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08/05/2014 | MONACO | N°12165

Monaco | Tribunal de première instance, 8 mai 2014, y. BI c/ La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO et le docteur g. VI


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 8 MAI 2014

I - En la cause n° 2013/000030 (assignation du 22 juin 2012) de :

M. y. BI., né le 23 mars 1945 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant immeuble « Y » - X à Monaco,

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du bureau n° 141 BAJ 12 en date du 2 août 2012,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :
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Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 8 MAI 2014

I - En la cause n° 2013/000030 (assignation du 22 juin 2012) de :

M. y. BI., né le 23 mars 1945 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant immeuble « Y » - X à Monaco,

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du bureau n° 141 BAJ 12 en date du 2 août 2012,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

1 - La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO, inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie sous le n° 84 S 2044, dont le siège social se trouve 11bis, avenue d'Ostende à Monaco, prise en la personne de son Président administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité à ladite adresse,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de Marseille,

2 - Le docteur g. VI., chirurgien, praticien consultant agrée par la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale de la Principauté de Monaco, demeurant en cette qualité au Centre Cardio Thoracique de Monaco, 11 bis avenue d'Ostende à Monaco,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

II - En la cause n° 2013/000304 (assignation du 21 décembre 2012) de :

Le Docteur g. VI. - chirurgien - praticien, consultant agrée par la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale de la Principauté de Monaco - demeurant en cette qualité au Centre Cardio Thoracique de Monaco - 11bis, avenue d'Ostende à Monaco,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

La société ZURICH INSURANCE Plc, dont le siège social est à Zurich House - Ballsbridge Park - Dublino 4 - Irlande, au capital social de 125.000.000 euros, immatriculée au registre du commerce de Dublin sous le n° 13460, représentée par son agent général en Italie - M. d. BE. - Via Benigon Crespi, 23 - 20159 Milan (Italie),

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et par Maître Stéphane GALLO, avocat au barreau de Marseille,

En présence de :

M. y. BI., né le 23 mars 1945 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant immeuble « Y » - X à Monaco,

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du bureau n° 141 BAJ 12 en date du 2 août 2012,

DEFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO, inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie sous le n° 84 S 2044, dont le siège social se trouve 11bis, avenue d'Ostende à Monaco, prise en la personne de son Président administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité à ladite adresse,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de Marseille,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 22 juin 2012, enregistré (n° 2013/000030) ;

Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 6 décembre 2013 ayant notamment autorisé le Docteur g. VI. à appeler en garantie la société ZURICH INSURANCE Plc et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 24 janvier 2013 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 21 décembre 2012, enregistré (n° 2013/000304) ;

Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom du Docteur g. VI., en date des 19 juillet 2013 et 16 janvier 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de y. BI., en date du 9 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, pour la SAM CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO, en date du 16 janvier 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, pour la société ZURICH INSURANCE Plc, en date du 24 avril 2013 ;

À l'audience publique du 13 février 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 10 avril 2014 et prorogé au 8 mai 2014, les parties en ayant été avisées par le Président ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

y. BI., né le 23 mars 1945, retraité, a consulté le 5 mars 2010 le docteur j. AM., cardiologue, dans le cadre d'un suivi d'hypertension artérielle. Il était mis en évidence une sténose athéromateuse à l'origine de la carotide interne gauche évaluée à 90%. Ce praticien rédigeait en conséquence, à l'attention du Centre Cardio Thoracique de Monaco, une demande d'angio-scanner des troncs supra-aortiques. Cet examen était réalisé le 8 mars 2010 et confirmait l'existence d'une sténose serrée estimée à 85% de l'origine de la carotide interne gauche.

Le 15 mars 2010, y. BI. était admis au centre Cardio Thoracique de Monaco, pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur sa carotide gauche sténosée, en l'espèce une endartériectomie, dont le principe consiste en l'ablation de l'endartère, tunique interne de l'artère lorsque celle-ci est altérée par l'athérosclérose, sous anesthésie générale. L'opération était pratiquée le 16 mars 2010, de 7 heures 50 à 9 h 30, par le docteur g. VI.

Dès après son réveil et à partir de 15 h 30, y. BI. a présenté un déficit sensitivo-moteur à droite, une thrombose étant immédiatement détectée à l'imagerie carotidienne. En conséquence, le patient était réopéré en urgence à 16 h 15 pour la réalisation d'une thrombectomie, soit une intervention ayant pour but de retirer la masse sanguine obstruant la carotide.

À l'issue de cette seconde opération également pratiquée par le docteur g. VI., y. BI. présentait des séquelles, parmi lesquelles notamment une hémiplégie droite avec aphasie et hémianopsie. A sa sortie du Centre Cardio Thoracique le 29 mars 2010, il intégrait le centre hélio-marin de Vallauris, où il demeurait jusqu'au 30 septembre 2010.

Le 10 février 2011, y. BI. faisait citer le Centre Cardio Thoracique de Monaco et le docteur g. VI. en référé aux fins de mise en œuvre d'une expertise médicale relative aux aspects cardio-vasculaire et neurologique de l'intervention pratiquée le 16 mars 2010 ainsi qu'à l'évaluation de ses séquelles. Par ordonnance du 20 avril 2011, une mesure d'expertise était ordonnée, initialement confiée aux docteurs CE et VA, ultérieurement remplacés par le professeur BR et le docteur INGLEZAKIS.

Ces derniers déposaient leur rapport le 13 mars 2012. Sur les points suivants, ils concluaient ainsi :

A/ sur la mission de chirurgie vasculaire :

Le lien de causalité entre les deux interventions chirurgicales est certain, la première intervention a déterminé un accident neurologique par occlusion de l'artère carotide. La deuxième intervention était nécessaire et conforme aux règles de l'art.

Deux manquements aux règles de l'art étaient identifiés.

1/ l'absence de contrôle postopératoire lors de la mise en œuvre d'une technique, au cours de la première opération, demandant une grande expérience et, de plus, connue pour sa plus grande dangerosité (suture directe sans patch),

2/ l'absence de traitement antiagrégant préopératoire.

Ces deux manquements ont multiplié par trois le risque de survenue de l'accident thrombotique et constituent une perte de chance.

B/ sur la mission neurologique :

Les séquelles neurologiques imputables de façon certaine et directe à la thrombose carotidienne gauche survenue au cours de la phase post-opératoire le 16 mars 2010 sont les suivantes :Une hémiplégie droite spastique, une aphasie motrice, une quadranopsie supérieure homonyme à droite, sans retentissement clinique, une épilepsie partielle nécessitant un traitement à vie.

C/ sur la mission commune, s'agissant des préjudices d y. BI., les experts ont retenu :

* une ITT du 16 mars 2010 au 30 septembre 2010, dont doit être soustraite la semaine du 4 au 12 septembre 2010 au cours de laquelle y. BI. est retourné à son domicile,

* un pretium doloris évalué à 4/7,

* un préjudice esthétique évalué à 5/7,

* une IPP de 80 %.

Instance n° 2013/000030 :

Par acte en date du 22 juin 2012, y. BI. faisait citer le Centre Cardio Thoracique de Monaco (CCT) et le docteur g. VI. devant le Tribunal de Première Instance, en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

* l'homologation du rapport d'expertise judiciaire déposé le 23 mars 2012 ;

* qu'il soit jugé que les défendeurs avaient failli à leur obligation d'information pré-opératoire du patient sur les risques et bénéfices de l'opération, et commis des manquements du fait de l'absence de traitement anti-agrégant pré-opératoire et d'examen de contrôle postopératoire et qu'ils soient en conséquence conjointement et solidairement (sic) déclarés responsables de l'accident post-opératoire du 16 mars 2010 et tenus d'en réparer les conséquences dommageables.

* la condamnation des défendeurs au paiement des sommes suivantes :

* 9.483,15 euros au titre de l'ITT,

* 28.571,00 euros au titre du prétium doloris,

* 28.571,00 euros au titre du préjudice esthétique,

* 560.000,00 euros au titre de l'IPP,

* 200.000,00 euros au titre du préjudice moral et d'agrément,

* 13.781,04 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne,

* 14.616,79 euros au titre du remboursement de frais d'équipements spéciaux,

* 45.000,00 euros au titre de « perte de chance »,

soit au total une somme de 900.022,97 euros.

Instance n° 2013/000304 :

Par conclusions en date du 4 octobre 2012, le docteur g. VI. sollicitait l'autorisation d'appeler en garantie la société ZURICH INSURANCE plc, prise en sa qualité d'assureur de sa responsabilité civile professionnelle.

Par jugement en date du 6 décembre 2012, il était fait droit à cette demande.

Cet appel en garantie était réalisé selon assignation en date du 21 février 2012.

*

Après avoir liminairement sollicité la jonction de ces deux instances, y. BI. fait valoir les arguments suivants :

* Sur l'information délivrée au patient, il note, comme les experts l'ont relevé, que le devoir d'information à charge des soignants n'a pas été réalisé correctement. Ainsi, le formulaire de reconnaissance d'information préalable et de consentement éclairé du 15 mars 2010 relatif à l'endartériectomie ne comporte ni le nom du médecin qui aurait délivré cette information, ni la mention « lu et approuvé », outre le fait qu'il est trop général et nullement personnalisé par rapport à l'acte médical envisagé. En outre, il indique qu'il n'a aucun souvenir d'avoir rencontré le docteur g. VI. le matin de l'opération, les experts indiquant qu'il était prémédiqué à ce moment.

La réalisation par les experts de constatations qui n'étaient pas spécifiquement incluses dans leur mission est indifférente et en aucun cas de nature à écarter des débats les développements du rapport d'expertise.

* Sur les aspects techniques de l'acte chirurgical d'endartériectomie, il note que si deux techniques d'intervention co-existent, celle choisie par le docteur g. VI. nécessitait un traitement agrégant préopératoire et un contrôle post-opératoire. À cet égard, il estime qu'il n'existait pas d'urgence telle qu'elle n'aurait pas permis l'administration d'un tel traitement préopératoire.

Le demandeur indique que la responsabilité du docteur g. VI. est engagée et que la multiplication par trois du risque d'accident thrombotique constitue une perte de chance.

* Les développements spécifiques à chaque chef de préjudice seront repris, le cas échéant, dans la motivation du présent jugement.

Le docteur g. VI. sollicite pour sa part :

* le rejet de la partie des conclusions expertales relatives au défaut d'information, cet élément ne figurant pas dans la mission définie par l'ordonnance de référé du 20 avril 2011,

* le débouté des demandes d y. BI.,

* subsidiairement, s'il y avait lieu à condamnation, que la compagnie d'assurances ZURICH INSURANCE plc le relève et garantisse de celles-ci.

Il rappelle en outre qu'il exerce en qualité de médecin libéral au sein du Centre Cardio Thoracique, en qualité de chirurgien cardiovasculaire depuis 1987, sans avoir jamais connu de contentieux avec ses patients dans ce cadre.

Il insiste sur l'urgence de la situation suite à l'importance (85 %) de l'obstruction de la carotide d y. BI..

Le 12 mars 2010, sur le questionnaire d'évaluation pré-anesthésique, en vue de l'intervention chirurgicale, y. BI. a répondu par la négative à la question relative à ses antécédents médicaux y compris pour l'hypertension artérielle, ce qui constitue une fausse information dont il doit assumer seul la responsabilité. Il lui appartenait, s'il ne comprenait pas la signification du sigle « HTA » de solliciter toute information utile auprès du chirurgien. Il a ainsi induit en erreur ce dernier, en augmentant de 50 % le risque d'accident vasculaire cérébral.

Le 15 mars 2010 il a signé, sans réserve, le formulaire d'information préalable et de consentement éclairé, après avoir été informé de tous les éléments de l'intervention chirurgicale projetée.

Le docteur g. VI. ajoute qu'en raison de l'urgence, il a été appelé par le Centre Cardio Thoracique et a eu avec y. BI. le 16 mars 2010 au matin un dernier entretien au cours duquel il lui a présenté les objectifs de l'intervention, ses divers aléas et conséquences possibles avant de pénétrer dans le bloc opératoire.

Au titre de l'information du patient, les développements du rapport d'expertise sont hors mission, ce qui doit entraîner leur rejet des débats. Le docteur g. VI. note toutefois que les experts ont quoi qu'il en soit manqué d'objectivité, puisque l'obligation d'information a été valablement respectée et le consentement d y. BI. éclairé.

Au titre de la discussion médico-légale, il estime que sollicité dans l'urgence, son rôle s'est cantonné à la réalisation de l'intervention chirurgicale, n'ayant pas eu à intervenir au niveau préopératoire ni post-opératoire, dès lors qu'il a été appelé par le Centre Cardio Thoracique la veille à son cabinet à Cuneo, pour être présent uniquement le 16 mars 2010 au matin à Monaco.

Il souligne que les experts eux-mêmes ont considéré que la technique qu'il avait employée était conforme aux règles de l'art et que les « lignes guides » l'encadrant ne constituent que de simples recommandations et non pas des directives ayant le caractère de protocole

Ériger en dogme absolu, comme le fait l'expert BR les contrôles pré-opératoires, est en outre selon lui éminemment dangereux.

L'urgence en l'espèce empêchait la mise en place d'un traitement anti-agrégant pré-opératoire, outre le fait que le patient était sujet à un ulcère gastro duodénal (UGD) constituant une contre-indication à la prise d'aspirine.

Enfin, un épisode AVC aurait déjà été présent (angio-scanner du 8 mars 2010, polygone de willis incomplet par l'absence de communication postérieure démontrant une extrême urgence.

En réalité selon lui, l'expert a fait preuve d'un a priori sur la technique à employer démontrant son manque d'objectivité. Il verse aux débats l'avis, postérieur au rapport d'expertise, du professeur BE, en date du 10 janvier 2014 duquel il ressort qu'en phase postopératoire l'artériographie n'est pas obligatoire et ne repose pas sur des éléments de preuve et avis indiscutables, présente en outre un risque neurologique d'environ 1%, l'écho-doppler, bien que moins invasif, n'offrant pas d'avantage indiscutable.

Le docteur g. VI. indique sur les demandes spécifiques à la réparation de son préjudice, faire siennes les conclusions de son assureur.

La société ZURICH INSURANCE plc sollicite le débouté des demandes d y. BI..

À titre subsidiaire, elle estime que l'indemnisation des différents chefs de préjudice allégués par y. BI. ne peut intervenir que dans le cadre d'une perte de chance, laquelle est en l'espèce manifestement minime et dont il appartiendra à la juridiction d'apprécier le taux. Reconventionnellement elle sollicite la condamnation de tout contestant au paiement d'une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

La compagnie d'assurances indique :

* Sur l'information délivrée au patient, outre les arguments développés par son assuré le docteur g. VI., elle relève que le patient a signé des formulaires d'information pour les scanners en date des 8 et 10 mars 2010, sans critique à cet égard alors que le formulaire du 15 mars 2010 afférent à l'intervention chirurgicale est identique. Elle estime de plus, que si un document venait détailler l'ensemble des risques susceptibles d'être rencontrés dans le cadre d'un acte chirurgical, il serait peu compréhensible, les éléments importants se retrouvant noyés dans des paragraphes comprenant trop de détails techniques. Enfin, l'état d y. BI. rendait la prise de décision thérapeutique indispensable.

Sur la technique chirurgicale employée, l'assureur indique qu'une « querelle d'écoles » a animé les opérations d'expertise, la technique employée par le docteur g. VI. (avec emploi d'un clamp), bien qu'elle ne soit pas contraire aux règles de l'art, n'ayant manifestement pas la préférence de l'expert BRANCHEREAU qui privilégie pour sa part celle du patch, aucune norme internationale n'étant toutefois venue démontrer qu'une technique serait supérieure à une autre.

S'agissant de la nécessité d'un traitement anti-agrégant en phase préopératoire, son utilité (minorer le risque de thrombose post opératoire) est contrebalancée par la production éventuelle d'effets délétères de type hémorragique.

À titre subsidiaire, s'agissant des préjudices, seule une perte de chance, minime doit être retenue puisque même si une vérification post opératoire avait été effectuée, il n'est pas certain qu'un quelconque constat aurait été fait, puisque les premiers troubles ne se sont manifestés que 7 heures après l'opération. De même, si en phase préopératoire un traitement antiagrégant avait été administré, il n'est nullement certain qu'une telle prescription aurait empêché l'apparition de la complication en phase post opératoire.

Les arguments présentés pour contester l'évaluation de chaque poste de préjudice seront développés, le cas échéant, dans la motivation de la décision.

Le Centre Cardio Thoracique a conclu au débouté des demandes formées par y. BI. à son égard et à sa condamnation reconventionnelle au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il indique que le docteur g. VI. exerce son activité en son sein à titre libéral et donc en toute indépendance. Aucun manquement du Centre Cardio Thoracique, en terme de soins paramédicaux ou de matériel mis à disposition, n'a été relevé par les experts, alors que cette recherche entrait dans leurs chefs de mission.

S'agissant de l'obligation d'information, il estime qu y. BI. ne peut alléguer l'existence d'une « faute de service » du Centre Cardio Thoracique concernant le choix d'un acte chirurgical. Outre le fait que le Centre Cardio Thoracique est un établissement privé, il n'est pas démontré en quoi l'absence du nom du médecin sur le formulaire du 15 mars 2010 signé par le patient lui cause un préjudice. Enfin, la décision thérapeutique d'intervention était quoi qu'il en soit indispensable.

SUR QUOI :

Attendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, qu'il y a lieu d'ordonner la jonction des deux instances, compte tenu du lien de connexité existant entre elles ;

I/ Sur le devoir d'information du patient :

Attendu en premier lieu que le Tribunal statue dans le cadre des demandes présentées dans l'exploit introductif d'instance, postérieur au rapport d'expertise ; qu'ainsi même si y figurent des éléments extérieurs à la mission impartie aux experts, dès lors qu'ils peuvent être corroborés par les pièces produites par les parties, il n'y a pas lieu d'écarter des débats la partie des conclusions expertales afférente au devoir d'information ;

Attendu qu'il résulte de l'article 2 du Code de déontologie médicale, approuvé par l'arrêté ministériel n°2012-312 du 29 mai 2012, que le médecin doit avoir le plus grand respect de la personne humaine et qu'il en découle que sauf urgence caractérisée par la nécessité de sauver la vie d'autrui en danger immédiat, ou sauf décision de placement par décision judiciaire, le médecin n'est en principe autorisé à dispenser ses soins à un patient que s'il a obtenu de ce dernier un consentement éclairé et réfléchi ;

Que le fait qu'une intervention soit impérieusement requise ne constitue pas un critère permettant au médecin de se soustraire à cette obligation dont la violation crée, même dans ce cas, nécessairement un préjudice pour le patient, sur le fondement de l'article 1229 du Code civil ;

Attendu en l'espèce que l'indication opératoire d'endartériectomie posée pour le patient y. BI. est considérée par les experts BR et IN comme indiscutable, en présence d'une sténose de la carotide interne gauche à 80 % (en réalité 85 %), dès lors qu'il est démontré depuis 15 ans qu'en présence d'une sténose carotidienne asymptomatique, supérieure à 60 % de réduction de calibre, la chirurgie diminue le risque de survenue d'un accident vasculaire cérébral de plus de 50 % ;

Attendu ainsi que même si y. BI. n'aurait raisonnablement pu refuser l'acte chirurgical envisagé, il n'en demeure pas moins qu'il demeurait créancier d'une obligation d'information, puisque indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à l'obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait notamment de ne pas avoir pu se préparer à cette éventualité au plan moral ou en prenant certaines dispositions personnelles ;

Attendu qu'au cas particulier, même si la nécessité de l'opération, qui est intervenue onze jours après l'examen initial du docteur j. AM. et huit jours après l'angio-scanner des carotides confirmant la sténose à 85 % n'est pas en cause, l'urgence absolue de nature à dispenser tout médecin de la délivrance de l'information, telle la perte de conscience du patient ou le pronostic vital engagé immédiatement avec nécessité absolue d'une opération sans délai, n'était pas caractérisée en l'espèce ;

Attendu qu y. BI. a signé le 15 mars 2010 un formulaire pré-imprimé intitulé « reconnaissance d'information préalable et consentement éclairé du patient » ;

Qu'il s'agit d'un formulaire type identique à deux autres formulaires versés aux débats, l'un du 8 mars 2010 s'agissant du scanner TSAO avec la mention d'une information délivrée par le docteur RO., le second du 10 mars 2010, s'agissant du scanner coronaire, avec la mention de l'information délivrée par le docteur ROS. ;

Qu'il laisse en revanche en blanc le nom d'un médecin qui a délivré l'information ; qu'en tout état de cause, les mentions qui y sont contenues sont à ce point générales que les parties dactylographiées sont similaires et qu'en réalité ce formulaire est utilisé pour des types d'interventions très différents ; qu'il ne permet pas dès lors de rapporter valablement la preuve d'une information personnalisée ;

Qu'il n'est de plus pas contesté que le docteur g. VI. n'est arrivé au Centre Cardio Thoracique que le 16 mars 2010 au matin, et qu y. BI. est entré au bloc opératoire à 7 heures 50, si bien qu'à supposer qu'un entretien ait bien eu lieu le matin même, y. BI. était déjà prémédiqué en vue d'une anesthésie générale ; que dans ces conditions l'information n'a pu lui être valablement délivrée ;

Qu'alors que la charge de la preuve de la délivrance de l'information pèse sur le médecin qui peut la rapporter par tous moyens, il n'est pas démontré en l'espèce que les risques et bénéfices de l'opération, en particulier le risque neurologique lié, aient été explicitement exposés à y. BI. ;

Attendu cependant qu'aux termes de ses conclusions, y. BI. ne formule aucune demande en réparation du préjudice découlant spécifiquement de la violation du devoir d'information ; qu'en effet, au titre du préjudice moral, il fait état seulement de la perte de considération de soi, de l'impossibilité d'avoir des relations sexuelles normales et de la privation de loisirs ;

II/ Sur les aspects techniques de l'endartériectomie pratiquée le 16 mars 2010 :

Attendu que les experts décrivent l'opération réalisée comme une endartériectomie de l'artère carotide interne gauche à ciel ouvert avec fermeture par une suture directe ; qu'il s'agit selon eux d'une technique classique, largement rodée et conforme aux règles de l'art, nécessitant toutefois un très haut niveau de perfection technique, requérant une grande expérience personnelle de cette chirurgie et conduisant dès lors la plupart des chirurgiens qui l'utilisent à réaliser un contrôle postopératoire. Par ailleurs, selon le collège expertal l'alternative constituée par la fermeture de l'artère au moyen d'un patch est plus sûre, car elle réduit le risque de complication postopératoire ; ce contrôle postopératoire par angiographie ou échographie est au demeurant quasi-systématique pour les chirurgiens vasculaires français et italiens ;

Attendu par ailleurs qu y. BI. n'a pas bénéficié au cours de la phase préopératoire d'un traitement anti-agrégant de type Aspirine ou Plavix ;

1/ Attendu que pour contester les conclusions de l'expert, le docteur g. VI. soutient notamment qu'il existe une querelle d'écoles sur les méthodes opératoires et que l'expert a voulu « donner une leçon » au professeur DO, directeur du Centre Cardio Thoracique ;

Attendu cependant que s'il est manifeste que les experts privilégient la technique de fermeture avec patch qu'ils estiment plus optimale, la technique dite de suture directe employée par le docteur g. VI. n'est nullement décriée en elle-même ;

Que si les experts insistent sur la grande expérience nécessaire pour ce type de technique, ils en tirent pour seule conséquence objective que la difficulté de l'acte nécessite d'autant plus un contrôle post-opératoire ;

2/ Que s'agissant de ce contrôle, l'avis du professeur BE versé aux débats par le docteur g. VI. fait état de ce que l'artériographie postopératoire par ponction carotidienne est associée à un risque neurologique d'environ 1 % et que l'écho doppler, quant à lui moins invasif n'offre pas d'avantage indiscutable de nature à justifier son utilisation en routine ; qu'il n'existe pas de consensus en la matière ;

Que les experts judiciaires indiquent qu'il ne s'agit pas d'une recommandation de niveau I mais d'une pratique majoritairement utilisée et d'autant plus utile que la technique s'est avérée délicate ;

3/ Attendu en l'espèce, qu'un contrôle postopératoire aurait d'autant plus dû être effectué qu y. BI. n'avait pas bénéficié de traitement pré-opératoire ;

Attendu en effet que la nécessité de la mise en œuvre d'un traitement anti-agrégant est consacrée selon les experts par une recommandation de Classe I avec un niveau de preuve de niveau A, soit le plus haut niveau de preuve scientifique et de recommandation admis par la littérature internationale, l'analyse des experts étant documentée sur ce point par référence à des « guidelines » ou lignes directrices ;

Que les arguments développés à l'encontre de ce constat ne peuvent être retenus :

* qu'en effet s'agissant de la présence d'un ulcère gastro-duodénal, les experts notent, sans être valablement contredits, qu'il existait deux solutions, à savoir une prescription d'aspirine en association avec un traitement anti-acide par inhibiteur de la pompe à protons, ou la prescription de Plavix, nécessitant des précautions d'hémostase ;

* que par ailleurs, s'agissant de la réponse négative apportée par le patient dans le questionnaire pré-anesthésique du 12 mars 2010 à l'existence d'une « HTA », aucun mensonge de ce dernier, qui n'avait au demeurant aucun intérêt à mentir, n'apparaît caractérisé ; qu'il appartenait toutefois au corps médical, notamment dans le cadre du recueil du consentement du patient de lui fournir toute explication utile ; que si en l'espèce l'anesthésiste n'ayant pas été identifié, aucune responsabilité ne peut être retenue à cet égard, cette circonstance ne saurait en tout état de cause en aucune manière exonérer le docteur g. VI. ;

* qu'enfin aucune situation d'urgence, constituée par un accident vasculaire en constitution, la survenue d'accidents ischémiques transitoires à répétition, ou la constatation d'un état de sub-occlusion carotidienne attestée hémodynamiquement n'était caractérisée en l'espèce ;

Que les experts notent en outre que ces trois cas sont reconnus comme situations d'urgence sans pour autant être synonymes d'indications opératoire d'urgence, si bien qu'à supposer même exacts les considérations des défendeurs sur le constat le12 mai 2010 d'un polygone de Willis incomplet (dont il n'est pas démontré qu'il s'agisse indubitablement d'un AVC en constitution) ces éléments ne constituaient pas des contre-indications à la mise en œuvre d'un traitement pré-opératoire ;

Qu'en conséquence les deux manquements identifiés dans le rapport d'expertise doivent être retenus, ;

Attendu que les défendeurs ne démontrent pas au demeurant la fausseté de la perspective historique rappelée par les docteurs BR et IN, laquelle confirme la nécessité des traitements et contrôles qui font défaut en l'espèce ;

Que les experts indiquent en effet que les deux manquements ont majoré le risque de survenue d'un accident thrombotique ; qu'ils estiment à cet égard qu'alors que le risque maximum acceptable pour la chirurgie carotidienne pour sténose asymptomatique est de 3 %, la chirurgie sans contrôle, sans patch et sans traitement anti-plaquettaire préopératoire correspond à peu près à ce qui se pratiquait au début des années 1980 avant les grands essais et l'essor de la chirurgie carotidienne qui s'en est suivi où ce risque était compris entre 8 et 10 % ;

III/ Sur les responsabilités du docteur g. VI. et du Centre Cardio Thoracique de Monaco :

Attendu en conséquence, qu'une faute du docteur g. VI. doit être retenue, non pas en ce qui concerne la réalisation de l'acte lui-même, mais en raison de l'emploi de la technique chirurgicale de la suture directe avec la connaissance qu'aucun traitement pré-opératoire n'avait été administré et qu'aucun contrôle approfondi post-opératoire ne serait réalisé ;

Attendu que la responsabilité du Centre Cardio Thoracique, personne morale de droit privée (exclusive de toute notion de faute de service) n'est en revanche pas engagée, puisque d'une part, aucun manquement en terme de soins paramédicaux, de matériel mis à disposition et du contrat d'hôtellerie n'a été relevé par les experts, et que d'autre part le docteur g. VI. n'est nullement salarié de cet établissement ;

Qu'enfin, si y. BI. recherche une responsabilité du Centre Cardio Thoracique dans le choix « si ce n'est de la technique, mais du chirurgien qui va réaliser l'acte » (p.10 de ses conclusions du 9 octobre 2013), la mise en relation du patient avec le docteur g. VI., professionnel confirmé, ne peut à l'évidence constituer une faute ;

Attendu que la faute du docteur g. VI. a participé au préjudice subi par y. BI., non pas en totalité, mais, comme les experts l'ont mis en lumière, par la perte de chance de voir l'aléa thérapeutique réduit de 9% à 3% ;

Qu'ainsi, la majoration du risque par un facteur multiplicateur égal à 3 conduit à considérer que la situation actuelle est dans 2 cas sur 3 causée par l'absence de traitement pré-opératoire et de contrôle post opératoire approprié ;

Attendu en conséquence que la faute du docteur g. VI. a participé à hauteur de 66 % à la réalisation du préjudice subi par y. BI. ;

IV/ Sur le préjudice d y. BI. :

Attendu que le rapport d'expertise, n'a suscité s'agissant de la détermination et de l'évaluation des préjudices, aucune critique de la part des parties ; qu'il relève d'un travail complet et détaillé et constitue en conséquence une base d'évaluation sérieuse des divers chefs de préjudice subis par y. BI. qu'il y a lieu d'examiner, au vu de ses conclusions étant ici précisé que la victime âgée de 65 ans à la date de l'accident était retraitée ;

* Sur l'ITT :

Attendu qu y. BI. sollicite pour une période d'ITT de 190 jours, l'allocation d'une somme de 9.483,15 euros calculée en fonction d'un SMIC s'élevant à 1.497,34 euros par mois ;

Mais attendu cependant que, retraité, il n'est pas démontré qu'il ait subi une quelconque perte de revenus ; que dès lors qu'il n'allègue au surplus aucun préjudice spécifique relatif à la gêne dans les actes de la vie courante, sa demande de ce chef sera rejetée ;

* Sur le pretium doloris :

Attendu que les experts ont évalué ce préjudice à 4/7 en prenant en compte la 2e intervention chirurgicale et la rééducation ; Que l'assureur du docteur g. VI. propose à ce titre subsidiairement une somme de 12.000 euros ;

Que compte tenu des lésions initiales et du suivi traumatique, il y a lieu d'évaluer à 12.000 euros ce chef de préjudice ;

* Sur le préjudice esthétique :

Attendu que les experts ont quantifié à 5/7 ce chef de préjudice en retenant la marche et la présentation générale d'un handicapé lourd ; Que l'assureur du docteur g. VI. offre subsidiairement de ce chef la somme de 15.000 euros ;

Que compte tenu de l'ampleur du handicap d y. BI. il y lieu d'évaluer à 24.000 euros ce chef de préjudice ;

* Sur l'IPP :

Attendu que les experts ont évalué à 80 % l'incapacité permanente partielle dont demeure atteint y. BI. en prenant en compte l'hémiplégie spastique côté dominant à 70 % et en évaluant in globo à 10 % les 3 autres séquelles soit le langage et la vision qui n'ont pas de retentissement clinique majeur et l'épilepsie, actuellement stabilisée en monothérapie ;

Que l'assureur du docteur g. VI. estime que la somme de 560.000 euros sollicitée doit être réduite à de plus justes proportions ;

Attendu qu'au regard de l'importance de l'incapacité et de l'âge de la victime il y a lieu de fixer la valeur du point à 2.800 euros, étant précisé qu'il n'existe aucune incidence professionnelle future du déficit fonctionnel séquellaire, si bien qu'il y a lieu d'évaluer à 224.000 euros ce chef de préjudice ;

* Sur le préjudice matériel relatif aux frais d'équipement :

Attendu que l'assureur du docteur g. VI. soutient qu'il appartient à y. BI. de rapporter la preuve de la nécessité des équipements achetés par rapport à son état de santé ;

Attendu que y. BI. justifie par les pièces produites aux débats avoir procédé à l'acquisition d'un monte-escalier SECMA ; qu'atteint d'hémiplégie, il présente selon les experts à la marche un membre inférieur en extension avec fauchage extérieur ; qu'en conséquence l'acquisition d'un tel matériel, dont le coût s'élève à la somme de 7.150,01 euros, outre 3.750 euros représentant sa maintenance pendant 10 ans, apparaît particulièrement nécessaire ;

Qu'il en va de même s'agissant de l'installation d'une cabine de douche spécialement équipée, dont le coût justifié s'élève à 3.716,77 euros ;

Attendu en conséquence que le préjudice matériel d y. BI. doit être évalué à la somme totale de 14.616,78 euros ;

* Sur l'assistance par une tierce personne :

Attendu à cet égard que l'assureur indique que ce poste n'a pas été retenu par les experts et qu'il appartient à y. BI. de démontrer l'existence d'un préjudice ;

Attendu qu y. BI. verse aux débats un courrier de la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale du 10 mars 2011 lui attribuant une prestation d'autonomie et un financement d'intervention d'auxiliaire de vie, avec un ticket modérateur à hauteur de 41 % sur une base mensuelle de 1.334,67 euros ;

Que demeure à la charge d y. BI. une somme de 574,21 euros par mois, si bien que la demande pour deux années (du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012) à hauteur de 13.781,04 euros doit être accueillie par ce Tribunal ;

* Sur le préjudice d'agrément et la perte de chance :

Attendu que le demandeur sollicite l'indemnisation de deux postes de préjudice distincts, à hauteur de 200.000 euros s'agissant de la perte de considération de soi-même, d'un préjudice sexuel et de la privation de loisirs sportifs auparavant pratiquée, et à hauteur de 45.000 euros s'agissant de l'entretien de sa résidence secondaire à la Turbie ;

Attendu que si aucun préjudice d'agrément n'a été retenu par les experts, y. BI. rapporte néanmoins la preuve de l'exercice antérieur d'une activité sportive, au sein du club alpin français, dans des conditions de régularité et de qualification excédant la pratique normale d'une activité récréative épisodique ; qu'ainsi son état, outre l'indemnisation prise en compte au titre de l'IPP (notamment l'impossibilité de l'écriture) caractérise un préjudice subjectif résultant des nécessaires troubles ressentis dans les conditions de l'existence ;

Que son état caractérise également le préjudice sexuel allégué lié a minima à l'accomplissement de l'acte ;

Attendu que ces deux chefs de préjudice justifient globalement une indemnisation forfaitaire d'un montant de 75.000 euros ;

* Sur le montant des condamnations du docteur g. VI., relevé et garanti par la société ZURICH INSURANCE plc :

Attendu que la société ZURICH INSURANCE plc ne conteste pas devoir garantir le docteur g. VI. au titre de sa responsabilité civile professionnelle ;

Attendu que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre du docteur g. VI. s'élève, au final à :

* 8.000 euros (2/3 de 12.000 euros) au titre du pretium doloris,

* 16.000 euros (2/3 de 24.000 euros) au titre du préjudice esthétique,

* 149.333 euros (2/3 de 224.000 euros) au titre de l'IPP,

* 9.744,52 euros (2/3 de 14.616,78 euros) au titre du préjudice matériel lié à la nécessité de dépenses d'équipement,

* 50.000 euros (2/3 de 75.000 euros) au titre du préjudice d'agrément,

soit une somme totale de 233.077,52 euros ;

Attendu dès lors qu'il y a lieu de condamner la société ZURICH INSURANCE plc à relever et garantir g. VI. à concurrence de la somme totale de 233.077,52 euros mentionnée ci-dessus ;

Sur les autres chefs de demande :

Attendu qu y. BI. triomphant, au moins partiellement en ses demandes à l'égard du docteur g. VI., la demande de dommages et intérêts pour action abusive présentée par la société ZURICH INSURANCE plc sera rejetée ;

Attendu que le demandeur ayant pu par ailleurs se méprendre sur la portée de ses droits, l'action qu'il a engagée à l'encontre du Centre Cardio Thoracique ne peut être qualifiée d'abusive et n'ouvre pas droit par suite à l'allocation de dommages et intérêts au profit de cet établissement ;

Attendu que la demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire de la présente décision n'étant pas motivée, il n'y a pas lieu d'y faire droit ;

Attendu que le docteur g. VI. et la société ZURICH INSURANCE plc seront condamnés aux dépens des instances 2013/000030 et 2013/000304 ;

Attendu qu y. BI. sera condamné aux dépens de l'instance n° 2013/000030 en ce qui concerne le Centre Cardio Thoracique seulement ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, après jugement avant-dire-droit en date du 6 décembre 2012,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2013/000030 et 2013/000304 ;

Homologue, avec toutes conséquences de droit le rapport déposé par le professeur BR et le docteur IN le 13 mars 2012 ;

Condamne le docteur g. VI. à payer à y. BI. la somme totale de 233.077,52 euros en réparation du préjudice résultant d'une perte de chance en lien avec des manquements commis dans le cadre d'un acte médical dispensé le 16 mars 2010 ;

Déboute y. BI. du surplus de ses demandes à l'encontre du docteur g. VI. ;

Déboute y. BI. de ses demandes à l'encontre de la SAM CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO ;

Condamne la société ZURICH INSURANCE plc à relever et garantir g. VI. des condamnations prononcées à son encontre au profit d y. BI. ;

Déboute la société ZURICH INSURANCE plc et la SAM CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO de leurs demandes de dommages et intérêts pour action abusive formulées à l'encontre d y. BI. ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne g. VI. et la société ZURICH INSURANCE plc aux dépens des instances 2013/30 et 2013/304, y compris ceux réservés par jugement en date du 6 décembre 2012, qui seront recouvrés par l'Administration comme en matière d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Condamne y. BI. aux dépens de l'instance 2013/30 en ce qui concerne la SAM CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO, avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 8 MAI 2014, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12165
Date de la décision : 08/05/2014

Analyses

Il résulte de l'article 2 du Code de déontologie médicale, approuvé par arrêté ministériel n° 2012-312 du 29 mai 2012, que le médecin doit avoir le plus grand respect de la personne humaine et qu'il en découle que, sauf urgence caractérisée par la nécessité de sauver une vie en danger immédiat ou décision de placement par décision judiciaire, le médecin n'est en principe autorisé à dispenser des soins à un patient que s'il a obtenu de ce dernier un consentement éclairé et réfléchi. Le fait qu'une intervention soit impérieusement requise ne permet pas au médecin de se soustraire à cette obligation dont la violation crée nécessairement un préjudice pour le patient sur le fondement de l'article 1229 du Code civil.Même si un patient ne peut raisonnablement refuser l'acte chirurgical envisagé, il n'en demeure pas moins qu'il est créancier d'une obligation d'information puisque indépendamment de la perte de chance de refuser l'intervention, le défaut d'information de la part des médecins sur les risques encourus ouvre pour le patient, lorsque ces risques se réalisent le droit d'obtenir réparation de ces troubles subis notamment de ne pas avoir pu se préparer à cette éventualité au plan moral ou en prenant certaines dispositions personnelles.En l'espèce, même si la nécessité de l'opération intervenue onze jours après l'examen initial et huit jours après un angio-scanner n'est pas en cause, l'urgence absolue de nature à dispenser le médecin de la délivrance de l'information, telle la perte de conscience du patient ou le pronostic vital engagé immédiatement avec nécessité absolue d'une intervention sans délai n'est pas caractérisée.Le patient a signé un formulaire pré-imprimé type, identique à ceux relatifs à d'autres interventions très différentes et ne faisant pas apparaitre le nom du médecin qui a délivré l'information, en sorte qu'il ne permet pas de rapporter valablement la preuve d'une information personnalisée. De plus, il résulte des circonstances de l'intervention que l'information n'a pu lui être valablement délivrée.La charge de la preuve de la délivrance de l'information pèse sur le médecin qui peut la rapporter par tous moyens. Il n'est pas démontré en l'espèce que les risques et bénéfices de l'opération, en particulier le risque neurologique, aient été explicitement exposés au patient.

Professions et actes médicaux  - Professions médicales et paramédicales  - Infractions contre les personnes.

Responsabilité médicale - Code de déontologie médicale - Consentement éclairé et réfléchi de la personne - Respect de la personne humaine - Obligation d'information du patient - Charge de la preuve de l'information.


Parties
Demandeurs : y. BI
Défendeurs : La société anonyme monégasque dénommée CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO et le docteur g. VI

Références :

arrêté ministériel n° 2012-312 du 29 mai 2012
article 1229 du Code civil
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013
article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-05-08;12165 ?

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