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06/03/2014 | MONACO | N°11950

Monaco | Tribunal de première instance, 6 mars 2014, SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE c/ SCI du MÉTROPÔLE


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 6 MARS 2014

En la cause de :

La société à responsabilité limitée de droit monégasque dénommée SARL MANUFACTURE DE MONACO - BOUTIQUE, immatriculée au Registre du commerce et de l'industrie sous le n° 00 S03780, au capital social de 100.000 euros, dont le siège est sis 17 avenue des Spélugues - Centre commercial Le Métropole - 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant associé en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en

l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par led...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 6 MARS 2014

En la cause de :

La société à responsabilité limitée de droit monégasque dénommée SARL MANUFACTURE DE MONACO - BOUTIQUE, immatriculée au Registre du commerce et de l'industrie sous le n° 00 S03780, au capital social de 100.000 euros, dont le siège est sis 17 avenue des Spélugues - Centre commercial Le Métropole - 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant associé en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société civile particulière de droit monégasque dénommée SCI du METROPOLE, immatriculée au Répertoire spécial des sociétés civiles sous le n° 80 SC 04378, dont le siège est sis X à Monaco (98000), prise en la personne de son Gérant en exercice, M. f BO, demeurant X à Monaco (98000),

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Elie COHEN, avocat au barreau de Nice,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 27 septembre 2012, enregistré (n° 2013/000081) ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SCI du METROPOLE, en date des 12 décembre 2012, 24 avril 2013 et 9 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SARL MANUFACTURE DE MONACO - BOUTIQUE, en date des 13 mars 2013, 19 juin 2013 et 13 novembre 2013 ;

À l'audience publique du 9 janvier 2014, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 6 mars 2014 ;

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 27 avril 1988, la SAM MANUFACTURE DE PORCELAINE DE MONACO (dont le fonds de commerce a été apporté le 15 novembre 1999 à la SCS RO et Cie, puis a fait l'objet d'un apport à la société à responsabilité limitée SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE le 10 janvier 2008) a pris à bail un local commercial, n°225 situé au deuxième niveau de la galerie commerciale de l'ensemble LE MÉTROPÔLE, auprès de n BO (agissant pour le compte de A. Al-AM) pour y exposer des éléments relatifs à l'art de la table, des accessoires de mode en porcelaine et mosaïques et y accueillir sa clientèle.

Par acte sous seing privé en date du 2 mai 1995, la SAM MANUFACTURE DE PORCELAINE DE MONACO a pris à bail, pour une durée d'un an, un local dénommé « réserve n° P 46 » situé au premier sous-sol de l'ensemble immobilier du MÉTROPÔLE, auprès de la SCI du MÉTROPÔLE (représentée par n BO). Il était convenu un loyer annuel HT de 18.810 francs et stipulé que « les lieux loués ne pourront être utilisés qu'à usage de réserve ». Cette location a été reconduite par tacite reconduction jusqu'en septembre 2002.

Le 10 septembre 2002, la SCI du MÉTROPÔLE et la SCS RO et Cie ont conclu un nouveau contrat, intitulé « convention de location d'un dépôt », portant cette fois sur des locaux à usage de dépôt n° 90 P et 91 P (lot de copropriété n°523) situés au deuxième sous-sol du complexe immobilier du Métropole, aux lieu et place de l'emplacement n°P 46 précédemment loué. Il était stipulé une durée de 24 mois, un loyer de 6.300 euros la première année, puis 6.500 la seconde, ainsi que les mentions suivantes :

* « à l'expiration de ce délai, la présente convention cessera de plein droit, sans que le preneur ne puisse se prévaloir d'aucun droit d'occupation », (article 2),

* « le local ci-dessus désigné ne pourra être utilisé qu'à usage de dépôt » (article 3),

* « les parties conviennent expressément qu'aux termes du présent contrat, le preneur ne pourra en aucun cas se prévaloir de la loi n°490 sur les loyers commerciaux pour revendiquer la propriété commerciale des lieux loués, ce dépôt n'étant en aucun cas un accessoire d'un quelconque local commercial». (article 3).

Ce contrat a pris fin à son terme. Postérieurement les parties ont conclu les 20 septembre 2004, 14 septembre 2006, 12 septembre 2008, 7 octobre 2010, quatre contrats aux clauses similaires à celui du 10 septembre 2002, à l'exception du montant du loyer fixé par le contrat du 14 septembre 2010 à la somme de 14.850 euros pour la période de septembre 2011à septembre 2012.

Par courrier en date du 1er août 2012, la Société des Centres Commerciaux, agissant pour le compte de la SCI du MÉTROPÔLE informait la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE qu'à l'échéance du bail, le montant du loyer serait porté à la somme de 19.800 euros HT pour la période du 15/09/2012 au 15/09/2013 et de 20.790 euros HT pour la période du 15/09/2013 au 14/09/2014.

Par courrier en date du 14 septembre 2012, le conseil de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE faisait part à la SCI DU MÉTROPÔLE du refus de sa cliente de se voir notifier une telle augmentation de loyer alors que le renouvellement du bail de la réserve devrait être soumis aux dispositions de la loi n°490 du 24 novembre 1948.

Selon assignation en date du 27 septembre 2012, la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE faisait citer la SCI du MÉTROPÔLE devant le Tribunal de Première Instance. Elle sollicitait, tant aux termes de son exploit introductif d'instance que de ses conclusions en date des 13 mars, 19 juin et 13 novembre 2009 :

* qu'il soit constaté que la réserve située au 2ème sous-sol de la Galerie du Métropole est un local accessoire indispensable à l'exploitation commerciale de son fonds de commerce, au sens de la loi n° 490 du 24 novembre 1948,

* qu'il soit constaté que le bailleur a toujours eu connaissance que la réserve susmentionnée avait été louée en vue de son utilisation avec le fonds de commerce, et qu'en conséquence il soit jugé que la location dont s'agit relève du statut des baux commerciaux, tel que défini par la loi n° 490 du 24 novembre 1948,

* la condamnation de la SCI du MÉTROPÔLE au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts (conclusions du 19 juin 2013) et aux dépens.

À l'appui de ses demandes, la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE invoquait les dispositions de l'article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948.

Elle affirmait que ce local était indispensable à l'exploitation du fonds de commerce situé dans le même immeuble et que le bailleur avait eu parfaitement connaissance, lors de la signature du bail de la réserve, que celle-ci serait utilisée par le preneur pour les besoins de l'exploitation de son commerce.

Qu'en effet, cette réserve qui s'analyse en un local annexe au sens du texte précité, serait utilisée pour constituer et conserver un approvisionnement de marchandises et pour assurer la réception et l'emballage des marchandises vendues.

Que dans la mesure où elle se trouve située au deuxième sous-sol, à un étage aménagé pour accueillir notamment des locaux de service, des dépôts et des emplacements de stationnement, ladite réserve n'aurait aucun intérêt en elle-même si elle n'était l'accessoire du local commercial exploité dans la galerie du Métropole. Qu'au surplus sa privation serait de nature à compromettre l'exploitation du fonds, du fait de l'exiguïté du local abritant le fonds de commerce. Qu'enfin l'activité commerciale ayant été étendue dès 1992, c'est à partir de cette date qu'elle s'était vue dans l'obligation de rechercher un local accessoire pour recevoir ses livraisons.

La connaissance par le bailleur de la destination des lieux loués résulterait des éléments suivants :

* la durée d'un tel usage, depuis le premier bail en 1995,

* la cession des murs de la boutique en 1996 à une SCI SAWI serait indifférent, dès lors que ceux de la réserve sont demeurés la propriété de la SCI du MÉTROPÔLE (dont M. BO est le gérant), laquelle sait parfaitement, depuis le début de la location, que le fonds de commerce est exploité au-dessus, au deuxième niveau du Centre Commercial du Métropole. Telle était d'ailleurs l'adresse apparaissant sur tous les contrats de bail intéressant la réserve.

* l'attestation produite aux débats établie par une personne ayant assuré la direction du Centre commercial le MÉTROPÔLE, de 1993 à 2008.

Dès lors, en application de l'article 28 de la loi n° 490, les stipulations du bail relatives à l'exclusion de cette loi doivent être réputées non écrites. La demanderesse insistait à cet égard sur le fait que n'ayant nullement les moyens d'en négocier les termes sur un plan d'égalité avec le bailleur, vu la nécessité pour elle de disposer à tout prix d'une réserve, le bail litigieux s'analysait en un véritable contrat d'adhésion.

La demanderesse indiquait enfin avoir adressé à la SCI du MÉTROPÔLE le 25 septembre 2012 un chèque d'un montant de 4.753,89 euros, correspondant au règlement du loyer et des provisions sur charges relatifs au dernier trimestre 2012, dont la bailleresse lui avait fait retour en invoquant l'expiration du contrat.

Elle concluait enfin à l'irrecevabilité de la demande subsidiaire de la SCI du MÉTROPÔLE tendant à obtenir le renvoi de l'affaire devant le Président du Tribunal de Première Instance en application de l'article 4 de la loi n° 490.

En défense, la SCI du MÉTROPÔLE a conclu les 12 décembre 2012, 24 avril 2013 et 9 octobre 2013 en sollicitant au final :

* le débouté des demandes de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE,

* l'expulsion de la demanderesse des emplacements n° 90 P et 91 P lots de copropriété n° 523 situés au 2e sous-sol de la galerie du Métropole, 17 avenue des Spélugues à Monaco, ainsi que de tous occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique,

* la condamnation de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation s'élevant à 1.480 euros depuis le 15 septembre 2012 jusqu'à la restitution des locaux, objet du bail en date du 7 octobre 2010,

* la condamnation de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices générés par des agissements déloyaux et abusifs,

* à titre subsidiaire, s'il devait être considéré que la location litigieuse relevait du statut des baux commerciaux, qu'il soit constaté qu'en tant que bailleresse, elle manifestait son intention de s'opposer au renouvellement du bail et que les parties soient renvoyées en conséquence devant le Président du Tribunal de Première Instance en application des dispositions de l'article 4 de la loi n° 490, afin qu'à défaut de conciliation, elles puissent faire valoir leurs prétentions respectives, notamment sur l'éventuelle indemnité d'éviction.

Au soutien de ses prétentions, la bailleresse indiquait que la SARL MANUFACTURE DE MONACO

BOUTIQUE avait refusé de libérer le dépôt loué, malgré l'arrivée du terme du contrat de bail le 14 septembre 2012. Dès lors elle avait initié une procédure en référé le 25 septembre 2012, pour faire constater son occupation sans droit ni titre. Par ordonnance en date du 23 janvier 2013, le Juge des référés s'était déclaré incompétent pour statuer sur ces demandes, au motif qu'il existait une contestation sérieuse tenant au statut applicable aux lieux loués.

S'agissant de la nature accessoire au fonds de commerce du local loué, la SCI du METROPLE indiquait que les termes de l'accord contractuel convenu entre les parties devaient constituer le critère d'appréciation unique, à l'exclusion de l'usage que déclare faire le preneur du dépôt qui lui est loué.

Or, en indiquant que le dépôt n'était en aucun cas un accessoire d'un quelconque fonds de commerce, les parties avaient entendu, de façon claire et réitérée, spécifier la nature de cette réserve. Interdiction était ainsi faite à la MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE de faire du dépôt l'accessoire de son fonds de commerce et dès lors, le caractère d'ordre public de la loi n° 490, que la SCI du MÉTROPÔLE ne conteste pas, serait un élément indifférent.

En outre, la réserve litigieuse ne serait nullement indispensable à l'exploitation du fonds de commerce puisque pendant 7 années, de 1988 à 1995, la MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE n'avait pas disposé d'un quelconque dépôt dans les locaux du Métropole. De plus, les quatre niveaux en sous-sol de l'ensemble LE MÉTROPÔLE accueillent près de 140 réserves, si bien qu'une interchangeabilité existerait en l'espèce, qui ôterait tout caractère indispensable au local litigieux. De manière plus générale, les locaux utilisés à usage de dépôts ne pourraient avoir la qualité de locaux nécessaires à l'exploitation.

Enfin, l'utilisation jointe de la réserve au fonds de commerce n'avait pas été portée à la connaissance du bailleur, la société preneuse s'étant vue au contraire interdire une telle utilisation. S'il en était autrement, tous les preneurs pourraient, de leur seule volonté, modifier le régime juridique soumis à leur location.

Cette instance au fond n'aurait été qu'un prétexte pour la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE afin de retarder l'issue de celle introduite en référé par la SCI du MÉTROPÔLE, ce qui justifierait la condamnation de la demanderesse à des dommages et intérêts.

SUR QUOI :

Sur le droit applicable à la location objet du litige :

Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi n°490 du 24 novembre 1948 le renouvellement des baux à loyers des locaux et immeubles où s'exploite un fonds de commerce depuis au moins trois ans consécutifs, en vertu d'une ou plusieurs conventions écrites ou verbales, que ce fonds appartienne à un commerçant, un industriel ou un artisan, est régi par les dispositions de cette loi ;

Que l'alinéa 2 du même article dispose « ces dispositions s'appliquent également aux locaux accessoires dépendant dudit fonds, s'ils appartiennent au même propriétaire, à la condition qu'ils soient nécessaires à l'exploitation artisanale, commerciale ou industrielle, et, s'ils appartiennent à un autre propriétaire, à la condition que la location qui concerne ces locaux accessoires ait été faite en vue de l'utilisation jointe que leur destinait le preneur et que cette destination ait été connue du bailleur au moment de la location » ;

Attendu que l'article 28 de cette loi énonce, « seront nuls et de nul effet, quels qu'en soient la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour conséquence directe de faire échec aux dispositions de la présente loi » ;

Attendu qu'en application de ces textes, le juge n'est pas tenu, en matière de détermination de l'existence de baux commerciaux, par la qualification donnée par les co-contractants à leur convention ;

Qu'il lui appartient au contraire de rechercher la réalité de l'exploitation d'un fonds d'un commerce ou encore l'utilisation concrète réalisée dans les locaux pendant une période consécutive de trois années, pour déterminer le régime juridique applicable ;

Attendu en l'espèce que pendant trois années consécutives à échéance du 14 septembre 2012, un fonds de commerce a été exploité dans un local situé au second niveau de l'ensemble immobilier « LE MÉTROPÔLE », par la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE, en vertu d'un bail consenti le 27 avril 1988 par A. Al-AM, le bailleur étant désormais depuis 1996 une SCI SAWI ;

Attendu qu'il y a lieu de déterminer si le « dépôt constitué des emplacements n° 90 P et 91 P-lot de propriété n° 523 au niveau -2 du complexe immobilier du Métropole », objet du présent litige, donné également à bail à la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE depuis plus de trois ans au 14 septembre 2012 (du fait de cinq conventions successives et identiques, sauf le montant du loyer, d'une durée de deux ans chacune), par la SCI DU MÉTROPÔLE peut se voir appliquer les dispositions relatives au renouvellement des baux commerciaux ;

Qu'il convient donc, dès lors qu'il apparaît que le local où s'exerce le fonds de commerce et les emplacements suscités appartiennent à deux personnes juridiques distinctes, de déterminer, d'une part si ce dépôt a été loué en tant que local accessoire au fonds de commerce pour une utilisation jointe par le preneur et d'autre part la connaissance par le bailleur de cet usage envisagé par le preneur au moment de la location ;

Attendu que la volonté de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE d'utiliser les locaux objets du litige à des fins de locaux accessoires, c'est à dire en l'espèce de réserve pour son fonds de commerce, est indéniable ;

Qu'il n'est en effet pas contesté que la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE ne dispose à Monaco que d'un seul local pour recevoir la clientèle et exposer un certain choix d'articles, nécessairement réduit, et qu'elle a un besoin impérieux, du fait même de la nature de son activité (vente de porcelaine, arts de la table, cadeaux et articles de décoration et généralement toutes opérations commerciales, industrielles, financières, mobilières et immobilières se rapportant à l'objet), d'une réserve afin de conserver un approvisionnement suffisant ;

Attendu, quant à la connaissance de la destination des locaux par la société bailleresse, que celle-ci ressort également indubitablement des éléments du dossier et ce dès avant même la signature du dernier contrat de bail du 14 septembre 2010.

Qu'en effet, même si le bailleur du fonds de commerce et celui des locaux litigieux sont des personnes différentes force est de constater toutefois que le bail commercial initial a été conclu par M. Al-AM, représenté par M. n BO et que la SCI du MÉTROPÔLE avait également pour gérant en 2002, lors de la signature du premier contrat concernant les locaux litigieux M. n BO, si bien que la SCI du MÉTROPÔLE ne pouvait ignorer l'existence dans les mêmes murs, d'un fonds de commerce exploité par la preneuse ;

Que cette connaissance et de là, la certitude que la location litigieuse serait sans intérêt pour la société preneuse si elle n'était pas jointe à l'exploitation du fonds, ressort également du fait que l'adresse au MÉTROPÔLE de la SARL MANUFACTURE DE MONACO figure sur tous les contrats de location successifs, adresse à laquelle la bailleresse et son mandataire, la Société des Centres Commerciaux, lui faisaient parvenir les correspondances relatives aux augmentations de loyers ;

Que la défenderesse ne peut, à cet égard, se retrancher derrière les stipulations contractuelles pour nier sa connaissance de l'emploi effectif du local, dont la situation au sein du même complexe immobilier constitue un indice important quant à la nature de local annexe au fonds de commerce ;

Que le passé des relations contractuelles, notamment l'utilisation d'une première réserve de 1995 à 2002 est également en ce sens, la bailleresse ne pouvant légitimement penser à un usage des locaux pour une activité autre que celle exploitée dans le fonds de commerce aux étages supérieurs, alors même que l'objet social de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE est ciblé ;

Que b MA-GE, qui indique avoir été directeur du centre commercial le MÉTROPÔLE, pour le compte de la Société des Centres Commerciaux, de 1993 à 2008 atteste ainsi que « il va sans dire que c'est en toute connaissance de cause que les réserves situées au niveau -1, -2 -3 et louées par les commerçants du Centre, le sont, à usage de stockage des produits vendus dans les boutiques situées dans les étages du centre commercial. […]En matière de gestion, il nous a toujours été interdit de louer ces réserves plus de 24 mois afin que la propriété commerciale ne puisse être » acquise « par les exploitants. De cette manière, les loyers peuvent être augmentés dans des proportions, à la seule appréciation de la SCI du Métropole, les commerçants ayant trop peur des représailles et frais juridiques, ils s'inclinent depuis des années » ;

Attendu en conséquence que les dispositions de la loi n°490 du 24 novembre 1948 s'appliquent à la location objet du bail du 14 septembre 2010 entre la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE et la SCI du MÉTROPÔLE ;

Sur les demandes d'expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation présentées par la SCI du MÉTROPÔLE :

Attendu qu'en application de l'article 2 de la loi n° 490, l'arrivée de l'échéance n'a pas pour effet de droit d'entraîner une occupation sans droit ni titre du preneur en cas de maintien dans les lieux, du fait des dispositions relatives au renouvellement du bail ;

Attendu en conséquence qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'expulsion de la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE ;

Attendu que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation ne peut davantage être accueillie en raison du renouvellement du bail, le preneur pouvant demeurer redevable de loyers non réclamés en tant que tels en l'espèce et au sujet desquels, en outre, une tentative de paiement volontaire a été rejetée par la SCI du MÉTROPÔLE ;

Sur la demande de renvoi devant le Président du Tribunal de Première Instance :

Attendu que l'irrecevabilité de cette demande a été soulevée par la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE dans le dispositif de ses dernières conclusions du 13 novembre 2013, si bien qu'il y a lieu d'analyser cette exception ;

Qu'en tout état de cause, le bien-fondé d'une telle demande étant soumise à l'appréciation du Tribunal, un tel renvoi n'est pas de droit ;

Attendu que l'article 4 de la loi n° 490 s'applique de manière autonome ; que dans la mesure où il y est précisé que pour la procédure prévue par ce texte les parties comparaîtront, à la requête de la partie la plus diligente, la demande de la SCI du MÉTROPÔLE, si elle ne s'oppose à aucune fin de non-recevoir, ne peut en revanche être accueillie au fond ;

Sur les demandes aux fins de paiement de dommages et intérêts et les dépens :

Attendu que la SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE triomphant en sa demande, son action ne peut être considérée comme abusive et la demande de la SCI du MÉTROPÔLE aux fins de condamnation à dommages et intérêts sera donc rejetée ;

Attendu qu'en multipliant des contrats d'une durée de deux années pour tenter, vainement, de faire échapper les locaux loués au statut des baux commerciaux et en maintenant une contestation judiciaire à cet égard, la SCI du MÉTROPÔLE a commis une faute justifiant sa condamnation au paiement à la SARL MANUFACTURE DE MONACO d'une somme de 3.000 euros, en réparation de son préjudice issu de la nécessité d'introduire une action en justice ;

Attendu que la SCI du MÉTROPÔLE, qui succombe, sera condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire,

Dit que les dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 s'appliquent aux locaux intitulés « dépôt constitué des emplacements 90 P et 91 P lots de copropriété n° 523 » situés au niveau - 2 du complexe immobilier le MÉTROPÔLE, 17 avenue des Spélugues à MONACO, objet du contrat du 7 octobre 2010 conclu entre la SCI DU MÉTROPÔLE et la SARL MANUFACTURE DE MONACO - BOUTIQUE ;

Déboute par suite la SCI du MÉTROPÔLE de ses demandes tendant à voir ordonner l'expulsion de la SARL MANUFACTURE DE MONACO - BOUTIQUE de ces locaux, et à obtenir le paiement par celle-ci d'une indemnité d'occupation ;

Déboute la SCI du MÉTROPÔLE de sa demande subsidiaire tendant au renvoi des parties devant le Président du Tribunal de Première Instance en application de l'article 4 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ainsi que de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Condamne la SCI du MÉTROPÔLE à payer à la SARL MANUFACTURE DE MONACO - BOUTIQUE la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la SCI du MÉTROPÔLE aux dépens, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Mademoiselle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 6 MARS 2014, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11950
Date de la décision : 06/03/2014

Analyses

En application des articles 1er de 2 de la loi n°490 du 24 novembre 1948, le juge n'est pas tenu, en matière de détermination de l'existence de baux commerciaux, par la qualification donnée par les co-contractants à leur convention. Il lui appartient au contraire de rechercher la réalité de l'exploitation d'un fonds d'un commerce ou encore l'utilisation concrète réalisée dans les locaux pendant une période consécutive de trois années, pour déterminer le régime juridique applicable.Il convient, dès lors qu'il apparaît que le local où s'exerce le fonds de commerce et les emplacements suscités appartiennent à deux personnes juridiques distinctes, de déterminer, d'une part si ce dépôt a été loué en tant que local accessoire au fonds de commerce pour une utilisation jointe par le preneur et d'autre part la connaissance par le bailleur de cet usage envisagé par le preneur au moment de la location.En application de l'article 2 de la loi n° 490, l'arrivée de l'échéance n'a pas pour effet de droit d'entraîner une occupation sans droit ni titre du preneur en cas de maintien dans les lieux, du fait des dispositions relatives au renouvellement du bail.La demande en paiement d'une indemnité d'occupation ne peut être accueillie en raison du renouvellement du bail, le preneur pouvant demeurer redevable de loyers non réclamés en tant que tels en l'espèce et au sujet desquels, en outre, une tentative de paiement volontaire a été rejetée par la SCI M. .En multipliant des contrats d'une durée de deux années pour tenter, vainement, de faire échapper les locaux loués au statut des baux commerciaux et en maintenant une contestation judiciaire à cet égard, la SCI M. a commis une faute justifiant sa condamnation au paiement à la SARL MA. d'une somme de 3.000 euros, en réparation de son préjudice issu de la nécessité d'introduire une action en justice.

Baux commerciaux  - Contrat - Effets  - Immeuble à usage commercial.

Baux commerciaux - Qualification - Droit applicable - Expulsion - Indemnité d'occupation.


Parties
Demandeurs : SARL MANUFACTURE DE MONACO BOUTIQUE
Défendeurs : SCI du MÉTROPÔLE

Références :

article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 4 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
loi n°490 du 24 novembre 1948
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-03-06;11950 ?

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