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11/05/2006 | MONACO | N°27201

Monaco | Tribunal de première instance, 11 mai 2006, P. c/ SAM Crédit Foncier de Monaco


Abstract

Banque

Contrat d'ouverture de comptes de dépôt et de titres - Invocation par le client d'opérations accomplies sans ses ordres et à son insu - Preuve non rapportée des griefs : Absence de réclamations et de contestations par écrit dans le délai contractuel, réception régulière par le client des relevés de comptes, des avis d'opérés et situations de son portefeuille

Responsabilité civile

Responsabilité contractuelle - Banquier - Gestion de comptes de dépôts et de titres - Preuve non rapportée de fautes de la banque

Résumé

L

a présente demande trouve donc son fondement dans la responsabilité pour faute du banquier ;

Il résulte...

Abstract

Banque

Contrat d'ouverture de comptes de dépôt et de titres - Invocation par le client d'opérations accomplies sans ses ordres et à son insu - Preuve non rapportée des griefs : Absence de réclamations et de contestations par écrit dans le délai contractuel, réception régulière par le client des relevés de comptes, des avis d'opérés et situations de son portefeuille

Responsabilité civile

Responsabilité contractuelle - Banquier - Gestion de comptes de dépôts et de titres - Preuve non rapportée de fautes de la banque

Résumé

La présente demande trouve donc son fondement dans la responsabilité pour faute du banquier ;

Il résulte des pièces produites que P. P. a ouvert le 23 juin 1997 dans les livres du CFM un compte de dépôts et a signé le même jour une convention de compte de titres ;

À cette occasion, elle signait une lettre de décharge permettant la transmission des ordres par téléphone, sous réserve toutefois d'une confirmation écrite postérieure, le défaut de réception de cette confirmation n'étant pas opposable à la banque ;

Il est en outre convenu que les relevés bancaires concernant ce compte et les avis d'opérés seraient adressés à P. C. domicilié à Monaco ;

Force est dans l'espèce de rappeler que P. P. reproche au CFM l'acquisition et la vente de divers titres sans son autorisation et sans l'informer des risques courus du fait desdits investissements ;

Il ressort des pièces produites (ordres de bourse, relevés de comptes, avis d'opérés, transfert de titre, évaluations de portefeuille), que dès l'ouverture des comptes il était ouvert des comptes de dépôt à terme et pratiqué des opérations d'achat et de vente de titres en bourse ;

P. P. recevait régulièrement, ce qu'elle ne conteste pas, les relevés de comptes, avis d'opérés et situations de son portefeuille, au domicile de la personne désignée par elle ;

Les relations ainsi nouées devaient se poursuivre jusqu'à la demande de transfert effectuée le 11 avril 2002 par P. P. ;

La demanderesse indiquait à cette occasion « je vous remercie pour le professionnalisme et la courtoisie dont vous avez fait part à mon égard ces dernières années et vous adresse mes salutations les meilleures » ;

Les termes de ce courrier révèlent à suffisance qu'aucun reproche n'était alors formulé à l'encontre de la banque et que le transfert susvisé ne trouvait pas son origine dans un quelconque mécontentement de la cliente ;

Il est au demeurant constant que la demanderesse n'a adressé aucune contestation écrite à l'établissement bancaire, et que ce n'est que suivant l'exploit susvisé qu'elle a invoqué pour la première fois une faute contractuelle résultant des agissements de la banque qui aurait pendant près de cinq années, de sa propre initiative et à son insu effectué des transactions boursières sur ses comptes, transactions qui ont engendré des pertes financières ;

Dans une telle hypothèse, il appartient au client qui conteste avoir ordonné certaines opérations, d'une part d'émettre une contestation dans un délai raisonnable et d'autre part de rapporter la preuve que lesdites opérations critiquées ont été accomplies sans ses ordres et à son insu, étant relevé que conformément aux clauses contractuelles auxquelles la demanderesse est soumise, l'accord du client sur les opérations enregistrées sur son compte est réputé acquis en l'absence de réclamation dans le délai conventionnellement fixé ;

Toutefois il s'agit d'une présomption simple, susceptible d'être combattue par la preuve contraire ; la charge de celle-ci incombe à P. P. ;

À cet égard, celle-ci ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer que l'achat desdites obligations aurait été fait sans son accord ;

Au contraire, le portefeuille qui lui a été constitué apparaît correspondre aux directives données à la banque, étant ici au préalable relevé qu'aucune contestation n'est formulée quant à l'acquisition des titres Brésil et IADB TV, pour lesquels sont d'ailleurs communiqués des ordres écrits de la part de P. P. ;

Par ailleurs, il résulte des éléments de la cause que la demanderesse a également signé un ordre relatif aux titres Mendoza, de sorte que sa contestation y relative ne saurait davantage admise ;

Au surplus, si l'achat des titres litigieux n'avait pas été accepté, elle aurait certes pas manqué de s'en émouvoir, au plus tard lors de la réception du premier relevé de compte les mentionnant ou à tout le moins de celle de la situation du portefeuille, ce qu'elle n'a pas fait ; au contraire, elle s'est abstenue durant toute la durée des relations contractuelles de faire valoir une quelconque réclamation contre les relevés, les avis d'opérés et les situations de portefeuille produits, tous documents bancaires qui relataient les opérations spéculatives pratiquées et qu'elle ne conteste pas avoir reçus, étant ici rappelé qu'en vertu de la lettre de décharge signée par la cliente, la régularité des instructions téléphoniques et/ou par fax pour les opérations boursières était admise, et l'absence de confirmation écrite n'était pas opposable à la banque, en sorte que P. P. ne saurait valablement rechercher une quelconque irrégularité dans l'absence de production de confirmation des ordres téléphoniques invoqués.

L'ensemble des pièces produites révèle que P. P. a non seulement bénéficié d'une information complète et régulière de la situation de ses comptes, mais encore qu'elle a adhéré tout au long de ses relations contractuelles avec le CFM à la pratique mise en place en percevant l'encaissement des coupons relatifs aux investissements réalisés et en n'émettant au surplus aucune protestation dans un délai raisonnable ;

Il s'ensuit que la demanderesse est en conséquence mal fondée à soutenir que la banque aurait effectué des transactions boursières sur ses comptes, pendant la durée de leur fonctionnement, de sa propre initiative et donc à son insu ;

Par ailleurs P. P. se plaint d'avoir été mal informée et conseillée ;

À cet égard, force est en premier lieu de relever qu'au moment de l'ouverture des relations contractuelles entre les parties, la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 n'avait pas encore été votée, en sorte qu'il ne saurait être fait aucun reproche à l'établissement bancaire relativement à la régularité formelle des documents signés par rapport auxdites dispositions légales ;

En toutes hypothèses, P. P. ne saurait valablement reprocher au CFM de n'avoir pas respecté son obligation d'information relativement aux risques inhérents aux investissements pratiqués, dès lors que cette obligation était atténuée du fait de l'absence de mandat de gestion et alors par ailleurs que l'opportunité des achats ou des ventes relevait de la responsabilité du client, la demanderesse ayant d'ailleurs une certaine pratique desdites opérations pour avoir dès le début initié certaines d'entre elles ; au surplus, la demanderesse avait reconnu dans la convention de compte titres avoir été informée des risques inhérents aux opérations passées sur les marchés financiers tenant en particulier à leur caractère spéculatif ou à leur manque éventuel de liquidité ;

Enfin, P. P. ne rapporte la preuve ni que l'achat des titres litigieux aurait dû lui être déconseillé eu égard à l'ensemble de sa situation patrimoniale ou des objectifs de son investissement, ni que le CFM pouvait prévoir, au moment de leur acquisition, la baisse des titres litigieux, et notamment la chute du cours des obligations de l'État argentin ;

P. P. est donc mal fondée à reprocher au CFM d'avoir manqué à ses obligations lors de la constitution de son portefeuille d'actions ;

En définitive la demanderesse n'établit pas l'existence d'une faute commise par la banque et doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

P. P. a ouvert le 23 juin 1997 dans les livres de la société anonyme monégasque Crédit Foncier de Monaco, ci-après CFM, un compte de dépôts portant le n° 00 865 45 ; le même jour elle signait une convention de compte de titres, incluant une traduction en langues italienne et anglaise, ainsi qu'une lettre de décharge concernant les ordres transmis par téléphone, télex ou télécopieur ;

Soutenant que le CFM aurait outrepassé les pouvoirs qui lui avaient été conférés, elle a suivant acte d'assignation en date du 3 juin 2003 fait assigner le CFM pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 110 000 euros, sous réserve de réactualisation représentant les pertes subies du fait des fautes commises par ce dernier et celle de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Elle expose avoir ouvert un compte dans les livres du CFM, afin que celui-ci fonctionne dans le cadre de contrats de dépôts à terme et sur lequel était déposé un montant cumulé d'environ 200 000 euros ;

Elle affirme que contre toute attente le CFM a procédé à l'ouverture de comptes à vue en USD, FRF, ITL, EUR ainsi qu'à celle d'un portefeuille titres, sur lesquels il a procédé à des opérations d'achat et de vente de titres sans instructions de sa part ;

En réponse, le CFM soulève à titre principal l'irrecevabilité pour cause de forclusion des demandes formées par P. P., faute de réclamation dans le délai contractuel prévu ;

Il fait état à ce titre tant des conditions générales signées par cette dernière que des conditions particulières afférentes à la convention de compte de titres ;

titre subsidiaire, il conteste avoir géré les fonds de P. P. et affirme que l'ensemble des opérations a été initié par cette dernière ;

Il estime que la demanderesse ne saurait sérieusement soutenir à une gestion sans autorisation de ses avoirs en l'état des relevés de compte et avis d'opérés qu'elle a reçu régulièrement pendant six années ;

En conséquence il s'oppose aux prétentions de la demanderesse et sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 10 000 euros à titre dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Par conclusions du 13 octobre 2004, P. P. rétorque que l'exception d'irrecevabilité tirée de la forclusion ne saurait lui être valablement opposée compte tenu de ce que les clauses contractuelles liant les parties sont toutes rédigées en langue française qu'elle ne parle pas, et ne sauraient de ce fait lui être opposables faute pour elle d'en comprendre le sens ;

Au fond, elle conteste la gestion de ses avoirs et affirme que les achats des obligations, titres qui se sont révélés être catastrophiques l'ont été sur la seule initiative du CFM ; il en résulte après une analyse de chaque compte, une perte de 108 346,40 euros à ce jour ;

Enfin à titre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal s'estimerait insuffisamment informé, elle sollicite l'instauration d'une mesure d'expertise afin de déterminer les conséquences dommageables résultant des agissements du CFM ;

La banque relève pour sa part, d'une part que la demanderesse ne prouve pas son absence de maîtrise de la langue française, d'autre part que la signature sans réserve des documents contractuels emporte nécessairement lien de droit, en sorte que ses demandes sont irrecevables en l'état de la forclusion ;

Au fond, elle maintient que toutes les opérations ont été initiées par P. P. et fait observer à cet égard :

- qu'il existe un certain nombre d'ordres écrits relatifs à diverses opérations spéculatives en bourse, lesquelles ont en outre donné lieu à des avis d'opérés qui n'ont fait l'objet d'aucune protestation ou réserve,

- qu'il a été convenu entre les parties de la régularité des ordres téléphoniques, qu'ils soient confirmés par écrit ou non (cf. la lettre de décharge signée) ;

En définitive, la banque estime ne pas avoir à répondre du préjudice invoqué, faisant toutefois observer que :

P. P. ne tient pas compte dans l'établissement du préjudice allégué, des placements fructueux,

Elle a transféré certains titres sur le compte de la Banca Fideuram le 26 avril 2002,

Certains titres lui ont rapporté sous forme de coupons ou valorisations ;

Enfin, elle s'oppose à l'expertise sollicitée dans la mesure où elle tendrait à pallier la défaillance du demandeur dans l'administration de la preuve de ses prétentions ;

Le litige s'est par la suite ainsi noué entre les parties, qui ont conclu les 22 juin 2005 et 18 janvier 2006 pour la demanderesse, les 19 octobre 2005 et 15 février 2006 pour le défendeur :

Sur la recevabilité des demandes :

- la demanderesse soutient que les clauses contractuelles non rédigées dans sa langue maternelle ne lui sont pas opposables, alors qu'au demeurant il ne s'agirait que d'une présomption simple de régularité des opérations passées pouvant être combattue par la preuve contraire, et que l'article 5 des conditions générales ne ferait qu'opérer un renversement de la charge de la preuve au profit de la banque, mais n'aurait pas pour effet de rendre sa demande irrecevable,

- la banque pour sa part maintient son exception d'irrecevabilité de la demande au regard de sa tardiveté relevant que la signature apposée par la cliente est l'expression de son consentement, la possibilité de demander une traduction pour défaut de compréhension lui étant offerte au préalable ; elle ajoute que l'absence de contestation dans le délai contractuel des opérations, dont la demanderesse ne nie pas avoir été informée, vaut approbation tacite ;

Sur la faute de la banque :

- P. P. soutient que l'analyse de la convention de compte de titres révèlerait que le CFM agissait comme mandataire salarié, lequel en droit commet un abus de mandat quand il ne gère pas le portefeuille dans l'intérêt de son client ; elle ajoute que la jurisprudence fait obligation au banquier d'informer son client des risques qu'il encourt dans des opérations spéculatives ; elle fait observer que le CFM s'abstient de communiquer la copie des enregistrements des ordres téléphoniques invoqués, ce qui démontre, selon elle, qu'il n'avait sollicité aucune autorisation de faire et a engagé sa responsabilité en ayant agi sans son accord et sans l'informer des investissements qu'il a effectués, non plus que de leur risque, malgré le « profil prudent » mentionné sur sa fiche client ; elle s'estime donc fondée à engager la responsabilité du CFM, ajoutant que le transfert de valeurs ne prouve en aucune façon l'acceptation de l'investissement ; elle confirme l'absence de contestation sur les titres Brésil et IADB TV 97 pour lesquels elle reconnaît avoir eu les informations nécessaires,

- le CFM rétorque quant à lui avoir simplement exécuté les ordres donnés par le client, qu'ils soient écrits ou téléphoniques, ce dernier cas excluant la nécessité d'une confirmation écrite aux termes de la lettre de décharge signée par lui ; il ajoute qu'aucun mandat de gestion des avoirs ne lui avait été confié et que toutes les opérations ont été initiées par la demanderesse, ainsi que le démontrent les ordres écrits, le transfert de titres réalisé à la demande de la cliente et la réception des avis d'opéré sans protestation ; enfin, il observe sur la question de savoir s'il a satisfait à son obligation de conseil, d'une part que rien ne permettait d'anticiper, au jour de l'acquisition des titres argentins, l'effondrement économique de l'Argentine, d'autre part qu'il convient selon lui d'envisager les résultats du portefeuille dans sa globalité, en fonction du contexte boursier, et non titre par titre, relevant que la cliente s'abstient de remettre en cause les opérations bénéficiaires ;

Sur le préjudice :

- la demanderesse fait observer que l'encaissement des coupons ne constitue rien d'autre que la rémunération due selon la loi et maintient en conséquence sa réclamation de ce chef, refusant de supporter les pertes engendrées par les opérations réalisées sans son accord,

- le défendeur affirmant n'avoir aucune responsabilité dans la gestion des avoirs de P. P., ne saurait selon lui répondre du préjudice que cette dernière prétend avoir subi, préjudice au demeurant calculé sur des bases tronquées ne prenant pas en considération l'encaissement de coupons ;

Sur quoi,

Sur la recevabilité de l'action

Attendu en fait que les demandes formées par P. P. à l'encontre du CFM donnant lieu à une remise en question des transactions boursières effectuées sur ses comptes, sont fondées sur les conventions d'ouverture de compte de dépôts, renvoyant aux conditions générales de banque soumises à la signature de la cliente, et de compte de titres en date du 23 juin 1997 ;

Attendu, en droit, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, par application des dispositions de l'article 989 du Code civil ;

Attendu que P. P. estime ne pas être liée par ces conventions, faute de traduction en langue italienne desdits documents ;

Mais attendu à cet égard que s'il est constant que pèse sur le professionnel l'obligation de renseigner son cocontractant sur les caractéristiques du service rendu ainsi que sur les conditions du contrat, aucun texte n'impose pour autant à une banque de traduire ses contrats dans la langue de ses clients étrangers ; que l'obligation contractuelle est présumée remplie dès lors que la banque a pris la précaution de soumettre à la signature de son client l'intégralité des dispositions dont elle invoque l'application ;

Attendu en l'espèce que les contrats d'ouverture de compte de dépôts et de compte de titres, de même que les conditions générales, étaient rédigés en des termes clairs et précis, et comportaient de manière détaillée l'ensemble des conditions et modalités d'exécution ; qu'ils permettaient ainsi de connaître l'étendue et la portée des engagements souscrits ;

Attendu qu'au regard de ces considérations, la demanderesse ne saurait valablement prétendre que son consentement n'était pas éclairé et qu'elle ne serait pas liée par les clauses contractuelles stipulées auxdites conventions ;

Attendu en l'espèce, que les conventions précitées emportent obligation pour le client de porter le cas échéant réclamation par écrit dans le délai contractuel défini (selon les conditions générales 2 mois s'agissant des relevés de compte, 10 jours s'agissant des avis d'opérés et des opérations qui y sont retracées, selon la convention de compte de titres 48 heures suivant la réception des avis d'exécution) ; qu'à défaut de ce faire, et de convention expresse, l'accord du client sur les opérations portées à son compte est réputé acquis ;

Que l'absence de mention « lu et approuvé » sur les conditions générales de fonctionnement des comptes n'a pas pour effet de laisser présumer un vice du consentement de cette cliente qui reconnaît avoir signé ledit document, alors au demeurant que le délai de contestation est repris sur les divers documents bancaires qu'elle a reçus tout au long de la relation contractuelle, ce qu'elle ne conteste pas ;

Attendu qu'une telle stipulation, acceptée par P. P., n'a pas pour effet d'imposer au client de la banque, à peine de forclusion, d'agir en justice dans un certain délai, mais instaure une présomption simple de régularité des opérations portées à sa connaissance, la preuve contraire étant admise ;

Attendu que le CFM est donc mal fondé à soutenir que l'action engagée par P. P. serait irrecevable ;

Sur le fond

Attendu que la présente demande trouve donc son fondement dans la responsabilité pour faute du banquier ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites que P. P. a ouvert le 23 juin 1997 dans les livres du CFM un compte de dépôts et a signé le même jour une convention de compte de titres ;

Qu'à cette occasion, elle signait une lettre de décharge permettant la transmission des ordres par téléphone, sous réserve toutefois d'une confirmation écrite postérieure, le défaut de réception de cette confirmation n'étant pas opposable à la banque ;

Attendu qu'il était en outre convenu que les relevés bancaires concernant ce compte et les avis d'opérés seraient adressés à Pierre Cavarero domicilié à Monaco ;

Attendu que force est en l'espèce de rappeler que P. P. reproche au CFM l'acquisition et la vente de divers titres sans son autorisation et sans l'informer des risques courus du fait desdits investissements ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites (ordres de bourse, relevés de compte, avis d'opérés, transferts de titre, évaluations de portefeuille), que dès l'ouverture des comptes il était ouvert des comptes de dépôt à terme et pratiqué des opérations d'achat et de vente de titres en bourse ;

Que P. P. recevait régulièrement, ce qu'elle ne conteste pas, les relevés de comptes, avis d'opérés et situations de son portefeuille, au domicile de la personne désignée par elle ;

Que les relations ainsi nouées devaient se poursuivre jusqu'à la demande de transfert effectuée le 11 avril 2002 par P. P. dans le sens suivant :

transfert immédiat des titres suivants (France telecom, Argentine 8 %, IADB TV et Pro Mendoza 10 %) sur le compte ouvert à son nom auprès de la banque Fideuram,

la vente immédiate des actions Green Way Limited,

la clôture immédiate du compte courant monétaire,

le transfert immédiat de toutes les liquidités sur le compte de la Fideuram, à l'exception de la somme de 250 euros à conserver sur le compte n° 86545 ;

Que la demanderesse indiquait à cette occasion « je vous remercie pour le professionnalisme et la courtoisie dont vous avez fait part à mon égard ces dernières années et vous adresse mes salutations les meilleures » ;

Que les termes de ce courrier révèlent à suffisance qu'aucun reproche n'était alors formulé à l'encontre de la banque et que le transfert susvisé ne trouvait pas son origine dans un quelconque mécontentement de la cliente ;

Attendu qu'il est au demeurant constant que la demanderesse n'a adressé aucune contestation écrite à l'établissement bancaire, et que ce n'est que suivant l'exploit susvisé qu'elle a invoqué pour la première fois une faute contractuelle résultant des agissements de la banque qui aurait pendant près de cinq années, de sa propre initiative et à son insu effectué des transactions boursières sur ses comptes, transactions qui ont engendré des pertes financières ;

Attendu que dans une telle hypothèse, il appartient au client qui conteste avoir ordonné certaines opérations, d'une part d'émettre une contestation dans un délai raisonnable et d'autre part de rapporter la preuve que lesdites opérations critiquées ont été accomplies sans ses ordres et à son insu, étant relevé que conformément aux clauses contractuelles auxquelles la demanderesse est soumise, l'accord du client sur les opérations enregistrées sur son compte est réputé acquis en l'absence de réclamation dans le délai conventionnellement fixé ;

Attendu toutefois qu'il s'agit d'une présomption simple, susceptible d'être combattue par la preuve contraire ; que la charge de celle-ci incombe à P. P. ;

Attendu qu'à cet égard, celle-ci ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer que l'achat desdites obligations aurait été fait sans son accord ;

Attendu au contraire, que le portefeuille qui lui a été constitué apparaît correspondre aux directives données à la banque, étant ici au préalable relevé qu'aucune contestation n'est formulée quant à l'acquisition des titres Brésil et IADB TV, pour lesquels sont d'ailleurs communiqués des ordres écrits de la part de P. P. ;

Que par ailleurs, il résulte des éléments de la cause que la demanderesse a également signé un ordre relatif aux titres Mendoza, de sorte que sa contestation y relative ne saurait être davantage admise ;

Attendu au surplus, que si l'achat des titres litigieux n'avait pas été accepté, elle n'aurait certes pas manqué de s'en émouvoir, au plus tard lors de la réception du premier relevé de compte les mentionnant ou à tout le moins de celle de la situation du portefeuille, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'au contraire, elle s'est abstenue durant toute la durée des relations contractuelles de faire valoir une quelconque réclamation contre les relevés, les avis d'opérés et les situations de portefeuille produits, tous documents bancaires qui relataient les opérations spéculatives pratiquées et qu'elle ne conteste pas avoir reçus, étant ici rappelé qu'en vertu de la lettre de décharge signée par la cliente, la régularité des instructions téléphoniques et/ou par fax pour les opérations boursières était admise, et l'absence de confirmation écrite n'était pas opposable à la banque, en sorte que P. P. ne saurait valablement rechercher une quelconque irrégularité dans l'absence de production de confirmation des ordres téléphoniques invoqués ;

Que l'ensemble des pièces produites révèle que P. P. a non seulement bénéficié d'une information complète et régulière de la situation de ses comptes, mais encore qu'elle a adhéré tout au long de ses relations contractuelles avec le CFM à la pratique mise en place en percevant l'encaissement des coupons relatifs aux investissements réalisés et en n'émettant au surplus aucune protestation dans un délai raisonnable ;

Qu'il s'ensuit que la demanderesse est en conséquence mal fondée à soutenir que la banque aurait effectué des transactions boursières sur ses comptes, pendant la durée de leur fonctionnement, de sa propre initiative et donc à son insu ;

Attendu par ailleurs que P. P. se plaint d'avoir été mal informée et conseillée ;

Qu'à cet égard, force est en premier lieu de relever qu'au moment de l'ouverture des relations contractuelles entre les parties, la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 n'avait pas encore été votée, en sorte qu'il ne saurait être fait aucun reproche à l'établissement bancaire relativement à la régularité formelle des documents signés par rapport auxdites dispositions légales ;

Qu'en toutes hypothèses, P. P. ne saurait valablement reprocher au CFM de n'avoir pas respecté son obligation d'information relativement aux risques inhérents aux investissements pratiqués, dès lors que cette obligation était atténuée du fait de l'absence de mandat de gestion et alors par ailleurs que l'opportunité des achats ou des ventes relevait de la responsabilité du client, la demanderesse ayant d'ailleurs une certaine pratique desdites opérations pour avoir dès le début initié certaines d'entre elles ;

Qu'au surplus, la demanderesse avait reconnu dans la convention de compte titres avoir été informée des risques inhérents aux opérations passées sur les marchés financiers tenant en particulier à leur caractère spéculatif ou à leur manque éventuel de liquidité ;

Qu'enfin, P. P. ne rapporte la preuve ni que l'achat des titres litigieux aurait dû lui être déconseillé eu égard à l'ensemble de sa situation patrimoniale ou des objectifs de son investissement, ni que le CFM pouvait prévoir, au moment de leur acquisition, la baisse des titres litigieux, et notamment la chute du cours des obligations de l'État argentin ;

Attendu que P. P. est donc mal fondée à reprocher au CFM d'avoir manqué à ses obligations lors de la constitution de son portefeuille d'actions ;

Attendu en définitive que la demanderesse n'établit pas l'existence d'une faute commise par la banque et doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu sur la demande de dommages-intérêts formée par le CFM, qu'il y a lieu de tenir compte des troubles, désagréments et de la faute ayant consisté à introduire la présente action avec légèreté, pour dire que ce défendeur apparaît fondé en sa demande ;

Qu'en l'état des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose sur le caractère abusif de cette action, il y a lieu de chiffrer à la somme de 2 000 euros le montant des dommages-intérêts que P. P. devra lui payer ;

Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens de l'instance, conformément à l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Déclare P. P. recevable en son action ;

Au fond, la déboute de l'ensemble de ses prétentions ;

La condamne à payer à la société anonyme monégasque Crédit Foncier de Monaco la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Composition

Mme Grinda-Gambarini, prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Licari, av. déf.

Note

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2006, n° 8, p. 137 à 144.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27201
Date de la décision : 11/05/2006

Analyses

Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : P.
Défendeurs : SAM Crédit Foncier de Monaco

Références :

article 989 du Code civil
loi n° 1194 du 9 juillet 1997
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2006-05-11;27201 ?

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