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20/10/2005 | MONACO | N°27182

Monaco | Tribunal de première instance, 20 octobre 2005, M. c/ SA S. et SA Bouygues Construction, SCP T.-F.


Abstract

Contrats et obligations

Obligations solidaires - Solidarité des débiteurs - Droit du codébiteur d'une dette solidaire, l'ayant payée, d'agir en répétition contre chacun des autres (article 1069 du Code civil) sur la base d'une subrogation de plein droit - Insolvabilité de l'un des codébiteurs : répartition de celle-ci par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui ayant effectué le paiement - Retard dans l'exécution de l'obligation du débiteur : octroi d'intérêts uniquement au taux légal : article 1008 du Code civil

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R. M. fonde sa demande non sur la subrogation mais sur le droit, que donne l'artic...

Abstract

Contrats et obligations

Obligations solidaires - Solidarité des débiteurs - Droit du codébiteur d'une dette solidaire, l'ayant payée, d'agir en répétition contre chacun des autres (article 1069 du Code civil) sur la base d'une subrogation de plein droit - Insolvabilité de l'un des codébiteurs : répartition de celle-ci par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui ayant effectué le paiement - Retard dans l'exécution de l'obligation du débiteur : octroi d'intérêts uniquement au taux légal : article 1008 du Code civil

Résumé

R. M. fonde sa demande non sur la subrogation mais sur le droit, que donne l'article 1069 du Code civil au codébiteur d'une dette solidaire qui l'a payée en entier, d'agir en répétition contre chacun des autres, à hauteur de ses parts et portions de la dette ; à supposer même que ce recours ait un caractère subrogatoire, il se rattacherait, non à l'article 1105 du même code relatif à la subrogation conventionnelle, mais à la subrogation de plein droit, régie par son article 1106 qui envisage notamment le recours de celui qui est tenu avec d'autres au paiement de la dette ;

L'exercice du recours n'est soumis à la justification d'une subrogation expresse de la part du créancier qu'en cas de subrogation conventionnelle ; en conséquence, R. M. n'est nullement tenu de produire une quittance subrogative obtenue de la communauté immobilière Fontvieille Village, mais seulement de démonter la réalité du paiement effectué à cette dernière ;

Le conseil de la communauté immobilière Fontvieille Village a accusé réception, par lettre du 1er avril 2003, du chèque d'un montant de 1 435 062,61 euros qui lui avait fait adresser R. M. ; ce même conseil a précisé, par un second courrier du 29 novembre 2004, que ce chèque avait été régulièrement encaissé ;

R. M. est ainsi parfaitement en droit d'agir contre la société Bouygues Construction ;

Il résulte de l'article 1069 du Code civil que chaque codébiteur est tenu, envers celui qui a payé en entier la dette, de sa part et portion ; cependant, si l'un d'eux se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité doit se répartir par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement ;

La société Bouygues Construction est bien fondée à soutenir que les condamnations prononcées au profit de la communauté immobilière Fontvieille Village visaient initialement sept défendeurs et que le fait que R. M. soit venu aux droits de certains d'entre eux est sans incidence sur la division de la dette résultant de ces condamnations ;

Il établi que la société EGTM se trouve en état d'insolvabilité depuis l'année 2003 ;

En effet ce Tribunal, après avoir décidé le 5 mai 2000 d'autoriser la continuation de son exploitation au moyen de la location-gérance de son fonds de commerce à la société Big Trekkers, a dû prononcer, dès le 9 août 2002, la résiliation de cette location-gérance puis, par jugement du 10 avril 2003, la liquidation des biens de la société EGTM ;

R. M. a réglé la somme de 1 435 062,61 euros, faisant ainsi ressortir une part pour chaque coobligé de (1 435 062,61/7) 205 008,94 euros ;

La part EGTM devant être répartie, en raison de son insolvabilité, entre ses six coobligés, dont R. M., la société Bouygues Construction se trouve tenue envers R. M. à hauteur de 239 177,10 euros (205 008,94 + (205 008,94/6) ;

Cette somme doit porter intérêts, conformément à l'article 1008 du Code civil, à compter du 24 avril 2003, date de la signification à la société Bouygues Construction d'un commandement de payer valant mise en demeure.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Suivant jugement rendu le 28 avril 1994, ce Tribunal a notamment déclaré les sociétés civiles immobilières dénommées A. Monaco, M. Monaco et D. Monaco, J. S., Entreprises des Grands Travaux Monégasques (EGTM), Dragages et Travaux Publics (devenue depuis la société anonyme de droit français Bouygues Construction) et Smetra responsables, in solidum, des désordres affectant le troisième sous-sol de l'ensemble immobilier de Fontvieille Village et les a condamnées en conséquence, in solidum, à payer au syndicat de la communauté immobilière Fontvieille Village la somme de 5 200 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 1991, outre celle de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Cette décision a été frappée d'appel par les sociétés A. Monaco, M. Monaco et D. ; déclarant venir aux droits de ces sociétés, R. M. est intervenu volontairement en cause d'appel ;

Statuant le 9 avril 2002, la Cour d'appel a confirmé la décision du Tribunal et y a notamment ajouté la condamnation, in solidum, de R. M. et des sociétés J. S. (en réalité Entreprise J. S.), EGTM, Dragages et Travaux Publics et Smetra à payer au syndicat de la communauté immobilière Fontvieille Village une indemnité complémentaire de 4 500 euros, en réparation du préjudice causé à ce dernier par leur procédure d'appel jugée abusive ;

Le 1er avril 2003, R. M. a réglé le montant de ces condamnations ; il a ensuite vainement demandé à ses codébiteurs la répétition de leurs parts respectives, conformément à l'article 1069 du Code civil ;

Le Tribunal de première instance avait entre-temps, par jugement du 17 février 2000, constaté la cessation des paiements de la société EGTM avant de prononcer, le 10 avril 2003, sa liquidation des biens ;

R. M. agit notamment contre les sociétés Entreprise J. S. et Bouygues Construction ; la survenue en France d'une procédure collective intéressant la société J. S. l'a amené à régulariser une seconde instance pour mettre en cause le mandataire de justice désigné en France à cette société ;

Suivant l'exploit susvisé du 19 mai 2003 (instance (n° 642 du rôle de l'année judiciaire 2002-2003), R. M. a fait assigner les sociétés Entreprise J. S. et Bouygues Construction pour demander leur condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer chacune :

la somme de 358 765,65 euros correspondant à sa part virile de la dette,

et une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par leur résistance abusive ;

Par conclusions des 21 avril et 10 novembre 2004, il a en outre, sollicité la condamnation de ses adversaires aux intérêts au taux légal, sur la somme de 358 765,65 euros, à compter du 24 avril 2003 ; il a également demandé la jonction de l'instance avec celle qu'il a parallèlement engagée au contradictoire du commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société J. S. ;

Par un second exploit du 22 avril 2004 (instance n° 625 de l'année judiciaire 2003-2004), R. M. a fait assigner la société Entreprise J. S. et la société civile professionnelle T.-F., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société J. S. ; il a demandé la jonction de cette instance avec celle précédemment introduite et a repris les demandes exprimées dans l'exploit du 19 mai 2003,

Il a également pris, le 9 février 2005, des conclusions reprenant la demande de condamnation aux intérêts ;

La société Entreprise J. S. a conclu, le 15 octobre 2003, à l'irrecevabilité de ces demandes eu égard à la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard en France et a demandé au Tribunal de prononcer, « en tout état de cause », la suspension des poursuites ; à titre subsidiaire, elle a contesté le bien fondé des prétentions du demandeur ;

Dans ses dernières écritures du 10 novembre 2004, communes aux deux instances, elle n'a conclu qu'au rejet des demandes et a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de R. M. à lui payer une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par son « attitude de mauvaise foi » et par l'engagement abusif de sa procédure ;

La société T.-F. s'est exprimée de façon identique dans ses propres écritures du même jour ;

La société Bouygues Construction a opposé, par ses conclusions des 12 novembre 2003 et 13 octobre 2004, divers moyens d'irrecevabilité ou de débouté au fond tirés du défaut de subrogation ou d'action récursoire ; elle a subsidiairement contesté comme erroné le calcul de part virile invoqué par le demandeur ;

Les moyens des parties peuvent être ainsi résumés :

Sur la réalité de la subrogation

- la société Bouygues Construction oppose au demandeur l'absence de production d'une quittance subrogative ;

- R. M. invoque la subrogation légale prévue par l'article 1106 du Code civil et en déduit qu'il n'a nul besoin d'une quittance subrogative, nécessaire seulement à la subrogation conventionnelle ;

Sur les conséquences du redressement judiciaire de la société Entreprise J. S.

- la société Entreprise J. S. a d'abord fait valoir que R. M. n'avait pas attrait aux débats le mandataire de justice désigné par le Tribunal de commerce de Nice pour l'assister ; dans le dernier état de ses conclusions, elle soutient, comme la société T.-F., que la communauté immobilière Fontvieille Village, à laquelle R. M. se trouve subrogé, a retiré sa production de créance relative à la créance litigieuse tandis que R. M. n'a pas lui-même produit au passif conformément à l'article L. 621-53 du Code de commerce français, alors qu'il se trouvait encore dans les délais pour ce faire au moment de son paiement subrogatoire, de sorte que la créance se trouve ainsi éteinte ;

- R. M. a répondu qu'il n'avait nul besoin d'attraire dans la cause l'administrateur judiciaire désigné par le Tribunal de commerce puisque sa mission a pris fin, en décembre 2003, à l'issue de la période d'observation suivie d'un plan de continuation arrêté le 7 janvier 2004 ; il prétend que sa créance n'est née qu'au jour du paiement fait par lui à la communauté immobilière Fontvieille Village, qui a réalisé la subrogation, de sorte que sa créance se trouverait postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et bénéficie du régime prévu à l'article L. 621-32 du Code de commerce français (anciennement article 40 de la loi du 25 janvier 1985) ; il ajoute que l'article L. 621-53 du même code ne peut pas lui être opposé alors qu'il ne prévoit qu'une faculté, et non une obligation, de produire ;

Sur la part incombant à la société Bouygues Construction

- la société Bouygues Construction oppose deux moyens de défense :

d'une part, elle soutient que sa part doit seulement s'apprécier en fonction du « pourcentage de responsabilité » qui lui incombe ;

en second lieu, elle affirme que les sommes en cause doivent être réparties entre l'ensemble des parties condamnées, incluant tant les trois sociétés aux droits desquelles R. M. se prétend subrogé, que la société EGTM à l'encontre de laquelle il lui appartenait de produire et dont l'insolvabilité n'est nullement démontrée ; que même en tenant pour acquise l'insolvabilité de la société EGTM, la portion de la dette incombant à chaque coobligé ne s'élèverait qu'à 1/6 de la dette totale, soit 239 177,10 euros ;

- pour le demandeur, le recours prévu par l'article 1069 du Code civil implique paiement par chaque codébiteur de la même part de la dette, sauf convention contraire ou autre répartition décidée par jugement ; R. M. prétend encore que, s'étant substitué à trois des sociétés condamnées, il n'y a plus que cinq parties condamnées et non sept ; il soutient enfin que l'insolvabilité de la société EGTM se trouve démontrée par le fait que la liquidation des biens a été prononcée à son encontre le 10 avril 2003, quelques jours après le paiement subrogatoire litigieux ;

Sur la mauvaise foi imputée à R. M.

- la société Entreprise J. S. et la société T.-F. reprochent à R. M. d'avoir cherché, en différant son paiement et en omettant de produire à son redressement judiciaire, à obtenir un remboursement sans se soumettre aux délais de son plan de continuation homologué, alors qu'il lui appartient seulement de se retourner contre la communauté immobilière Fontvieille Village qui lui a fait perdre sa créance subrogatoire en retirant sa déclaration de créance ;

- R. M. nie toute mauvaise foi alors que le délai mis au paiement de la créance s'explique par le fait qu'il n'espérait payer que sa part virile et qu'il n'a été contraint de payer la totalité qu'en raison de la défaillance de ses codébiteurs ; il ajoute qu'il n'avait nulle obligation ni d'avertir la société Entreprise J. S. de ce paiement, ni de procéder à une déclaration de créance, d'autant que cette société ne l'avait pas averti de sa propre situation ;

Sur quoi,

Attendu que les deux instances ci-dessus relatées sont fondées, à l'égard de la société Entreprise J. S., sur la même cause et tendent à la même fin ; qu'il est nécessaire, dans un souci de bonne administration de la justice, d'ordonner leur jonction afin qu'il y soit statué par un seul et même jugement ;

I. - Sur la demande en paiement faite contre la société Bouygues Construction

A. - Sur le moyen de défense tiré de l'exigence d'une quittance subrogative

Attendu que R. M. fonde sa demande non sur la subrogation mais sur le droit, que donne l'article 1069 du Code civil au codébiteur d'une dette solidaire qui l'a payée en entier, d'agir en répétition contre chacun des autres, à hauteur de ses parts et portions de la dette ; qu'à supposer même que ce recours ait un caractère subrogatoire, il se rattacherait, non à l'article 1105 du même code relatif à la subrogation conventionnelle, mais à la subrogation de plein droit, régie par son article 1106 qui envisage notamment le recours de celui qui est tenu avec d'autres au paiement de la dette ;

Attendu que l'exercice du recours n'est soumis à la justification d'une subrogation expresse de la part du créancier qu'en cas de subrogation conventionnelle ; qu'en conséquence, R. M. n'est nullement tenu de produire une quittance subrogative obtenue de la communauté immobilière Fontvieille Village, mais seulement de démontrer la réalité du paiement effectué à cette dernière ;

Attendu que le conseil de la communauté immobilière Fontvieille Village a accusé réception, par lettre du 1er avril 2003, du chèque d'un montant de 1 435 062,61 euros que lui avait fait adresser R. M. ; que ce même conseil a précisé, par un second courrier du 29 novembre 2004, que ce chèque avait été régulièrement encaissé ;

Attendu que R. M. est ainsi parfaitement en droit d'agir contre la société Bouygues Construction ;

B. - Sur la division de la dette entre les débiteurs

Attendu qu'il résulte de l'article 1069 du Code civil que chaque codébiteur est tenu, envers celui qui a payé en entier la dette de sa part et portion ; que cependant, si l'un d'eux se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité doit se répartir par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement ;

Attendu que la société Bouygues Construction est bien fondée à soutenir que les condamnations prononcées au profit de la communauté immobilière Fontvieille Village visaient initialement sept défendeurs et que le fait que R. M. soit venu aux droits de certains d'entre eux est sans incidence sur la division de la dette résultant de ces condamnations ;

Attendu qu'il est établi que la société EGTM se trouve en état d'insolvabilité depuis l'année 2003 ;

Attendu en effet que ce Tribunal, après voir décidé le 5 mai 2000 d'autoriser la continuation de son exploitation au moyen de la location-gérance de son fonds de commerce à la société Big Trekkers, a dû prononcer, dès le 9 août 2002, la résiliation de cette location-gérance puis, par jugement du 10 avril 2003, la liquidation des biens de la société EGTM ;

Attendu que R. M. a réglé la somme de 1 435 062,61 euros, faisant ainsi ressortir une part pour chaque coobligé de (1 4353 062,61/7) 205 008,94 euros ;

Que la part de la société EGTM devant être répartie, en raison de son insolvabilité, entre ses six coobligés, dont R. M., la société Bouygues Construction se trouve tenue envers R. M. à hauteur de 239 177,10 euros (205 008,94 + (205 008,94/6) ;

Attendu que cette somme doit porter intérêts, conformément à l'article 1008 du Code civil, à compter du 24 avril 2003, date de la signification à la société Bouygues Construction d'un commandement de payer valant mise en demeure ;

II. - Sur la demande en paiement intéressant la société J. S.

Attendu qu'il ressort d'un extrait du registre du commerce et des sociétés de Nice, régulièrement produit aux débats, que le Tribunal de commerce de Nice a, notamment prononcé, au sujet de la société Entreprise J. S. :

par jugement du 26 décembre 2002, une procédure de redressement judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 20 décembre 2002,

par décision du 28 mars 2003, une prolongation de la période d'observation pour six mois à compter du 26 juin 2003,

et par jugement du 27 janvier 2004, a arrêté un plan de continuation ;

Attendu qu'il n'est pas contesté par les parties qu'il doit être tenu compte de l'incidence de ces jugements, telle qu'elle est régie par le Code de commerce français, sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande présentée par R. M. ;

Attendu que l'article L. 621-40 du Code de commerce français interdit aux créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement, d'engager toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en pareil cas, ces créanciers sont en principe tenus, conformément à l'article L. 621-43 du même code, de déclarer leurs créances respectives au représentant des créanciers ; qu'à défaut de déclaration dans le délai prévu par ce texte et de relevé de forclusion, ces créances sont déclarées éteintes par l'article L. 621-46 ;

Attendu qu'il est donc nécessaire de déterminer si la créance litigieuse a une origine antérieure au jugement d'ouverture ou si elle constitue, au contraire, une créance née régulièrement après ce jugement et devant être payée à son échéance en cas de poursuite de l'activité, ainsi que le prescrit l'article L. 621-32 du Code de commerce français ;

Attendu que le droit français se trouve actuellement fixé en ce sens que la créance de remboursement d'un codébiteur envers un autre naît de l'engagement solidaire contracté envers le créancier ;

Attendu en effet que cette solution résulte clairement d'un arrêt rendu le 30 juin 2004 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation française (publié au Bulletin des arrêts de la Cour, n° 142, p. 157) et ainsi conçu : « Vu les articles 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985 dans leur rédaction applicable à la cause ;

Attendu selon l'arrêt déféré, que M. et Mme X... ont contracté solidairement un prêt de 60 000 francs auprès de Mme Z..., M. X... s'engageant dans ses rapports avec son épouse à rembourser seul le prêt ; que M. X... a été mis en redressement puis liquidation judiciaire le 12 octobre 1987 ; que la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif ; que, par acte introductif d'instance du 3 février 1999, Mme Y... divorcée X... a demandé la condamnation de M. X... à lui rembourser les sommes qu'elle avait acquittées seule et subsidiairement a formulé une demande de dommages-intérêts ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à Mme Y... la somme de 60 000 francs, soit 9 146,94 euros, l'arrêt retient que Mme Y..., qui n'avait procédé à l'époque de l'ouverture de la procédure collective à aucun versement au titre du prêt contracté le 17 janvier 1987, n'avait aucune créance à faire valoir à l'encontre de M. X... et que le défaut de déclaration de créance au passif de la procédure collective de M. X... n'a emporté que l'extinction de la créance de Mme Z... à l'égard de M. X... ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que la créance de remboursement de Mme Y..., née de l'engagement solidaire contracté le 17 janvier 1987 envers le créancier, avait son origine antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et devait être déclarée au passif de M. X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés » ;

Attendu que la créance de remboursement invoquée par R. M. a donc pour origine, au sens des articles précités du Code de commerce français, non le paiement dont ce dernier s'est acquitté envers la communauté immobilière Fontvieille Village, mais la décision judiciaire portant condamnation de lui-même ou des sociétés aux droits desquels il est venu, in solidum avec ses coobligés, à payer les sommes dues à cette copropriété ;

Attendu que la condamnation marquant l'origine de la créance résulte de l'arrêt rendu le 9 avril 2002 par la Cour d'appel ; que cette décision, signifiée le 14 juin 2002 à l'ensemble des parties défenderesses condamnées, est passée à cette date en force de chose jugée et se trouve donc antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire intéressant la société Entreprise J. S. qui n'est intervenue que le 26 décembre 2002 ;

Attendu que R. M. ne prétend, ni avoir procédé à une déclaration de créance dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, ni pouvoir profiter de la déclaration faite par la communauté immobilière Fontvieille Village, à laquelle cette dernière a renoncé par lettre du 12 novembre 2003 ;

Attendu que la créance de remboursement de R. M. à l'égard de la société Entreprise J. S. se trouve ainsi éteinte, de sorte que la demande en paiement présentée contre elle doit être rejetée ;

III. - Sur les demandes de dommages-intérêts

A. - Demandes présentées par R. M.

Attendu que la résistance opposée par les sociétés défenderesses s'avère justifiée puisque R. M. a été débouté de sa demande visant la société Entreprise J. S., tandis qu'il n'a été fait droit qu'en partie à celle formée contre la société Bouygues Construction ;

Qu'il convient en conséquence de rejeter les demandes indemnitaires de R. M. ;

B. - Demande présentée contre R. M.

Attendu que R. M. n'apparaît pas avoir agi de façon fautive en faisant assigner la société Entreprise J. S. alors que les conséquences juridiques, sur la créance litigieuse, du placement de cette dernière en redressement judiciaire pouvaient légitimement donner lieu à un débat qui n'a été tranché de façon certaine que postérieurement à l'introduction de la demande par l'arrêt de la Cour de cassation ci-dessus rapporté ;

Que la société Entreprise J. S. et la société T.-F. doivent donc également être déboutées de leurs demandes respectives de dommages-intérêts ;

IV. - Sur l'exécution provisoire et les dépens

Attendu que l'article 202 du Code de procédure civile permet, notamment, le prononcé de l'exécution provisoire s'il y a condamnation précédente par jugement non frappé d'appel ;

Attendu que, s'il est vrai que l'arrêt précité du 9 avril 2002 a emporté condamnation de la société Bouygues Construction au profit de la communauté immobilière Fontvieille Village, cette décision n'a pas donné de titre à R. M. puisque, loin de pouvoir la faire exécuter à son bénéfice, il a dû engager la présente instance pour obtenir la condamnation de cette société ;

Que, par ailleurs, l'arrêt du 9 avril 2002 ne peut être considéré comme valant condamnation précédente dans les rapports entre R. M. et la société Bouygues Construction, de sorte que le Tribunal ne peut pas faire droit à la demande de R. M. tendant au prononcé de l'exécution provisoire ;

Et attendu que les dépens doivent être mis à la charge conformément à l'article 231 du Code de procédure civile, de la partie qui succombe ; que R. M. devra donc supporter les dépens de l'instance n° 625, tandis que les dépens de l'instance n° 642 devront incomber à R. M., en ce qui concerne ses demandes dirigées contre la société Entreprise J. S., et à la société Bouygues Construction pour le surplus ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT

Ordonna la jonction des instances respectivement enregistrées sous les numéros 642 du rôle de l'année judiciaire 2002-2003 et 625 du rôle de l'année judiciaire 2003-2004 ;

Déboute R. M. de ses demandes dirigées contre la société Entreprise J. S. ;

Condamne la société Bouygues Construction à payer à R. M. la somme de Deux cent trente neuf mille cent soixante dix sept euros et dix cents (239 177,10 €), montant des causes sus énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2003 ;

Déboute R. M. du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Entreprise J. S. et la société T.-F. de leurs demandes indemnitaires respectives ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari, Blot, av. déf. ; Deplano, av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27182
Date de la décision : 20/10/2005

Analyses

Contrat - Effets


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : SA S. et SA Bouygues Construction, SCP T.-F.

Références :

article 231 du Code de procédure civile
articles 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985
article 1106 du Code civil
article 40 de la loi du 25 janvier 1985
article 1069 du Code civil
article 202 du Code de procédure civile
article 1008 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2005-10-20;27182 ?

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