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16/01/2014 | MONACO | N°11748

Monaco | Tribunal de première instance, 16 janvier 2014, G GU (aussi dénommé G G GU) c/ M JA


Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 16 JANVIER 2014

En la cause de :

M. J G GU (aussi dénommé G G GU), né le 4 septembre 1957 à Beyrouth (Liban), de nationalité américaine, demeurant « X », X CALIFORNIE,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

Mme M JA, demeurant X à Monaco,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI,

avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'explo...

Motifs

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 16 JANVIER 2014

En la cause de :

M. J G GU (aussi dénommé G G GU), né le 4 septembre 1957 à Beyrouth (Liban), de nationalité américaine, demeurant « X », X CALIFORNIE,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'une part ;

Contre :

Mme M JA, demeurant X à Monaco,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 8 novembre 2012, enregistré (n° 2013/000159) ;

Vu la déclaration originaire, de la société civile particulière dénommé SCI MJ, tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de M JA, en date des 13 février 2013, 26 juillet 2013 et 31 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de J G GU, en date des 23 avril 2013 et 9 octobre 2013 ;

À l'audience publique du 21 novembre 2013, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 16 janvier 2014 ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Suivant requête aux fins de saisie-arrêt de titres nominatifs, en date du 29 octobre 2012, J G GU, (également dénommé G G GU) sollicitait du Président du Tribunal de Première Instance l'autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt de titres nominatifs, en l'espèce sur la totalité des 25 parts sociales numérotées 26 à 50, détenues au nom de M JA, dans le capital social d'une société civile immobilière MJ, dont le siège social est situé au 37 boulevard d'Italie à Monaco, pour avoir sûreté, paiement et garantie d'une créance qu'il évaluait à 250.318,61 euros.

Par ordonnance en date du 30 octobre 2012, cette saisie-arrêt était autorisée, pour garantir une créance provisoirement évaluée à 120.000 euros.

Suivant acte du 8 novembre 2012, J G GU faisait procéder à ladite saisie, auprès de T JA, gérant de la SCI MJ.

Par le même acte, J G GU faisait assigner M JA devant le Tribunal de Première Instance aux fins de validation de la saisie pratiquée et de condamnation de la défenderesse au paiement du montant de ses causes.

À l'appui de ses demandes J G GU faisait valoir qu'il avait été sollicité pour sa sœur M JA et l'époux de celle-ci, T JA, pour qu'il participe, à hauteur de 250.000 euros, à un projet d'acquisition d'un bien immobilier sis au 41 avenue Wiston Churchill à Roquebrune-Cap-Martin, dénommé « Villa La Pastourelle », dans laquelle ils souhaitaient s'installer, outre réaliser à terme une plus-value du fait de la prévisible évolution à la hausse du marché immobilier dans ce secteur.

À cette fin, un accord était conclu le 1er avril 2004, prévoyant la création d'une société MJ entre J G GU, T JA et M JA et stipulant notamment :

* que sur toute somme empruntée et due par les époux JA et/ou par la société MJ, ceux-ci auraient l'entière responsabilité de leur remboursement et même si J G GU devait co-signer avec eux, ils garantiraient personnellement le paiement à titre de sûreté,

* que l'investissement de 250.000 euros de J G GU (considéré comme un prêt consenti à la SCI MJ) serait rémunéré par un taux d'intérêt de 8% annuel, plus 50 % de la plus-value à réaliser sur la propriété de la maison, une revente devant intervenir dans les quatre années,

* que 50% des parts de la SCI à créer seraient affectées à J G GU et que toute somme que J G GU transférerait sur un compte des époux JA serait considérée comme un prêt consenti à la SCI MJ, remboursable par les époux JA à la première demande.

Par acte notarié en date du 28 mai 2004, la SCI MJ était créée, le capital social étant réparti entre J G GU (50 %), M JA (25 %) et T JA (25 %), T JA étant désigné comme gérant.

Entre le 4 avril et le 9 août 2004, J G GU transférait en plusieurs virements, une somme totale de 278.000 euros pour le financement de l'opération envisagée.

Par acte authentique en date du 13 août 2004, par devant maître Eric CEVAER, Notaire à Cap d'Ail, un contrat de prêt était conclu entre la BNP PARIBAS et la société MJ, pour un montant de 550.000 euros, remboursable en 235 termes mensuels d'un montant fonction d'un taux variable, pour l'acquisition du bien immobilier « Villa La Pastourelle ».

Par le même acte, J G GU, M JA et T JA réitéraient un engagement de caution solidaire du remboursement de ce prêt.

La SCI MJ a acquis la villa « La Pastourelle ».

J G GU indiquait que les époux JA allaient rapidement se trouver dans l'incapacité de faire face aux échéances du prêt contracté par la SCI MJ. Il aurait pallié ces manquements en transférant une somme globale de 150.918,02 euros entre le 29 novembre 2004 et le 18 avril 2007, au bénéfice de la SCI MJ.

Il aurait sollicité en début d'année 2008 de T JA la vente du bien immobilier objet de l'opération, mais la fixation du prix de vente à 4.500.000 euros, aurait été réalisée à un montant volontairement trop élevé par les époux JA, dans le but de ne pas trouver acquéreur, aux fins pour eux de continuer à y demeurer.

Le demandeur indiquait qu'il aurait appris le 24 octobre 2011 que du fait de la défaillance des époux JA dans le paiement des échéances du prêt, la totalité de la somme restant due serait devenue exigible le 13 septembre 2010. Suite à un échéancier de paiement non respecté, la créance exigible de la BNP PARIBAS se serait élevée, le 11 avril 2012, à la somme de 492.472,95 euros.

J G GU exposait qu'il n'avait alors, face à la passivité de ses associés, pas entendu que soit couru le risque d'une saisie du bien immobilier sur lequel une hypothèque avait été consentie au profit de la banque, et avait finalement payé au créancier, en sa qualité de caution solidaire, le montant du capital restant dû ainsi que le solde d'intérêts débiteurs, soit une somme forfaitaire de 460.637,23 euros, le 17 juillet 2012. La banque lui avait délivré quittance subrogative le 19 juillet 2012.

Le demandeur indiquait qu'il avait acquitté en tout une somme de 889.555,25 euros.

S'agissant du seul prêt, il estimait détenir une créance de 460.637,23 euros à l'encontre des époux JA, soit :

* dans le cadre de son recours entre cofidéjusseurs, contre les époux JA, en leur qualité de cautions solidaires de la SCI MJ, à concurrence de 25% chacun du capital social, une somme de 2 x 115.159,30 euros lui serait due, soit 230.318,61 euros, correspondant à 50 % de la somme qu'il a lui-même payée à la banque en exécution de son engagement de caution,

* dans le cadre de son recours subrogatoire, la SCI MJ, débiteur principal, devrait lui régler la somme dont il s'est acquitté au profit de la banque, soit 460.637,23 euros, à charge pour celle-ci, via son gérant, de recouvrer, en application de la répartition du capital social, 50% de cette somme auprès des époux JA, détenteurs de 25 % des parts chacun.

Il invoquait en premier lieu l'article 1872 du Code civil s'agissant du recours entre les cautions et la jurisprudence monégasque définissant la contribution à la dette entre elles proportionnellement à la fraction de capital social détenue.

En second lieu, il entendait donc exercer son recours subrogatoire, en tant que caution, contre le débiteur principal, soit la société MJ. Dans ce cadre, J G GU indiquait qu'exerçant alors les droits d'un créancier, il souhaitait faire usage de l'article 1021 du Code civil relatif à l'action oblique, en mettant en œuvre les droits et actions que la société MJ détiendrait sur ses propres débiteurs, ceux-ci étant en l'espèce les époux JA, ses associés.

Il ajoutait que ces derniers avaient refusé systématiquement de répondre à toutes ses correspondances et que la cession du bien immobilier, telle qu'elle avait été prévue, n'avait toujours pas eu lieu.

En défense, M JA a conclu les 13 février, 26 juillet et 31 octobre 2013 en soulevant, in limine litis, l'incompétence du Tribunal de Première Instance, au visa d'une clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises stipulée dans l'acte de prêt authentique du 13 août 2004.

Elle a sollicité, en outre, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait de conclure au fond et enfin le rejet de toute demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par J G GU.

À l'appui ses demandes M JA faisait valoir que le demandeur se prévalait de sa subrogation, en qualité de caution, dans les droits du créancier BNP PARIBAS. En tant que cofidéjusseur, elle indiquait pouvoir opposer à la caution subrogée toutes les exceptions dont aurait pu se prévaloir le débiteur principal, autrement dit les exceptions de fait et de droit inhérentes à la dette qui auraient pu être invoquées par le débiteur principal à l'encontre du créancier.

Or, il était stipulé en page 16 du contrat de prêt notarié du 13 août 2004 qu'il « est fait attribution de compétence aux Tribunaux français pour toutes les instances et procédures et ce, même en cas de pluralité d'instances ou de parties et même d'appel en garantie ».

La validité d'une telle clause ne saurait être contestée et s'imposerait tant à l'égard de l'ancien titulaire du droit que du créancier subrogé.

L'invocation des articles 2 et 3 du Code de procédure civile par le demandeur ne saurait prospérer, puisque, justement, les parties avaient entendu déroger, comme elles le pouvaient, à ces dispositions, par une clause attributive de compétence.

Il n'y aurait eu aucune renonciation commune des parties à se prévaloir de cette clause, laquelle en outre n'aurait pas été stipulée dans le seul intérêt d'une partie, puisque le contrat de prêt avait été négocié, que le bien immobilier était situé en France, que la loi française était applicable au fond au contrat de prêt et qu'enfin, le demandeur était de nationalité américaine, elle-même libanaise et son époux syrien.

En outre, bien que les conditions de l'action oblique invoquée par le demandeur ne soient nullement remplies, elle entendait néanmoins, en sa qualité de débitrice supposée de la SCI MJ, se prévaloir de la même exception d'incompétence, dans la mesure où J G GU agissant dans le cadre de son recours subrogatoire contre la SCI MJ, les exceptions opposables au créancier originaires pouvaient lui être valablement présentées.

J G GU a conclu les 23 avril et 9 octobre 2013 en sollicitant le rejet de l'exception d'incompétence soulevée, outre l'octroi de ses demandes initialement présentées et la condamnation additionnelle de M JA au paiement d'une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il faisait valoir :

1/ que la compétence juridictionnelle devait s'apprécier lege fori, soit en l'espèce en application de la loi monégasque.

2/ que s'agissant de l'action entre cofidéjusseurs, le Tribunal de Première Instance serait compétent en application de l'article 2 du Code de procédure civile, le domicile du défendeur étant situé à Monaco, en combinaison avec l'article 3-9 du même code, relatif à la compétence de la présente juridiction pour les demandes en validité de saisies formées. En effet, l'article 3-9 bis du Code de procédure civile qui, seul, exclut la compétence de la juridiction monégasque en présence d'une clause conventionnelle ne serait pas applicable.

Que de plus, il résulterait de la jurisprudence monégasque qu'une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère serait inopposable à celle des deux parties dans l'intérêt de laquelle une telle clause avait été insérée au contrat, lorsque celle-ci était invoquée par son co-contractant qui n'avait, pour sa part, aucun intérêt à la mettre en œuvre.

Enfin, le contrat du 1er avril 2004, entre les parties au présent litige contiendrait quant à lui une clause attributive de compétence aux juridictions monégasques.

3/ que s'agissant de l'action oblique, J G GU était créancier de la SCI MJ, elle-même créancière des époux JA.

Dès lors, les moyens de défense susceptibles d'être opposés par les époux JA à J G GU ne pourraient être que ceux qu'ils seraient en droit d'opposer à la SCI. Aucun élément ne serait rattaché à cet égard au contrat de prêt entre la SCI MJ et la BNP PARIBAS.

L'effet relatif des conventions s'opposerait également au principe de l'exception d'incompétence soulevée, les époux JA, malgré leur qualité de cautions, ne demeurant pas moins tiers au contrat de prêt du 13 août 2004.

L'affaire était plaidée à l'audience du 21 novembre 2012 sur la seule exception d'incompétence.

SUR QUOI :

Attendu que l'acte du 13 août 2004, portant contrat de prêt entre la BNP PARIBAS et la société civile immobilière de droit monégasque MJ et engagement de caution solidaire de T JA, M JA GU épouse JA et J G GU (dont il n'est pas contesté qu'il est la personne dénommée dans l'acte « G G GU ») de l'emprunt contracté par la société MJ, contient plusieurs rubriques, non numérotées, dont l'une, en pages 15 et 16 est intitulée « élection de domicile » et dont le contenu est le suivant :

« Pour l'exécution des présentes et de leurs suites, domicile est élu :

* pour la banque, à l'agence de Monte Carlo, Galerie Charles III, Principauté de Monaco,

* pour les bénéficiaires du crédit en leur demeure sus-indiquée (le Tribunal notant à cet égard qu'il s'agit pour les époux JA de domiciles en Principauté de Monaco),

Il est expressément fait attribution de compétence aux Tribunaux français pour toutes les instances et procédures et ce, même en cas de pluralité d'instances ou de parties ou même d'appels en garantie. » ;

Attendu que pour s'opposer à l'application de cette clause, telle que sollicitée par la défenderesse, J G GU ne peut en premier lieu valablement opposer les dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure civile ;

Que certes, parmi ces textes, seul l'article 3-9 bis, qui donne compétence aux juridictions monégasques pour toutes les actions ayant pour objet le fond du litige, dans les cas de demandes en validité ou mainlevée de saisie-arrêt notamment, énonce expressément le cas d'une clause attributive de compétence à une autre juridiction, pour écarter la compétence des juridictions monégasques, mais qu'une telle clause peut également être stipulée dans toute autre situation ;

Attendu justement que cet article 3-9 bis a été introduit par la loi n°1.295 du 29 décembre 2004 pour créer un critère de compétence autonome, lorsque les autres conditions des articles 2 et 3 ne sont pas remplies ; Que toutefois, en l'espèce, la défenderesse est domiciliée à Monaco ce qui justifie la compétence des juridictions monégasques, (article 2 du Code de procédure civile) sans nécessité de recourir aux dispositions de l'article 3-9 bis ;

Attendu, en cas de compétence des juridictions monégasques acquise sur un fondement autre que celui de l'article 3-9 bis, que les parties peuvent tout de même déroger à celle-ci en cas de stipulation d'une clause attributive de compétence licite, dont les critères seront rappelés infra ;

I/ Sur l'exception d'incompétence analysée dans le cadre du recours entre cofidéjusseurs :

Attendu qu'aux termes de l'article 1872 du Code civil, lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ;

Attendu que dans ce cadre, la caution bénéficie d'un recours propre contre ses cofidéjusseurs, mais également d'un recours subrogatoire fondé sur les articles 1104 et suivants du Code civil ; Que dans ce dernier cas, les cofidéjusseurs peuvent opposer à la caution solvens, les exceptions qu'ils auraient pu opposer au créancier, soit, en application de l'article 1875 du Code civil, toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais pas celles qui sont purement personnelles au débiteur ;

Qu'en l'espèce, le demandeur a qualifié dans ses propres conclusions son recours contre son cofidéjusseur de subrogatoire ;

Attendu cependant, que par exception inhérente à la dette, il faut entendre le fait que la caution puisse opposer au créancier (et en l'espèce le cofidéjusseur à la caution solvens) toutes les causes d'inefficacité ou d'extinction de l'obligation garantie, telles que la nullité, la résolution, la remise de dette, la prescription, la novation ;

Que du caractère accessoire du cautionnement, il résulte uniquement que seul l'objet de l'obligation de la caution est tributaire de la dette garantie, alors que le lien obligatoire créancier-caution, doté d'une existence propre, est distinct de celui liant le créancier au débiteur principal ;

Attendu en conséquence que dans ce cas précis la clause attributive de compétence ne peut être invoquée par le cofidéjusseur sur le fondement de l'exception inhérente à la dette de la SCI MJ ;

Attendu cependant que cette clause figure dans un contrat unique de prêt et de cautionnement ;

Qu'elle se situe dans un contexte international en présence d'une banque prêteuse française, d'une société emprunteuse monégasque et de cautions de nationalité syrienne et libanaise, domiciliées s'agissant des époux JA, à Monaco ;

Que de plus, dans la mesure où elle ne fait pas échec à une compétence territoriale impérative au sens de la loi du for monégasque, et ne concerne pas l'état des personnes, la validité d'une telle clause n'est pas discutable ;

Attendu cependant qu'il est également de principe que quand une clause attributive de compétence a été stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties, celle-ci a la possibilité d'y renoncer, le procès étant alors porté devant la juridiction qui aurait été compétente pour en connaître en l'absence d'une telle clause, juge naturel du défendeur (Cour d'appel, 6 octobre 1992, O c/ETF, TPI, 16 juin 2005, TPI, 19 octobre 2006) ;

Attendu en l'espèce qu'il est manifeste que la clause attributive de compétence a été stipulée en faveur de la banque prêteuse française, aux fins de faire juger devant son juge national tout contentieux pouvant apparaître avec la SCI monégasque MJ et/ ou les cautions ;

Que néanmoins, tant la société MJ, de droit monégasque, que les époux JA, qui ne sont pas de nationalité française et ne sont pas domiciliés en France, n'ont aucun intérêt à la compétence des juridictions françaises ;

Que la faculté de renonciation doit d'autant plus jouer en l'espèce dans le cadre du recours entre cofidéjusseurs que la caution solvens subrogée, de nationalité américaine et domiciliée aux États-Unis, n'a également aucun intérêt à porter le présent litige devant les juridictions françaises ;

Attendu en conséquence que l'exception d'incompétence soulevée par M JA sera donc rejetée de ce premier chef ;

II/ Sur l'exception d'incompétence analysée dans le cadre de « l'action oblique » :

Attendu que J G GU invoque, à l'appui de l'autre branche de sa demande, l'action oblique en application de l'article 1020 du Code civil ;

Que dans ce seul cadre, et sans préjudice à ce stade de l'analyse du bien-fondé de ses demandes, force est de constater que les époux JA ne pourraient opposer à J G GU que des moyens tirés de leurs relations avec la SCI MJ, puisque J G GU prétend pouvoir exercer les droits et actions de cette société dont il s'estime créancier, à l'encontre des époux JA qui en seraient selon lui les débiteurs ;

Que dès lors, la clause attributive de compétence contenue dans le contrat de prêt et de cautionnement du 13 août 2004 apparaît tout à fait indifférente ;

Qu'au surplus, dans le cadre du recours subrogatoire de la caution contre la société MJ, sur le fondement de l'article 1868 du Code civil, nécessaire à l'indispensable reconnaissance préalable de la qualité de créancier de la société MJ à J G GU, et si tant est que la défenderesse puisse faire valoir des arguments au bénéfice de la société MJ, la renonciation sus-évoquée à se prévaloir de la clause attributive de compétence, conduit au rejet de l'exception d'incompétence territoriale soulevée ;

Attendu en définitive que le Tribunal de Première Instance étant compétent pour connaître du présent litige, l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur doit être en conséquence rejetée ;

Attendu que l'examen du surplus des demandes et les dépens seront réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, avant dire droit au fond,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par M JA et se déclare compétent pour connaître du litige ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du MERCREDI 12 FÉVRIER 2014 à 9 heures, pour conclusions au fond de M JA ;

Réserve l'examen du surplus des demandes et les dépens en fin de cause.

Composition

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 16 JANVIER 2013, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 11748
Date de la décision : 16/01/2014

Analyses

La BNP PARIBAS et la société civile immobilière de droit monégasque MJ ont conclu un contrat de prêt, portant aussi engagement de caution solidaire de T JA, M JA GU épouse JA et J G GU (dont il n'est pas contesté qu'il est la personne dénommée dans l'acte « G G GU »). Le contrat comporte une clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises. La défenderesse est domiciliée à Monaco, ce qui justifie la compétence des juridictions monégasque sans nécessité de recourir aux dispositions de l'article 3-9 bis. Mais en cas de compétence des juridictions monégasques, les parties peuvent tout de même déroger à celle-ci en cas de stipulation d'une clause attributive de compétence licite.En l'espèce la défenderesse est domiciliée à Monaco ce qui justifie la compétence des juridictions monégasques (article 2 du Code de procédure civile) sans nécessité de recourir aux dispositions de l'article 3-9 bis.Sur l'exception d'incompétence analysée dans le cadre du recours entre cofidéjusseurs, il est rappelé que dans le cadre de l'article 1872 du code civil, la caution bénéficie d'un recours propre contre ses cofidéjusseurs, mais également d'un recours subrogatoire fondé sur les articles 1104 et suivants du Code civil. Dans ce dernier cas, les cofidéjusseurs peuvent opposer à la caution solvens, les exceptions qu'ils auraient pu opposer au créancier, soit, en application de l'article 1875 du Code civil, toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais pas celles qui sont purement personnelles au débiteur. Cependant, par exception inhérente à la dette, il faut entendre le fait que la caution puisse opposer au créancier (et en l'espèce le cofidéjusseur à la caution solvens) toutes les causes d'inefficacité ou d'extinction de l'obligation garantie, telles que la nullité, la résolution, la remise de dette, la prescription, la novation.Du caractère accessoire du cautionnement, il résulte uniquement que seul l'objet de l'obligation de la caution est tributaire de la dette garantie, alors que le lien obligatoire créancier-caution, doté d'une existence propre, est distinct de celui liant le créancier au débiteur principal. En conséquence dans ce cas précis la clause attributive de compétence ne peut être invoquée par le cofidéjusseur sur le fondement de l'exception inhérente à la dette de la SCI MJ. Cependant que cette clause figure dans un contrat unique de prêt et de cautionnement. Elle se situe dans un contexte international en présence d'une banque prêteuse française, d'une société emprunteuse monégasque et de cautions de nationalité syrienne et libanaise, domiciliées s'agissant des époux JA, à Monaco. De plus, dans la mesure où elle ne fait pas échec à une compétence territoriale impérative au sens de la loi du for monégasque, et ne concerne pas l'état des personnes, la validité d'une telle clause n'est pas discutable.Quand une clause attributive de compétence a été stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties, celle-ci a la possibilité d'y renoncer, le procès étant alors porté devant la juridiction qui aurait été compétente pour en connaître en l'absence d'une telle clause, juge naturel du défendeur.En l'espèce il est manifeste que la clause attributive de compétence a été stipulée en faveur de la banque prêteuse française, aux fins de faire juger devant son juge national tout contentieux pouvant apparaître avec la SCI monégasque MJ et/ ou les cautions. Néanmoins, tant la société MJ, de droit monégasque, que les époux JA, qui ne sont pas de nationalité française et ne sont pas domiciliés en France, n'ont aucun intérêt à la compétence des juridictions françaises. En conséquence l'exception d'incompétence soulevée par M JA est rejetée.Concernant l'action oblique en application de l'article 1020 du Code civil, les époux JA ne pourraient opposer à J G GU que des moyens tirés de leurs relations avec la SCI MJ, puisque J G GU prétend pouvoir exercer les droits et actions de cette société dont il s'estime créancier, à l'encontre des époux JA qui en seraient selon lui les débiteurs. Dès lors, la clause attributive de compétence contenue dans le contrat de prêt et de cautionnement du 13 août 2004 apparaît tout à fait indifférente. Le Tribunal rejette l'exception d'incompétence soulevée par M JA et se déclare compétent pour connaître du litige.

Pacte d'actionnaires et d'associés  - Contrat - Inexécution  - Garanties et responsabilité.

Tribunal de première instance - Compétence - Clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises - Demandeur domicilié aux États-Unis - Défendeur domicilié à Monaco - Compétence de la juridiction monégasque (oui).


Parties
Demandeurs : G GU (aussi dénommé G G GU)
Défendeurs : M JA

Références :

article 2 du Code de procédure civile
article 1872 du code civil
Code civil
article 1875 du Code civil
articles 2 et 3 du Code de procédure civile
loi n°1.295 du 29 décembre 2004
article 3-9 bis du Code de procédure civile
articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 18 juin 2013
article 1868 du Code civil
article 1021 du Code civil
article 1020 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2014-01-16;11748 ?

Source

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