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31/05/2012 | MONACO | N°8843

Monaco | Tribunal de première instance, 31 mai 2012, s. PI. c/ La LLOYDS TSB BANK PLC


Motifs

TRIBUNAL

DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 31 MAI 2012

En la cause de :

M. S. P., né le 27 juin 1965 à X, de nationalité italienne, sans profession, demeurant et domicilié Y à Monaco,

APPELANT, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant primitivement par Maître Bernard HOANG Thê VINH, avocat au barreau de Nice, puis par Maître Danièle RIEU, avocat en ce même barreau,

d'une part ;

Contre :

La LLOYDS TSB BANK PLC, société de droit

anglais, sise à Londres 25, Gresham Street, EC2V, 7HN, représentée par M. E. D., Group Chief Executive, y domicilié, et en P...

Motifs

TRIBUNAL

DE PREMIÈRE INSTANCE

R.

JUGEMENT DU 31 MAI 2012

En la cause de :

M. S. P., né le 27 juin 1965 à X, de nationalité italienne, sans profession, demeurant et domicilié Y à Monaco,

APPELANT, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant primitivement par Maître Bernard HOANG Thê VINH, avocat au barreau de Nice, puis par Maître Danièle RIEU, avocat en ce même barreau,

d'une part ;

Contre :

La LLOYDS TSB BANK PLC, société de droit anglais, sise à Londres 25, Gresham Street, EC2V, 7HN, représentée par M. E. D., Group Chief Executive, y domicilié, et en Principauté de Monaco, prise en la personne de son établissement de Monte-Carlo, 11 boulevard des Moulins, prise en la personne de son Directeur principal en exercice, M. D. V., demeurant et domicilié en cette qualité audit siège,

INTIMÉE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu le jugement du Tribunal du travail en date du 26 novembre 2009 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 21 décembre 2009, enregistré (n° 2010/000288) ;

Vu les conclusions de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, au nom de la société LLOYDS TSB BANK PLC, en date des 12 mai 2010, 7 juillet 2011 et 16 novembre 2011 ;

Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de s. PI., en date du 17 février 2011 et 30 septembre 2011 ;

Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, pour s. PI., en ses plaidoiries et conclusions ;

Ouï Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, pour la société LLOYDS TSB BANK PLC, en ses plaidoiries et conclusions ;

Ouï le ministère public ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Employé par la société LLOYDS TSB BANK depuis le 6 septembre 2004 d'abord en contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée à partir du 5 mars 2005, en qualité de « relationship manager », M. s. PI. s'est vu notifier par lettre du 19 avril 2006 remise en mains propres le 20 avril 2006, son licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 et a été dispensé d'effectuer le préavis.

Soutenant entre autre, que ce licenciement revêt un caractère abusif, M. s. PI. a saisi le tribunal du travail.

Par jugement du 26 novembre 2009, le tribunal du travail a :

* déclaré irrecevables la demande incidente de M. s. PI. tendant à l'octroi d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts et la demande reconventionnelle de la LLOYDS TSB BANK en remboursement de l'indemnité de congédiement,

* débouté M. s. PI. de ses autres demandes,

* débouté la LLOYDS TSB BANK de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

* condamné M. s. PI. aux dépens.

Par acte signifié le 21 décembre 2009, M. s. PI. a interjeté appel de ce jugement et a assigné la LLOYDS TSB BANK devant le tribunal de première instance de Monaco, aux fins de voir réformer le jugement du tribunal du travail dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

* de dire qu'il a été licencié abusivement et irrégulièrement par la LLOYDS TSB BANK,

* de condamner la LLOYDS TSB BANK à lui régler les postes de préjudices suivants :

* licenciement irrégulier 42.498 euros

* licenciement abusif pour cause non réelle et sérieuse 85.000 euros

* réparation du préjudice financier 90.000 euros

* paiement du bonus au titre de l'année 2005 30.000 euros

* réparation du préjudice moral du fait du licenciement 100.000 euros

* de condamner la LLOYDS TSB BANK aux entiers dépens distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après de multiples échanges de conclusions, l'affaire a été retenue à l'audience du 29 mars 2012.

M. s. PI. demande au tribunal :

* d'infirmer la décision du tribunal du travail et statuant à nouveau,

* de dire et juger qu'il devait recevoir le bonus 2005, soit la somme de 30.000 euros, ne serait-ce qu'à titre de dommages-intérêts pour non paiement discriminatoire,

* de dire et juger que le non respect des dispositions de la convention collective monégasque du travail du personnel des banques rend son licenciement sans motif valable et abusif,

* subsidiairement pour le cas où il n'en serait pas ainsi, de dire et juger que licencié au visa de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, il devait recevoir l'indemnité de licenciement de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et dire et juger que le licenciement, eu égard aux circonstances dans lesquelles il a été administré, est abusif,

* en conséquence, constater qu'il y a compensation entre l'indemnité de licenciement due et la somme réglée par erreur par la LLOYDS TSB BANK, d'un montant de 8.727 euros et condamner la LLOYDS TSB BANK à lui régler toutes causes de préjudices confondues, la somme de 317.498 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

* de condamner la LLOYDS TSB BANK aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

M. s. PI. expose qu'il est entré au service de la LLOYDS TSB BANK en sa succursale de Monaco à compter du 6 septembre 2004 en qualité de « Relationship Manager UK », « chargé de clientèle privée », d'abord pour une durée de six mois et que cette période « d'essai » fut parfaitement concluante puisque son engagement à durée indéterminée lui fut confirmé à compter du 5 mars 2005 avec une classification de cadre. M. s. PI. reproche à la LLOYDS TSB BANK de l'avoir licencié sans respecter la procédure prévue dans la convention collective monégasque du personnel des banques, à laquelle le contrat de travail faisait référence.

M. s. PI. rappelle qu'il n'a pas majoré sa demande en cause d'appel mais simplement sollicité toutes causes de préjudice confondues, la somme totale de 317.498 euros qu'il avait détaillée dans sa demande initiale, en réparation des préjudices subis ensuite du licenciement, outre la somme de 30.000 euros au titre du bonus en exécution du contrat de travail.

S'agissant de l'exécution du contrat de travail, M. s. PI. fait valoir que le principe du versement d'un bonus ne relève pas exclusivement de la discrétion de l'employeur et se réfère au plan de bonus dans lequel le bonus est fonction à la fois de la performance d'IPB, de la performance de l'équipe et de la performance individuelle.

Ainsi, M. s. PI. estime qu'à partir du moment où l'un des membres de l'équipe et même l'un des membres d'IPB a reçu un bonus, les autres membres, sous peine de discrimination et de non respect de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme, doivent le recevoir aussi, même si le montant peut être différent. M. s. PI. ajoute qu'au cours de l'année 2005, si l'on se réfère au tableau de bord prospectif concernant toute l'année et pas seulement le premier semestre, il a montré ses capacités et sa détermination et a collaboré efficacement au travail de son équipe, ainsi que le confirme un courrier du Directeur principal du 5 décembre 2005 et sollicite, à défaut de justification du montant versé à chaque salarié, la somme de 30.000 euros par comparaison avec la somme de 17.922 euros perçue par un autre salarié avec un portefeuille de 50.000.000 d'euros.

S'agissant du licenciement, M. s. PI. affirme à titre principal que la faculté légale de licencier un salarié au visa de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 sans motif, ne saurait éclipser les dispositions plus favorables de la convention collective monégasque du travail du personnel des banques, laquelle énumère limitativement les motifs de licenciement d'agents titulaires. M. s. PI. reproche donc aux premiers juges d'avoir oublié la hiérarchie des normes de droit et de ne pas avoir précisé la base juridique de leur décision et soutient qu'en le licenciant au mépris des dispositions de cette convention collective, sans indication de motif et sans respect de la procédure prévue, la LLOYDS TSB BANK, non seulement ne l'a pas licencié pour un motif valable, mais encore a fait un usage abusif de son droit de licencier en le spoliant de ses droits consacrés par ladite convention.

Subsidiairement pour le cas où le tribunal estimerait que le licenciement au visa de l'article 6 de la loi n° 729 serait recevable, M. s. PI. fait valoir que l'intention de la LLOYDS TSB BANK était de ne pas lui verser l'indemnité de licenciement, même si par erreur la LLOYDS TSB BANK a versé une indemnité de congédiement dont elle réclame encore aujourd'hui le remboursement, ce qui concrétise son désir de ne pas tirer les conséquences de l'utilisation de l'article 6 de la loi n° 729 pour rompre le contrat de travail. En outre, M. s. PI. prétend que les circonstances qui ont entouré la résiliation ne sont pas exemptes de tout abus, en faisant valoir qu'il a été licencié de manière soudaine et brutale, nonobstant le fait qu'il avait fait l'objet de deux avertissements notamment dans la correspondance du 1er décembre 2005 dans laquelle était évoqué un délai de six mois pour faire ses preuves, si bien qu'il pouvait légitimement estimer qu'il avait six mois pour démontrer encore ses capacités et que son contrat de travail ne pouvait pas être interrompu avant, en tout cas, sans motif. M. s. PI. souligne que même si ses méthodes ont parfois été remises en cause, pas forcément à juste titre, il remplissait ses fonctions de façon très satisfaisante, ainsi que le confirme le tableau de bord produit par la LLOYDS TSB BANK. M. s. PI. affirme que seule la LLOYDS TSB BANK connaît le véritable motif du licenciement qu'elle a sciemment scellé, non pas comme elle tente de le soutenir pour lui rendre service, mais parce qu'elle savait ce motif totalement inacceptable pour justifier une telle mesure, soit parce que les faits exposés dans l'avertissement du 1er décembre 2005 ne pouvaient être sanctionnés deux fois, soit parce qu'elle était contrariée par un problème personnel totalement étranger à ses fonctions, se référant à la décision du tribunal correctionnel de Monaco produite par la LLOYDS TSB BANK. M. s. PI. indique en effet, qu'une perquisition a eu lieu sur son lieu de travail ensuite de laquelle, il lui a été remis en mains propres le 16 mars 2006, une lettre le libérant de son obligation de venir travailler, dans l'attente d'une enquête approfondie sur les éléments qui ont conduit la Sûreté publique de Monaco à effectuer une perquisition et précisant que cette suspension prise à titre conservatoire n'est pas une sanction et n'implique pas d'interruption de salaire, qu'il n'a pas repris son travail jusqu'à son licenciement le 19 avril 2006.

S'agissant du préjudice résultant du licenciement, M. s. PI. ne sollicite pas d'indemnité de licenciement en considérant qu'il a perçu une somme qui ne lui était pas due et a compensé celle qu'il devait recevoir à ce titre. En revanche, M. s. PI. réclame la somme de 317.498 euros au titre du préjudice financier et moral, en faisant valoir qu'il a été pris en charge par Pôle emploi pendant deux ans jusqu'au 31 juillet 2008, ensuite qu'il n'a trouvé que des emplois à durée déterminée pour un salaire bien inférieur à celui qui était le sien, enfin qu'il a été cassé dans une carrière qui s'annonçait sous les meilleurs auspices.

M. s. PI. conclut en revanche, à la confirmation du jugement du tribunal du travail en ce qu'il a rejeté la demande de la LLOYDS TSB BANK pour procédure abusive au motif que celle-ci n'a pas daigné, ne serait-ce que par simple respect d'une juridiction et de ses membres, se présenter à l'audience devant le bureau de conciliation, celle-ci étant un préliminaire obligatoire alors qu'il n'existe aucun usage selon lequel le défendeur serait dispensé de sa présence.

La LLOYDS TSB BANK demande au tribunal :

* de débouter M. s. PI. des fins de son appel et rejeter ses demandes, fins, moyens et pièces comme irrecevables et infondés,

* de confirmer le jugement du tribunal du travail en toutes ses dispositions à l'exception de celle l'ayant débouté de sa demande de condamnation de M. s. PI. à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts et lui donner acte de ce qu'elle interjette appel de ce chef,

* de dire et juger que la non présence d'un défendeur à l'audience du bureau de conciliation, alors même qu'il a soit lui-même, soit par avocat-défenseur, avisé ce dernier préalablement de ce qu'il ne se concilierait pas, ne saurait être retenu contre ce défendeur à quelque titre que ce soit et notamment empêcher ou limiter que lui soient octroyés des dommages-intérêts,

* de condamner M. s. PI. à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en première instance et 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en appel,

* de condamner M. s. PI. aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

La LLOYDS TSB BANK souligne en premier lieu que la demande majorée de M. s. PI. est irrecevable conformément à la loi et à la jurisprudence monégasques, faute d'avoir été soumise au préalable de conciliation. En outre, la LLOYDS TSB BANK énonce que contrairement à ce qu'avance la partie adverse, la période qu'elle qualifie « d'essai » correspond en réalité, à la durée du contrat à durée déterminée de six mois, période qui n'a pas été parfaitement concluante, puisqu'un certain nombre de reproches ont alors été formulés sur son travail.

S'agissant de la demande au titre du bonus, la LLOYDS TSB BANK soutient que le bonus n'est pas un salaire ni un élément constitutif du salaire, qu'il ne relève pas d'une obligation contractuelle de la banque et que son attribution dépend in fine, de la seule décision discrétionnaire de la banque. La LLOYDS TSB BANK ajoute que l'octroi d'un bonus dépend aussi, fort logiquement des résultats de la banque et qu'en 2005 a été enregistrée une perte de 1.321.471,01 euros, raison pour laquelle seuls les employés ayant atteint leurs objectifs ont perçu le bonus, alors que M. s. PI., malgré la patience de la banque et les nombreuses formations suivies, n'a pas réussi à atteindre ses objectifs, ce qui justifierait le non versement d'un bonus si elle avait à en justifier. La LLOYDS TSB BANK conteste enfin, la moindre discrimination au détriment de M. s. PI.

S'agissant des demandes adverses relatives au licenciement, la LLOYDS TSB BANK affirme que le licenciement sans motif ne peut être remis en cause puisque autorisé et consacré par la loi et la jurisprudence monégasques, l'employeur n'étant pas tenu d'appliquer la convention collective du travail du personnel des banques, laquelle vient simplement préciser les dispositions et procédures relatives au licenciement pour faute, pour suppression d'emploi et pour insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle et ne peut déroger à la loi au regard du caractère d'ordre public de celle-ci. La LLOYDS TSB BANK ajoute que retenir l'interprétation de M. s. PI. aboutirait à interdire la démission en matière bancaire, ce mode de cessation du contrat de travail n'étant pas prévu par la convention collective. La LLOYDS TSB BANK précise qu'elle a bien réglé à M. s. PI. les indemnités conventionnelles qu'elle lui devait ainsi que l'a constaté le tribunal du travail, si bien que le licenciement est parfaitement valable. Quant au caractère abusif allégué du licenciement, la LLOYDS TSB BANK affirme qu'il ne saurait y avoir de faux motif dès lors que le licenciement est intervenu sans motif sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729, que le licenciement a été fait dans le strict respect de la loi et qu'elle n'a jamais démontré à l'égard de M. s. PI. une intention de lui nuire, ni n'a agi de façon vexatoire. La LLOYDS TSB BANK indique que les seules constatations professionnelles qu'elle a faites tendent à démontrer que M. s. PI. ne justifiait pas d'un quelconque motif objectif de versement d'un bonus pour l'année 2005 et que contrairement à ce qu'il avance, le fait que M. s. PI. ne retrouve pas du travail ne relève pas de la responsabilité de la banque mais plutôt du manque de compétence de M. s. PI. et de sa réputation.

La LLOYDS TSB BANK s'oppose ensuite à la compensation réclamée par M. s. PI. au titre de l'indemnité de licenciement, en affirmant qu'il s'agit d'un trop perçu versé par erreur, dont elle réclame restitution. La LLOYDS TSB BANK conclut au débouté de toutes les demandes initialement détaillées, en arguant de ce que la demande pour perte de clientèle est incompréhensible au regard de la qualité de salarié de M. s. PI. et que la demande pour préjudice moral est infondée alors que la charge de la preuve pèse sur lui et que s'il entend persuader le tribunal qu'il était un employé modèle et que son inactivité professionnelle et sa difficulté à retrouver du travail sont dues à la banque, il est démontré que M. s. PI. a été déclaré coupable de faits d'usure par jugement du tribunal correctionnel du 13 novembre 2007 et l'arrêt de la cour d'appel du 7 avril 2008.

Enfin, la LLOYDS TSB BANK critique la décision des premiers juges en ce qu'ils ont fondé le rejet de sa demande de dommages-intérêts sur son absence de comparution devant le bureau de conciliation, en faisant valoir l'usage selon lequel lorsque l'employeur ou le salarié informe le bureau de conciliation qu'il n'existe aucune conciliation possible de sa part sur les demandes adverses, il peut ne pas se présenter à l'audience de conciliation.

Reconventionnellement, la LLOYDS TSB BANK réclame l'indemnisation du préjudice moral et du préjudice financier résultant de l'appel interjeté de mauvaise foi par M. s. PI., qui ne pouvait se méprendre sur la motivation parfaitement claire et fondée du tribunal du travail.

SUR CE,

Le jugement du tribunal du travail en date du 26 novembre 2009 a été signifié le 11 décembre 2009 et l'appel a été signifié le 21 décembre 2009 soit avant la date d'expiration du délai d'appel.

La LLOYDS TSB BANK a interjeté appel incident par conclusions écrites.

Il convient donc de déclarer les appels principal et incident recevables et de statuer à nouveau sur les points contestés par les parties, à savoir sur le bonus, sur le licenciement, sur les demandes de restitution et de dommages-intérêts formées par la LLOYDS TSB BANK, après avoir statué sur la recevabilité des demandes de M. s. PI.

Sur la recevabilité des demandes de M. s. PI.

La LLOYDS TSB BANK conclut à l'irrecevabilité de la demande majorée de M. s. PI.

Selon les dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du tribunal du travail, le demandeur peut devant le bureau de conciliation, modifier sa demande initiale et même l'augmenter, ce qui signifie a contrario et en l'absence de précision identique contenue dans la loi, qu'une telle possibilité n'est pas ouverte au demandeur devant le bureau de jugement, lequel conformément à l'article 1er avant dernier alinéa de ladite loi, ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative de conciliation et ce, quant à leur nature et à leur quantum.

En l'espèce, il est constaté que M. s. PI. a saisi le tribunal du travail des demandes suivantes :

* licenciement irrégulier 42.498 euros

* licenciement abusif, pour cause non réelle et sérieuse 85.000 euros

* réparation du préjudice financier 90.000 euros

* paiement du bonus au titre de l'année 2005 30.000 euros

* réparation du préjudice moral du fait du licenciement 100.000 euros

Aujourd'hui, M. s. PI. réclame la somme de 30.000 euros au titre du bonus et la somme de 317.498 euros toutes causes de préjudice confondues pour licenciement abusif.

Force est de constater qu'il n'y a pas de majoration de la demande de M. s. PI., mais simplement addition des demandes initialement détaillées.

L'exception d'irrecevabilité soulevée par la LLOYDS TSB BANK sera donc rejetée.

Sur le bonus

M. s. PI. revendique au titre de l'exécution du contrat de travail, le versement d'un bonus de 30.000 euros pour l'année 2005. La LLOYDS TSB BANK s'y oppose en affirmant que le bonus n'est pas un salaire ni un élément constitutif du salaire, qu'il ne relève pas d'une obligation contractuelle de la banque et que son attribution dépend in fine, de la seule décision discrétionnaire de la banque.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

* M. s. PI. a été embauché d'abord en contrat à durée déterminée de six mois, prévoyant si M. s. PI. a donné satisfaction sur la base d'objectifs fixés, un contrat à durée indéterminée avec un salaire annuel brut de 85.000 euros et une « prime de bienvenue » exceptionnelle de 1.500 euros,

* par lettre du 2 mars 2005, la LLOYDS TSB BANK a confirmé à M. s. PI. son engagement à durée indéterminée suite au constat de la satisfaction d'une des conditions essentielles que la banque avait exprimée quant à sa capacité à développer des relations nouvelles et à acquérir la confiance d'une clientèle nouvelle pour l'établissement, tout en soulignant des points négatifs que la banque lui a demandé de corriger dans les six mois suivants, à savoir la faible rentabilité des avoirs déposés et le faible nombre de clients correspondant aux critères de « banque privée » ; il est précisé dans ce courrier que la prime de M. s. PI. se monte à 19.000 euros, soit 17.500 euros générés par un apport de 31.9 millions d'euros et 1.500 euros de prime de bienvenue,

* dans le contrat de travail à durée indéterminée à la suite proposé, ne figure aucune mention relative au bonus,

* des bulletins de salaire d'autres salariés pour la période du 1er avril 2006 au 30 avril 2006 font apparaître la mention « prime de bonus » qui s'est élevée à 17.922 euros pour un certain M. D.L., lequel a témoigné qu'il a travaillé à la LLOYDS TSB BANK de septembre 2004 à septembre 2007 dans la fonction de senior relationship manager pour la clientèle espagnole, qu'il a toujours eu un bonus pendant le temps qu'il a travaillé et que pour l'année 2005, il a perçu un bonus de 17.922 euros avec un portefeuille de 50 millions d'euros en gestion ; il a précisé que le bonus était donné sur la base du travail personnel, d'équipe et en fonction du portefeuille géré et que toute son équipe a reçu un bonus pour l'année 2005,

* le plan de bonus lié à la performance 2006 de IPB (International Private Banking) dont la LLOYDS TSB BANK admet dans ses conclusions qu'il s'agit d'un exemple de ce qui est remis aux employés à titre explicatif du bonus quelque soit l'année, prévoit que la moitié du bonus est liée à la performance générale d'IPB et que l'autre moitié du potentiel de bonus lié à la performance, est déterminée par la performance individuelle et par celle de l'équipe ; il est précisé que le bonus est à la discrétion de la banque, qu'il ne fait pas partie du contrat d'engagement et qu'il n'y a pas de droit automatique à en percevoir un, le bonus étant conçu comme un élément de la stratégie de récompense destiné à celles et ceux qui performent bien,

* un courrier adressé à une certaine Mme G. en mars 2006 par la LLOYDS TSB BANK, lui attribue une prime de rendement à l'aune des objectifs qui figurent dans ses évaluations 2005 et à l'aune de la manière dont elle a appliqué les valeurs de la banque ; cette lettre porte la mention suivante en bas de page « Le bonus est attribué sur une base discrétionnaire. Il ne confère aucun droit à l'employé, même s'il est payé à plusieurs occasions ; il n'est garanti ni dans son montant, ni dans son principe et son allocation est entièrement à la discrétion de la banque »,

* le tableau de bord prospectif de M. s. PI. pour l'année 2005 comporte les commentaires suivants, dans la rubrique FINANCE/CONTRIBUTION, à la mi-année « légèrement en dessous des objectifs », à la fin d'année « a apporté d'importantes affaires à la banque ces six derniers mois et a travaillé dur pour y parvenir. Aucun doute que S. a la capacité d'être un brillant chargé de clientèle » et en conclusion « a atteint les attentes », dans la rubrique CROISSANCE DE LA FRANCHISE ET DÉVELOPPEMENT OPÉRATIONNEL, à la mi-année « a besoin de se concentrer sur l'amélioration des retours sur les avoirs », à la fin d'année « a toujours un problème quant aux revenus des clients. S. doit essayer de contracter aux conditions tarifaires standards chaque fois que cela est possible. Il doit obtenir une autorisation de la direction avant d'allouer des réduction aux clients » et en conclusion, « a partiellement atteint ses objectifs », dans la rubrique CLIENTÈLE ET QUALITÉ DE SERVICE, à la fin d'année « S. a vraiment un problème avec la gestion du temps et à certaines occasions le service délivré à la clientèle est en dessous des standards » et en conclusions « a partiellement atteint les attentes », dans la rubrique RISQUE, à la mi-année « S. est financièrement très au courant et est proactif dans la promotion des services de la banque. Il est aussi capable de répondre aux questions des clients et de rechercher les informations de manière opportune et professionnelle. Les mémos SMSA n'ont pas été contrôlés. Ils sont plutôt de bonne qualité bien que l'on observe que lorsque S. est occupé ils ne sont pas aussi opportuns qu'ils le devraient », à la fin d'année « c'est ici que S. a un réel problème avec les exigences de la banque. Il doit essayer de bien plus focaliser et d'en prendre plus conscience. Je sais qu'il a tenté d'y parvenir et croyez bien que 2006 le verra travailler dur afin d'assurer un meilleur respect des procédures » et en conclusion « a partiellement atteint les attentes »,

* le récapitulatif de l'évaluation résumant la contribution globale au cours de la dernière période d'évaluation, fait apparaître les commentaires suivants en fin de premier semestre « S. a eu des difficultés à assimiler les procédures, la conformité, la diligence raisonnable de la banque. Cependant il continue d'apprendre et, avec son expérience de la banque privée, il les maîtrisera. Il devra continuer de tirer les leçons apprises cette année, en particulier dans le domaine des projets de prêt, et d'essayer de se concentrer sur la qualité et non pas la quantité de clients qui correspondent à la culture de la banque. Il a un large cercle de clients potentiels et il travaille dur pour les présenter à la banque. Il a une bonne connaissance des marchés et il est très heureux d'en discuter avec ses clients. C'est un bon équipier même s'il doit rester conscient du fait que les autres membres ne peuvent pas traiter avec ses clients de manière professionnelle s'ils ne sont pas informés. Il devra également s'assurer que son assistant sait où il se trouve à tout moment. Légèrement en dessous des objectifs mais si les clients déposent – comme il en est convaincu – des actifs à la banque, alors il ne devrait avoir aucun problème pour les atteindre » et en fin d'année « S. a des manières souples et polies. Il entretient un bon rapport à la clientèle et il s'y connaît sur les marchés. Un très bon membre de l'équipe. J'espère qu'en 2006 il saura consolider sa position. Ayant tiré des leçons des usages professionnels de la banque, je crois qu'il les mettra à profit pour se construire et devenir un chargé de clientèle excellent et diligent », la notation étant « a partiellement atteint les attentes »,

* par lettre du 5 décembre 2005, le directeur de la LLOYDS TSB BANK a souhaité témoigner à M. s. PI. sa gratitude pour les efforts qu'il a fournis lors de l'année particulièrement chargée, a affirmé qu'il savait pouvoir compter sur son professionnalisme et son soutien, a joint à son courrier des bons « carrefour » en lui souhaitant de passer d'excellentes fêtes,

* par mail du 11 janvier 2006, faisant suite à une information de M. s. PI. quant à la réception de la deuxième tranche de 500 millions de dollars et indiquant que la totalité de la relation est de 1 milliard de dollars avec une rentabilité annuelle à la banque de 1.5 million de dollars, son chef de département a répondu « moi aussi j'ajoute mes félicitations pour ton bon travail » en se référant aux félicitations du directeur de la banque.

L'ensemble de ces pièces permettent de démontrer que le bonus est une gratification non contractuelle, librement consentie par la LLOYDS TSB BANK, non seulement quant à son principe mais aussi quant à son montant dépendant pour moitié de la performance d'IPB et pour moitié de la performance individuelle et de l'équipe, ainsi que confirmé dans le plan de bonus et le courrier d'attribution à une autre salariée. Il est cependant observé que la formule « discrétion de la banque » ne doit pas avoir pour effet de dispenser la LLOYDS TSB BANK du respect du principe de non discrimination consacré par l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et il importe donc d'examiner si le refus d'attribution d'un bonus à M. s. PI. pour l'année 2005 repose sur des éléments objectifs et vérifiables.

En l'espèce, il est constaté qu'à la fin de l'année 2005, son supérieur hiérarchique a conclu que M. s. PI. avait partiellement réalisé ses objectifs, qu'en outre, M. s. PI. verse aux débats un avertissement écrit daté du 1er juin 2005 et remis en mains propres suite à une suspicion de fraude de nature à entacher la réputation de la LLOYDS TSB BANK faute de vérification suffisante de la part du salarié et en raison de l'usage par celui-ci de produits bancaires inhabituels, qu'enfin, M. s. PI. produit une lettre datée par erreur du 18 novembre 2005 mais dont il n'est pas contesté qu'elle est du 1er décembre 2005, contenant dernier avertissement dans l'affaire du dépôt à terme de 300 millions de dollars qu'il a récemment accepté, faisant suite à un récent courrier lui demandant de rester à son domicile pendant la durée d'investigations concernant ce dépôt à terme, étant précisé que cet avertissement court pour une durée de six mois durant laquelle il ne lui sera pas octroyé de bonus.

Ces éléments sont de nature à justifier objectivement le refus d'attribution du bonus, nonobstant le courrier du 5 décembre 2005 adressé en fin d'année et octroyant les bons « Carrefour » dont la LLOYDS TSB BANK établit qu'ils ont été envoyés à plusieurs salariés. Il ne peut pas non plus être tiré argument du fait que le courrier du 1er décembre 2005 avisant de l'absence d'octroi de bonus à M. s. PI. pendant la période de six mois accordée dans le cadre de l'avertissement, signifie a contrario que le bonus était acquis pour la période précédente, soit l'année 2005. Enfin, M. s. PI. ne peut soutenir que sa réponse par lettre datée du 20 novembre 2005 faisant suite à une lettre de la LLOYDS TSB BANK datée du 18 novembre 2005 dont l'objet était « évaluation des risques sur les 300 millions de dollars récemment déposés auprès de la LLOYDS TSB BANK », a rassuré la LLOYDS TSB BANK puisqu'elle n'y a pas répondu, ni le l'a convoqué, alors qu'elle n'a été reçue que le 1er février 2006 soit après le dernier avertissement du 1er décembre 2005.

En conséquence, le jugement du tribunal du travail doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. s. PI. de sa demande au titre du bonus de l'année 2005.

Sur le licenciement

Selon les dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts qui seront fixés par le juge à défaut d'accord des parties.

M. s. PI., licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, au terme duquel le contrat à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une ou l'autre des parties, soutient principalement que ce licenciement est intervenu en violation des dispositions de la convention collective du travail du personnel des banques et que le tribunal du travail a méconnu la hiérarchie des normes de droit en décidant que la convention collective n'a pas pour effet de faire obstacle au droit de rupture unilatéral. M. s. PI. en conclut que cela a pour effet de rendre le licenciement à la fois sans motif valable et abusif.

La loi n° 416 du 7 juin 1945 définit en son article 1er, la convention collective comme un accord conclu entre partenaires sociaux, en vue de fixer les conditions de travail et les engagements mutuels des parties d'une ou plusieurs entreprises ou industries, pour toute une profession ou un ensemble de professions, notamment pour organiser la protection des salariés contre les risques sociaux. L'article 2 de la loi énonce qu'à défaut de clause contraire, les personnes liées par la convention collective de travail sont tenues d'observer les conditions de travail y convenues, même dans leurs rapports avec les tiers.

Il en ressort nécessairement que le législateur a entendu permettre aux partenaires sociaux dans le cadre d'une négociation, de déroger à la loi dans un sens plus favorable aux salariés de manière à organiser leur « protection contre les risques sociaux », sans que cela porte atteinte au caractère d'ordre public des lois régissant les relations de travail.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la convention collective du travail du personnel des banques signée le 1er juillet 1975 entre l'association monégasque des banques et le syndicat des employés gradés et cadres des banques, rappelée dans le contrat de travail de M. s. PI., est applicable à la relation de travail instituée entre M. s. PI. et la LLOYDS TSB BANK.

Cette convention collective qui régit les rapports entre les établissements bancaires de la Principauté et leur personnel, prévoit en son article 32 que « les motifs de licenciements d'agents titulaires sont, indépendamment de l'application des dispositions relatives aux sanctions disciplinaires, la suppression d'emploi, l'insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle, à moins qu'il ne soit démontré, par une consultation médicale que cette incapacité n'est due qu'à un mauvais état de santé passager ».

Quant aux sanctions disciplinaires envisagées par la convention collective, l'article 27 concernant les sanctions de deuxième degré parmi lesquelles figure la révocation, prévoit l'avis préalable d'un conseil de discipline et le respect d'une procédure détaillée.

Ainsi, la convention collective du travail du personnel des banques limite les cas dans lesquels le licenciement peut intervenir, soit à titre de sanction auquel cas une procédure doit être respectée, soit en cas de suppression d'emploi, soit en cas d'insuffisance professionnelle définie de manière restrictive.

Dès lors, en licenciant M. s. PI. sans motif, faculté légale à laquelle il a été expressément dérogé par la convention collective du travail du personnel des banques, la LLOYDS TSB BANK a commis une faute dans la mise en œuvre du licenciement, caractérisant un licenciement abusif.

M. s. PI. réclame toutes causes de préjudices confondues, la somme de 317.498 euros en détaillant son préjudice financier conséquent et son préjudice moral du fait qu'il a été « cassé dans une carrière qui s'annonçait sous les meilleurs auspices ».

Il ressort des pièces versées aux débats que :

* embauché par la LLOYDS TSB BANK en contrat à durée déterminée depuis le 6 septembre 2004, M. s. PI. a été rémunéré dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à partir du 5 mars 2005, à hauteur de 85.031,07 euros bruts par an, soit un revenu mensuel moyen de 7.085 euros,

* le 1er juin 2005, M. s. PI. a reçu un avertissement écrit en mains propres concernant une suspicion de fraude de nature à entacher la réputation de la LLOYDS TSB BANK faute de vérification suffisante de la part du salarié et en raison de l'usage par celui-ci de produits bancaires inhabituels,

* le 1er décembre 2005, M. s. PI. a reçu un autre avertissement écrit en mains propres concernant l'affaire du dépôt à terme de 300 millions de dollars qu'il avait accepté ; il est indiqué que ce courrier fait suite à un récent courrier lui demandant de rester à son domicile pendant la durée d'investigations concernant ce dépôt à terme et il est précisé que cet avertissement court pour une durée de six mois,

* le 16 mars 2006 (et non pas 2005 comme mentionné par erreur admise par M. s. PI. lui-même), M. s. PI. a reçu une lettre remise en mains propres, le libérant de l'obligation de venir travailler le temps d'une enquête sur les éléments qui ont conduit la Sûreté publique à faire une perquisition au sein de l'établissement bancaire, précisant qu'il s'agit d'une mesure conservatoire sans suspension de salaire,

* le 19 avril 2006, M. s. PI. a été licencié par lettre remise en mains propres,

* à partir du 24 septembre 2006, M. s. PI. a perçu l'allocation de retour à l'emploi de 121,05 euros par jour, soit une moyenne mensuelle de 3.631 euros,

* le 27 novembre 2007, M. s. PI. a été condamné pénalement par le tribunal correctionnel de Monaco pour des faits d'usure, commis courant 2004 et notamment le 11 octobre 2004 et courant 2005 et notamment le 28 février 2005, consistant à avoir en qualité de prêteur, sciemment exigé un taux d'intérêt effectif dépassant de plus de la moitié le taux moyen pratiqué dans les mêmes conditions par des prêteurs de bonne foi, à savoir un taux d'intérêt de 100 % à une société à la recherche d'un financement refusé par les banques ; ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Monaco du 7 avril 2008,

* courant 2009 et 2010, M. s. PI. a trouvé deux postes successifs en contrat à durée déterminée, puis a, à nouveau fait valoir ses droit à l'assurance chômage.

La chronologie des faits permet de conclure que si M. s. PI. a été licencié sans respecter les dispositions de la convention collective du travail du personnel des banques, la LLOYDS TSB BANK avait des raisons pour mettre fin à sa relation contractuelle avec M. s. PI. En effet, après avoir fait l'objet de deux avertissements motivés par son absence de rigueur et de respect des procédures de la banque en juin 2005 et en décembre 2005, M. s. PI. a, courant mars 2006, été à l'origine d'une perquisition dans les locaux de la banque, alors qu'il était sous le coup du dernier avertissement daté du 1er décembre 2005, qui courait pour une durée de six mois. Il s'est avéré ensuite que M. s. PI. a été condamné pénalement pour des faits commis alors qu'il était employé de la LLOYDS TSB BANK et dans le cadre de ses fonctions de chargé de clientèle de la LLOYDS TSB BANK. Cela ressort clairement du jugement du tribunal correctionnel au terme duquel la société victime des agissements de M. s. PI. était à la recherche d'un financement bancaire, qui ne pouvait pas lui être octroyé par la banque mais que M. s. PI. a accepté de lui consentir un prêt à un taux usuraire. Ainsi, il doit être conclu que le licenciement de M. s. PI. repose sur un motif valable.

En conséquence, M. s. PI. n'est fondé qu'à réclamer la réparation du préjudice consécutif à la faute de la LLOYDS TSB BANK dans la mise en œuvre du licenciement.

Au regard des circonstances de la cause, son préjudice sera indemnisé à hauteur de 8.000 euros.

Sur les demandes formées par la LLOYDS TSB BANK

Il s'agit d'une part de la demande de restitution de l'indemnité de congédiement versée à tort, d'autre part de la demande de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs.

Sur la restitution de l'indemnité de congédiement

Cette demande est frappée d'irrecevabilité faute d'avoir été soumise au préalable de conciliation, ainsi que l'a justement jugé le tribunal du travail, dont la décision sera confirmée sur ce point.

Sur les dommages-intérêts

Il est admis que l'exercice d'un droit, qu'il s'agisse du droit d'agir en justice ou du droit d'interjeter appel d'une décision, ne saurait dégénérer en abus, que si une faute est démontrée.

La LLOYDS TSB BANK reproche au tribunal du travail d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive en première instance, en se fondant sur son absence de comparution lors de l'audience devant le bureau de conciliation et demande au tribunal de dire que la non présence d'un défendeur à l'audience du bureau de conciliation, alors même qu'il a, soit lui-même, soit par avocat-défenseur, avisé ce dernier préalablement de ce qu'il ne se concilierait pas, ne saurait être retenu contre ce défendeur à quelque titre que ce soit et notamment empêcher ou limiter que lui soient octroyés des dommages-intérêts.

En application de l'article 5 du Code civil qui fait défense aux juges de prononcer par voie de disposition générale et de règlement sur les causes qui leur sont soumises, cette demande sera rejetée.

Pour le surplus, la LLOYDS TSB BANK ayant commis une faute dans la mise en œuvre du licenciement à l'origine de la présente procédure, la LLOYDS TSB BANK n'est pas fondée à solliciter des dommages-intérêts pour procédure et appel abusif et en sera donc déboutée.

Sur les dépens

La LLOYDS TSB BANK ayant commis une faute dans la mise en œuvre du licenciement de M. s. PI., à l'origine de la présente procédure, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant contradictoirement, comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Déclare les appels principal et incident recevables en la forme ;

Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la LLOYDS TSB BANK ;

Confirme le jugement du 26 novembre 2009, sauf en ce qu'il a débouté M. s. PI. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et l'a condamné aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. s. PI. notifié le 20 avril 2006, est abusif dans sa mise en œuvre ;

Condamne la LLOYDS TSB BANK à verser à M. s. PI. la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la LLOYDS TSB BANK aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, le 31 MAI 2012, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Président, officier de l'ordre de Saint-Charles, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Isabelle TAILLEPIED, Greffier.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8843
Date de la décision : 31/05/2012

Analyses

Le non respect de la convention collective applicable constitue une faute dans la mise en œuvre du licenciement lui conférant un aspect abusif.Un cadre de banque, « relationship manager », avait été licencié par une banque, sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963. Suivant ce texte, le contrat à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une ou l'autre des parties. La Convention collective du Travail du Personnel des Banques, régissant les relations entre les établissements bancaires de la Principauté et leur personnel, limite, en son article 32, comme le souligne, ici, le Tribunal de Première Instance, les cas dans lesquels le licenciement peut intervenir. Ce peut être soit à titre de sanction auquel cas une procédure doit être respectée, soit en cas de suppression d'emploi, soit en cas d'insuffisance professionnelle définie de manière restrictive.Dès lors, en licenciant l'appelant sans motif, faculté légale à laquelle il a été expressément dérogé par cette convention collective, la banque a commis une faute dans la mise en œuvre de ce licenciement, reposant, au demeurant, sur un motif valable.Réformant sur ce point le jugement du Tribunal du Travail, le Tribunal de Première Instance décide que le salarié est fondé à réclamer la réparation du préjudice consécutif à cette faute dans la mise en œuvre du licenciement. Le préjudice est, en l'espèce, évalué à la somme de 8 000 euros.Le salarié qui avait formulé par ailleurs une demande en paiement de bonus est débouté sur ce point car des reproches lui avaient été adressés sur la qualité de son travail. Le bonus apparaît, selon le tribunal, comme une gratification non contractuelle, librement consentie par la banque dans son principe et son montant, sous réserve du respect du principe de non discrimination qui impose d'examiner si le refus d'attribution repose sur des éléments objectifs et vérifiables, ce qui était le cas.

Rupture du contrat de travail  - Relations collectives du travail  - Responsabilité de l'employeur  - Contentieux (Social).

Convention collective du travail du personnel des banques du 1er juillet 1975 - Article 32 prévoyant limitativement les cas dans lesquels le licenciement peut intervenir - Articulation avec l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 - Licenciement sans motif d'un cadre de banque - Faute dans la mise en œuvre du licenciement caractérisant un licenciement abusif - Rupture reposant cependant sur un motif valable - Réparation du seul préjudice consécutif à la faute de la banque dans la mise ne œuvre du licenciement.


Parties
Demandeurs : s. PI.
Défendeurs : La LLOYDS TSB BANK PLC

Références :

loi n° 416 du 7 juin 1945
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 5 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2012-05-31;8843 ?

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