa qualité de subrogée de la SARL RÉGINA COUTURE, la somme de 14.189,40 euros.

Sur la recevabilité de son action, elle indique avoir effectivement saisi en premier lieu le GIE GESTION DES CONVENTIONS D'ASSURANCES aux fins d'arbitrage mais s'être par la suite désistée.

Elle considère d'autre part que, la subrogation qu'elle invoque est parfaitement justifiée, en vertu tant de l'article L 121-12 du Code des assurances français, applicable en l'espèce, qui établit une subrogation légale en faveur de l'employeur ayant indemnisé la victime, que de l'article 4.1 du contrat d'assurances.

S'agissant de la qualité de tiers de la société RÉGINA COUTURE par rapport à l'ouvrage public constitué par le collecteur d'eaux pluviales, elle indique que située au rez-de-chaussée de l'hôtel FAIRMONT, cette société n'évacuait pour elle-même aucune eau de pluie (sic) et surtout que le débordement a eu lieu en amont géographiquement sur l'avenue des Spélugues.

SUR QUOI :

* Sur la demande relative à l'appel en garantie présentée par l'ÉTAT DE MONACO à l'égard de la société AXA FRANCE :

Attendu que la demande d'appel en garantie formulée par l'ÉTAT DE MONACO concerne en l'espèce, non pas une partie devant être appelée en la cause, mais une société d'ores et déjà défenderesse à l'instance, si bien qu'il n'y a pas lieu de requérir délai, au sens de l'article 267 alinéa 1er du Code de procédure civile ;

Attendu qu'aucune contestation, au sens de l'article 267 alinéa 2 du Code de procédure civile ne s'est manifestée au cours de la mise en état de l'affaire, mais qu'au contraire les parties se sont accordées sur le principe, en cas d'éventuelle condamnation de l'ÉTAT, de la garantie de la société AXA FRANCE ;

Attendu en conséquence, étant précisé que la demande a bien été présentée in limine litis, que le principe de l'appel en garantie de la société AXA FRANCE par l'ÉTAT DE MONACO ne peut qu'être autorisé, la demande elle-même relevant du fond qui sera analysé infra ;

* Sur la recevabilité des demandes de la société AVIVA ASSURANCES :

Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats que la société AVIVA ASSURANCES a souhaité saisir, par courrier du 8 février 2012, une commission consultative d'arbitrage avant l'introduction de la présente instance, mais que dès le 17 février 2012, elle a entendu se désister de cette demande ; Que les parties au litige ne versent aux débats aucun élément postérieur qui démontrerait que ce désistement n'a pas été effectif ;

Qu'au demeurant aucun élément n'est produit qui viendrait démontrer que la saisine d'une juridiction judiciaire serait prohibée en cas de saisine d'une telle commission, s'agissant au surplus de sinistres survenus à Monaco ;

Attendu par ailleurs que la demanderesse fonde son action sur une subrogation dans les droits de la société RÉGINA COUTURE ;

Que les rapports contractuels entre cette société et la demanderesse, tels qu'ils ressortent notamment des conditions générales d'assurances produites aux débats, sont régis par le droit français, lequel prévoit, aux termes de l'article L.121-12 du Code des assurances, un principe légal de subrogation de l'assureur qui a payé une indemnité, jusqu'à concurrence du montant de celle-ci, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers ;

Que cette disposition légale étrangère, incluse de droit dans le champ contractuel des parties dans le litige monégasque permet d'accueillir la subrogation invoquée ; qu'en outre l'article 4.1 des conditions générales du contrat d'assurances prévoit en page 52 une subrogation en faisant explicitement référence à ce texte ;

Attendu en conséquence que la société AVIVA ASSURANCES doit donc être déclarée recevable en ses demandes ;

* Sur la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO du fait d'un collecteur public d'eaux pluviales, ouvrage public ;

Attendu qu'en application des principes gouvernant la responsabilité administrative, pour obtenir réparation, il incombe à l'usager d'un ouvrage public, invoquant un dommage que lui aurait causé celui-ci de prouver le préjudice allégué et le lien de causalité entre ce préjudice et l'ouvrage public incriminé, sauf à l'administration, maître de l'ouvrage, à s'exonérer de sa responsabilité en démontrant, soit que l'ouvrage public en question, à le supposer non dangereux en lui-même, était correctement entretenu, soit que l'accident est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

Attendu d'autre part que le tiers à l'ouvrage public, qui invoque un préjudice causé par celui-ci, doit, en ce qui le concerne, pour engager valablement la responsabilité sans faute de l'ÉTAT maître de l'ouvrage, prouver un dommage anormal et le lien de causalité entre celui-ci et l'ouvrage public, l'administration ne pouvant s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant l'existence de la force majeure ou la faute de la victime ;

Attendu en l'espèce que la société RÉGINA COUTURE, dont le local sinistré est situé au rez-de-chaussée de l'hôtel FAIRMONT, avenue des Spélugues à Monaco, a la qualité de tiers vis-à-vis de l'ouvrage public constitué par le réseau public d'évacuation des eaux pluviales, pris en l'espèce dans sa partie impliquée par le débordement d'un collecteur ayant eu pour effet la présence d'eaux de ruissellement qui se sont infiltrées sous la porte de la boutique ;

Qu'en effet, quand bien même la société RÉGINA COUTURE serait-elle raccordée à ce réseau, ce qui n'est au demeurant pas démontré en l'espèce s'agissant d'un simple locataire d'un rez-de-chaussée, la société RÉGINA COUTURE ne peut être considérée comme un utilisateur personnel et direct de l'ouvrage incriminé, situé par définition en amont ;

Attendu en conséquence que le régime applicable, comme rappelé ci-dessus, exclut toute analyse d'un entretien normal, d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction de l'ouvrage public ;

Attendu que le préjudice constitué par l'infiltration des eaux inondant une boutique et causant ainsi un dommage au mobilier ainsi qu'aux agencements commerciaux, constitue sans conteste un dommage anormal, s'agissant d'une sujétion excédant les troubles susceptibles d'être imposés aux voisins des ouvrages publics ;

Attendu que le lien de causalité entre la présence d'eau dans la boutique et le débordement du collecteur d'eaux pluviales de l'avenue des Spélugues n'est pas contesté, l'eau n'ayant pu provenir que du ruissellement y relatif à l'exclusion d'infiltrations provenant d'autres sources ;

Attendu que la faute de la victime, qui n'est alléguée que par principe par l'ÉTAT DE MONACO, ne peut être retenue en l'espèce dès lors que celui-ci, sur qui pèse la charge de la preuve, se borne à indiquer que toutes les précautions n'ont pas été prises par la société RÉGINA COUTURE sans caractériser les éventuels manquements qui lui sont imputables, ni préciser les diligences normales qu'elle aurait dû prendre pour éviter le sinistre ou amoindrir ses effets ;

Attendu enfin, s'agissant d'un éventuel cas de force majeure, que sont versés aux débats les rapports du cabinet CEBA, expert désigné par la société AVIVA ASURANCES, et du cabinet SARETEC, expert désigné par la société AXA France, dont il ressort :

* que le tronçon du réseau qui dessert l'avenue des Spélugues n'a pas pu être saturé le 5 novembre 2008, une simulation démontrant même que tel ne serait pas le cas pour des pluies dites d'intensité décennale, voire cinquantennale, (les avis des deux cabinets ne divergent pas sur ce point) ;

* que pour le cabinet SARETEC, l'étude combinée des courbes pluviométriques dites « instantanées » (c'est-à-dire avec un intervalle de mesure de 6 minutes) et du tableau des valeurs relevées par un débitmètre au vallon de la Noix, (situé à Beausoleil), révèle deux pics de précipitations particulièrement intenses, (le premier entre minuit quinze et minuit trente, le second entre 1h 45 et 2h 30), avec, dans les deux cas, un débitmètre bloqué à 303 litres / seconde, correspondant à une saturation de l'appareil de mesure ; ainsi, au niveau de l'avenue des Spélugues avoisinante, une saturation dite instantanée des réseaux s'est produite à ce moment ;

* que pour le cabinet CEBA, l'intensité à 6 minutes de l'événement pluvieux du 5 novembre 2008 n'a jamais dépassé les 10 mm/m², soit une période de retour de 5 ans, n'atteignant donc pas une intensité décennale ;

Attendu en conséquence et en l'absence de démonstration par les défendeurs de l'existence d'une intensité instantanée qui, aurait à tout le moins dépassé une intensité décennale en un lieu de mesure le plus pertinent possible à proximité du sinistre, que la situation ne présente pas un caractère imprévisible ni irrésistible constitutif d'un cas de force majeure ;

Attendu en conséquence que le principe de la responsabilité sans faute de l'ÉTAT DE MONACO dans le sinistre subi le 5 novembre 2008 par la société RÉGINA COUTURE doit donc être retenu ;

* Sur le préjudice allégué par la société AVIVA ASSURANCES :

Attendu que la société AXA FRANCE conteste à tort l'évaluation du préjudice subi par la société RÉGINA COUTURE ;

Qu'en effet, il résulte d'un procès-verbal contradictoire en date du 2 mars 2009, réalisé en présence des cabinets CEBA et SARETEC, que ce dernier cabinet, mandaté par AXA a indiqué son « accord pour une évaluation minimale des dommages »mobilier et marchandises« à hauteur de 15.766 euros HT » ; Que si l'en-tête de ce document indique bien qu'il ne peut être considéré par aucune des parties comme une reconnaissance de garantie, son but est expressément « d'établir contradictoirement les constatations et observations des experts », si bien que la déclaration de SARETEC doit être prise en considération ;

Que de plus, cet expert de la défenderesse indique dans son rapport suscité « qu'en l'absence de justificatifs, il ne nous est pas possible de valider vos évaluations concernant les pertes de marchandises. Nous notons toutefois que le plafond des garanties du contrat sur lequel vous intervenez est de 15.766 euros. Sur la base de nos propres évaluations, à partir des coefficients usuellement appliqués pour les activités de mode vestimentaire, et compte tenu des autres dommages qui ont été contradictoirement constatés (mobilier et autres aménagements du magasin) nous vous confirmons qu'à notre avis le coût du sinistre subi par la société Régina Boutique est au moins égal à cette valeur » ;

Attendu au regard de ces éléments et en l'état d'une prise en charge du sinistre à hauteur de 14.189,40 euros par la société AVIVA ASSURANCES qu'il y a lieu de faire droit à la demande principale de la demanderesse et de condamner in solidum l'ÉTAT DE MONACO et la société AXA FRANCE à lui payer la dite somme ;

* Sur les autres chefs de demandes :

Attendu qu'en application de l'article 271 alinéa 1er du Code de procédure civile il doit être statué par le même jugement sur la demande en garantie et qu'en l'absence de toute contestation il y a lieu de dire que la société AXA FRANCE devra relever et garantir l'ÉTAT DE MONACO de la condamnation prononcée à son encontre ;

Attendu qu'en l'état du triomphe de la société AVIVA ASSURANCES en ses demandes, les demandes reconventionnelles présentées par l'ÉTAT DE MONACO et la société AXA France ne pourront qu'être rejetées ;

Attendu que l'ÉTAT DE MONACO et la société AXA FRANCE, qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens en application des articles 231 et 235 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,

Déclare la société AVIVA ASSURANCES SOCIÉTÉ ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS recevable en ses demandes ;

Autorise l'appel en garantie sollicité par l'ÉTAT DE MONACO à l'égard de la société AXA FRANCE, en l'état de l'accord des parties ;

Condamne in solidum l'ÉTAT DE MONACO et la société AXA FRANCE à payer à la société AVIVA ASSURANCES SOCIÉTÉ ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS la somme de 14.189,40 euros ;

Condamne la société AXA FRANCE à relever et garantir l'ÉTAT DE MONACO de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société AVIVA ASSURANCES SOCIÉTÉ ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS ;

Déboute l'ÉTAT DE MONACO et la société AXA FRANCE de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts ;

Condamne l'ÉTAT DE MONACO et la société AXA FRANCE in solidum aux dépens, avec distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 5 MARS 2015, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13010
Date de la décision : 05/03/2015

Analyses

En application des principes gouvernant la responsabilité administrative, pour obtenir réparation, il incombe à l'usager d'un ouvrage public, invoquant un dommage que lui aurait causé celui-ci de prouver le préjudice allégué et le lien de causalité entre ce préjudice et l'ouvrage public incriminé, sauf à l'administration, maître de l'ouvrage, à s'exonérer de sa responsabilité en démontrant, soit que l'ouvrage public en question, à le supposer non dangereux en lui-même, était correctement entretenu, soit que l'accident est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.D'autre part le tiers à l'ouvrage public, qui invoque un préjudice causé par celui-ci, doit, en ce qui le concerne, pour engager valablement la responsabilité sans faute de l'État maître de l'ouvrage, prouver un dommage anormal et le lien de causalité entre celui-ci et l'ouvrage public, l'administration ne pouvant s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant l'existence de la force majeure ou la faute de la victime.En l'espèce, la société RÉGINA COUTURE dont le local sinistré est situé au rez-de-chaussée de l'hôtel FAIRMONT, a la qualité de tiers vis-à-vis de l'ouvrage public constitué par le réseau d'eau public d'évacuation des eaux pluviales, impliqué par le débordement d'un collecteur ayant eu pour effet la présence d'eaux de ruissellement qui se sont infiltrées sous la porte de la boutique.La société RÉGINA COUTURE ne peut être considérée comme un utilisateur personnel et direct de l'ouvrage incriminé, situé par définition en amont.En conséquence, le régime applicable, rappelé ci-dessus, exclut toute analyse d'un entretien normal, d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction de l'ouvrage public.Le préjudice constitué par l'infiltration des eaux inondant une boutique, constitue sans conteste un dommage anormal, s'agissant d'une sujétion excédant les troubles susceptibles d'être imposés aux voisins des ouvrages publics.La faute de la victime, qui n'est alléguée que par principe par l'État de Monaco, ne peut être retenue en l'espèce dès lors que celui-ci, sur qui pèse la charge de la preuve, se borne à indiquer que toutes les précautions n'ont pas été prises par la société RÉGINA COUTURE sans caractériser les éventuels manquements qui lui sont imputables, ni préciser les diligences normales qu'elle aurait dû prendre pour éviter le sinistre ou amoindrir ses effets.Enfin, s'agissant d'un éventuel cas de force majeure, l'absence de démonstration par les défendeurs de l'existence d'une intensité instantanée qui, aurait à tout le moins dépassé une intensité décennale en un lieu de mesure le plus pertinent possible à proximité du sinistre, la situation ne présente pas un caractère imprévisible ni irrésistible constitutif d'un cas de force majeure.En conséquence, le principe de responsabilité sans faute de l'État de Monaco dans le sinistre doit être retenu.

Responsabilité (Public)  - Propriété des personnes publiques et domaine public.

Responsabilité sans faute de l'État - Usager - Dommage anormal causé par un ouvrage public - Entretien normal de l'ouvrage public - Réseau Public d'évacuation des eaux pluviales - Ruissellement d'eaux pluviales - Force majeure - Faute de la victime - Préjudice - Lien de causalité.


Parties
Demandeurs : La Société Anonyme de droit français dénommée AVIVA ASSURANCES SOCIETE ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS
Défendeurs : ÉTAT DE MONACO, Compagnie d'Assurances AXA FRANCE

Références :

article 153 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
articles 231 et 235 du Code de procédure civile
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 267 alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2015-03-05;13010 ?

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