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27/05/2005 | MONACO | N°27205

Monaco | Tribunal de première instance, 27 mai 2005, SC du Château, N. c/ C., SARL Eze Aighetta, Basinco Holdings SAH, Société Des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers


Abstract

Procédure civile

Qualité pour agir - Action en justice d'une société, autre que la société en participation, ayant l'obligation d'immatriculation au regard de l'article 1842 du Code civil français - Défaut d'immatriculation de ladite société, laquelle se trouve ainsi dépourvue de plein droit de la personnalité morale, ce qui lui interdit d'en exercer les prérogatives, telle qu'une action en justice - Irrecevabilité donc de la demande de cette société

Résumé

I. Sur l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de qualité pour agir de la

SCI Du Château

Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des statuts de la SCI ...

Abstract

Procédure civile

Qualité pour agir - Action en justice d'une société, autre que la société en participation, ayant l'obligation d'immatriculation au regard de l'article 1842 du Code civil français - Défaut d'immatriculation de ladite société, laquelle se trouve ainsi dépourvue de plein droit de la personnalité morale, ce qui lui interdit d'en exercer les prérogatives, telle qu'une action en justice - Irrecevabilité donc de la demande de cette société

Résumé

I. Sur l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de qualité pour agir de la SCI Du Château

Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des statuts de la SCI Du Château - lesquels n'ont cependant pas date certaine - que cette société, dont la durée a été fixée à cinquante années à compter du 1er mars 1972, a fixé son siège social en France, 32 rue de l'Escarène à Nice et s'est déclarée soumise aux dispositions de la législation française des articles 1835 et suivants du Code civil ;

Il résulte de l'article 1842 du Code civil français que « les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation » ;

Si par application des dispositions de l'article 4, alinéa 4 de la loi française n° 78-9 du 4 janvier 1978, dérogeant à l'article 1842 précité, les sociétés constituées avant le 1er juillet 1978 - ce qui s'avère le cas en l'espèce - n'avaient pas l'obligation de s'immatriculer au Registre du commerce et des sociétés pour conserver leur personnalité morale, cette faculté a été abrogée par l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, ainsi rédigé :

« Le quatrième alinéa de l'article 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du Livre III du Code civil est abrogé le premier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi. Les sociétés civiles procèdent, avant cette date, à leur immatriculation au Registre du commerce et des sociétés » ;

Il doit en être déduit, à la lumière des dispositions de l'article 1842 qui devient désormais le principe général, que l'obligation d'immatriculation s'applique à toutes les sociétés, y compris celles constituées avant 1978, quelle que soit leur forme, et ce, sous peine de perdre leur personnalité morale ;

La situation des sociétés civiles créées avant le 1er juillet 1978 est donc la suivante : soit elles auront procédé à leur immatriculation avant le 1er novembre 2002 et elles jouissent en ce cas de la personnalité morale, soit elles n'auront pas procédé à cette date à leur immatriculation, auquel cas elles perdent de plein droit leur personnalité juridique ;

S'agissant de la SCI Du Château, non seulement cette société n'offre pas de justifier de son immatriculation avant le 1er novembre 2002 au Registre du commerce et des sociétés, mais encore il résulte de deux certificats négatifs d'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés la concernant, délivrés par le greffe du tribunal de commerce de Nice, en date des 12 novembre 2002 et 24 avril 2003, qu'elle n'a pas procédé à son immatriculation obligatoire ;

En conséquence, faute de s'être conformée aux exigences légales qui lui sont applicables, la SCI Du Château doit être considérée comme une société n'ayant pas la personnalité morale et ne pouvant donc en exercer les prérogatives qui y sont attachées, telles qu'une action en justice ;

Il y a lieu en conséquence de la déclarer irrecevable à agir à l'encontre des défendeurs qu'elle a ainsi non valablement attraits devant le Tribunal.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Attendu que par l'exploit susvisé, la Société Civile Du Château et F. N. ont fait assigner J.-C. C., la SARL Eze Aighetta, la société de droit luxembourgeois Basinco Holdings SAH et la SBM aux fins suivantes :

Vu les articles 956, 989 et 1101 et suivants du Code civil,

Constater et au besoin dire et juger que la Société Des Bains De Mer de Monaco, Monsieur J.-C. C., la SARL Eze Aighetta d'une part et, d'autre part, le Groupe d'Études constitué par Monsieur F. N. et la Société Civile du Château ont conclu un accord de principe sur la rémunération du Groupe d'Études dans le cadre de l'opération immobilière sur le terrain appartenant à la Société Des Bains De Mer à Eze,

Constater que cet accord devait permettre audit Groupe d'Études d'obtenir :

d'une part, une rémunération à hauteur de 5 % du prix de vente des terrains à titre d'intermédiaire,

d'autre part, une rémunération au titre de l'intervention à l'opération de construction en suite de la vente en sa qualité de maître d'œuvre de conception et d'exécution,

Constater qu'en suite de la vente réalisée le 4 avril 1990 pour un prix de 30 millions de francs et de l'opération réalisée par la SARL Eze Aighetta, aucune rémunération n'a été versée au Groupe d'Études et aucun de ses membres n'est intervenu à l'opération de construction,

Constater que les requis ont commis une faute vis-à-vis du Groupe d'Études,

Condamner en conséquence les requis à payer conjointement et solidairement à Monsieur F. N. et à la Société Civile du Château constitués en « Groupe d'Études »

la somme de 228 673,53 euros (1 500 000 francs) représentant 5 % du prix de vente du terrain d'Eze à titre de dommages-intérêts, représentant la rémunération due sur la vente,

la somme de 3 018 490,54 euros (19 800 000 francs) à titre de dommages-intérêts pour la perte de mission subie par le Groupe d'Études correspondant à des honoraires à réaliser, d'un montant égal à 39 600 000 francs,

Condamner en outre lesdits requis au paiement de la somme de 7 622,45 euros (50 000 francs) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

Condamner enfin les mêmes requis au paiement d'une somme de 3 048,98 euros (20 000 francs) au titre de dommages-intérêts « ;

Qu'au soutien de leurs demandes, la SCI du Château et F. N. entendent faire juger qu'un accord de principe serait intervenu avec les défendeurs dans le cadre d'une opération immobilière sur un terrain appartenant à la SBM, en exécution duquel une rémunération aurait dû leur être versée ;

Qu'il est en effet exposé que fin 1960 début 1970, C. De M., ingénieur expert, avait été mandaté par la SBM pour réaliser le projet de création de la ZAC de l'Aighetta à Eze et qu'à cette fin, il a fait appel à André Marty qui a constitué un groupe de travail dénommé SCI du Château ; Qu'un accord sur les honoraires aurait été conclu, en l'état d'échanges de courriers entre le cabinet d'architectes N., agissant pour le groupe d'études, et la SBM ;

Que la vente des terrains est intervenue le 4 avril 1990 entre la SBM et la SARL Eze Aighetta, représentée par J.-C. (ou G.) C., pour un prix de 30 millions de francs, en sorte qu'en vertu de l'accord de principe précité, la SBM aurait dû reverser une commission de 5 % du prix de vente au groupe d'études dont le travail a permis la naissance du projet immobilier et sa vente ; Qu'en outre, les demandeurs s'estiment fondés à percevoir un dédommagement correspondant à la moitié des honoraires qu'ils auraient dû percevoir au titre d'une mission d'architecte, d'étude et de coordination que les défendeurs s'étaient obligés à leur confier et qui ne l'a pas été ;

Attendu que la position des défendeurs peut se résumer ainsi qu'il suit :

- la société Basinco Holdings, la société Eze Aighetta, J.-C. C. et la SBM ont tous conclu à l'irrecevabilité de la demande formée par la SCI du Château, qui n'aurait pas d'existence légale ; Ils considèrent en effet que cette société n'était à l'origine qu'un groupe de travail, qui a déclaré avoir son siège social en France, mais qui n'est pas immatriculé - à tout le moins depuis le 1er novembre 2002 comme l'impose la législation française - au Registre du commerce et des sociétés tenu au greffe du Tribunal de commerce de Nice dont elle dépend ; Qu'elle serait donc dépourvue de toute personnalité juridique, et par suite, irrecevable à ester en justice ;

- la société Basinco Holdings fait par ailleurs observer qu'elle n'a jamais souscrit le moindre engagement envers les demandeurs, et notamment F. N., étant précisé que les sommes réclamées par ce dernier constituent une rémunération prohibée par l'ordonnance portant approbation des devoirs professionnels des architectes ; Elle sollicite reconventionnellement la condamnation des demandeurs au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- la société Eze Aighetta et J.-C. C. soulèvent également l'irrecevabilité des demandes formées par F. N., avec qui ils n'ont jamais contracté et dont le contrat d'association communiqué ne vise que des projets situés en Principauté de Monaco, et font remarquer que J.-C. C. n'a jamais contracté à titre personnel ; Ils considèrent que les pièces produites par les demandeurs ne contiennent aucun engagement de leur part, et sollicitent reconventionnellement leur condamnation au paiement d'une somme de 15 244,90 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive ;

- la SBM conclut également à l'irrecevabilité de la demande présentée par F. N. et objecte que le document intitulé » association en participation « dont il se prévaut n'est pas opposable aux tiers ; elle prétend par ailleurs n'avoir jamais donné mandat ni confié de mission au cabinet d'architectes N. ou au groupement d'études, et que la vente du domaine d'Eze s'est réalisée sans l'intervention des demandeurs ; la SBM requiert la condamnation in solidum de ces derniers au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts et entend se voir donner acte des suites qu'elle se réserve de donner à l'instance diligentée par F. N. ;

La SCI du Château et F. N. ont maintenu l'intégralité de leurs prétentions développées dans leur exploit introductif d'instance ;

Sur ce,

I. - Sur l'exception d'irrecevabilité tiré du défaut de qualité pour agir de la SCI du Château

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des statuts de la SCI du Château - lesquels n'ont cependant pas date certaine - que cette société, dont la durée a été fixée à cinquante années à compter du 1er mars 1972, a fixé son siège social en France, 32 rue de l'Escarène à Nice et s'est déclarée soumise aux dispositions de la législation française des articles 1835 et suivants du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1842 du Code civil français que » Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation « ;

Attendu que si par application des dispositions de l'article 4, alinéa 4 de la loi française n° 78-9 du 4 janvier 1978, dérogeant à l'article 1842 précité, les sociétés constituées avant le 1er juillet 1978 - ce qui s'avère le cas en l'espèce - n'avaient pas l'obligation de s'immatriculer au Registre du commerce et des sociétés pour conserver leur personnalité morale, cette faculté a été abrogée par l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du Livre III du Code civil est abrogé le premier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi. Les sociétés civiles procèdent, avant cette date, à leur immatriculation au Registre du commerce et des sociétés » ;

Attendu qu'il doit en être déduit, à la lumière des dispositions de l'article 1842 qui devient désormais le principe général, que l'obligation d'immatriculation s'applique à toutes les sociétés, y compris celles constituées avant 1978, quelle que soit leur forme, et ce, sous peine de perdre leur personnalité morale ;

Que la situation de sociétés civiles créées avant le 1er juillet 1978 est donc la suivante : soit elles auront procédé à leur immatriculation avant le 1er novembre 2002 et elles jouissent en ce cas de la personnalité morale, soit elles n'auront pas procédé à cette date à leur immatriculation, auquel cas elles perdent de plein droit leur personnalité juridique ;

Attendu, s'agissant de la SCI du Château, que non seulement cette société n'offre pas de justifier de son immatriculation avant le 1er novembre 2002 au Registre du commerce et des sociétés, mais encore qu'il résulte de deux certificats négatifs d'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés la concernant, délivrés par le greffe du Tribunal de commerce de Nice, en date des 12 novembre 2002 et 24 avril 2003, qu'elle n'a pas procédé à son immatriculation obligatoire ;

Attendu en conséquence, que faute de s'être conformée aux exigences légales qui lui sont applicables, la SCI du Château doit être considérée comme une société n'ayant pas la personnalité morale et ne pouvant donc en exercer les prérogatives qui y sont attachées, telles qu'une action en justice ;

Qu'il y a lieu en conséquence de la déclarer irrecevable à agir à l'encontre des défendeurs qu'elle a ainsi non valablement attraits devant le Tribunal ;

II. - Sur l'exception d'irrecevabilité opposée à F. N.

Attendu que pour justifier de sa qualité à agir, F. N. se fonde sur un document intitulé « association en participation » signé le 14 avril 1988 entre J. N. et lui-même ;

Mais attendu, d'une part, que ce contrat ne concerne pas J. N., en sorte que F. N. ne pourrait revendiquer, conformément aux stipulations contractuelles prévues, que la part de J. N. - soit la moitié - revenant dans l'opération litigieuse au cabinet J. et J. N. ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de cette convention du 14 avril 1988, l'association ainsi conclue « a pour objet l'exercice en commun par messieurs Jean et F. N. de leurs activités respectives d'architectes pour tous projets situés en Principauté de Monaco. L'objet s'étend donc à tout projet qui est ou sera confié à chacun des soussignés et à toute opération s'y rattachant directement ou indirectement » ;

Attendu qu'il résulte à l'évidence de la lecture de cet article que le contrat conclu entre les deux architectes ne concerne que les projets dont le lieu de situation est exclusivement en Principauté de Monaco ;

Que tel n'est pas le cas de l'opération de l'Aighetta, située en France sur la commune d'Eze (Alpes-Maritimes) ;

Attendu en conséquence que ne pouvant se prévaloir des dispositions de la convention précitée pour invoquer des droits dont auraient pu être titulaires les architectes J. et J. N., F. N. s'avère dépourvu de qualité à agir à l'encontre de l'ensemble des défendeurs, et partant, irrecevable en ses demandes ;

III. - Sur les demandes reconventionnelles des défendeurs

Attendu que les défendeurs sont eux-mêmes irrecevables à former une demande en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la SCI du Château, dont il vient d'être jugé qu'elle est dépourvue de personnalité juridique ; qu'il appartient à ces derniers, s'ils l'estiment opportun, d'agir de ce chef à l'encontre des associés de la SCI du Château ;

Attendu que l'insistance de F. N. à obtenir des sommes qui ne lui sont manifestement pas dues, ayant contraint tous les défendeurs à engager des frais pour se défendre en justice, revêt un caractère abusif qui justifie sa condamnation à payer respectivement à J.-C. C., la SARL Eze Aighetta, la société Basinco Holdings et la SBM, la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts, eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose pour l'évaluation du préjudice qui leur a été occasionné ;

Et attendu que les dépens seront supportés par F. N., qui succombe, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Déclare la SCI du Château et F. N. irrecevables en leurs demandes ;

Déclare les défendeurs irrecevables en leur demande en paiement de dommages-intérêts dirigée à l'encontre de la SCI du Château ;

Condamne F. N. à payer à J.-C. (ou G.) C., à la SARL Eze Aighetta, à la société Basinco Holdings et à la SBM la somme de 5 000 € à chacun, à titre de dommages-intérêts ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mme Dollmann, subst. proc. gén. ; Mes Lorenzi, Sbarrato, Pastor-Bensa, Escaut, av. déf. ; Assus-Juttner, av. bar. de Nice ; Dureuil, av. bar. d'Aix-en-Provence ; Blanc, av. bar. de Marseille.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27205
Date de la décision : 27/05/2005

Analyses

Sociétés - Général ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : SC du Château, N.
Défendeurs : C., SARL Eze Aighetta, Basinco Holdings SAH, Société Des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers

Références :

article 231 du Code de procédure civile
article 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978
article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001
Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2005-05-27;27205 ?

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