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18/12/2014 | MONACO | N°12803

Monaco | Tribunal de première instance, 18 décembre 2014, l. FA. épouse PE c/ État de Monaco


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 18 DECEMBRE 2014

En la cause de :

Mme l. FA. épouse PE., née le 7 mai 1971 à L'UNION (Haute-Garonne), de nationalité monégasque, domiciliée « X », X à MONACO ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

L'ÉTAT DE MONACO, représenté conformément à l'article 153, 1°, du Code de procédure civile par M. le Ministre d'Etat,

demeurant Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à MONACO et conformément à l'article 139 du Code de procédure civile ...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 18 DECEMBRE 2014

En la cause de :

Mme l. FA. épouse PE., née le 7 mai 1971 à L'UNION (Haute-Garonne), de nationalité monégasque, domiciliée « X », X à MONACO ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

L'ÉTAT DE MONACO, représenté conformément à l'article 153, 1°, du Code de procédure civile par M. le Ministre d'Etat, demeurant Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à MONACO et conformément à l'article 139 du Code de procédure civile à la Direction des Affaires Juridiques, 13 avenue des Castelans à MONACO ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au barreau de Paris ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 15 novembre 2013, enregistré (n° 2014/000239) ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ETAT DE MONACO, en date des 15 janvier 2014, 9 avril 2014, 8 octobre 2014 et 24 novembre 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI avocat-défenseur, au nom de l. FA. PE., en date des 12 mars 2014 et 18 juin 2014 ;

A l'audience publique du 30 octobre 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 17 décembre 2014 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

l. FA. PE., née le 7 mai 1971, de nationalité monégasque a été recrutée en qualité de Caissier à la Trésorerie Générale des Finances pour une durée d'un an à compter du 13 mars 2003.

Cet engagement a été expressément renouvelé, à compter du 13 mars 2004, pour une durée de deux ans, puis à compter du 13 mars 2006 pour une durée de trois ans.

Par courrier du 11 mars 2009, le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique indiquait à l. FA. PE. que ses états de service n'étaient pas satisfaisants mais qu'il avait été décidé de lui proposer la signature d'un nouveau contrat d'une année afin de lui donner une ultime chance. Un nouveau contrat annuel était donc conclu, courant à compter du 13 mars 2009.

À compter du 19 février 2009, l. FA. PE. bénéficiait d'un arrêt de travail, régulièrement renouvelé jusqu'au 31 mars 2010, avec un congé longue maladie.

Un nouveau contrat d'une durée d'un an était conclu du 13 mars 2010 au 12 mars 2011. Dans ce cadre, il était précisé que l'affectation de l'agent pouvait être modifiée d'office par l'autorité compétente, en fonction des besoins de l'Administration, sans modification de classement ni d'ancienneté. A cet égard, elle devait être affectée à la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale le 24 mars 2010, en qualité d'agent comptable, avec conservation d'ancienneté et de traitement, puis, sur sa demande, au poste de comptable au Foyer de l'Enfance Princesse Charlène, à compter du 1er octobre 2010, jusqu'à l'échéance de son contrat le 12 mars 2011. Son engagement était par la suite renouvelé pour une durée d'un an, du 13 mars 2011 au 12 mars 2012.

Le 12 décembre 2011, l. FA. PE. présentait sans succès sa candidature pour un poste d'intendant créé au sein du Foyer de l'Enfance.

Un dernier contrat d'un an était conclu pour une période du 13 mars 2012 au 12 mars 2013. La fiche d'évaluation établie le 30 juillet 2012 faisait état de ce que l'intéressée maîtrisait la dimension de son poste, mais que de graves difficultés d'ordre relationnel étaient apparues suite à la parution de l'avis de recrutement d'un poste d'intendant, celles-ci ayant eu un impact sur la vie de l'établissement. L'agent était invitée à adopter un comportement professionnel plus stable.

Un entretien se tenait le 6 février 2013, au cours duquel il était indiqué à l. FA. PE. que son contrat ne serait pas renouvelé à l'échéance du 12 mars 2013.

Par acte en date du 15 novembre 2013, l. FA. PE. faisait citer l'État de Monaco devant le Tribunal de Première instance, en sollicitant :

* qu'il soit jugé qu'elle a été liée à l'État de Monaco par un contrat de travail à durée indéterminée et que la rupture de celui-ci par l'État de Monaco caractérise un licenciement fautif et abusif,

* la condamnation de l'État de Monaco en conséquence au paiement de la somme de 500.000 euros,

* subsidiairement et préalablement, en ce qui concerne le caractère fautif et abusif du licenciement, la renvoyer à saisir le Tribunal Suprême d'un recours en appréciation de validité.

À l'appui de ses demandes, tant dans son exploit introductif d'instance que par conclusions en date des 12 mars et 20 juin 2014, l. FA. PE. faisait valoir les arguments suivants :

I/ Elle estimait être liée à l'État de Monaco par un contrat à durée indéterminée, la succession de contrats à durée déterminée devant s'analyser comme un contrat unique et ce d'autant plus qu'elle a occupé le même poste de 2003 à 2010.

Elle notait notamment que lors de son passage de la TGF à la DASS, elle avait conservé son « ancienneté et son traitement », ce qui signifiait bien qu'elle s'inscrivait dans une relation de travail durable.

Elle indiquait avoir conscience que le statut de fonctionnaire ne lui était pas applicable, mais soutenait être dans une situation contractuelle, à durée indéterminée. A cet égard, les décisions de justice citées par l'État de Monaco seraient inopérantes, s'agissant d'une décision du Tribunal Suprême, dans une espèce où la faute de l'agent était prouvée en cours de contrat et de décisions du Conseil d'État français (alors qu'en France, un texte prévoit expressément que le recrutement des agents s'effectue exclusivement par des contrats à durée déterminée, aucune disposition n'existant en ce sens à Monaco).

En outre, alors qu'il n'existe pas en droit monégasque de texte comparable à l'article L.1245-1 du Code du travail français (relatif à la requalification des CDD en CDI) le juge judiciaire monégasque, en l'absence de texte, a été amené à opérer une telle requalification. Dès lors, le Tribunal de Première Instance, statuant en qualité de juge administratif, le pourrait tout autant.

De même, la priorité d'emploi assurée aux Monégasques par l'article 25 de la Constitution serait inspirée par l'idée de procurer des emplois stables aux nationaux. Le fait qu'au bout de dix ans au service de l'État, la demanderesse se trouve dans une situation de précarité relevant d'un contrat à durée déterminée serait contraire à la Constitution.

L'État en serait d'autant plus conscient qu'il envisage, dans le sillage du projet de loi n°895 du 12 décembre 2011, d'adopter un texte réglementaire, par la voie de l'Ordonnance Souveraine, qui garantirait l'équivalent des effets d'un contrat à durée indéterminée au bout d'un certain nombre d'années de contrats successifs à durée déterminée (entre 6 et 9 ans).

II/ Dès lors, la rupture de la relation de travail, à l'initiative de l'État de Monaco, en mars 2013 doit s'analyser comme un licenciement. Celui-ci aurait donc une cause personnelle et serait abusif selon la demanderesse dans la mesure où aucun reproche sérieux ne pourrait lui être adressé.

Ainsi, s'agissant de son service auprès de la Trésorerie Générale des Finances, ses évaluations initiales avaient toujours été bonnes. Les difficultés relationnelles alléguées par l'État pour l'année 2007 ne seraient nullement démontrées. Aucun avertissement écrit ne lui avait été adressé. l. FA. PE. indiquait qu'elle avait uniquement sollicité son supérieur pour la nécessaire mise en œuvre de procédures plus sécurisées, en l'état d'agissements de certains collègues (avances indues notamment). Elle n'aurait en outre nullement eu connaissance de la fiche d'évaluation établie en 2007 et produite aux débats par l'État de Monaco.

De même, au sein du Foyer de l'Enfance, elle indiquait s'être impliquée dans la structuration du nouveau service, accomplissant des tâches excédant largement son affectation théorique de comptable. Elle aurait ainsi effectué 474 heures supplémentaires en un an et trois mois suite à son arrivée. L'État de Monaco ne produirait aux débats que des comptes-rendus établis de manière unilatérale, non-signés par elle, pour expliquer un prétendu relationnel difficile au sein du service. Il s'agirait d'une constitution prohibée de preuve à soi-même.

L'État se serait montré particulièrement fautif dans le traitement de cette rupture de relation de travail, puisqu'elle avait même été convoquée pour un entretien d'embauche en avril 2013, suite à l'avis de recrutement pour le poste qu'elle occupait depuis deux ans et demi, alors qu'il lui avait été signifié qu'elle ne serait pas renouvelée.

Le Ministre d'État avait également pu lui écrire par la suite, que le Conseiller en charge des recours et de la médiation avait conduit une procédure, à son terme, mais la demanderesse indiquait n'avoir jamais reçu la moindre information de sa part. Elle indiquait avoir également, en vain, sollicité une intervention du Président du Conseil National.

Son préjudice serait parfaitement caractérisé puisqu'elle serait sans affectation à ce jour et atteinte d'un syndrome dépressif réactionnel.

En défense, l'État de Monaco a conclu les 15 janvier, 9 avril et 8 octobre 2014 en sollicitant qu'il soit jugé que la décision de mettre un terme à l'engagement de l. FA. PE. à l'échéance de ce dernier constitue une décision de non-renouvellement et qu'en conséquence la demanderesse soit déboutée de toutes ses demandes.

Subsidiairement, l'État entendait qu'il soit constaté qu'il n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Reconventionnellement, il sollicitait la condamnation de la demanderesse à hauteur d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

I/ En droit, l'État de Monaco indiquait qu'il était de principe que, sauf disposition particulière, les contrats passés avec l'État en vue de recruter un agent non titulaire sont conclus pour une durée déterminée et doivent être renouvelés par reconduction expresse.

En l'absence de texte prévoyant une telle hypothèse, le contrat de recrutement d'un agent, non fonctionnaire, ne saurait, quels que soient les renouvellements intervenus, être requalifié en contrat à durée indéterminée. L'agent ne bénéficie d'aucun droit à renouvellement.

De même, comme le Conseil d'État l'aurait jugé en France, la décision de l'autorité administrative qui met fin à la relation contractuelle doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance et comme un licenciement seulement si elle se produit en cours d'exécution du contrat.

Au cas particulier, chacun des engagements de l. FA. PE. a fait l'objet d'un contrat express, à durée déterminée.

L'article 25 de la Constitution serait invoqué à tort par la demanderesse, ce texte fondamental instituant une priorité à l'emploi pour les nationaux, mais non pas un droit en tant que tel à un emploi public permanent.

II/ Dans le domaine des faits, l'État de Monaco indiquait que l. FA. PE. avait lors de son affectation à la TGF manifesté une instabilité d'humeur et une agressivité portant atteinte au bon fonctionnement du service. Au sein du Foyer de l'Enfance, son comportement à l'origine positif se serait dégradé dès qu'elle avait acquis la conviction qu'elle ne serait pas nommée au poste d'intendant nouvellement crée. Dès lors, au cours de l'année 2012, l'agent aurait fait preuve d'une agressivité récurrente et infondée, ces difficultés ayant un impact sur l'ensemble de la vie de l'établissement, si bien que son contrat ne pouvait être renouvelé.

L'intéressée ayant postulé suite à l'avis de recrutement publié le 22 mars 2013 pour le poste de comptable au foyer de l'enfance, ce serait logiquement qu'elle avait été convoquée pour un entretien, l'inverse aurait été discriminant.

Enfin, une indemnité conventionnelle de départ lui avait été versée.

SUR QUOI :

Sur les notes en délibéré produites suite à l'audience du 30 octobre 2014 :

Attendu qu'à la suite de l'audience du 30 octobre 2014, le conseil de l. FA. PE. a adressé le 10 novembre 2014 un article de presse, extrait de la publication de magazine hebdomadaire « Monaco-Hebdo », relatif à un projet de réforme de la fonction publique, dont un pan serait relatif aux agents contractuels, avec la consécration à vernir d'un contrat à durée indéterminée après 6 ou 9 ans de fonctions ;

Que par conclusions du 24 novembre 2014, l'État de Monaco a indiqué que les discussions en cours aux fins d'adoption, par voie d'ordonnance souveraine d'un tel régime, démontreraient a contrario son inexistence en droit positif ;

Attendu que même si ces notes en délibéré n'ont pas été autorisées, du fait de l'absence de demande tendant à les écarter des débats d'une part et d'autre part du constat qu'aucun élément nouveau fondamental n'y est développé d'autre part, il n'y a pas lieu à rejet de ces notes :

Sur la compétence du Tribunal de Première Instance et la requalification sollicitée :

Attendu qu'aux termes de l'article 21 du Code de procédure civile, le Tribunal de Première Instance connaît comme juge de droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal Suprême ou à une autre juridiction ;

Qu'aux termes de l'article 90-B de la Constitution, le Tribunal Suprême statue souverainement en matière administrative, « 1° sur les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent » ;

Attendu en conséquence que le Tribunal de Première Instance est donc le juge naturel des actes de l'administration relatifs à l'exécution d'un contrat conclu par elle ;

Attendu que l. FA. PE. a conclu six contrats successifs, à durée déterminée, d'abord en qualité de caissier au sein de la Trésorerie Générale des Finances, (par un contrat d'un an, puis de deux et enfin de trois ans) puis d'agent comptable au sein de la DASS, avec affectation au foyer de l'enfance, (par trois contrats d'un an) avant qu'un dernier engagement en qualité de comptable au Foyer de l'Enfance, ne la lie à l'État de Monaco pour une durée d'un an du 13 mars 2012 au 12 mars 2013 ;

Attendu d'une part, qu'il n'est pas contesté que ces contrats ont été conclus par l'État dans le cadre de missions de service public si bien qu'ils ne sauraient être soumis au droit privé et à la législation monégasque du travail, notamment les loi n°729 du 16 mars 1963 et 845 du 27 juin 1968 ;

Attendu d'autre part que la loi n°975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires n'a ni pour objet ni pour effet d'exclure le recrutement par l'administration d'agents non titulaires ;

Attendu qu'en l'absence de dispositions spécifiques en droit monégasque, la survenance du terme prévu au contrat met fin de plein droit aux fonctions de l'agent, ce dernier ne disposant d'aucun droit au renouvellement de son contrat, nonobstant la circonstance qu'il ait antérieurement bénéficié de renouvellements successifs de ses différents contrats à durée déterminée ;

Que dès lors, la requalification sollicitée par la demanderesse ne saurait prospérer ;

Qu'en effet, si une telle requalification en contrat à durée indéterminée d'un ensemble de plusieurs contrats à durée déterminée est possible en droit du travail (l'arrivée du terme du dernier contrat constituant dès lors un licenciement, dont la validité doit être appréciée), le juge judiciaire requalifie la relation de travail au regard d'un concept, le contrat de travail à durée indéterminée, dont le régime est légalement défini ;

Que tel ne peut être le cas pour le Tribunal statuant en matière administrative, le contrat à durée indéterminée de droit public n'existant pas en droit monégasque, il ne peut y avoir lieu à requalification vers une notion non définie ;

Qu'il ne peut appartenir au Tribunal, sauf à enfreindre les dispositions de l'article 5 du Code civil et disposer par arrêt de règlement, de créer un régime juridique inconnu des textes monégasques dans ce domaine ;

Que c'est au demeurant dans cette logique que le Tribunal Suprême a affirmé, dans les motifs de ses décisions que les renouvellements des contrats des agents contractuels de droit public devaient nécessairement être express et que même dans les cas où l'agent avait continué son service après l'arrivée du terme du contrat, cela n'avait pour effet que de donner naissance à un nouveau contrat, non pas à durée indéterminée, mais de la durée du précédent contrat seulement (TS, 28 juin 2007, DV c. Ministre d'État ; TS, 18 février 2008, LG c. Ministre d'État) ;

Attendu d'autre part qu'à supposer même que l'agent ait pendant plusieurs années occupé un emploi permanent, dont le principe est qu'il soit pourvu par l'affectation d'un fonctionnaire titulaire, cet agent ne peut se prévaloir d'un droit à être titularisé sur ce poste, le principe d'accès à la fonction publique par concours s'y opposant ;

Attendu enfin qu'aucune norme supranationale d'application directe ne permettrait au juge une requalification telle que sollicitée par la demanderesse sans texte de droit interne ; Qu'à cet égard, à titre comparatiste, une directive européenne 1999/70/CEE, inapplicable en Principauté de Monaco a pu inciter certains pays à créer un contrat à durée indéterminé de droit public, un arrêt de la CJCE du 4 juillet 2006 tempérant toutefois sa portée ;

Attendu enfin qu'il ne peut être tiré des termes de l'article 25 de la Constitution consacrant un principe de priorité des nationaux pour l'accession aux emplois publics et privés, un droit au renouvellement au bénéfice de l'agent public contractuel ;

Sur le contrôle restreint du non renouvellement par le juge du contrat :

Attendu que doit seulement demeurer un contrôle restreint par le juge, de la décision de l'autorité administrative mettant fin à la relation contractuelle, qui doit être regardée, non comme un licenciement, mais comme un refus de renouvellement à l'échéance, autrement dit un acte de refus de signer un nouveau contrat ;

Attendu en conséquence que l'examen des motifs ayant présidé le refus de renouvellement, lorsqu'une reconduction aurait été légalement possible, peut amener à considérer que la mesure a été prise en considération de la personne ou de fautes alléguées de l'agent ; Que l'État de Monaco ne conteste pas que tel est bien le cas en l'espèce, ce d'autant plus que le poste occupé par l. FA. PE. n'a pas été supprimé mais a au contraire fait l'objet d'une diffusion ;

Que dans ce cas, les droits de la défense doivent être respectés ;

Que tel a bien été le cas en l'espèce, puisque si l. FA. PE. a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 21 février 2013, donc certes en cours lors de l'échéance du contrat le 12 mars 2013, un entretien a bien eu lieu à l'initiative de l'administration le 6 février où des explications lui ont été données et où un caractère contradictoire a été introduit, l'agent ayant eu la possibilité de présenter des observations, ce qu'elle a expressément refusé de faire en l'espèce (pièce n°7 de l'État) ;

Que le juge du contrat administratif se doit également, dans le cadre de ce contrôle restreint de s'assurer que le refus de renouvellement du contrat, quand celui-ci est possible comme en l'espèce, ne relève pas d'un détournement de pouvoir, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Que la charge de la preuve pèse, dans ce cas, sur l'agent et qu'en l'espèce, de tels manquements de l'administration ne sont pas démontrés ; Qu'il faut s'attacher exclusivement aux derniers éléments d'appréciation du chef de service au sein du foyer de l'enfance, s'agissant du poste susceptible d'être renouvelé et que les éléments décrits par le directeur du foyer dans un courrier à madame le chef du service social en date du 22 mars 2012 (instabilité d'humeur, comportement inadapté avec les collaborateurs, refus de s'intégrer dans une dynamique de travail) et dans son évaluation du 31 juillet 2012 (maîtrise de la dimension du poste mais de graves difficultés d'ordre relationnel sont apparues à la suite de la parution au journal de Monaco de l'avis de recrutement d'un poste d'intendant, avec un impact sur l'ensemble de la vie de l'établissement) ; Que ces éléments ne sont pas valablement contredits ;

Que le détournement de pouvoir, soit en l'espèce une éventuelle collusion de différents chefs de service successifs à l'égard de l'agent n'est nullement établie par la demanderesse ;

Qu'en tout état de cause, une preuve contraire même rapportée ne pourrait avoir pour effet de donner naissance à un contrat à durée indéterminée, seule prétention de la demanderesse ;

Attendu en conséquence que l. FA. PE. sera déboutée de toutes ses demandes ;

Qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel, sollicité à titre subsidiaire sur le seul fondement d'un licenciement qui n'est pas retenu ;

Attendu que l. FA. PE. pouvait se méprendre sur la portée de ses droits, la demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par l'État de Monaco sera rejetée ;

Attendu que la demanderesse, qui succombe, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,

Dit n'y avoir lieu à requalifier les contrats à durée déterminée ayant lié l. FA. PE. à l'ETAT DE MONACO ;

Déboute en conséquence l. FA. PE. de toutes ses demandes ;

Rejette la demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par l'État de Monaco ;

Condamne l. FA. PE. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Mademoiselle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Antoinette FLECHE, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 18 DECEMBRE 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 12803
Date de la décision : 18/12/2014

Analyses

Aux termes de l'article 21 du Code de procédure civile, le Tribunal de première instance connaît comme juge du droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal Suprême ou à une autre juridiction.L'article 90 B de la Constitution dispose que le Tribunal Suprême statue souverainement en matière administrative « 1° sur les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent ».En conséquence, le Tribunal Suprême est le juge naturel des actes de l'administration relatifs à l'exécution des contrats conclu par elle.Il n'est pas contesté que ces contrats (de travail) ont été conclus par l'État dans le cadre de missions de service public si bien qu'ils ne sauraient être soumis au droit privé et à la législation monégasque du travail notamment les lois n° 729 du 16 mars 1963 et 845 du 27 juin 1968.La loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires n'a ni pour objet ni pour effet d'exclure le recrutement par l'administration d'agents non titulaires.En l'absence de dispositions spécifiques en droit monégasque, la survenance du terme prévu au contrat met fin de plein droit aux fonctions de l'agent. L'agent ne dispose d'aucun droit au renouvellement de son contrat même s'il a bénéficié antérieurement de renouvellements successifs de contrats à durée déterminée. La demande de requalification en contrat à durée indéterminée ne saurait prospérer. En effet, si une telle requalification est possible en droit du travail (l'arrivée du terme du dernier contrat constituant dès lors un licenciement dont la validité doit être appréciée), tel n'est pas le cas pour le Tribunal judiciaire statuant en matière administrative.Le contrat à durée indéterminée de droit public n'ayant aucun fondement légal en droit monégasque, il ne peut y avoir lieu à requalification vers une notion indéfinie. Le Tribunal ne peut, sauf à enfreindre l'article 5 du Code civil et disposer par arrêt de règlement, créer un régime juridique inconnu des textes monégasques dans ce domaine.Le principe d'accès à la fonction publique par concours s'oppose (à supposer que l'agent ait pendant plusieurs années occupé un emploi permanent, pourvu par un agent titulaire) à ce que cet agent puisse se prévaloir du droit d'être titularisé sur ce poste.Aucune norme supranationale d'application directe ne permettrait, en l'absence de texte de droit interne, au juge une requalification telle que sollicitée.Il ne peut être tiré des dispositions de l'article 25 de la Constitution consacrant un principe de priorité des nationaux pour l'accession aux emplois publics et privés, un droit au renouvellement au bénéfice de l'agent contractuel.Le tribunal exerce un contrôle restreint sur la décision de l'autorité administrative mettant fin à la relation contractuelle, qui doit être regardée, comme un refus de renouvellement, soit un refus de signer un nouveau contrat, non comme un licenciement.En conséquence, l'examen des motifs du refus de renouvellement, lorsqu'une reconduction aurait été légalement possible, peut amener à considérer que la mesure a été prise en considération de la personne ou des fautes alléguées de l'agent. Tel a été le cas en l'espèce, d'autant que le poste n'a pas été supprimé.L'agent ayant bénéficié d'un entretien au cours duquel des explications lui ont été données, les droits de la défense doivent être respectés, ce qui a été le cas en l'espèce, dès lors qu'il a eu la possibilité de présenter des observations, ce qu'il a refusé de faire.Le juge administratif doit également, dans le cadre de ce contrôle restreint s'assurer que le refus de renouvellement ne relève pas d'un détournement de pouvoir ou d'une erreur manifeste d'appréciation. La charge de la preuve repose sur l'agent et en l'espèce de tels manquements de l'administration ne sont pas démontrés. Le détournement de pouvoir, soit en l'espèce une éventuelle collusion entre les différents chefs de service successifs, n'est nullement établi par la demanderesse. En tout état de cause, une preuve contraire ne serait pas de nature à donner naissance à un contrat à durée indéterminée, seule prétention de la demanderesse.

Procédure civile  - Fonction publique  - Service public  - Procédure  - Contrats de travail.

Agent de l'État - Recrutement contractuel - Compétence du Tribunal de première instance en matière administrative - Requalification en contrat à durée indéterminée.


Parties
Demandeurs : l. FA. épouse PE
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 90-B de la Constitution
article 25 de la Constitution
loi n°895 du 12 décembre 2011
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 5 du Code civil
loi n° 975 du 12 juillet 1975
article 231 du Code de procédure civile
article 90 B de la Constitution
article 139 du Code de procédure civile
article 21 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
lois n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-12-18;12803 ?

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