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13/03/2014 | MONACO | N°11977

Monaco | Tribunal de première instance, 13 mars 2014, j HO épouse TR c/ la Société Anonyme Monégasque dénommée STAR CLIPPERS MONACO et la Société Anonyme de droit luxembourgeois dénommée LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 13 MARS 2014

En la cause de :

Mme j HO épouse TR, née le 14 décembre 1934 à Fords (N. J.) USA, demeurant X - California (Etats-Unis d'Amérique) ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La Société Anonyme Monégasque dénommée STAR CLIPPERS MONACO, dont le siège social est « Clipper Palace », 4 rue de la Turbie à Mo

naco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société An...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 13 MARS 2014

En la cause de :

Mme j HO épouse TR, née le 14 décembre 1934 à Fords (N. J.) USA, demeurant X - California (Etats-Unis d'Amérique) ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La Société Anonyme Monégasque dénommée STAR CLIPPERS MONACO, dont le siège social est « Clipper Palace », 4 rue de la Turbie à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société Anonyme de droit luxembourgeois dénommée LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA, dont le siège social est 63-65 rue de Merl, L-2146 à Luxembourg (LUXEMBOURG), prise en la personne de son administrateur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSES, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 12 mai 2009, enregistré (n° 2009/000611) ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la SA LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA, en date des 1er décembre 2010, 28 février 2013 et 9 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de j HO épouse TR, en date des 17 octobre 2012 et 15 mai 2013 ;

À l'audience publique du 16 janvier 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 13 mars 2014 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Suite à la signature d'un « CONTRACT PASSAGE » en date du 10 avril 2008, Madame j TR a participé en compagnie de son époux, à une croisière dans le pacifique sud au départ et à destination de Papeete (Tahiti) à bord du navire « STAR FLYER », du 5 au 25 mai 2008.

Le 16 mai 2008, au cours d'une escale dans les Iles Cook et au retour d'une sortie à terre, une forte vague a frappé la chaloupe sur laquelle se trouvaient les époux TR. La chaloupe a alors heurté la passerelle d'accès au navire « STAR FLYER » et Madame j TR a eu la main gauche écrasée entre la chaloupe et la passerelle lui occasionnant de graves blessures.

Elle a été admise à un dispensaire des Iles Cook où elle a reçu les premiers soins, puis transportée le 18 mai 2008 dans un hôpital de Los Angeles où elle a subi plusieurs interventions chirurgicales.

Par acte d'huissier en date du 12 mai 2009, Madame j TR a assigné la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA devant le tribunal de première instance de Monaco aux fins de voir engager leur responsabilité du fait de l'accident et solliciter une expertise médicale permettant d'évaluer son préjudice.

Dans son acte introductif d'instance et ses conclusions postérieures des 17 octobre 2012 et 15 mai 2013, elle demande au tribunal :

* déclarer la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA entièrement responsables du sinistre dont elle a été victime;

* dire que lesdites sociétés sont tenues « in solidum » d'en réparer l'intégralité des conséquences dommageables qui en sont résultées ;

* les condamner in solidum à lui payer l'équivalent en euros de la somme de 137.482,43 U.S dollars au titre des dépenses médicales ;

* lui donner acte de ce qu'elle se réserve de réclamer ultérieurement le remboursement de tous autres frais médicaux demeurés à sa charge en relation directe avec l'accident du 16 mai 2008 et qui seront au besoin chiffrés par voie d'expertise ;

* avant dire droit : ordonner une expertise médicale et commettre un médecin spécialisé en chirurgie orthopédique avec mission complète d'examiner la victime, décrire son évolution depuis le 16 mai 2008, rechercher les différents préjudices personnels subis, outre répertorier l'ensemble des frais médicaux engagés du fait de l'accident ;

* condamner « in solidum » la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur l'entier préjudice corporel subi ;

* ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

* débouter les défenderesses des fins de leurs conclusions ;

* condamner in solidum la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA avocat-défenseur ;

À l'appui de ses prétentions, Madame j TR expose :

* que les dispositions de l'article L524-2 du Code de la mer enfermant les protestations dans un délai de 15 jours à compter de l'accident ne peuvent pas être écartées au détriment des passagers ;

* que les dispositions de l'article 11 du contrat de traversée prévoyant la possibilité d'émettre une réclamation auprès du transporteur dans le délai de 6 mois à compter du dommage sont plus favorables et doivent recevoir application ;

* qu'il ne s'agit pas d'un délai supplémentaire à respecter en sus du délai de 15 jours mais bien d'un délai initial se substituant au délai légal ;

* que le terme « action maintenue » de l'article 11 du contrat doit s'entendre « d'action acceptée ou reçue » ;

* que la responsabilité de la SAM STAR CLIPPERS MONACO doit être engagée dans la mesure où elle se reconnaît implicitement « transporteur », ayant été l'interlocuteur privilégié de Madame j TR lors des négociations ayant précédé la présente instance suite à l'accident ;

* que le billet de croisière mentionne expressément le nom « STAR CLIPPERS » et non le nom de la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA ;

* que le contrat de croisière prévoit que les réclamations doivent être remises à la SAM STAR CLIPPERS MONACO dont le siège social est rue de la Turbie à Monaco et prévoit également la compétence des juridictions de la Principauté et l'application de la loi monégasque en cas de litige ;

* que les deux sociétés ont en outre le même administrateur ;

* qu'il n'y a pas lieu de mettre la SAM STAR CLIPPERS MONACO hors de cause ;

* que la responsabilité de la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA, en sa qualité de transporteur expressément désigné comme tel sur le « contrat de passage » est également engagée ;

* que le transporteur a une obligation de résultat envers le passager qu'il doit ramener sain et sauf à destination, ce qui n'a pas été le cas ;

* qu'au vu de la mer très agitée, il est établi que l'équipage n'a pas fourni toute l'assistance nécessaire pour lui permettre de ré-embarquer dans de bonnes conditions ;

* que la gravité de ses blessures à la main gauche ne permet pas d'évaluer l'intégralité du préjudice subi sans une expertise préalable ;

* qu'elle a fourni des pièces et attestations à l'appui de sa demande, lesquelles sont en cours de traduction ;

* qu'elle a perdu la motricité de sa main et de son bras gauche ;

* qu'il convient dès à présent de lui allouer une provision à valoir sur son préjudice.

Par conclusions en date des 1er décembre 2010, 28 février 2013 et 9 octobre 2013, la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA demandent au tribunal :

À titre principal :

* rejeter les pièces adverses n° 5, 9, 10 et 11 intégralement rédigées en langue anglaise et non assorties d'une traduction en français ;

* déclarer nulles les attestations communiquées sous les pièces adverses 9, 10 et 11 non conformes aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile ;

* déclarer irrecevable l'action en responsabilité intentée par Madame j TR ;

Subsidiairement :

* mettre hors de cause la SAM STAR CLIPPERS MONACO ;

* écarter des débats la pièce adverse n° 5, exclusivement rédigée en langue anglaise sans aucune traduction officielle ;

* débouter Madame j TR de l'ensemble de ses demandes ;

Très subsidiairement :

* leur donner acte de leurs plus expresses protestations et réserves sur la demande d'expertise et dire qu'elle devrait être en tout état de cause ordonnée aux frais avancés de la demanderesse ;

* débouter Madame j TR de sa demande de provision ;

* la condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur.

Les sociétés défenderesses font valoir :

* que l'action de Madame j TR est irrecevable pour avoir effectué une réclamation hors du délai de 15 jours prévu à peine de nullité, par les dispositions d'ordre public de l'article L524-2 du Code de la mer ;

* que les dispositions contractuelles prévues à l'article 11 du « Contract of Passage » du 10 avril 2008 permettent seulement au passager, dans le délai de 6 mois à compter du dommage, de maintenir une action qu'il aurait précédemment engagée par courrier adressé au transporteur dans le délai légal de 15 jours ;

* que Madame j TR ayant effectué ses premières protestations par courrier du 6 octobre 2008, soit plus de 4 mois après l'accident, est irrecevable en son action ;

* que la SAM STAR CLIPPERS MONACO doit être mise hors de cause comme n'étant ni le propriétaire du navire STAR FLYER, ni le transporteur ;

* que le navire appartient à la société « SPV STAR FLYER LTD » société de droit des Bahamas depuis le 30 juillet 2010 ;

* que l'intervention de la SAM STAR CLIPPERS MONACO dans le cadre des réclamations de Madame j TR ne résulte que des prestations de services qu'elle assure à la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA, seule « transporteur » mentionnée comme tel sur le contrat de passage ;

* que les deux sociétés sont bien deux entités distinctes, peu importe qu'elles aient le même administrateur ;

* qu'elle n'arme, ni ne dirige le navire STAR FLYER ;

* que l'obligation pesant sur la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA en qualité de transporteur est une obligation de moyen, tel qu'il se déduit des dispositions des articles L524-14 et suivants du Code de la mer ;

* que Madame j TR ne participait pas à une croisière classique sur un paquebot, mais naviguait sur un navire à voile de haute mer et avait accepté les risques d'une telle navigation ;

* que la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA a mis tous les moyens en œuvre en l'état d'une mer agitée et n'a commis aucune faute ;

* que la chaloupe était munie d'un dispositif de protection adapté et que la passagère a été malencontreusement blessée en raison d'une forte vague, indépendante de la volonté du transporteur.

SUR CE :

* sur la demande de rejet de pièces

La SAM STAR CLIPPERS MONACO et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA demandent au tribunal d'écarter des débats les pièces adverses n° 5, 9, 10 et 11 intégralement rédigées en langue anglaise et non assorties d'une traduction en français.

À l'examen de celles-ci, il apparaît que la liste des dépenses médicales effectuées par Madame j TR, constituant la pièce 5 communiquée par la demanderesse, est effectivement rédigée en langue anglaise et non traduite.

Il y a lieu en conséquence de l'écarter des débats pour ne pas avoir été traduite en français, langue officielle de la Principauté.

En revanche, la pièce 9 (attestation du docteur KOKO LWIN de Aiutaki Hospital en date du 3 octobre 2012), la pièce 10 (attestation de Robert LESSNE en date du 26 décembre 2012) et la pièce 11 (attestation de Robert M.YASPAN en date du 3 décembre 2012) font l'objet de traductions en langue française versées par la demanderesse en cours de procédure, respectivement pièces n° 12, 13 et 14.

Dès lors, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

* sur la nullité des attestations

Les sociétés défenderesses sollicitent en outre la nullité des attestations communiquées sous les pièces adverses 9, 10 et 11 comme étant non conformes aux formes prévues par le Code de procédure civile.

Les dispositions de l'article 324, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoient, à peine de nullité, que les attestations doivent être écrites, datées et signées de la main de leur auteur.

Or en l'espèce, les attestations produites par Madame j TR émanant du docteur KO KO LWIN (pièce 9), de Monsieur LESSNE thérapeute (pièce 10) et de Monsieur M. YASPAN, avocat (pièce 11) sont toutes trois dactylographiées et devront en conséquence être déclarées nulles en application de l'article 324, alinéa 2 précité.

* sur le régime juridique applicable

Le « Contract of passage » du 10 avril 2008 à l'entête de la société STAR CLIPPERS signé entre la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA et Madame j TR stipule, en son article 21, que toutes réclamations ou litiges en résultant relèveront de la compétence des juridictions monégasques, et seront régis et interprétés en vertu des lois de la Principauté de Monaco.

Le Code de la mer monégasque définit dans son article L524-3 le contrat de passage comme étant le contrat par lequel le transporteur s'oblige à transporter par mer, sur un trajet défini, un voyageur qui s'oblige à acquitter le prix du passage.

Il en résulte que le contrat par lequel la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA s'est obligé à transporter Madame j TR pour une croisière dans le pacifique sud au départ et à destination de Papeete (Tahiti) courant mai 2008 constitue un contrat de passage soumis aux dispositions des articles L 524-1 et suivants du Code de la mer précité.

* sur la recevabilité de l'action

L'article L524-19 alinéa 4 du Code de la mer prévoit qu'en cas de dommages corporels, des protestations écrites doivent être adressées par le passager ou pour son compte 15 jours au plus tard après la date du débarquement, à peine d'irrecevabilité de l'action en responsabilité.

Les dispositions du Code de la mer relatives au transport des passagers sont certes d'ordre public, mais il s'agit d'un ordre public de protection.

En effet, l'article L524-2 précise qu'elles ne peuvent pas être écartées au détriment du passager, ce qui suppose, à contrario, qu'il peut y être dérogé au bénéfice du passager.

En l'espèce, l'article 11 du contrat de passage signé par les parties stipule « aucune action ou procédure, y compris, sans s'y limiter, réelle et/ou personnelle, ne sera maintenue à l'encontre du transporteur pour toute perte, dommage ou préjudice envers le passager (…) à moins qu'une notification écrite de la requête avec les détails précis ne soit remise au transporteur au 4 rue de la Turbie à Monaco dans un délai de six mois à compter du jour de la perte, du dommage ou du préjudice subi par le passager ».

Les défenderesses allèguent qu'il s'agirait d'un délai s'ajoutant au délai de 15 jours prévu à peine de nullité dans la mesure où le texte fait mention du terme « action maintenue ».

Cependant, cette clause ne fait aucunement référence au délai légal monégasque de 15 jours mais prévoit au contraire, que le point de départ du délai de 6 mois ouvert au passager pour effectuer des protestations, court à compter du préjudice subi par le passager.

En outre, la formule « aucune action ne peut être maintenue » peut être entendue dans sa traduction française comme «aucune procédure ne peut être poursuivie », ce qui peut aussi bien signifier «ne peut être engagée ».

En tout état de cause, il ne peut en être déduit des conséquences plus défavorables pour le passager.

En conséquence, Madame j TR, qui a adressé ses premières protestations à la société STAR CLIPPERS par télécopie de son conseil américain du 6 octobre 2008, soit dans le délai de six mois à compter de l'accident survenu le 16 mai 2008, se trouve recevable dans son action en responsabilité, en vertu des dispositions de l'article 11 du « contrat de passage » signé par les parties, applicable en l'espèce.

* sur la mise hors de cause de la SAM STAR CLIPPERS MONACO

La SAM STAR CLIPPERS MONACO soutient qu'elle n'était pas le propriétaire, ni le transporteur du navire de croisière « STAR FLYER » sur lequel Madame j TR a embarqué le 11 mai 2008 et qu'il convient de la mettre hors de cause.

À l'appui de ses affirmations, elle verse aux débats :

* une attestation de la conservation des hypothèques maritimes de Luxembourg indiquant que ce navire était la propriété de la société de droit belge Star Flyer NV.B-9000 Gent et a été radié du registre des navires le 25 août 2010 ;

* une déclaration de propriété de Monsieur k KR administrateur de la société STAR FLYER LTD, dont le siège social est à Nassau aux Bahamas, attestant être propriétaire du navire depuis le 30 juillet 2010.

Il résulte de ces pièces que le navire STAR FLYER était, lors de l'accident survenu le 16 mai 2008, la propriété de la société de droit belge STAR FLYER LTD, entité juridique distincte de la SAM STAR CLIPPERS MONACO.

Cependant, il est intéressant de relever, après examen des statuts des sociétés défenderesses, que Monsieur k KR est également administrateur de la société la SAM STAR CLIPPERS MONACO et de la société la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA.

En outre, le « Cruise Ticket » ou « billet de croisière » remis à Madame j TR pour valoir titre de transport lors de sa traversée en mai 2008, est libellé à l'entête de la société STAR CLIPPERS.

L'article 11 du contrat de passage signé par la demanderesse le 10 avril 2008 précise expressément que toute réclamation devra être adressée au transporteur 4 rue de la Turbie à Monaco, adresse du siège social de la SAM STAR CLIPPERS MONACO.

Cette société a pour objet social « toutes prestations de services se rattachant aux croisières et voyages maritimes, gestion de société maritimes et de croisières. Achat, vente, affrètement de navires et toutes prestations de services s'y rattachant ».

Dans ce cadre, elle affrète également les navires de croisière.

Il faut également relever qu'après réception du courrier de réclamation du conseil américain de Madame j TR le 6 octobre 2008, lequel lui a été adressé conformément à l'article 11 du contrat de croisière, ainsi que les courriers de ses conseils italiens en date du 4 novembre 2008, la SAM STAR CLIPPERS MONACO n'a nullement fait valoir qu'elle n'était pas le transporteur du navire « STAR FLYER », mais a, au contraire cherché à résoudre à l'amiable le différend, en se comportant en « transporteur » du navire.

En outre, le « contrat de traversée » à l'entête de STAR CLIPPERS conclu entre Monsieur et Madame TR de nationalité américaine et la société LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA, société de droit luxembourgeois, comporte une clause d'attribution de compétence aux juridictions monégasques avec volonté de se soumettre aux lois régissant la Principauté de Monaco, dont le seul lien avec le contrat est le lieu de domiciliation du siège social de la SAM STAR CLIPPERS MONACO.

Il ne peut dès lors être prétendu que cette dernière est étrangère au contrat de traversée.

Enfin, même à considérer que la société SAM STAR CLIPPERS MONACO ne serait pas le transporteur du navire, sa responsabilité peut être recherchée en qualité d'organisateur de croisière, puisque le billet de croisière délivré à Madame j TR est à l'entête de la société et qu'elle est expressément désignée comme l'interlocuteur du passager en cas de réclamation notamment.

À ce titre, il résulte de l'application de l'article L524-33 du Code de la mer, que l'organisateur de croisière maritime est personnellement responsable des dommages survenus aux passagers ou à leurs bagages et ce dans les conditions et les limites des dispositions applicables à la responsabilité des transporteurs eux-mêmes, si le dommage résulte de l'exécution du contrat de transport, comme tel est le cas en l'espèce.

En conséquence, il n'y a pas lieu de mettre la SAM STAR CLIPPERS MONACO hors de cause.

* sur la responsabilité du transporteur

Aux termes des dispositions de l'article L524-14 du Code de la mer « le transporteur, qu'il soit ou non propriétaire du navire, est tenu de mettre et de conserver le navire en état de navigabilité, convenablement armé, équipé et approvisionné pour le voyage considéré au début du transport et à tout moment durant le transport et de faire toute diligence pour assurer la sécurité des passagers à tous autres égards ».

L'article 524-15 du Code de la mer dispose encore que « l'accident corporel survenu en cours de voyage ou pendant les opérations d'embarquement et de débarquement, soit aux ports de départ ou de destination, soit aux ports d'escale donne lieu à réparation par le transporteur s'il est établi qu'il a contrevenu aux obligations prescrites par l'article précédent ou qu'une faute a été commise par lui-même ou l'un de ses préposés ».

Il ressort de ces dispositions que l'obligation de sécurité dont le transporteur maritime est débiteur est une obligation de moyen mettant à la charge du passager la preuve que le transporteur a contrevenu à ses obligations ou a commis une faute, directement ou par l'intermédiaire de ses préposés.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame j TR a été gravement blessée à la main gauche alors que l'équipage la ramenait d'une excursion sur une île de l'archipel de Polynésie à bord d'une chaloupe vers le navire de croisière STAR FLYER, sa main ayant été écrasée entre la chaloupe et la passerelle dudit navire.

Elle produit à ce titre le compte rendu médical de consultation à l'hôpital de Huntington en date du 18 mai 2018 lequel atteste qu'elle présentait des fractures ouvertes des métacarpes de l'index et du majeur ainsi que des fractures angulées et déplacées de l'annulaire de la main gauche.

Madame j TR soutient que la chaloupe n'aurait pas comporté tous les équipements de protection nécessaires pour protéger les passagers des vagues et que le transporteur n'aurait pas fourni toutes les diligences utiles pour lui permettre de ré-embarquer sans dommage.

Les sociétés défenderesses se bornent à indiquer qu'aucun manquement ne peut leur être reproché et que la demanderesse a, en tout état de cause, signé le contrat de passage lequel comporte, dans son article 8-2, une clause de décharge de responsabilité en cas d'accident corporel résultant notamment de risque de navigation de toute sorte.

Cependant, cette clause déchargeant à l'avance le transporteur de toute responsabilité contractuelle, constitue une disposition moins favorable pour le passager que les termes du code de la mer, permettant à la victime de rechercher une faute du transporteur. Or, les dispositions des articles L. 524-1 et suivants du code de la mer ne peuvent être écartées au détriment des passagers. Dès lors, l'article 8-2 précité ne peut pas recevoir application.

En l'espèce, force est de constater que le tribunal ne dispose pas d'éléments permettant de déterminer les circonstances dans lesquelles s'est déroulé l'accident, si ce n'est le caractère agité de la mer sur lequel les parties s'accordent.

Dans la mesure où le capitaine a l'obligation de tenir un journal de bord et de faire rapport des évènements extraordinaires qui ont pu se produire pendant l'expédition et qu'il était difficile pour une passagère de nationalité américaine, une fois débarquée du navire de croisière, de se procurer des témoignages sur les circonstances de l'accident, il convient de réouvrir les débats afin d'enjoindre aux sociétés défenderesses de produire à la procédure le « rapport de mer » relatif à l'incident corporel survenu le 16 mai 2008 lors de l'embarquement de j TR.

Il convient dans l'attente de surseoir à statuer sur les autres demandes et de réserver les dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que la pièce n° 5 produite par Madame j TR doit être écartée des débats.

Déclare nulles les attestations correspondant aux pièces n° 9, n° 10 et n° 11 communiquées par Madame j TR.

Déclare l'action en responsabilité formée par Madame j TR recevable.

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la SAM STAR CLIPPERS MONACO.

Avant dire droit ;

Ordonne la réouverture des débats à l'audience du MERCREDI 9 AVRIL 2014 à 9 heures et enjoint à la SAM STAR CLIPPERS MONACO et la SA LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA de produire :

* le rapport de mer établi par le capitaine du navire relatant l'incident corporel survenu le 16 mai 2008 lors de l'embarquement de j TR ou tout autre élément permettant de déterminer les circonstances de l'accident.

Dit qu'à défaut, il en sera tiré toutes conséquences ;

Sursoit à statuer dans l'attente sur les autres demandes ;

Réserve les dépens en fin de cause.

Composition

Ainsi jugé par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 13 MARS 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Michèle HUMBERT, Premier Juge chargé des fonctions de Vice-Président, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11977
Date de la décision : 13/03/2014

Analyses

Le Code de la mer monégasque définit dans son article L. 524-3 le contrat de passage comme étant le contrat par lequel le transporteur s'oblige à transporter par mer, sur un trajet défini, un voyageur qui s'oblige à acquitter le prix du passage. L'article L. 524-19 alinéa 4 du Code de la mer prévoit qu'en cas de dommages corporels, des protestations écrites doivent être adressées par le passager ou pour son compte 15 jours au plus tard après la date du débarquement, à peine d'irrecevabilité de l'action en responsabilité. Les dispositions du Code de la mer relatives au transport des passagers sont certes d'ordre public, mais il s'agit d'un ordre public de protection. En effet, l'article L. 524-2 précise qu'elles ne peuvent pas être écartées au détriment du passager, ce qui suppose, a contrario, qu'il peut y être dérogé au bénéfice du passager.Il résulte de l'application de l'article L524-33 du Code de la mer, que l'organisateur de croisière maritime est personnellement responsable des dommages survenus aux passagers ou à leurs bagages et ce dans les conditions et les limites des dispositions applicables à la responsabilité des transporteurs eux-mêmes, si le dommage résulte de l'exécution du contrat de transport.Il ressort des articles L. 524-14 et L. 524-15 du Code de la mer que l'obligation de sécurité dont le transporteur maritime est débiteur est une obligation de moyen mettant à la charge du passager la preuve que le transporteur a contrevenu à ses obligations ou a commis une faute, directement ou par l'intermédiaire de ses préposés.

Transport maritime  - Transport de personnes  - Assurance et responsabilité.

Contrat de transport - Transport maritime de passagers - Contrat de passage - Définition - Passager - Dommage corporel - Responsabilité.


Parties
Demandeurs : j HO épouse TR
Défendeurs : la Société Anonyme Monégasque dénommée STAR CLIPPERS MONACO et la Société Anonyme de droit luxembourgeois dénommée LUXEMBOURG SHIPPING SERVICES SA

Références :

article L524-2 du Code de la mer
article L524-14 du Code de la mer
Code de procédure civile
article L524-33 du Code de la mer
article L. 524-19 alinéa 4 du Code de la mer
Code de la mer
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013
article 324 du Code de procédure civile
article L524-19 alinéa 4 du Code de la mer
article 524-15 du Code de la mer
articles L. 524-14 et L. 524-15 du Code de la mer


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-03-13;11977 ?

Source

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