La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2005 | MONACO | N°27174

Monaco | Tribunal de première instance, 21 avril 2005, AMS Fiduciaire c/ B., Société B. S. et Cie, S. B., Société S. B.


Abstract

Fonds de commerce

Cession sous forme d'apport à une société (attribution de parts sociales assimilée au paiement du prix) - Application de l'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente du fonds de commerce : destinée à protéger les créanciers du cédant - Obligation légale pour le cessionnaire de procéder aux publications de la cession, de ne point s'acquitter du prix en cas d'opposition - À défaut de publications : absence d'effet libératoire du paiement à l'égard des créanciers auxquels le cessionnaire devient personnellement redevable dans la double limite

du prix de cession du fonds et du montant de la créance, sans solidarité av...

Abstract

Fonds de commerce

Cession sous forme d'apport à une société (attribution de parts sociales assimilée au paiement du prix) - Application de l'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente du fonds de commerce : destinée à protéger les créanciers du cédant - Obligation légale pour le cessionnaire de procéder aux publications de la cession, de ne point s'acquitter du prix en cas d'opposition - À défaut de publications : absence d'effet libératoire du paiement à l'égard des créanciers auxquels le cessionnaire devient personnellement redevable dans la double limite du prix de cession du fonds et du montant de la créance, sans solidarité avec le débiteur

Résumé

Il existe un lien entre la société B. S. et Cie et P. B. puisque ce dernier a, selon les statuts établis le 15 décembre 1999 par devant Maître Henry Rey, notaire, participé à sa création et en a été, jusqu'à la cession de parts le 23 juin 2000, un de ses associés commanditaires ;

il est énoncé à ces statuts que les trois associés fondateurs n'ont apporté que des sommes d'argent pour un total limité à 38 000 euros ; l'apport de P. B. n'était que de 1 900 euros tandis que celui de son épouse, M. A. B., s'élevait seulement à 3 800 euros ;

Cependant il est établi par des présomptions graves, précises et concordantes que P. B. a en outre fait apport du fonds de commerce qu'il exploitait précédemment, ou pour le moins de la clientèle qui en constituait le principe élément ;

En effet, il résulte en premier lieu des termes même de l'agrément donné le 24 février 2000 par le Gouvernement en vue de l'immatriculation de la société qu'elle allait se livrer à l'activité prévue à son objet « aux lieu et place de M. P. B. » ;

Ensuite, l'engagement contracté par S. B., dans le protocole précité du 23 juin 2000, envers les époux B. ne pouvait avoir pour cause que le remboursement de la valeur du fonds de commerce ou de la clientèle qui, soit avaient été apportés à la société dès sa constitution, soit lui avaient été cédés ultérieurement ;

En effet, la valeur des apports faits par les époux B., tel qu'ils sont déclarés dans les statuts de la société, soit au total 5 700 euros, est sans commune mesure avec celle des prestations promises par B. comme contrepartie de la cession de parts ;

S. B. s'est en effet engagé à payer des dettes à hauteur de 1 263 544 francs, soit 192 626,04 euros, et a renoncé en outre à une créance de 19 600 dollars américains détenue sur P. B. par une société tierce S. dont il était le gérant ;

Il est inenvisageable que la valeur des parts représentant le capital de la société B. S. et Cie ait pu connaître une telle augmentation alors que son activité venait de commencer ; la somme en cause avait donc nécessairement pour contrepartie réelle le prix du fonds ou de la clientèle apportés ou cédés à la société ;

L'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente des fonds de commerce droit trouver application, selon son article 1er, dans tous les cas de cession ou de vente d'un fonds ; l'apport d'un fonds de commerce ou d'un élément de fonds de commerce à une société s'analyse en une cession visée par ce texte ;

L'ordonnance du 23 juin 1907 organise un système d'ordre public destiné à protéger les créanciers du cédant ; elle impose notamment au cessionnaire d'annoncer la cession par deux annonces insérées au Journal de Monaco (art. 1er et 2) et de recevoir les oppositions formées par les créanciers (art. 2) ; en cas d'opposition, elle interdit en principe au cessionnaire de s'acquitter du prix entre les mains du cédant et lui prescrit de le remettre aux opposants dont la qualité de créancier aura été reconnue, au besoin après ouverture d'une procédure de distribution des deniers (art. 6) ;

Le cessionnaire se trouve ainsi engagé à l'égard des éventuels créanciers du cédant ; s'il paye le prix au cédant sans avoir procédé aux publications prescrites, sans avoir attendu les délais qu'elles comportent ou au mépris d'une opposition, ce paiement n'a pas d'effet libératoire envers les créanciers (art. 4) et il devient personnellement redevable à leur égard dans la double limite du prix de cession du fonds et du montant de la créance ;

En matière d'apport d'un fonds de commerce à une société, la reconnaissance de la qualité d'associé et l'attribution des parts sociales correspondantes doivent être assimilées au paiement du prix ;

La société B. S. et Cie a participé à un montage juridique qui a eu pour effet de priver les créanciers de P. B. de la possibilité de faire valoir leur créance à l'occasion de la cession de son fonds de commerce, que cette cession ait pris la forme d'un apport ou qu'elle soit intervenue après la constitution de la société ;

Faute d'avoir fait procéder aux publications exigées par la loi, cette société ne s'est pas libérée à l'égard de la société AMS Fiduciaire et est devenu elle-même sa débitrice ;

Il ressort des éléments ci-dessus exposés que la créance litigieuse est de loin inférieure à la valeur du fonds apporté ;

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de la société AMS fiduciaire dans la limite des droits qu'elle détient envers P. B. et de condamner la société B. S. à lui payer la somme de 18 087,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2001 ;

La solidarité prévue par l'article 1057 du Code civil ne peut résulter que d'une stipulation expresse ou d'une disposition de la loi ; l'ordonnance précitée du 23 juin 1907 n'institue aucune solidarité entre le débiteur et le cessionnaire d'un fonds de commerce ;

La condamnation prononcée contre la société B. S. et Cie ne peut donc pas comporter solidarité entre elle et P. B..

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

P. B. s'est livré, sous l'enseigne « International Diffusion Monte-Carlo », à une activité commerciale relative à tous articles destinés aux aménagements et équipements d'intérieur ainsi qu'à des articles de cadeau et textiles ;

Il s'est fait radier à compter du 21 juillet 2000 du Répertoire du commerce et de l'industrie en déclarant que se cessation d'activité était consécutive, depuis le 30 juin 2000, à la création d'une société en commandite simple dénommée « B. S. et Cie » ;

La société à responsabilité limitée de droit français AMS Fiduciaire avait jusque-là fourni des prestations d'expertise comptable à P. B. ; estimant être créancière d'un solde d'honoraires, elle a engagé diverses procédures pour en obtenir paiement tant contre P. B. que contre deux sociétés, aux dénominations proches, constituées par S. B. avec lequel il a eu des liens :

la société S. B. et Cie, immatriculée le 18 avril 2000 au Répertoire du commerce et des sociétés sous le n° 00 S 03799, ayant son siège 1, Avenue du Président Kennedy à Monaco, et dont l'objet est l'exploitation de l'établissement d'hôtel et de snack-bar dénommée « Hôtel Miramar », ainsi que la vente dans cet établissement et à sa clientèle de gadgets, tee-shirts et articles de souvenirs ;

et la société B. S. et Cie, sise à Monaco, immatriculée le 25 avril 2000 sous le n° 00 S 03804, ayant pour dénomination commerciale « ID Monte-Carlo » ou « IDMC » et pour objet le commerce de tous articles concernant les aménagements et les équipements d'intérieur, des articles textiles et de tous objets décoratifs ou utilitaires destinés aux cadeaux et à la publicité de marque ;

Ces procédures ont ensuite donné lieu à diverses instances tendant à leur jonction ou à des appels en garantie ;

I. - Instance initiale engagée par la société AMS Fiduciaire contre P. B. et la société S. B. et Cie (n° 30 du rôle de l'année 2002-2003)

A. - Instance principale

Suivant l'exploit susvisé du 23 juillet 2002, la société AMS Fiduciaire a fait assigner P. B. et la société S. B. et Cie en vue d'obtenir leur condamnation solidaire, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer :

titre de solde d'honoraires, la somme de 18 087,22 euros, outre intérêts de droit à compter du 10 janvier 2001,

une indemnité de 2 000 euros destinée à réparer le préjudice causé par leur résistance abusive,

et encore une somme de 1 500 euros à titre de « frais de justice » ;

Elle a ensuite sollicité la jonction de cette instance avec celles ultérieurement introduites les 3 juillet 2003, 9 décembre 2003, 4 février et 4 novembre 2004 ; elle a enfin demandé au Tribunal d'enjoindre à ses adversaires de « présenter de manière récapitulative leurs prétentions dans le cadre d'une audience à intervenir » ;

Concluant les 20 février 2003 et 3 juin 2004, P. B. a principalement demandé au Tribunal, pour s'opposer aux prétentions formées contre lui, de :

constater que les protocoles signés entre lui et S. B. ont « entériné le passif d'exploitation arrêté au 1er mai 1999 de l'entreprise personnelle de Monsieur B. et ce, par le poste » dettes envers fournisseurs « pour une somme de 648,514 F, que Monsieur B. s'est engagé à assumer sur ses propres deniers »,

le mettre lors de cause et débouter la société demanderesse de toute réclamation le concernant « sur son ancienne exploitation » ;

titre subsidiaire, il a invoqué la garantie de la société S. B. et Cie et de S. B. ;

La société S. B. et Cie a déposé le 14 mai 2003 des conclusions relatives au fond du litige qu'elle a déclaré annuler et remplacer par de nouvelles écritures du 16 juin 2003 ; elle a alors soulevé une exception dilatoire d'appel en garantie et sollicité l'autorisation d'appeler en cause P. B. en garantie ;

La société AMS Fiduciaire a estimé cette exception irrecevable, faute d'avoir été présentée avant toute défense au fond ;

La société S. B. et Cie a ensuite, le 14 janvier 2004 :

présenté une exception d'irrecevabilité de la demande,

contesté à titre subsidiaire son bien-fondé,

et sollicité à titre reconventionnel la condamnation de la société AMS Fiduciaire à lui payer une indemnité de 8 000 euros en réparation du préjudice causé par l'usage abusif de son droit d'ester en justice, ainsi que la somme de 1 500 euros à titre de « frais de justice » ;

B. - Instance en garantie et demandes indemnitaires formée par P. B. (n° 150 de l'année judiciaire 2003-2004)

Hors de toute autorisation judiciaire, P. B. a fait assigner en garantie et en jonction, par son exploit susvisé du 14 octobre 2003 (n° 150) :

la société B. S. et Cie ;

et S. B. ;

Ces deux défendeurs ont conclu ensemble le 14 janvier 2004 pour s'opposer à ces prétentions, la société demandant en outre sa mise hors de cause ;

titre reconventionnel, ils ont sollicité la condamnation de P. B. à payer :

la société Salim et Cie, une indemnité de 10 000 euros,

S. B., une indemnité de 8 000 euros,

et à tous deux la somme unique de 3 000 euros « au titre des frais de justice » ;

P. B. a conclu au rejet de ces demandes reconventionnelles ;

II. - Instance engagée par la société AMS fiduciaire contre P. B. et la société B. S. et Cie (n° 707 du rôle de l'année 2002-2003)

A. - Instance principale

Suivant l'exploit susvisé du 3 juillet 2003, la société AMS Fiduciaire a dénoncé à la société B. S. et Cie les actes de la procédure engagée le 23 juillet 2002 et a fait assigner cette société aux mêmes fins que celles poursuivies dans cette dernière procédure, en demandant sa condamnation solidairement avec P. B. et la jonction de ces deux instances ;

Elle a en outre conclu les 10 mars 2004 et 19 janvier 2005 à la jonction avec les procédures introduites par ailleurs les 9 décembre 2003, 4 février et 4 novembre 2004 ;

Le 14 janvier 2004, la société B. S. et Cie a sollicité l'autorisation d'appeler en garantie P. B. ; le Tribunal a fait droit à cette demande par jugement du 14 octobre 2004 ;

La société B. S. et Cie n'a ensuite pas conclu sur le fond ;

B. - Appel en garantie formé par la société B. S. et Cie (n° 199 de l'année 2004-2005)

Autorisée par le jugement précité du 14 octobre 2004, la société B. S. et Cie a fait assigner, par l'exploit susvisé du 4 novembre suivant, P. B. en garantie ;

Elle demandait en outre la condamnation :

de P. B. à lui payer une indemnité de 10 000 euros « en raison des préjudices subis du fait de ces procédures »,

de la société AMS fiduciaire à lui payer la somme de 5 000 euros « au titre des frais de justice »,

et de ces deux parties aux dépens ;

Comme dans les instances déjà exposées, elle a sollicité une jonction générale des procédures liées à la demande de la société AMS Fiduciaire ;

P. B. a également demandé la jonction, mais s'est opposé aux autres prétentions formées contre lui ; à titre reconventionnel, il a sollicité la condamnation solidaire de la société B. S. et Cie et de S. B. à lui payer une indemnité de 5 000 euros ;

III. - Instances en validation de saisie-arrêts engagées par la société AMS Fiduciaire

A. - Saisie-arrêt pratiquée contre P. B. (instance n° 298 de l'année 2003-2004)

Autorisée par une ordonnance du 3 décembre 2003, la société AMS Fiduciaire a fait pratiquer le 9 décembre suivant entre les mais de Maître Paul-Louis Aureglia une saisie-arrêt pour avoir sûreté de sa créance envers P. B., provisoirement évaluée à la somme de 21 587,22 euros ;

L'exploit de saisie comportait également assignation de P. B. en paiement des causes de la saisie et en validation de cette mesure ;

Le tiers-saisi a déclaré détenir « pour le compte de la SCS B. S. et Cie, au titre du cautionnement de M. P. B., suivant opposition de Me Pasquier-Ciulla et Me P. Rey, avocats, du 16 juillet 2003, la somme de 21 587,22 euros » ;

Dans sa déclaration complémentaire du 26 décembre 2003, il a précisé : « Cette somme, à disposition de la société B., provient du prix de cession du droit au bail d'une boutique sise à Monaco, propriété de la société... Elle a été bloquée à réception des courriers recommandés visés à la requête aux fins de saisie arrêt précitée » ;

La société AMS Fiduciaire a ensuite sollicité la jonction de la procédure avec les autres instances déjà évoquées plus haut et a repris sa prétention tendant au dépôt de conclusions récapitulatives par ses adversaires ;

P. B. a seulement conclu, le 21 avril 2004, au sursis à statuer en attendant le règlement des procédures engagées les 23 juillet 2002 et 14 octobre 2003 ;

B. - Saisie-arrêt pratiquée contre la société B. S. et Cie (instance n° 435 de l'année 2003-2004)

Autorisée par une ordonnance du 30 janvier 2004, la société AMS Fiduciaire a fait procéder à une seconde saisie-arrêt entre les mains de Maître Aureglia, cette fois pour sûreté de sa créance envers la société B. S. et Cie ;

L'exploit de saisie comportait également assignation de cette société en paiement de la somme de 21 587,22 euros et en validation de la saisie ;

Le tiers-saisi a déclaré détenir la somme de 21 587,22 euros « ayant déjà fait l'objet d'une saisie-arrêt pratiquée selon exploit... du 9 décembre 2003 » ;

La société demanderesse a là aussi réclamé la jonction, comme dans les autres instances ; subsidiairement, elle a conclu au sursis à statuer jusqu'à décision sur les instances introduites les 23 juillet 2002 et 3 juillet 2003 ;

La société B. S. et Cie :

s'est opposée aux prétentions de son adversaire,

a sollicité la mainlevée de la saisie,

et a demandé la condamnation de la société AMS Fiduciaire à lui payer une indemnité de 15 000 euros ainsi que la somme de 3 000 euros « au titre des frais de justice » ;

Les prétentions des parties peuvent être résumées :

Sur les obligations de P. B.

- la société AMS Fiduciaire fait valoir que P. B. n'a jamais contesté les factures dont le paiement lui est demandé ; elle estime que les éventuels accords qu'il a passés avec S. B. ou une de ses sociétés pour lui transférer sa clientèle et son passif sont inopposables aux tiers qui n'y ont pas été parties et que P. B. reste donc tenu d'exécuter ses engagements antérieurs ; elle précise qu'il n'est même pas établi que sa créance fasse effectivement partie du passif envisagé dans ces accords dans le poste intitulé « Fournisseurs divers » portant sur une somme limitée à 648 514 francs ;

- P. B. invoque divers protocoles transactionnels conclus entre lui, son épouse, S. B. et la « SCS B. et Cie » aux termes desquels S. B. s'engageait à régler l'intégralité du passif généré par son exploitation personnelle antérieure ; il en déduit qu'il s'est trouvé ainsi « dégagé » ou « dédouané » envers ses créanciers de toute dette concernant cette exploitation ; il s'estime de bonne foi, sa dette ayant été « entérinée » ;

- au soutien de son appel en garantie, la société B. S. et Cie allègue que P. B. a été le bénéficiaire des prestations litigieuses ;

sur les obligations de la société S. B. et Cie

- la société S. B. et Cie fait valoir que son objet est l'exploitation de l'hôtel à l'enseigne M. et qu'elle n'a jamais eu de lien avec P. B. dont l'activité était différente ; elle soutient qu'en réalité seule la société distincte B. S. et Cie pourrait être concernée par le litige ;

- la société AMS Fiduciaire demande le maintien dans la cause, après jonction des procédures, de la société S. B. et Cie eu égard aux manœuvres exercées selon elle par les différents défendeurs pour s'exonérer de leur responsabilité et tenter de créer une confusion dans l'esprit des juges ;

Sur les obligations de la société B. S. et Cie

- la société AMS Fiduciaire fait valoir que la clientèle de P. B. a été transférée au profit de la société B. S. et Cie sans que ces parties aient fait publier cette cession ou apport ; elle tire argument du fait que l'objet et la dénomination commerciale de l'activité transférée sont demeurés inchangés et que P. B. a sollicité sa radiation du Répertoire du commerce et des sociétés en faisant expressément état de la création de la société ;

- la société B. S. et Cie répond que la société AMS Fiduciaire n'apporte à sa demande aucune motivation, tant en fait qu'en droit ; elle relève que son adversaire reconnaît que les protocoles transactionnels invoqués par P. B. ne lui sont pas opposables et n'établissent nullement la réalité d'une prétendue garantie de passif en ce qui concerne la créance litigieuse ; elle affirme que les accords passés avec B. tendaient non à une cession de fonds de commerce, mais à un simple partenariat avec prise en charge personnelle par le seul S. B. d'un passif limitativement déclaré ; elle en déduit qu'elle n'a pas à supporter une dette qui n'incomberait qu'à ce dernier ;

Sur les obligations de S. B.

- selon P. B., S. B. s'est engagé, par l'effet du protocole transactionnel conclu le 8 juin 2000, à prendre personnellement en charge « l'intégralité du passif d'exploitation de Monsieur B. », ce protocole devant assurer « l'absorption » de ce passif ;

- S. B. rétorque que son engagement, qu'il a dûment exécuté, était limité dans son montant et n'incluait pas la créance de la société AMS Fiduciaire dont P. B. n'avait pas fait état ;

Sur le sort des saisies-arrêts

- la société B. S. et Cie réaffirme que la dette litigieuse serait personnelle à S. B. et ne peut donc pas donner lieu à saisie sur la somme provenant de la cession d'un droit au bail dont elle était titulaire ;

- P. B. indique également que le droit de bail cédé appartenait à la société B. S. et Cie et précise qu'il a lui-même formé opposition entre les mains de Maître Aureglia au titre d'une créance qu'il prétend avoir sur S. B. ; il ajoute que la société AMS Fiduciaire avait déjà elle-même notifié une opposition à ce notaire et que sa saisie-arrêt ultérieure se trouve ainsi inutile et superfétatoire ;

Sur quoi,

Attendu que les différentes instances ci-dessus relatées sont unies par un lien évident de connexité puisqu'elles sont toutes relatives à la même créance ; que les débats qu'elles ont suscités comportent des moyens de fait et de droit strictement identiques ;

Attendu qu'il est ainsi indispensable à une bonne administration de la justice de les joindre et de statuer sur les différentes demandes qu'elles comportent par un seul et même jugement ;

Attendu que les explications données par les parties mettent le Tribunal en mesure de statuer sans qu'il soit besoin d'ordonner le dépôt d'écritures complémentaires ;

Attendu qu'en l'état de la jonction qui vient d'être ordonnée, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur certaines des demandes ;

I. - Sur les demandes formées par la société AMS Fiduciaire au titre du solde de ses honoraires

A. - Sur les demandes visant P. B.

Attendu qu'il est constant que les sommes réclamées par la société AMS Fiduciaire sont afférentes à des prestations d'expertise comptable effectuées pour le compte de P. B. à une époque où il n'était pas encore lié à S. B. ou à une société fondée par celui-ci ;

Attendu que P. B. se trouve ainsi débiteur des sommes dues en rémunération de ces prestations qu'il a lui-même commandées ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1089 du Code civil, les obligations ne s'éteignent que par l'effet du paiement, de la novation entre les parties, de la remise volontaire par le créancier, de la compensation, de la confusion, de la perte de la chose, de la nullité ou de la rescision de la convention, de la condition résolutoire et de la prescription ;

Attendu qu'aucune de ces circonstances ne résulte des protocoles transactionnels invoqués par P. B., qui ne contiennent notamment aucune remise de la dette ;

Attendu en effet que le protocole conclu le 31 mars 1999 entre P. B. et S. B. prévoit leur promesse réciproque de constituer une société anonyme monégasque ; que l'intégralité du résultat d'exploitation devait, au lieu d'être distribué sous forme de dividendes, être laissée dans les caisses de la société et être inscrite à due concurrence aux comptes courant respectifs des futurs associés ; que la société devait pouvoir affecter la moitié de cette trésorerie au paiement du passif personnel de P. B. constitué par ses découverts bancaires, sous réserve de l'octroi par les banques concernées d'un délai de paiement de douze mois à compter de la constitution de la société ;

Que ce projet ne paraît pas avoir été suivi d'exécution puisqu'il n'est pas allégué que la société anonyme ait finalement été constituée ; que les dettes qu'il envisageait n'incluaient de toute façon pas celle contractée envers la société AMS Fiduciaire ;

Attendu qu'un second protocole est intervenu en juin 2000 entre la société B. S. et Cie et S. B., d'une part, et les époux P. et A. B., d'autre part ; que l'objet principal de cette convention était de « prendre acte de la cession des parts détenues par les époux B... et de réglementer les relations commerciales futures » entre eux et la société ; que la date exacte de cette convention, difficilement lisible sur la photocopie produite, semble être non le 8 juin 2000, mais le 23 mai 2000 comme indiqué dans un protocole ultérieur du 8 juin 2001 ;

Attendu que S. B. s'est notamment engagé en contrepartie de la cession de parts faite à son profit, à « régler par ses deniers personnels, l'intégralité du passif d'exploitation de Monsieur B., lié à sa précédente activité individuelle, arrêté au 1er mai 1999, aux termes du précédent protocole, à la somme totale de 1 263 544,00 F, se décomposant comme suit :

1. Prêt Domberger ............... 216 314,00 F

Prêt Société Générale .............. 200 000,00 F

Prêt CCF ......... 198 716,00 F

Dettes envers différents fournisseurs ... 648 514,00 F

Attendu qu'il sera examiné plus loin, à l'occasion de l'examen de l'appel en garantie formé par P. B., si la créance de la société AMS Fiduciaire fait partie des dettes ainsi envisagées ;

Attendu qu'il suffit, dans l'immédiat, de constater que la société AMS Fiduciaire n'est aucunement intervenue à cet acte ni pour renoncer à sa créance, ni pour accepter que S. B. soit substitué, en tant que débiteur, à P. B. ; qu'il n'est pas allégué qu'elle ait consenti à une telle renonciation ou acceptation par un acte distinct ultérieur ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1020 du Code civil que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, qu'elles ne nuisent point au tiers et qu'elles ne lui profitent qu'en cas de stipulation pour autrui, au sens de l'article 976 du même code ;

Attendu que le troisième protocole invoqué, daté du 8 juin 2001, n'a apporté aucune modification à ces rapports juridiques puisqu'il a maintenu, sans la transformer, l'obligation de règlement du passif contractée par S. B. ;

Attendu que les protocoles litigieux n'ont donc retiré aucun droit à la société AMS Fiduciaire, de sorte que P. B. reste tenu à son égard, sauf son recours contre S. B. ;

Attendu que la créance invoquée par la Société AMS Fiduciaire est constituée, selon les trois notes d'honoraires n° F° 960972 B, F° 960972 C et F° 960972 D qu'elle produit aux débats, par les trois postes suivants :

* honoraires pour l'exercice 1995 (toutes taxes comprises) ........ 51 215,20 F

honoraires pour l'exercice 1996 ................. 51 777,20 F

et honoraires d'assistance pour ces deux années ........ 50 652 F

Qu'après déduction de trois acomptes versés les 6 janvier, 20 mars et 9 septembre 1998, soit un total de 35 000 francs, il reste dû un solde de 118 644,40 Francs ou 18 097,22 euros ;

Attendu que P. B. ne conteste pas ce montant dont le sérieux résulte en outre du fait qu'il a réglé sans protestation les trois acomptes ci-dessus relatés ; qu'il y a donc lieu de le condamner à payer cette somme à la société AMS Fiduciaire ;

Attendu que les intérêts de retard sont en principe dus, selon l'article 1008 du Code civil, à compter de la sommation de payer faite au débiteur ;

Attendu que la société AMS Fiduciaire produit la copie d'un courrier, daté du 10 janvier 2001, par lequel elle met expressément P. B. en demeure de payer ;

Mais attendu que l'accusé de réception de ce courrier n'est pas communiqué ; qu'une réponse lui a été donnée le 14 février 2001 non par P. B., mais par la société B. S. et Cie ; qu'il n'est donc pas certain que P. B. en ait eu connaissance ;

Attendu qu'une seconde mise en demeure du 26 mars 2001 a connu le même sort ;

Attendu cependant que P. B. a lui-même répondu le 15 juillet 2001 à une troisième mise en demeure transmise par la société B. S. et Cie ;

Qu'il convient donc de faire partir de cette date le cours des intérêts ;

B. - Sur les demandes visant la société S. B. et Cie

Attendu qu'il est constant que cette société est juridiquement distincte, en dépit de la proximité de leurs dénominations respectives, tant de S. B. lui-même que de la société B. S. et Cie ;

Attendu qu'il appartient à la société AMS Fiduciaire de démontrer à quel titre la société S. B. et Cie peut être devenue débitrice des sommes déjà dues par P. B. ;

Attendu que cette société n'a aucunement été partie aux protocoles transactionnels ci-dessus décrits, destinés à organiser la collaboration de P. B. et de S. B. ;

Qu'il n'est même pas allégué que P. B. ait eu des intérêts dans la société S. B. et Cie ;

Que l'objet de cette société est sans rapport étroit avec l'activité initialement exercée par P. B. de sorte qu'il est impossible de présumer qu'il y ait eu continuité entre elle ou cession d'un fonds de commerce ; qu'il résulte au contraire des informations enregistrées par le Répertoire du commerce et des sociétés que la société S. B. n'est que locataire-gérante du fonds constitué par l'hôtel Miramar ;

Attendu que la société AMS Fiduciaire ne peut pas non plus reprocher à la Société S. B. et Cie d'avoir sciemment entretenu une quelconque confusion au sujet de sa dénomination ;

Attendu qu'en réalité les réponses faites aux mises en demeure notifiées par la société AMS Fiduciaire ont constamment émané, par la voix de son gérant ou celle de son conseil, de la société B. S. et Cie, avec l'indication exacte de son siège et de son numéro d'immatriculation au Répertoire du Commerce et de l'Industrie ;

Attendu que la société S. B. et Cie ne saurait donc pas être engagée à l'égard de la société AMS Fiduciaire, de sorte que la demande présentée à son encontre par cette dernière doit être rejetée ;

C. - Sur les demandes visant la société B. S. et Cie

Attendu qu'il existe un lien entre la société B. S. et Cie et P. B. puisque ce dernier a, selon les statuts établis le 15 décembre 1999 par devant Maître Henry Rey, notaire, participé à sa création et en a été, jusqu'à la cession de parts le 23 juin 2000, un de ses associés commanditaires ;

Attendu qu'il est énoncé à ces statuts que les trois associés fondateurs n'ont apporté que des sommes d'argent pour un total limité à 38 000 euros ; que l'apport de P. B. n'était que de 1 900 euros tandis que celui de son épouse, Marie A. B., s'élevait seulement à 3 800 euros ;

Attendu cependant qu'il est établi par des présomptions graves, précises et concordantes que P. B. a en outre fait apport du fonds de commerce qu'il exploitait précédemment, ou pour le moins de la clientèle qui en constituait le principal élément ;

Attendu en effet qu'il résulte en premier lieu des termes même de l'agrément donné le 24 février 2000 par le Gouvernement en vue de l'immatriculation de la société qu'elle allait se livrer à l'activité prévue à son objet » aux lieu et place de M. P. B. « ;

Attendu ensuite que l'engagement contracté par S. B., dans le protocole précité du 23 juin 2000, envers les époux B. ne pouvait avoir pour cause que le remboursement de la valeur du fonds de commerce ou de la clientèle qui soit avaient été apportées à la société dès sa constitution, soit lui avaient été cédés ultérieurement ;

Attendu en effet que la valeur des apports faits par les époux B., tel qu'ils sont déclarés dans les statuts de la société, soit au total 5 700 euros, est sans commune mesure avec celle des prestations promises par B. comme contrepartie de la cession de parts ;

Que S. B. s'est en effet engagé à payer des dettes à hauteur de 1 263 544 francs, soit 192 626,04 euros, et a renoncé en outre à une créance de 19 600 dollars américains détenue sur P. B. par une société tierce S. dont il était le gérant ;

Attendu qu'il est inenvisageable que la valeur des parts représentant le capital de la société B. S. et Cie ait pu connaître une telle augmentation alors que son activité venait de commencer ; que la somme en cause avait donc nécessairement pour contrepartie réelle le prix du fonds ou de la clientèle apportés ou cédés à la société ;

Attendu que l'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente des fonds de commerce doit trouver application, selon son article 1er, dans tous les cas de cession ou de vente d'un fonds ; que l'apport d'un fonds de commerce ou d'un élément de fonds de commerce à une société s'analyse en une cession visée par ce texte ;

Attendu que l'ordonnance du 23 juin 1907 organise un système d'ordre public destiné à protéger les créanciers du cédant ; qu'elle impose notamment au cessionnaire d'annoncer la cession par deux annonces insérées au Journal de Monaco (art. 1er et 2) et de recevoir les oppositions formées par les créanciers (art. 2) ; qu'en cas d'opposition, elle interdit en principe au cessionnaire de s'acquitter du prix entre les mains du cédant et lui prescrit de le remettre aux opposants dont la qualité de créancier aura été reconnue, au besoin après ouverture d'une procédure de distribution des deniers (art. 6) ;

Que le cessionnaire se trouve ainsi engagé à l'égard des éventuels créanciers du cédant ; que s'il paye le prix au cédant sans avoir procédé aux publications prescrites, sans avoir attendu les délais qu'elles comportent ou au mépris d'une opposition, ce paiement n'a pas d'effet libératoire envers les créanciers (art. 4) et il devient personnellement redevable à leur égard dans la double limite du prix de cession du fonds et du montant de la créance ;

Attendu qu'en matière d'apport d'un fonds de commerce à une société, la reconnaissance de la qualité d'associé et l'attribution des parts sociales correspondantes doivent être assimilées au paiement du prix ;

Attendu que la société B. S. et Cie a participé à un montage juridique qui a eu pour effet de priver les créanciers de P. B. de la possibilité de faire valoir leur créance à l'occasion de la cession de son fonds de commerce, que cette cession ait pris la forme d'un apport ou qu'elle soit intervenue après la constitution de la société ;

Attendu que faute d'avoir fait procéder aux publication exigées par la loi, cette société ne s'est pas libérée à l'égard de la société AMS Fiduciaire et est devenue elle-même sa débitrice ;

Attendu qu'il ressort des éléments ci-dessus exposés que la créance litigieuse est de loin inférieure à la valeur du fonds apporté ;

Attendu qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de la société AMS Fiduciaire dans la limite des droits qu'elle détient envers P. B. et de condamner la société B. S. à lui payer la somme de 18 087,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2001 ;

Attendu que la solidarité prévue par l'article 1057 du Code civil ne peut résulter que d'une stipulation expresse ou d'une disposition de la loi ; que l'ordonnance précitée du 23 juin 1907 n'institue aucune solidarité entre le débiteur et le cessionnaire d'un fonds de commerce ;

Que la condamnation prononcée contre la société B. S. et Cie ne peut donc pas comporter solidarité entre elle et P. B. ;

II. - Sur les appels en garantie

A. - Sur la demande présentée par la société S. B. et Cie

Attendu qu'aucune condamnation n'a été prononcée contre la société S. B. et Cie ;

Que l'exception dilatoire d'appel en garantie soulevée par elle se trouve par voie de conséquence privée d'objet ;

B. - Sur l'appel en garantie formé par la société B. S. et Cie contre P. B.

Attendu que la société B. S. et Cie se trouve engagée à l'égard de la société AMS Fiduciaire non par l'effet d'une clause de reprise de passif, mais seulement en raison de son omission d'exécuter les prescriptions prévues par l'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente des fonds de commerce ;

Attendu que la société B. S. et Cie ne se trouve donc pas, en tant que débitrice, substituée à P. B., mais est seulement devenue sa codébitrice ;

Attendu que P. B. demeure le principal débiteur de la société AMS Fiduciaire ;

Que la société B. S. et Cie est donc bien fondée à rechercher sa garantie ;

C. - Sur les appels en garantie formés par P. B.

Appel en garantie formé contre la société B. S. et Cie

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun engagement n'a été pris par la société B. S. et Cie à l'égard de P. B. pour payer à sa place la créance litigieuse ;

Que P. B. doit donc être débouté de l'exception d'appel en garantie qu'il a formée contre elle ;

Appel en garantie formé contre S. B.

Attendu que S. B. s'est effectivement engagé, en vertu du protocole transactionnel précité du 23 juin 2000, à régler personnellement des dettes personnelles de P. B. envers ses fournisseurs pour un montant de 648 514 francs ;

Que ce protocole vise expressément les engagements pris dans le précédent protocole du 1er mai 1999 ; que dans ce dernier acte, ces dettes envers les fournisseurs sont déjà envisagées pour le même montant et il est renvoyé à une annexe 1 décrivant le passif d'exploitation ;

Attendu que P. B. n'établit pas que la créance de la société AMS Fiduciaire fait partie des dettes que S. B. a promis de payer ;

Qu'il s'abstient de produire aux débats l'annexe 1 au protocole du 1er mai 1999 susceptible de contenir le détail de ces dettes ;

Qu'il ne fournit aucune explication en vue de contester le décompte produit par S. B. dont il ressort qu'il a réglé à divers créanciers énumérés, parmi lesquels ne figure par la société AMS Fiduciaire, la somme totale de 647 972,19 francs, soit la quasi-intégralité de la somme prévue au protocole ;

Attendu qu'il n'est donc pas démontré que S. B. ait accepté de se substituer à P. B. en tant que débiteur de la société AMS Fiduciaire ;

Que la demande en garantie formée contre lui ne peut donc pas être accueillie ;

III. - Sur les demandes de dommages-intérêts

A. - Sur les demandes présentées par la société AMS Fiduciaire

Demande dirigée contre la société S. B. et Cie

Attendu que la société AMS Fiduciaire a été déboutée de sa demande en paiement visant la société S. B. et Cie ;

Qu'elle est donc mal fondée à invoquer la résistance abusive de cette société, de sorte qu'elle doit être déboutée de la demande indemnitaire qu'elle a formée contre elle ;

Demande dirigée contre P. B.

Attendu qu'en soutenant contre toute vraisemblance juridique être déchargé de son obligation envers la société AMS Fiduciaire par l'effet d'un acte auquel cette dernière n'a pas été partie, P. B. a sciemment recouru à un moyen de défense inopérant et a fait preuve d'une résistance fautive à l'exécution de cette obligation ;

Qu'il a ainsi causé à son adversaire un préjudice causé par les frais qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits en justice ;

Attendu qu'il y a en conséquence lieu de le condamner, par application des articles 1229 du Code civil et 234 du Code de procédure civile, à lui payer une indemnité de 2 000 euros, eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose pour l'évaluation du préjudice ainsi occasionné ;

Attendu que cette somme inclut les » frais de justice « invoqués par la société AMS Fiduciaire ; qu'il n'existe pas en droit monégasque de règle équivalente à celle qui permet, en droit français, d'obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens en supplément d'une indemnité ;

Demande dirigée contre la société B. S. et Cie

Attendu qu'il ne ressort pas du dossier que les sociétés B. S. et Cie et S. B. et Cie aient sciemment entretenu une confusion entre elles ;

Attendu qu'eu égard à la complexité des liens juridiques noués entre les parties, la société B. S. et Cie a pu se méprendre sur l'étendue de ses obligations, de sorte que sa résistance aux prétentions de la société AMS Fiduciaire ne peut pas être considérée comme fautive ;

Attendu que la société AMS Fiduciaire doit en conséquence être déboutée de cette prétention ;

B. - Sur les demandes formées par P. B.

Attendu que P. B. a été débouté de ses demandes formées contre S. B. et contre la société B. S. et Cie ;

Qu'il est donc tout aussi mal fondé à réclamer contre ces parties des indemnités en raison de leur résistance, qui n'a nullement été abusive ;

C. - Sur les demandes formées par la société S. B. et Cie contre la société AMS Fiduciaire

Attendu que la société AMS Fiduciaire a poursuivi à tort la société S. B. et Cie ;

Attendu cependant que cette erreur est excusable en raison de la quasi-identité des dénominations respectives des sociétés S. B. et Cie B. S. et Cie ;

Attendu que la société S. B. et Cie n'a pas immédiatement détrompé son adversaire puisqu'elle a d'abord pris le 14 mai 2003 des conclusions, ensuite retirées, dans lesquelles apparaît l'expression particulièrement ambiguë » SCS B. S. B. « (page 2) ;

Attendu que le comportement de la société AMS Fiduciaire n'apparaît donc pas fautif ; qu'il s'ensuit que les demandes indemnitaires présentées par la société S. B. et Cie doivent être rejetées ;

D. - Sur les demandes formées par la société B. S. et Cie

Demande dirigée contre la société AMS Fiduciaire

Attendu que la demande en paiement présentée par la société AMS Fiduciaire a été jugée bien fondée contre la société B. S. et Cie ;

Que cette dernière ne peut donc reprocher à cette adversaire d'avoir abusé de son droit d'ester en justice et doit être déboutée de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts ;

Demandes dirigées contre P. B.

Attendu que P. B. a agi en garantie contre la société B. S. et Cie en se fondant uniquement sur un protocole transactionnel qui n'engageait que le seul S. B. et sans indiquer à quel titre la société pouvait être engagée à son égard ;

Attendu qu'il l'a ainsi attraité en justice de façon téméraire ;

Qu'il a obligé son adversaire, par l'effet de cette faute, à engager des frais supplémentaires pour se défendre en justice ; que ce préjudice se trouve toutefois limité puisque la société B. S. et Cie s'est contentée de reprendre les moyens qu'elle avait déjà exposés à l'occasion des instances engagées par la société AMS et Cie ; que le Tribunal dispose des éléments nécessaires pour fixer à la somme de 1 000 euros l'indemnité destinée à réparer ce dommage ;

Attendu que le préjudice est ainsi intégralement réparé et qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande complémentaire présentée au titre des » frais de justice « ;

E. - Sur les demandes présentées par S. B.

Attendu que P. B. a pu se méprendre sur la portée du protocole transactionnel auquel S. B. a été partie ;

Attendu qu'il n'a donc pas abusé de son droit d'ester en justice en agissant en garantie contre S. B. ; que la demande formée par ce dernier doit en conséquence être rejetée ;

IV. - Sur le sort des saisies-arrêts

A. - Sur la saisie pratiquée contre P. B.

Attendu qu'il résulte de la déclaration initiale du 9 décembre 2003 et de la déclaration complémentaire faites par Maître Paul-Louis Aureglia, tiers-saisi, que les sommes affectées par la saisie correspondent à tout ou partie du prix tiré de la cession par la société B. S. et Cie d'un droit au bail commercial dont elle était titulaire sur des locaux sis à Monaco ;

Attendu que P. B. a formé opposition au paiement de ce prix au titre d'une créance qu'il prétend avoir contre la société B. S. et Cie ;

Attendu que la saisie-arrêt porte ainsi sur les sommes susceptibles de revenir à P. B. par l'effet de son opposition et de la procédure de répartition de deniers qui doit intervenir conformément à l'article 6 de l'ordonnance précitée du 23 juin 1907 ;

Attendu que l'exploit de saisie apparaît conforme aux prescriptions des articles 494 et 500-1 du Code de procédure civile et doit donc être déclaré régulier ;

Attendu que la saisie devra en conséquence produire ses effets sur les sommes qui devront, le cas échéant, revenir à P. B. ;

B. - Sur la saisie pratiquée contre la société B. S. et Cie

Attendu que Maître Aureglia, à nouveau tiers-saisi, a déclaré le 4 février 2004 que la somme saisie-arrêtée était celle déjà saisie le 9 décembre 2003 contre P. B. ;

Qu'il a répété à cette occasion qu'il détenait cette somme pour le compte de la société B. S. et Cie à la suite de la vente de son droit au bail ;

Attendu que cette saisie contient toutes les énonciations prévues à l'article 494 du Code de procédure civile et apparaît régulière en la forme ; que l'exploit de saisie contient bien, conformément à l'article 500-1 du même code, assignation du débiteur saisi en validité ;

Attendu qu'il convient en conséquence de valider cette saisie et de dire qu'elle emportera les effets prévus par l'article 500-9 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la saisie porte sur un élément d'un fonds de commerce ;

Attendu qu'en pareil cas, les créanciers du vendeur ou du cédant doivent en principe faire valoir leurs droits respectifs, conformément à l'article 3 de l'ordonnance précitée du 23 juin 1907, par la voie d'une opposition formée au domicile réel ou élu de l'acheteur ou du cessionnaire dans le délai de dix jours prévu par ce texte ;

Que seuls les créanciers opposants peuvent être admis, conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 23 juin 1907, à participer à la distribution des deniers provenant de la vente ou de la cession ;

Que les autres créanciers ne peuvent faire valoir leurs droits que sur le reliquat subsistant après cette distribution ;

Attendu que la société AMS Fiduciaire pouvait donc valablement faire procéder à une saisie-arrêt entre les mains de Maître Aureglia ;

Attendu toutefois que cette saisie ne peut pas préjudicier aux droits des autres créanciers de la société B. S. et Cie ayant préalablement formé opposition ;

Qu'elle ne pourra donc produire son effet attributif que sur les deniers qui demeureront disponibles, déduction faite des sommes dues aux créanciers opposants ;

V. - Sur l'exécution provisoire et les dépens

Attendu que la société AMS Fiduciaire se borne, pour solliciter le prononcé de l'exécution provisoire, à indiquer qu'elle devra être ordonnée » en tant que de besoin " ; qu'elle ne justifie donc d'aucune des circonstances, prévues à l'article 231 du Code de procédure civile, propres à justifier cette mesure ; qu'elle doit donc être déboutée de cette prétention ;

Attendu que les dépens doivent, selon l'article 231 du Code de procédure civile, être mis à la charge de la partie succombante ;

Attendu qu'en dépit de la jonction ordonnée entre les différentes instances sur lesquelles il a été statué par le présent jugement, le Tribunal doit distinguer entre elles pour apprécier dans quelle mesure chaque partie a succombé ;

Que les dépens doivent en conséquence être ainsi répartis :

la société AMS Fiduciaire devra supporter les dépens de l'instance n° 30 de l'année 2002-2003 afférents à ses demandes dirigées contre la société S. B. et Cie ;

P. B. sera condamné aux dépens de l'instance n° 30 précitée afférents aux demandes présentées contre lui, à la totalité des dépens de son instance n° 150 de l'année 2003-2004 ainsi qu'à l'intégralité des dépens des instances n° 298 de l'année judiciaire 2003-2004 (saisie-arrêt contre lui) et n° 199 de l'année 2004-2005 (appel en garantie contre la société B. S. et Cie) ;

la société B. S. supportera les dépens des autres instances n° 107 de l'année 2002-2003 (action principale contre elle) et n° 435 de l'année 2003-2004 (saisie-arrêt contre elle) ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, STATUANT CONTRADICTOIREMENT,

Ordonne la jonction des instances respectivement enregistrées sous les n° 30 et 707 de l'année judiciaire 2002-2003, n° 150, 298 et 435 de l'année judiciaire 2003-2004, et 199 de l'année judiciaire 2004-2005 ;

Condamne P. B. et la société B. S. et Cie à payer à la société AMS Fiduciaire la somme de dix huit mille quatre vingt-sept euros et vingt-deux centimes (18 087,22 €), avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2001 ;

Condamne P. B. à relever et garantir la société B. S. et Cie de cette condamnation ;

Condamne en outre P. B. à payer, à titre de dommages-intérêts :

• à la société AMS Fiduciaire, une indemnité de deux mille euros (2 000 €),

• et à la société B. S. et Cie, une indemnité de mille euros (1 000 €) ;

Déclare régulière et valide pour la somme totale de 20 087,22 euros, outre intérêts et frais, la saisie-arrêt pratiquée le 9 décembre 2003 contre P. B., entre les mains de Maître Paul-Louis Aureglia ;

Dit que cette saisie-arrêt a pour objet les sommes pouvant revenir à P. B. sur le prix de cession du droit au bail relatif à une boutique sise au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 20, rue de Millo à Monaco, que la société B. S. et Cie a vendu à la société P. et Cie ;

Déclare régulière et valide pour la somme de 18 087,22 euros, outre intérêts et frais, la saisie-arrêt pratiquée le 4 février 2004 entre les mains de Maître Paul-Louis Aureglia contre la société B. S. et Cie et portant sur le même prix de cession ;

Dit toutefois que cette saisie ne pourra pas préjudicier aux droits des créanciers qui auraient régulièrement formé opposition au paiement de ce prix et que le présent jugement n'emportera attribution exclusive de la somme saisie-arrêtée au profit de la société AMS Fiduciaire qu'à hauteur des deniers demeurant disponibles après déduction des sommes dues à ces créanciers ;

Dit que Maître Paul-Louis Aureglia se libérera valablement de cet éventuel reliquat en le versant à la société AMS fiduciaire ;

Déboute P. B. de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société AMS Fiduciaire et la société B. S. et Cie du surplus de leurs prétentions respectives ;

Rejette les demandes respectivement présentées par la société S. B. et Cie et par S. B. ;

Composition

M. Narmino prés. ; Mme Dollmann subst. proc. gén. ; Mes Rey, Pasquier-Ciulla, Pastor-Bensa, av. déf. ; Bertolotto, av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27174
Date de la décision : 21/04/2005

Analyses

Fonds de commerce


Parties
Demandeurs : AMS Fiduciaire
Défendeurs : B., Société B. S. et Cie, S. B., Société S. B.

Références :

ordonnance du 3 décembre 2003
article 6 de l'ordonnance du 23 juin 1907
articles 494 et 500-1 du Code de procédure civile
ordonnance du 30 janvier 2004
article 500-9 du Code de procédure civile
articles 1229 du Code civil
ordonnance du 23 juin 1907
Code de procédure civile
article 494 du Code de procédure civile
article 1008 du Code civil
article 231 du Code de procédure civile
article 1057 du Code civil
article 1020 du Code civil
article 1089 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2005-04-21;27174 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award