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30/09/2014 | MONACO | N°12597

Monaco | Tribunal de première instance, 30 septembre 2014, a. BR. c/ l'État de Monaco et la Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN)


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 30 SEPTEMBRE 2014

En la cause de :

M. a. BR., né le 30 septembre 1967 à GENEVE (Suisse), de nationalité néerlandaise, domicilié X à MONACO,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat en cette même Cour ;

d'une part ;

Contre :

1- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 153 du Code de procédure civile par M. le Ministre d'Etat, Palais d

u Gouvernement, Place de la Visitation, Monaco-ville, étant pour ce dans les bureaux de la Direction des Affaires Jurid...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 30 SEPTEMBRE 2014

En la cause de :

M. a. BR., né le 30 septembre 1967 à GENEVE (Suisse), de nationalité néerlandaise, domicilié X à MONACO,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat en cette même Cour ;

d'une part ;

Contre :

1- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 153 du Code de procédure civile par M. le Ministre d'Etat, Palais du Gouvernement, Place de la Visitation, Monaco-ville, étant pour ce dans les bureaux de la Direction des Affaires Juridiques, 13 avenue des Castelans à MONACO,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au barreau de Paris,

2- La COMMISSION DE CONTROLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES (CCIN), Autorité Administrative Indépendante, dont les locaux se situent 12 avenue de Fontvieille à MONACO, prise en la personne de son Président en exercice,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 22 juillet 2013, enregistré (n° 2014/000022) ;

Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ETAT DE MONACO, en date des 28 novembre 2013 et 9 avril 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de la COMMISSION DE CONTROLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES, en date des 30 janvier 2014 et 9 avril 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom d a. BR., en date du 12 mars 2014 ;

À l'audience publique du 26 juin 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 30 septembre 2014;

EXPOSÉ

Suivant contrat daté du 26 octobre 2009, M. a. BR. a été embauché par la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique (DRHFFP) en qualité de chef de projet au sein de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives (CCIN) et ce, pour une durée déterminée du 9 novembre 2009 au 8 novembre 2012 avec période d'essai de 6 mois renouvelable une fois.

Dans une lettre du 5 mars 2010, la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique a avisé M. a. BR. de la reconduction de la période d'essai au motif que les premiers six mois n'apparaissaient pas concluants.

Par courrier du 26 avril 2010, la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique a informé M. a. BR. qu'il était mis fin à son contrat à la date du 30 avril 2010.

Par acte d'huissier délivré le 22 juillet 2013, M. a. BR. a fait assigner l'ÉTAT DE MONACO et la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

* 120.370,35 euros au titre des salaires dus de mai 2010 à novembre 2012,

* 650 euros au titre des primes de Noël 2010 et 2011,

* 25.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et résistance abusive.

M. a. BR. relève à titre liminaire que la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES étant une autorité administrative indépendante, bénéficie de l'autonomie dans le recrutement de ses agents et son Président dispose des pouvoirs hiérarchique et disciplinaire.

M. a. BR. considère en premier lieu que la période d'essai ne pouvait, en application de l'article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, excéder une durée de 3 mois, de sorte que :

* la clause stipulant une période de 6 mois renouvelable est abusive comme contraire à un texte d'ordre public ;

* le contrat de travail est devenu définitif le 9 février 2010 ;

* la rupture de celui-ci ne pouvait intervenir que par le biais d'un licenciement justifié.

Il est soutenu en deuxième lieu, s'agissant des motifs de la rupture du contrat de travail que :

* dès janvier 2010, M. a. BR. a été avisé d'une restructuration de son service entraînant suppression de son poste ;

* en réalité ledit poste paraissait au Journal de Monaco le jour même de son départ ;

* son employeur n'a jamais justifié d'un quelconque motif sérieux, et notamment pas d'une insuffisance professionnelle de M. a. BR.

Celui-ci procède en troisième lieu au calcul des salaires et primes dont il a été privé.

Enfin, concernant les dommages et intérêts qu'il sollicite, M. a. BR. fait valoir que :

* il a quitté un emploi stable pour rejoindre la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES ;

* la rupture de son contrat de travail est intervenue de manière brutale et vexatoire ;

* il a tenté vainement de parvenir à une solution amiable.

Le 28 novembre 2013, l'ÉTAT DE MONACO a déposé des conclusions tendant :

* au débouté de M. a. BR. ;

* et à l'octroi de 2.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'ÉTAT DE MONACO estime que la loi n° 729 du 16 mars 1963 est inapplicable aux agents contractuels de droit public de sorte que le contrat litigieux pouvait valablement stipuler une période d'essai de 6 mois.

Concernant les motifs de la rupture du contrat de travail, il est prétendu que :

* l'ÉTAT DE MONACO est parfaitement fondé à mettre un terme à l'engagement d'un agent contractuel dans l'intérêt du service ; que cet intérêt soit constitué par une insuffisance professionnelle de l'agent ou par la réorganisation de l'administration ;

* il appartient à l'agent qui remet en cause le bien-fondé de la mesure d'éviction de démontrer que celle-ci n'a pas été adoptée dans l'intérêt du service ;

* en l'occurrence, c'est l'insuffisance professionnelle de M. a. BR. qui a justifié d'abord la décision de renouveler la période d'essai, puis la rupture du contrat de travail avant même l'expiration des 6 premiers mois ;

* il n'a jamais été question de supprimer le poste de M. a. BR. ;

* celui-ci n'a émis aucune critique au moment de la rupture de son contrat.

L'ÉTAT DE MONACO affirme par ailleurs que la demande tendant au paiement des salaires et primes non payées :

* se heurte au principe du service fait ;

* ne pourrait être accueillie au-delà de la période d'essai puisque l'agent ne bénéficie pas d'un droit à la poursuite de son contrat ;

* doit être appréciée en fonction des autres revenus qu'a dû percevoir M. a. BR.

Enfin l'ÉTAT DE MONACO s'oppose à la demande de dommages et intérêts en relevant que :

* il n'a commis aucune faute ;

* en tout état de cause, M. a. BR. ne rapporte la preuve ni d'un lien de causalité ni d'un préjudice ;

* ce dernier a été dûment informé qu'il ne donnait pas satisfaction dans l'exercice de ses fonctions ;

* il a attendu deux ans avant de contester la décision du 26 avril 2010.

La COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES a déposé des écritures le 30 janvier 2014 aux termes desquelles elle :

* soulève l'irrecevabilité de l'action dirigée à son encontre ;

* demande subsidiairement qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle fait siens les arguments développés par l'ÉTAT DE MONACO ;

* sollicite en tout état de cause 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES indique à titre principal que :

* en vertu de l'article 5-3 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, les personnels de la Commission sont soumis aux règles applicables aux fonctionnaires et agents de l'ÉTAT ;

* l'embauche et le débauchage d'agents de l'ÉTAT relève de Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique par application des articles 1 et 2 de l'ordonnance n° 1.365 du 30 avril 2008 ;

* les faits de l'espèce démontrent indubitablement que c'est l'ÉTAT DE MONACO qui est l'employeur de M. a. BR. ;

* l'action du demandeur ne concerne ni les missions dévolues à la Commission ni les pouvoirs hiérarchique et disciplinaire de son Président.

À titre subsidiaire, la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES précise que :

* M. a. BR. n'a nullement donné satisfaction à sa hiérarchie ;

* les allégations de celui-ci sont fantaisistes et contredites par le courrier du 5 mars 2010 ;

* la suppression du poste de M. a. BR. n'a jamais été envisagée d'autant que fin septembre 2009 ont été engagés des frais conséquents pour sa formation.

Par conclusions du 12 mars 2014, M. a. BR. maintient les moyens et prétentions antérieurs et sollicite subsidiairement le paiement uniquement de la somme de 120.370,35 euros au titre de son préjudice financier.

M. a. BR. répond à la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES que :

* son axe de défense est contradictoire avec le message d'indépendance qu'elle prône régulièrement ;

* la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique n'intervient que pour entériner le choix du Président ;

* ce dernier est prétendument intervenu pour manifester son mécontentement.

Sur le fond, il réplique que :

* il incombe à l'employeur de prouver les motifs de la rupture du contrat de travail ;

* l'article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 est d'ordre public en l'absence de dispositions propres au contrat de travail d'un agent public ;

* à supposer que ce ne soit pas le cas, tant la Convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail que la Cour Européenne des Droits de l'Homme soulignent l'importance de la proportionnalité de la loi en matière sociale ;

* la période d'essai prévue pour une année, soit un tiers du contrat de travail est disproportionnée et manifeste à la fois un abus de la part de l'employeur et une précarité pour le salarié ;

* il n'a pas consenti au renouvellement de la période d'essai ;

* il a été congédié sans aucun motif en violation de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 en l'absence de toute faute de sa part et sur instruction du Président de la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES qui tente aujourd'hui de se dédouaner ;

* il n'a perçu aucune indemnité de chômage de sorte que son préjudice financier reste entier ;

* il a eu quatre jours pour quitter son bureau et a mis deux ans pour retrouver une situation professionnelle stable.

Dans ses secondes conclusions déposées le 9 avril 2014, l'ÉTAT DE MONACO fait observer que :

* les agents publics sont, en raison de la qualité de leur employeur et des principes régissant le service public, soumis à un régime particulier ;

* de ce fait, aucun texte ou principe général du droit ne fait obstacle à la fixation d'une période d'essai égale à 6 mois ou 1 an ; une telle durée étant proportionnée aux 3 ans stipulés au contrat ;

* le renouvellement de la période probatoire n'est pas soumis à l'accord de l'agent dès lors que cette faculté est précisée au contrat ;

* il n'y a pas eu prolongation de la période d'essai puisque la rupture est intervenue avant l'expiration de la 1re période d'essai ;

* la décision de rompre le contrat de travail durant la période d'essai n'entre pas dans le champ d'application de la loi 1.312 au 29 juin 2006 dès lors qu'elle ne constitue ni une sanction, ni l'abrogation ou le retrait d'un acte créateur de droit puisqu'en effet l'agent n'a aucun droit à la poursuite de son contrat.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 avril 2014, la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES sollicite l'entier bénéfice de ses précédentes écritures et déclare que :

* c'est le conseil de gouvernement qui a donné son accord au recrutement de M. a. BR. ;

* celui-ci ne peut avoir deux employeurs pour la même fonction ;

* la Convention n° 158 de l'Organisation Internationale n'a pas été ratifiée par MONACO pas plus que la Charte Sociale européenne.

MOTIFS :

1- Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES :

Aux termes de l'article 5.3 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 ayant institué la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES et modifié par la loi 1.353 du 4 décembre 2008 :

«  Art. 5-3 - Sauf dispositions légales ou réglementaires spécifiques, les personnels de la commission sont soumis aux règles générales applicables aux fonctionnaires et agents de l'État.

Toutefois les pouvoirs hiérarchiques et disciplinaires sont exercés à leur endroit par le président de la commission. »

L'ordonnance n° 1.635 du 30 avril 2008 dispose quant à elle que :

* «  Placée sous l'autorité du Ministère d'État, la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique est chargée : […] 3°) de procéder au recrutement de l'ensemble des fonctionnaires et agents non titulaires de l'État ; […] 5°) d'assurer le suivi du déroulement de carrière des fonctionnaires et agents non titulaires de l'État. » (art. 1)

* « Le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique ou en cas d'empêchement son adjoint, signe les contrats d'engagement concernant les agents non titulaires de l'État ».  (art. 2)

C'est ainsi que M. a. BR. a, suivant convention du 26 octobre 2009, été embauché à titre contractuel par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique ès-qualités, comme agent de l'État et Chef de projet au sein de la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES.

C'est également le même Directeur, ès-qualités, qui a notifié à M. a. BR., la prolongation de la période d'essai le 5 mars 2010, puis la rupture du contrat de travail le 26 avril 2010.

Il est ainsi incontestable que l'employeur de M. a. BR. est l'ÉTAT DE MONACO.

Le fait que la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES soit une autorité administrative indépendante, que son Président ait un pouvoir hiérarchique et disciplinaire et ait pu en l'espèce prétendument manifester son mécontentement à l'encontre de M. a. BR. ne permet pas à celui-ci de réclamer une quelconque somme à la Commission dès lors que l'État est le seul employeur et auteur de la rupture du contrat de travail, objet du présent litige.

En conséquence, les demandes de condamnation dirigées contre la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES ne peuvent qu'être déclarées irrecevables.

2- Sur le bien-fondé des demandes M. a. BR. sur la période d'essai :

Aux termes de l'article 4 de la loi n° 723 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, sur lequel M. a. BR. fonde son action, la période d'essai ne peut en aucun cas excéder trois mois.

Toutefois, cette loi est applicable uniquement aux personnels employés dans les entreprises privées et les agents publics ne peuvent nullement en revendiquer le bénéfice, même à défaut de règles spécifiques à ces derniers et relatives à leur période probatoire.

En conséquence, c'est à tort que M. a. BR. prétend sur le fondement de cette loi d'une part que la clause de son contrat de travail stipulant une période d'essai de six mois renouvelable est abusive et d'autre part que son engagement est devenu définitif dès le 9 février 2010.

C'est également vainement que M. a. BR. invoque un principe de proportionnalité de la loi en matière sociale sur la base de la Convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail puisque celle-ci n'a pas été ratifiée par la Principauté.

De même, la référence à la Cour Européenne des Droits de l'Homme est inopérante faute de précision et en l'absence de ratification par Monaco de la Charte Sociale Européenne.

Au surplus, s'il convient de relever que les agents contractuels de l'État ne bénéficient d'aucun statut, il n'empêche qu'aucun texte ni principe général du droit n'impose de respecter, dans le contrat passé entre l'ÉTAT DE MONACO et un agent public, une proportion entre la durée de la période d'essai et celle du contrat lui-même.

Par ailleurs, et contrairement à ce qu'il est soutenu en demande, le renouvellement de la période d'essai n'est nullement soumis à l'accord du salarié dès lors que le contrat prévoit une telle possibilité.

Au demeurant, et en l'espèce la première période d'essai de M. a. BR. qui débutait le 9 novembre 2009 pour s'achever le 9 mai 2010 n'a finalement pas été renouvelée malgré le courrier du 5 mars 2010, puisque le contrat de travail a été rompu à la date du 30 avril 2010.

Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer qu'aucun des griefs relatifs à la période d'essai n'est fondé et que celle-ci est parfaitement valable.

Sur les motifs de la rupture :

Au cours de la période d'essai, les parties ont, par principe, le droit de rompre librement le contrat de travail.

Il se déduit de ce principe que :

* la décision de rupture n'a pas à être motivée, de sorte que la loi n° 1.312 du 23 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs est inapplicable en l'espèce ;

* le salarié ne bénéficie pas d'un droit à la poursuite de son contrat.

En conséquence, M. a. BR. ne peut d'une part reprocher à l'ÉTAT DE MONACO de ne pas avoir précisé dans sa lettre du 26 avril 2010 les raisons pour lesquelles il mettait fin au contrat de travail avant l'expiration de la première période d'essai, ni d'autre part prétendre que la charge de la preuve de la réalité des motifs incombe au défendeur.

Au contraire, c'est à M. a. BR. qui prétend qu'est abusif le droit exercé par l'État de résilier le contrat, de prouver ses allégations.

En l'occurrence, la lettre de rupture du 26 avril 2010 fait référence au courrier du 5 mars 2010 ainsi rédigé :

« J'ai l'honneur de faire connaître que le Président de la Commission m'a informé que la période d'essai au cours de laquelle il vous appartenait de faire preuve de votre aptitude à remplir les fonctions qui vous étaient confiées ne s'était pas avérée concluante. » 

Il convient d'en déduire que l'ÉTAT DE MONACO a cessé la relation de travail au motif affiché que M. a. BR. ne donnait pas satisfaction.

Ce dernier n'a, à l'époque, pas formulé de contestation et ne fournit aucun justificatif permettant d'établir que la rupture serait intervenue pour un motif fallacieux et non inhérent à sa personne.

Notamment, il ne démontre pas ni qu'il lui avait été faussement annoncé une restructuration du service avec suppression de son poste et promesse non tenue de son maintien ou d'une mutation ou de son droit aux allocations-chômage, ni que ses qualités professionnelles n'étaient pas remises en cause par sa hiérarchie.

En conséquence, il ne peut être retenu un abus de droit à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO et M. a. BR. doit être débouté de l'intégralité de ses demandes.

3- Sur les demandes reconventionnelles :

L'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

Un tel abus n'est pas caractérisé en l'espèce, étant noté que le fait que M. a. BR. ait attendu 3 ans pour former réclamation peut être mis en lien avec le fait qu'il ait mis autant de temps à retrouver une situation professionnelle stable.

En conséquence, les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts seront rejetées.

4- Sur les dépens :

M. a. BR. succombant dans son action, supportera les dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare M. a. BR. irrecevable en ses demandes dirigées contre la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES ;

Déclare M. a. BR. mal fondé en ses demandes dirigées contre l'ÉTAT DE MONACO ;

Rejette les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts ;

Condamne M. a. BR. aux dépens distraits au profit de Maître Christophe SOSSO et Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 30 SEPTEMBRE 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Note

A.B. fonde son action sur l'article 4 de la loi n° 723 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail selon lequel la période d'essai ne peut en aucun cas excéder trois mois.

Toutefois, cette loi est applicable uniquement aux personnels employés dans les entreprises privées et les agents publics ne peuvent nullement en revendiquer le bénéfice, même à défaut de règles spécifiques à ces derniers relatives à la période probatoire.

C'est vainement que le demandeur invoque le principe de proportionnalité de la loi en matière sociale sur la base de la Convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail puisque celle-ci n'a pas été ratifiée par la Principauté.

De même la référence à la Cour européenne des droits de l'Homme est inopérante faute de précision et en l'absence de ratification par Monaco de la Charte Sociale européenne.

S'il convient de relever que les agents contractuels de l'État ne bénéficient d'aucun statut, il n'empêche qu'aucun texte ni principe général du droit n'impose de respecter, dans le contrat passé entre l'État de Monaco et un agent public, une proportion entre la durée de la période d'essai et celle du contrat lui-même.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12597
Date de la décision : 30/09/2014

Analyses

Aux termes de l'article 5.3 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 ayant institué la COMMISSION DE CONTRÔLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES, sauf disposition légales ou réglementaires spécifiques, les personnels de la commission sont soumis aux règles générales applicables aux fonctionnaires et agents de l'État. Toutefois les pouvoirs hiérarchiques et disciplinaires sont exercés à leur endroit par le président de la commission. L'ordonnance n° 1.635 du 30 avril 2008 dispose que « -  Placée sous l'autorité du Ministère d'État, la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique est chargée : […] 3°) de procéder au recrutement de l'ensemble des fonctionnaires et agents non titulaires de l'État ; […] 5°) d'assurer le suivi du déroulement de carrière des fonctionnaires et agents non titulaires de l'État. »  (art. 1)- « Le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique ou en cas d'empêchement son adjoint, signe les contrats d'engagement concernant les agents non titulaires de l'État. » (art. 2)Ainsi A. B. a été embauché à titre contractuel par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique ès-qualités, comme agent de l'État et chef de projet au sein de la CCIN. C'est également ce même directeur, ès-qualités qui lui a notifié la prolongation de la période d'essai et la rupture du contrat de travail.Il est donc incontestable que l'employeur de A.B. est l'État de Monaco.

Fonction publique  - Procédure administrative  - Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail.

Agent de l'État - Recrutement à titre contractuel au sein de la CCIN CCIN - Recevabilité des demandes dirigées contre la CCIN - Période d'essai.


Parties
Demandeurs : a. BR.
Défendeurs : l'État de Monaco et la Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN)

Références :

ordonnance n° 1.635 du 30 avril 2008
loi n° 1.312 du 23 juin 2006
loi n° 1.312 du 29 juin 2006
article 5-3 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993
articles 1 et 2 de l'ordonnance n° 1.365 du 30 avril 2008
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 153 du Code de procédure civile
article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 4 de la loi n° 723 du 16 mars 1963
loi n° 1.165 du 23 décembre 1993
loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-09-30;12597 ?

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