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05/10/2006 | MONACO | N°27219

Monaco | Tribunal de première instance, 5 octobre 2006, R. c/ W.


Abstract

Prescription civile

Prescription extinctive - Courte prescription d'un an : fondée sur la présomption de paiement (C civ., art. 2092) - Action des marchands pour les marchandises vendues aux particuliers non marchands - Délation de serment : possibilité pour le créancier de prouver l'inexactitude de la présomption en déférant le serment au débiteur (C civ., art. 2095) - Justification réciproque de la réclamation et de l'effectivité du paiement (C civ., art. 1162) - Montant de la réclamation supérieur à 7 500 francs ; preuve établie par écrit (C civ., art

. 1188)

Résumé

Sur la prescription

Selon l'article 2092 du Code civil, l'...

Abstract

Prescription civile

Prescription extinctive - Courte prescription d'un an : fondée sur la présomption de paiement (C civ., art. 2092) - Action des marchands pour les marchandises vendues aux particuliers non marchands - Délation de serment : possibilité pour le créancier de prouver l'inexactitude de la présomption en déférant le serment au débiteur (C civ., art. 2095) - Justification réciproque de la réclamation et de l'effectivité du paiement (C civ., art. 1162) - Montant de la réclamation supérieur à 7 500 francs ; preuve établie par écrit (C civ., art. 1188)

Résumé

Sur la prescription

Selon l'article 2092 du Code civil, l'action des marchands pour les marchandises qu'ils vendent aux particuliers non marchands se prescrit par an ;

Selon l'article 2095 du Code civil, ceux auxquels les prescriptions prévues par les articles précédents sont opposés peuvent déférer le serment à ceux qui les opposent, sur la question de savoir si la chose a été réellement payée ;

Le serment a été déféré à G. W. par P. R. en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, au vu d'un récapitulatif établi par la demanderesse le 1er juillet 2001, sur lequel celle-ci fonde ses demandes en paiement ;

G. W. a refusé de prêter le serment qui lui était ainsi déféré, et qu'il résulte de ses propres conclusions qu'elle ne pouvait prêter serment d'avoir payé, même partiellement, le solde de prix réclamé par P. R. et dont le montant (118 828 francs) est inférieur au prix des différents articles qu'elle conteste avoir acheté (130 768 francs) ;

En conséquence, conformément à l'article 1205 du Code civil, G. W. succombe dans son exception de prescription, et la demande de P. R. doit être déclarée recevable en son entier ;

Sur le fond

Aux termes de l'article 1162 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;

L'objet du serment déféré à G. W. par P. R. était limité, tant au regard du texte de l'article 2095 du Code civil sur lequel P. R. a fondé la délation de serment de la formule du serment déféré, à la prescription reposant sur une présomption de paiement des sommes réclamées ;

P. R. soutient donc à tort que le refus de G. W. de prêter serment d'avoir payé toutes les sommes mentionnées dans le récapitulatif établi par la demanderesse fait la preuve de l'existence de la créance alléguée ;

Tant le montant total réclamé par P. R. que le prix des diverses marchandises achetées successivement excèdent la somme de 7 500 francs prévue par l'article 1188 du Code civil au-delà de laquelle la preuve ne peut être faite que par écrit ;

P. R. produit un seul devis accepté par G. W., à savoir le devis n° 0920/00 du 20 septembre 2000, qui d'ailleurs concerne une vente reconnue par la défenderesse, dont le prix, soit 205 000 francs, est inférieur aux paiements que la demanderesse reconnaît avoir reçus ;

P. R. ne rapporte donc pas la preuve de l'engagement de G. W. de lui payer les sommes figurant sur le récapitulatif du 1er juillet 2001 sous les rubriques « perso », « D01127/0 », « f0724/01 » et « 0112/02 », que celle-ci conteste devoir et dont le total excède le solde réclamé ;

P. R. sera en conséquence déboutée de ses demandes.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants

Par acte d'huissier du 3 février 2003, P. R. a fait pratiquer entre les mains de la Société Générale, une saisie-arrêt de toute somme que cette banque pourrait devoir à G. W. à concurrence de 25 000 euros, et a fait assigner celle-ci devant le Tribunal afin d'obtenir sa condamnation à lui payer ladite somme, représentant le prix de vente de divers meubles majorés d'intérêts de retard ;

Le 3 février 2003, la Société Générale a déclaré détenir la somme de 23 976,59 euros sous réserve des opérations en cours ;

Dans sa déclaration complémentaire reçue le 17 février 2003, la Société Générale a précisé que la somme saisie arrêtée s'élevait à 21 961,45 euros compte tenu de cinq opérations intervenues le 3 février ;

Par conclusions du 14 mai 2003, G. W., tout en contestant devoir les sommes réclamées, a invoqué la prescription de l'action de P. R. dans la mesure où les factures produites par celle-ci étaient antérieures à l'assignation de plus d'un an ; par ailleurs elle sollicitait 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Par conclusions du 12 novembre 2003, P. R. a entendu déférer à G. W. le serment prévu par l'article 2095 du Code civil, et, au fond, obtenir sa condamnation avec exécution provisoire à lui payer 18 115,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2002, représentant le prix des meubles vendus, et 8 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Par conclusions du 3 février 2003, G. W. a soutenu que l'exploit de saisie-arrêt était nul faute de contenir l'objet de la demande avec un exposé sommaire des moyens, qu'elle avait payé à P. R. une somme totale de 951 740 francs, supérieure au montant total des factures s'élevant à 679 768 francs, et a réclamé le remboursement de la différence, soit 41 416,86 euros ; par ailleurs, tout en affirmant qu'elle n'aurait aucune difficulté pour jurer que la dette a été acquittée, elle a ajouté que, faute pour P. R. de justifier de sa qualité de créancier, celle-ci ne pouvait lui déférer le serment ;

Par conclusions du 21 avril 2004 P. R. a réitéré ses demandes en soutenant que celles-ci étaient recevables, l'existence du droit invoqué n'étant pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès ; elle a ajouté que les paiements invoqués par G. W., concernaient des contrats antérieurs aux commandes fondant la demande principale ;

Par conclusions du 13 octobre 2004, G. W. a réitéré ses contestations en soulignant que P. R., qui a la qualité de commerçant, s'abstenait de verser aux débats ses livres de compte ;

Suivant jugement du 27 mai 2005, le Tribunal a :

déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'exploit d'assignation,

constaté que G. W. soulevait l'exception de prescription prévue par l'article 2092 du Code civil,

déclaré recevable la délation du serment décisoire opposée par P. R. à G. W.,

ordonné la comparution des parties à l'audience du 16 juin 2005 pour la prestation dudit serment sur la question de savoir si les marchandises visées dans l'état récapitulatif du 1er juillet 2001 invoqué au soutien de la demande en paiement ont été entièrement payées ;

l'audience fixée pour la prestation de serment G. W. a déclaré qu'elle ne connaissait pas certains objets mentionnés sur l'état récapitulatif dressé par P. R., qu'elle avait bien payé les sommes dues à celle-ci mais qu'elle ne pouvait prêter serment sur le document établi par la demanderesse ;

Par conclusions du 14 juillet 2005, P. R. réitère ses demandes, en portant à 10 000 euros la somme réclamée à titre de dommages et intérêts ; elle soutient que le refus d'un défendeur de prêter serment doit être considéré comme un aveu implicite de l'exactitude de la prétention du demandeur, que G. W. ne peut donc plus invoquer la prescription et qu'elle succombe également « dans sa demande visant à obtenir le rejet des prétentions » ;

Par conclusions du 16 novembre 2005, G. W. répond qu'elle n'a pas refusé de prêter serment mais qu'elle a contesté la formule qui lui était déférée ; elle précise qu'elle a effectivement acquis les meubles mentionnés aux quatre premières lignes du récapitulatif établi par P. R., et qu'elle en a payé le prix, mais conteste devoir les autres sommes qui lui sont réclamées ; elle réitère par ailleurs ses demandes reconventionnelles ;

Sur quoi,

Sur la prescription

Attendu selon l'article 2092 du Code civil, l'action des marchands pour les marchandises qu'ils vendent aux particuliers non marchands se prescrit par an ;

Attendu que selon l'article 2095 du Code civil, ceux auxquels les prescriptions prévues par les articles précédents sont opposées peuvent déférer le serment à ceux qui les opposent, sur la question de savoir si la chose a été réellement payée ;

Attendu que le serment a été déféré à G. W. par P. R. en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, au vu d'un récapitulatif établi par la demanderesse le 1er juillet 2001, sur lequel celle-ci fonde ses demandes en paiement ;

Attendu que G. W. a refusé de prêter le serment qui lui était ainsi déféré, et qu'il résulte de ses propres conclusions qu'elle ne pouvait prêter serment d'avoir payé, même partiellement, le solde de prix réclamé par P. R. et dont le montant (118 828 francs) est inférieur au prix des différents articles qu'elle conteste avoir achetés (130 768 francs) ;

Attendu en conséquence que, conformément à l'article 1205 du Code civil, G. W. succombe dans son exception de prescription, et que la demande de P. R. doit être déclarée recevable en son entier ;

Sur le fond

Attendu qu'aux termes de l'article 1162 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;

Attendu que l'objet du serment déféré à G. W. par P. R. était limité, tant au regard du texte de l'article 2095 du Code civil sur lequel P. R. a fondé la délation de serment que de la formule du serment déféré, à la prescription reposant sur une présomption de paiement des sommes réclamées ;

Attendu que P. R. soutient donc à tort que le refus de G. W. de prêter serment d'avoir payé toutes les sommes mentionnées sur le récapitulatif établi par la demanderesse fait la preuve de l'existence de la créance alléguée ;

Attendu que tant le montant total réclamé par P. R. que le prix des diverses marchandises achetées successivement excèdent la somme de 7 500 francs prévue par l'article 1188 du Code civil au-delà de laquelle la preuve ne peut être faite que par écrit ;

Attendu que P. R. produit un seul devis accepté par G. W., à savoir le devis n° 0920/00 du 20 septembre 2000, qui d'ailleurs concerne une vente reconnue par la défenderesse, dont le prix, soit 205 000 francs, est inférieur aux paiements que la demanderesse reconnaît avoir reçus ;

Attendu que P. R. ne rapporte donc pas la preuve de l'engagement de G. W. de lui payer les sommes figurant sur le récapitulatif du 1er juillet 2001 sous les rubriques « perso », « D01127/0 », « f0724/01 » et « 0112/02 », que celle-ci conteste devoir et dont le montant total excède le solde réclamé ;

Attendu que P. R. sera en conséquence déboutée de ses demandes ;

Attendu qu'il convient également d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt ;

Attendu en revanche que G. W. qui sollicite le bénéfice de l'exécution provisoire de ce chef n'allègue aucune des circonstances susceptibles d'en justifier le prononcé ; qu'il n'y a donc pas lieu d'assortir la mainlevée de la saisie-arrêt de l'exécution provisoire ;

Sur la demande en remboursement

Attendu que G. W. réclame le remboursement de 41 416,98 euros au motif que, à la date de l'introduction de l'instance, elle avait par le passé payé à P. R. une somme totale de 951 740 francs excédant celle de 679,768 francs figurant sur le récapitulatif du 1er juillet 2001 ;

Attendu cependant que G. W. ne fonde sa demande sur aucun moyen de droit, qu'elle ne caractérise aucun lien entre les différents paiements allégués et les demandes de P. R., ceux-là étant en grande partie antérieurs aux achats invoqués à l'appui de celles-ci, et que l'existence d'un paiement ne peut fonder à lui seul une action en répétition ;

Attendu que G. W. sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle ;

Sur les dommages et intérêts

Attendu que P. R. ne précise pas le fondement de sa demande de dommages et intérêts, et qu'elle ne saurait reprocher à G. W. de s'être opposée au paiement des sommes qu'elle était mal fondée à lui réclamer ;

Attendu que si P. R. a pu se tromper sur l'étendue de ses droits, en revanche elle a agi avec une légèreté blâmable en faisant saisir-arrêter une somme de plus de 20 000 euros sur le compte bancaire de G. W. plus de deux ans après la naissance de la créance alléguée, et alors que l'existence de celle-ci reposait uniquement sur des documents qu'elle avait elle-même établis ;

Attendu que le préjudice causé de ce fait à G. W. sera réparé par l'octroi d'une somme de 5 000 euros ;

Sur les dépens

Attendu que, conformément à l'article 231 du Code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement

Vu le jugement rendu entre les mêmes parties le 27 mai 2005,

Constate le refus de G. W. de prêter le serment déféré par P. R. quant au paiement des sommes visées sur le récapitulatif daté du 1er juillet 2001,

Déclare en conséquence recevable l'action de P. R. tendant au paiement desdites sommes,

Déboute P. R. de ses demandes,

Ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par celle-ci ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de ce chef ;

Déboute G. W. de sa demande de remboursement d'une somme de 41 416,98 euros,

Condamne P. R. à payer à G. W. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne P. R. aux dépens, distraits au profit de Maître Étienne Leandri, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Composition

Mme Dorato-Chicouras, v.-prés. ; M. Robin, juge ; Mlle Ghenassia, juge ;Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mlle Ferrer, gref. ; Mes Mullot, Pastor-Bensa et Leandri, av. déf. ; Me Bertozzi, av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27219
Date de la décision : 05/10/2006

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : R.
Défendeurs : W.

Références :

article 231 du Code de procédure civile
article 1188 du Code civil
article 2092 du Code civil
article 2095 du Code civil
article 1162 du Code civil
article 1205 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2006-10-05;27219 ?

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