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05/06/2014 | MONACO | N°12292

Monaco | Tribunal de première instance, 5 juin 2014, p. CO c/ la COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO et la Compagnie d'assurances AXA France


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 5 JUIN 2014

En la cause de :

M. p. CO., né le 16 janvier 1968, de nationalité française, demeurant et domicilié X à Peille (06440) France,

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

1- La COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MO

NACO, société anonyme monégasque dont le siège social se trouve à Monaco (98000) - 3 avenue Président J. F. Kennedy, prise...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 5 JUIN 2014

En la cause de :

M. p. CO., né le 16 janvier 1968, de nationalité française, demeurant et domicilié X à Peille (06440) France,

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

1- La COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO, société anonyme monégasque dont le siège social se trouve à Monaco (98000) - 3 avenue Président J. F. Kennedy, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice,

2- La Compagnie d'assurances AXA FRANCE, société anonyme de droit français, dont le siège social se trouve 313 Terrasses de l'Arche - 92727 Nanterre Cedex, prise en la personne de son Président du Conseil d'administration en exercice, représentée en Principauté de Monaco par la SAM ASCOMA (Cabinet Jutheau et Husson), dont le siège social se trouve 24 boulevard Princesse Charlotte à Monaco, prise en la personne de son Président délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège,

DÉFENDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 26 septembre 2013, enregistré (n° 2014/000109) ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO et de la société AXA FRANCE, en date des 31 octobre 2013 et 15 janvier 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de p. CO., en date des 28 novembre 2013 et 12 mars 2014 ;

À l'audience publique du 10 avril 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 5 juin 2014 ;

FAITS ET PROCEDURE

Employé par la COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO dont l'assureur-loi est la société AXA FRANCE, M. p. CO. a fait une déclaration d'accident du travail-trajet le 4 juillet 2012, dont la prise en charge a été contestée par l'assureur-loi.

Par assignation du 26 septembre 2013, faisant référence à une ordonnance de non conciliation rendue par le juge chargé des accidents du travail en date du 28 septembre 2012, M. p. CO. a fait citer la SAM COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO et la société AXA FRANCE devant le Tribunal de première instance de Monaco, aux fins de voir :

* dire que l'accident survenu le 4 juillet 2012 constitue un accident du travail-trajet et doit être pris en charge par l'assureur-loi de l'employeur,

* désigner en conséquence un expert avec mission habituelle en la matière,

* condamner les défenderesses aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après échange de conclusions entre les parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 10 avril 2014.

M. p. CO. qui maintient ses prétentions initiales sauf à solliciter la distraction des dépens au profit de Maître Oliver MARQUET, avocat-défenseur, expose et soutient pour l'essentiel :

* que le 4 juillet 2012, vers 19 heures, il a été victime d'un accident alors qu'il conduisait une moto sur le trajet de retour de son lieu de travail vers son domicile sis à LUCERAM, en glissant dans un virage et en percutant une barrière se situant sur le bas-côté, qu'à la suite de cet accident il a été immédiatement hospitalisé,

* que c'est à tort que l'assureur-loi refuse de prendre en charge cet accident au motif que « en prenant place sur une moto grosse cylindrée, dont il ne possédait pas le permis, M. CO. a bel et bien mis intentionnellement sa vie en danger » et en arguant dans ses dernières conclusions, de ce qu'il aurait commis une faute inexcusable,

* qu'il est de jurisprudence constante que la sanction de l'exclusion de garantie de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, n'a été prévue par le législateur que de façon très limitative et dans le cadre des dispositions spéciales édictées par cet article, quand la victime a intentionnellement provoqué l'accident,

* que la négligence qui a consisté à conduire une moto pour laquelle il ne disposait pas du permis de conduire, n'établit pas sa prétendue intention de provoquer l'accident, ce que reconnaissent d'ailleurs les défenderesses,

* qu'il justifie que son domicile se situait bien à LUCERAM, par suite de son déménagement récent tel que le confirme la facture EDF et non pas TOUET DE L'ESCARENE comme mentionné dans le rapport d'intervention de la gendarmerie, qui constituait son ancienne adresse, figurant sur son permis de travail du 16 novembre 2010, remis aux gendarmes et que les défenderesses sont mal fondées à soutenir qu'elles n'auraient pas été informées de ce changement d'adresse alors qu'elles produisent un courrier en date du 10 juillet 2012, faisant état de cette nouvelle adresse. La SAM COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO et la société AXA FRANCE demandent au Tribunal :

* de dire que l'accident du 4 juillet 2012 n'est pas un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi n° 636,

* de dire qu'il existe un motif d'exclusion de garantie au sens de l'article 30 de la loi n° 636,

* de débouter M. p. CO. de ses demandes, fins et conclusions,

* de condamner M. p. CO. aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

La SAM COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO et la société AXA FRANCE font valoir :

* que le rapport d'intervention de la gendarmerie domicilie M. p. CO. à TOUET DE L'ESCARENE, adresse qu'il a d'ailleurs toujours signalée à son employeur, si bien que si M. p. CO. déclare avoir eu son accident en se rendant à LUCERAM, il ne peut s'agir en aucun cas d'un accident du travail-trajet, celui-ci s'étant manifestement détourné de son trajet pour raisons personnelles,

* que M. p. CO. tente maladroitement de faire croire qu'elles auraient été informées de son changement d'adresse, en produisant des courriers du 10 juillet 2012 et du 13 août 2012, en oubliant que l'accident dont s'agit a eu lieu le 4 juillet 2012, antérieurement à ces courriers, alors qu'il lui appartenait de faire toute diligence pour signaler son changement de domicile tant à son employeur, qu'à l'assureur-loi, ce qu'il n'a pas fait, qu'ainsi il va de soi que l'assureur-loi ainsi que l'employeur ne possédant comme adresse que TOUET DE L'ESCARENE, M. p. CO. ne peut que s'être détourné de son trajet habituel pour raisons personnelles, que la facture EDF qui ne couvre qu'une période de consommation du 17 avril au 10 juin 2012 alors que l'accident a eu lieu le 4 juillet 2012, n'a pas de force probante,

* que si M. p. CO. n'a pas voulu intentionnellement provoquer l'accident, il n'en demeure pas moins qu'il a mis volontairement sa vie en danger en conduisant une grosse cylindrée sans être titulaire du permis lui permettant de la conduire,

* qu'à tout le moins, le Tribunal pourra considérer que le salarié a commis une faute inexcusable.

SUR CE

Les défendeurs soulèvent une cause d'exclusion de la garantie légale prévue par la législation sur les accidents du travail et une cause de diminution de la garantie, ce qu'il convient d'examiner successivement.

En application de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, les accidents survenus par le fait du travail ou à l'occasion du travail donnent droit au profit de la victime, à une indemnité à la charge de l'employeur, dès lors qu'il aura été prouvé que la victime exécutait à un titre quelconque, un contrat valable ou non de louage de service. Est également considéré comme accident du travail, l'accident survenu au travailleur salarié alors qu'il se rend de sa résidence ou du lieu où il prend habituellement ses repas au lieu de son travail et vice-versa, à la condition qu'il ne se soit pas détourné du parcours normal ou qu'il ne l'ait pas interrompu pour un motif étranger à son emploi.

Même s'il est constaté que les défendeurs n'avaient pas été informés du changement d'adresse de M. p. CO. avant l'accident litigieux, il est démontré par la production de la facture EDF à son nom, que M. p. CO. avait déménagé au mois d'avril 2012, soit quelques mois avant l'accident survenu le 4 juillet 2012.

M. p. CO. établit également, en versant aux débats un itinéraire « Mappy », que BLAUSASC, lieu où s'est produit l'accident, se situe sur le trajet entre le lieu de travail de M. p. CO. à Monaco et le nouveau domicile de M. p. CO. à LUCERAM.

Par conséquent, il convient de conclure que l'accident dont M. p. CO. a été victime le 4 juillet 2012, est bien survenu sur le trajet entre le travail et le domicile de M. p. CO., susceptible d'être garanti dans le cadre de la législation sur les accidents du travail.

Selon les dispositions de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, aucune des indemnités prévues par la présente loi ne peut être attribuée à la victime qui a intentionnellement provoqué l'accident et le Tribunal a le droit, s'il est prouvé que l'accident est dû à la faute inexcusable du salarié, de diminuer la pension fixée au titre premier.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats :

* que, par courrier du 10 juillet 2012, M. p. CO. a expliqué à son employeur les circonstances de son accident, en déclarant qu'il conduisait un scooter sur la route du col de Nice, pour rentrer à son domicile,

* que l'assureur-loi après s'être fait communiquer le compte-rendu de sortie de secours faisant état d'un accident de moto, a, par courrier du 17 septembre 2012 adressé au juge chargé des accidents du travail, contesté la matérialité de l'accident au motif qu'en prenant place sur une moto de grosse cylindrée, dont il ne possédait pas le permis, M. p. CO. a bel et bien mis, intentionnellement, sa vie en danger, même s'il n'a pas chuté volontairement,

* que par courrier du 18 août 2012 adressé à l'assureur-loi, M. p. CO. a confirmé qu'il conduisait bien, le jour de l'accident, une moto de marque HARLEY DAVIDSON en précisant qu'au jour de l'accident, il n'était pas titulaire du Permis A.

Il est constaté qu'il n'est pas démontré au terme de l'examen de ces éléments, que M. p. CO. a commis une faute intentionnelle en prenant place sur une moto, pour la conduite de laquelle un permis de conduire est imposé, alors que la faute intentionnelle est définie comme celle impliquant la volonté de causer le dommage lui-même et pas seulement la volonté de l'action dommageable.

En revanche, le fait pour M. p. CO., non titulaire du permis de conduire de la catégorie A impliquant une aptitude à maîtriser la conduite d'une moto de grosse cylindrée, de se mettre au guidon d'une telle moto, caractérise une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, de nature à l'exposer sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience pour lui-même et pour les autres usagers de la route. À cet égard, il est souligné que M. p. CO. avait parfaitement conscience du caractère risqué et répréhensible de son comportement, puisqu'il a tenté de le cacher à son employeur, en déclarant qu'il conduisait un scooter au moment de l'accident.

Au regard des circonstances de la cause d'où il ressort que l'accident résulte du seul manque de maîtrise de M. p. CO. dans la prise d'un virage, il y a lieu de dire que sa faute inexcusable justifie une diminution de la pension en application de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, à hauteur de 40 % et d'ordonner le renvoi de l'affaire devant le juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra et notamment d'ordonner l'expertise médicale de M. p. CO.

Sur les dépens

L'assureur-loi devant prendre en charge de l'accident du travail, la société AXA FRANCE sera condamnée aux dépens, avec distraction au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort,

Dit que l'accident survenu le 4 juillet 2012 constitue un accident du travail-trajet et doit être pris en charge par l'assureur-loi de l'employeur ;

Dit que M. p. CO. a commis une faute inexcusable justifiant une diminution de la pension en application de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, à hauteur de 40 % ;

Ordonne le renvoi de l'affaire devant le juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra ;

Condamne la société AXA FRANCE aux dépens dont distraction au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1378 du 18 mai 2011.

Composition

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Madame Patricia HOARAU, Juge, Mademoiselle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 5 JUIN 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12292
Date de la décision : 05/06/2014

Analyses

Aux termes de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, aucune des indemnités prévues par la cette loi ne peut être allouée à la victime qui a intentionnellement provoqué l'accident et le Tribunal a le droit, s'il est prouvé que l'accident est dû à une faute inexcusable du salarié, de diminuer la pension fixée au titre premier de la loi précitée.En l'espèce, le salarié a déclaré à son employeur qu'il conduisait un scooter alors qu'il conduisait un motocyclette de grosse cylindrée pour la conduite de laquelle il ne possédait pas le permis de conduire requis.En prenant place sur cette moto sans disposer de ce permis, la victime a intentionnellement mis sa vie en danger même s'il n'a pas chuté volontairement.Il n'est pas démontré par ces éléments que le salarié a commis une faute intentionnelle alors que la faute intentionnelle est définie comme celle impliquant la volonté de causer le dommage lui-même et pas seulement la volonté de l'action dommageable.En revanche, est caractérisée une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, de nature à l'exposer sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience pour lui-même et les autres usagers de la route. La conscience du caractère risqué et répréhensible de son comportement résulte de sa volonté de cacher la réalité à son employeur en déclarant la conduite d'un scooter.L'accident résultant du seul manque de maîtrise de la victime dans un virage, il y a lieu de dire que la faute inexcusable de celle-ci justifie une diminution de la pension en application de l'article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 à hauteur de 40 %.

Sécurité au travail  - Circulation routière  - Responsabilité pénale.

Accident du travail - Accident de trajet - Article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 - Intention de la victime de provoquer l'accident - Faute inexcusable du salarié.


Parties
Demandeurs : p. CO
Défendeurs : la COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO et la Compagnie d'assurances AXA France

Références :

Article 30 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958
article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958
article 19 de la loi n° 1378 du 18 mai 2011
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-06-05;12292 ?

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