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05/06/2014 | MONACO | N°12298

Monaco | Tribunal de première instance, 5 juin 2014, c. RO c/ la Société Anonyme Monégasque WALLY


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 5 JUIN 2014

En la cause de :

M. c. RO., né le 21 septembre 1970 à CHISWICK, de nationalité britannique, gérant, demeurant X, SW7 5NX à Londres (Royaume-Uni),

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La Société Anonyme Monégasque WALLY, immatriculée au R. C. I. sous le n° 94 S 03020, ayant siège social au 4/6 avenue Albert II à MO

NACO, prise en la personne de son Administrateur délégué, demeurant et domicilié ès-qualités audit siège,

DÉFENDERESSE,...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 5 JUIN 2014

En la cause de :

M. c. RO., né le 21 septembre 1970 à CHISWICK, de nationalité britannique, gérant, demeurant X, SW7 5NX à Londres (Royaume-Uni),

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La Société Anonyme Monégasque WALLY, immatriculée au R. C. I. sous le n° 94 S 03020, ayant siège social au 4/6 avenue Albert II à MONACO, prise en la personne de son Administrateur délégué, demeurant et domicilié ès-qualités audit siège,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 17 mai 2013, enregistré (n° 2013/000524) ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM WALLY, en date des 4 juillet 2013, 31 octobre 2013 et 6 février 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de c. RO., en date des 3 octobre 2013 et 12 décembre 2013 ;

Vu les conclusions du Ministère public en date des 6 mars 2014 et 2 avril 2014 ;

À l'audience publique du 3 avril 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, le Ministère public en ses observations et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 5 juin 2014 ;

EXPOSÉ

Par jugement rendu contradictoirement le 16 août 2012, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Grasse a :

* rétracté l'ordonnance sur requête en date du 9 août 2012 par laquelle la saisie-conservatoire du navire de plaisance « JABBERWOCKY » avait été autorisée ;

* ordonné en conséquence mainlevée de la saisie pratiquée le 10 août 2012 en exécution de cette ordonnance ;

* ordonné la restitution à c. RO. de la lettre de garantie versée dans le cadre de la procédure ;

* condamné la SAM WALLY à payer à c. RO. la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive outre une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Selon acte d'huissier délivré le 17 mai 2013, c. RO. a fait assigner la SAM WALLY devant le Tribunal de Première Instance aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclarer exécutoire en Principauté ledit jugement.

Après avoir rappelé que les parties étaient liées par un contrat de construction navale qui a été résilié et sont en litige devant plusieurs juridictions en Italie, France et à Monaco, c. RO. fait valoir que :

* nonobstant appel, ce jugement qui a été signifié, bénéficie à la fois de l'autorité et de la force de chose jugée comme en atteste l'opinion juridique de Maître BERNIE, avocat ;

* la SAM WALLY n'a procédé à aucun règlement contraignant ainsi son créancier à engager la présente action ;

* les conditions prévues par l'article 18 de la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et Monaco sont remplies en l'espèce.

Par conclusions du 4 juillet 2013, la SAM WALLY sollicite le débouté de c. RO., l'octroi de 20.000 euros de dommages et intérêts ainsi que l'exécution provisoire.

Elle revient sur les faits et les diverses procédures initiées par les parties et prétend que :

* la demande d'exequatur doit, en vertu de l'article 475-3° du Code de procédure civile, être rejetée faute de production par c. RO. d'un certificat de non-appel puisque précisément appel a été interjeté le 28 août 2012 contre le jugement litigieux ;

* c. RO. lui cause d'importants préjudices matériel et moral résultant notamment du tracas généré par les multiples procédures judiciaires qu'elle est contrainte de subir.

Dans ses conclusions du 3 octobre 2013, c. RO. répond que :

* les conditions prévues par l'article 475 du Code de procédure civile ne se cumulent pas avec celles requises par l'article 18 de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 de sorte que c'est à tort que la SAM WALLY invoque l'absence de certificat de non-appel ;

* cette dernière est à l'origine de la situation dont elle se prétend victime, sa saisie ayant été déclarée abusive.

Aux termes de conclusions déposées le 31 octobre 2013, la SAM WALLY fait valoir que :

* les allégations de c. RO. sont inexactes ;

* le jugement français étant frappé d'appel n'a pas force de chose jugée dans la mesure où :

* l'avis juridique produit en demande n'est pas convaincant,

* comme l'a déjà jugé le Tribunal de Première Instance le 16 octobre 1986, l'exequatur ne peut être accordé à une décision qui n'est que provisoirement exécutoire et qui ne peut acquérir force de chose jugée qu'à l'issue de la voie de recours.

Dans ses écritures du 12 décembre 2013, c. RO. maintient ses prétentions initiales et y ajoutant sollicite la condamnation de la SAM WALLY au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il est soutenu, en vertu du Nouveau Code de procédure civile et du Code de procédures civiles d'exécution français que :

* le Juge de l'exécution statue comme juge au principal de sorte que la jurisprudence citée en défense, qui ne concerne que les décisions provisoires, est inopérante ;

* l'appel contre les jugements du Juge de l'exécution n'est pas suspensif ;

* en conséquence et comme l'a déjà d'ailleurs jugé la Cour de Révision, un jugement français ne faisant l'objet d'aucun recours suspensif est susceptible d'être exéquaturé à Monaco.

c. RO. considère que la SAM WALLY fait preuve de résistance abusive en faisant preuve d'un comportement dilatoire et en utilisant des moyens de défense peu sérieux.

Selon ses ultimes conclusions déposées le 6 février 2014, la SAM WALLY réplique que :

* le jugement du Juge de l'exécution en date du 16 août 2012 bénéfice de l'exécution provisoire de droit qui produit les mêmes effets que celle qui est judiciairement ordonnée ;

* ainsi, son exécution demeure provisoire et il se trouve privé, ipso facto, du bénéfice de la force jugée dès l'instant qu'un recours est introduit.

Aux termes de conclusions déposées les 7 mars et 3 avril 2014, le Procureur général ne s'oppose pas à l'exequatur, motif pris que le jugement du 16 août 2012 a acquis force de chose jugée.

MOTIFS :

Sur l'exequatur :

Il résulte de l'article 472 du Code de procédure civile que « Les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers ne seront susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par le tribunal de première instance, à moins de stipulations contraires dans les traités. »

Précisément, l'article 18 de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire institue une procédure d'exécution simplifiée en matière civile et commerciale.

C'est donc à tort que la SAM WALLY, pour s'opposer à l'action de c. RO., invoque l'article 475-3° du Code de procédure civile et il convient de se reporter à cet article 18 qui dispose que :

« Les jugements et sentences arbitrales exécutoires dans l'un des deux pays seront déclarés exécutoires dans l'autre par le tribunal de première instance du lieu où l'exécution doit être poursuivie.

Le tribunal vérifiera seulement :

* 1° Si, d'après la loi du pays où a été rendue la décision dont l'exécution doit être poursuivie, l'expédition qui en est produite réunit les conditions nécessaires à son authenticité :

* 2° Si, d'après la même loi, cette décision émane d'une juridiction compétente ;

* 3° Si, d'après cette loi, les parties ont été régulièrement citées ;

* 4° Si, d'après la même loi, le jugement est passé en force de chose jugée ;

* 5° Si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public ou aux principes de droit public du pays où l'exequatur est requis. »

En l'espèce, les trois premières conditions ainsi que la cinquième ont été vérifiées par le Tribunal et ne font l'objet d'aucune contestation de la part de la SAM WALLY.

Reste le paragraphe 4° qui exige de déterminer si, d'après la loi française, le jugement dont l'exequatur est sollicité est passé en force de chose jugée.

En l'occurrence, et selon l'article 500 du Nouveau Code de procédure civile français, « A force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. »

L'article R. 121-21 du Code des procédures civiles d'exécution prévoit, s'agissant des jugements rendus par le juge de l'exécution, par dérogation au droit commun que « Le délai d'appel et l'appel lui-même n'ont pas d'effet suspensif ».

Ainsi, par l'effet de ces deux derniers textes, le jugement du juge de l'exécution de Grasse en date du 16 août 2012 est incontestablement passé en force de chose jugée.

Cette analyse se trouve confirmée sans qu'il soit besoin de recourir à l'analyse de Maître BERNIE, avocat français de c. RO., par un extrait du Répertoire de Procédure civile Dalloz.

Le fait que la SAM WALLY ait interjeté appel contre le jugement ne saurait le priver de la force de chose jugée.

En effet et comme le relève M. Roger PERROT, Professeur émérite à l'Université de Paris II, spécialiste des procédures civiles d'exécution, « Si les jugements rendus par un juge de l'exécution sont exécutoires nonobstant appel, ce n'est pas parce qu'ils sont exécutoires par provision, comme on l'entend dire trop souvent, c'est tout simplement parce que l'appel en cette matière est dépourvu de tout effet suspensif. »

C'est donc à tort que la SAM WALLY invoque une jurisprudence du Tribunal de Première Instance remontant au 16 octobre 1986 qui a refusé l'exequatur d'un jugement français assorti de l'exécution provisoire mais dont il avait été fait appel (voie de recours suspensive en droit commun) au motif qu'il n'était « en France que provisoirement exécutoire. »

Une telle jurisprudence est d'ailleurs contredite par un arrêt plus récent de la Cour de Révision du 8 octobre 1999 qui a admis l'exequatur d'un arrêt de la Cour d'appel dès lors que le pourvoi en cassation intenté n'avait pas d'effet suspensif.

Il ressort de l'ensemble de ces considérations qu'il a été satisfait en l'espèce aux prescriptions de l'article 18 de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 et qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande d'exequatur formée par c. RO..

Sur les dommages et intérêts :

La SAM WALLY, qui ne pouvait se méprendre sérieusement sur l'existence de ses droits, compte tenu des dispositions légales ci-dessus reproduites, s'est abstenue, comme le souligne c. RO., de solliciter devant le Premier Président de la Cour d'appel d'Aix en Provence le sursis à exécution du jugement du 16 août 2012, comme l'article R. 121-22 du Code des procédures civiles d'exécution le lui aurait permis.

Elle a, par son refus de régler les condamnations prononcées par ce jugement, pourtant passé en force de chose jugée et exécutoire, contraint c. RO. à engager la présente action en exequatur.

Il est dès lors légitime d'accorder à ce dernier la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La SAM WALLY quant à elle, succombant, ne peut se voir octroyer de dommages et intérêts.

Sur l'exécution provisoire :

Aucune des conditions prévues à l'article 202 du Code de procédure civile n'étant réunie, l'exécution provisoire ne peut être ordonnée.

Sur les dépens :

La SAM WALLY partie perdante supportera les dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, le jugement rendu le 16 août 2012 par le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Grasse dans la cause opposant c. RO. à la SAM WALLY ;

Condamne la SAM WALLY à payer à c. RO. la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SAM WALLY aux dépens distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Antoinette FLECHE, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 5 JUIN 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Note

Si les jugements rendus par un Juge de l'exécution sont exécutoires nonobstant appel, ce n'est pas parce qu'ils sont exécutoires par provision, mais parce que l'appel en cette matière est dépourvu d'effet suspensif. C'est donc à tort que la SAM WALLY invoque une jurisprudence du Tribunal de première instance du 16 octobre 1986 qui a refusé l'exequatur à un jugement français assorti de l'exécution provisoire mais dont il avait été fait appel au motif qu'il n'était en France que provisoirement exécutoire. Cette jurisprudence est d'ailleurs contredite par un arrêt de la Cour de révision plus récent du 8 octobre 1999 qui a admis l'exequatur d'un arrêt de Cour d'appel dès lors que le pourvoi en cassation intenté n'avait pas d'effet suspensif.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12298
Date de la décision : 05/06/2014

Analyses

Dans le cadre de la procédure d'exequatur, le paragraphe 4 de l'article 18 de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 exige de déterminer si la décision à exequaturer est passée en force de chose jugée d'après la loi française.L'article 500 du Code de procédure civile français dispose qu'a force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. L'article R.121-21 du Code des procédures civiles d'exécution prévoit s'agissant des jugements rendus par le Juge de l'exécution, par dérogation au droit commun, que le délai d'appel et l'appel n'ont pas d'effet suspensif.Dès lors, par application de ces articles, le jugement du Juge de l'exécution de Grasse est incontestablement passé en force de chose jugée. Cette analyse est confirmée par un extrait du Répertoire de Procédure civile Dalloz.Le fait que la SAM WALLY ait interjeté appel ne le prive pas le jugement de la force de chose jugée.

Exequatur  - Règlement alternatif des différends.

Exequatur - Article 18 de la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire - Jugement du Juge de l'exécution - Force de chose jugée.


Parties
Demandeurs : c. RO
Défendeurs : la Société Anonyme Monégasque WALLY

Références :

Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire
Code de procédure civile
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013
article 202 du Code de procédure civile
article 475 du Code de procédure civile
article 475-3° du Code de procédure civile
article 472 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-06-05;12298 ?

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