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20/01/2005 | MONACO | N°27166

Monaco | Tribunal de première instance, 20 janvier 2005, L. c/ Sam Sapy


Abstract

Contrat de travail

Contrat à durée déterminée - Novation : substituant un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée - Indemnité de préavis : infondée - Indemnité de licenciement : infondée - Dommages-intérêts pour rupture : régime juridique applicable

Résumé

Sur la novation

La demande de M. L. tendant à faire juger que sa nomination au poste d'animateur de force de vente doit s'analyser « en une novation du contrat initial qui s'est donc poursuivi toujours à durée indéterminée » constitue non une dem

ande nouvelle prohibée par l'article 431 du Code de procédure civile, mais une demande incidente fondée sur l...

Abstract

Contrat de travail

Contrat à durée déterminée - Novation : substituant un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée - Indemnité de préavis : infondée - Indemnité de licenciement : infondée - Dommages-intérêts pour rupture : régime juridique applicable

Résumé

Sur la novation

La demande de M. L. tendant à faire juger que sa nomination au poste d'animateur de force de vente doit s'analyser « en une novation du contrat initial qui s'est donc poursuivi toujours à durée indéterminée » constitue non une demande nouvelle prohibée par l'article 431 du Code de procédure civile, mais une demande incidente fondée sur la même cause que la demande initiale.

Elle doit donc être déclarée recevable pour la première fois en cause d'appel, conformément aux articles 379 et 435 du même code.

La novation peut notamment s'opérer, selon l'article 1119 du Code civil, lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte.

À supposer que ce mécanisme soit applicable à la transformation totale d'un contrat de travail, il mettrait alors entièrement fin au premier contrat et ne pourrait pas laisser subsister les obligations qui en découlaient, seules les obligations prévues par le nouveau contrat engageant désormais l'employeur.

La novation alléguée aurait ainsi pour objet de substituer un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, désormais éteint. Elle ne ferait qu'organiser la succession de deux contrats distincts et exclurait nécessairement toute indivisibilité entre eux.

Il incombe à M. L. de démontrer que lui et son employeur ont, en réalité, eu la commune intention, contrairement aux stipulations apparentes de leur second contrat, de lui donner un caractère indéterminé et se sont ainsi livrés à une simulation, en convenant entre eux d'une contre-lettre valable, au sens de l'article 1168 du Code civil.

Les moyens invoqués à ce sujet apparaissent inopérants.

Le simple fait que M. L. ait commencé à exercer ses nouvelles fonctions avant même sa démission ou la signature du nouveau contrat n'est pas probant alors que, loin d'avoir été durablement confondue avec ses précédentes fonctions de VRP, sa nouvelle mission d'animateur, telle qu'elle ressort de l'écrit du 25 septembre 2000 analysé plus haut, n'a pu commencer que quelques jours avant sa démission, ce qui confirme plutôt qu'il y a eu succession de contrats entièrement distincts.

L'indication, dans les bulletins de salaire remis à M. L. en exécution du second contrat, d'une ancienneté tenant compte de sa période de présence dans l'entreprise relative au premier contrat n'est pas déterminante. En réalité cette indication paraît résulter d'une exigence du logiciel informatique utilisé par la société Sapy pour établir ses documents de paie. L'ancienneté dans l'entreprise est un fait concret indépendant de la qualification juridique du contrat de travail. Les bulletins litigieux sont pour le moins équivoques et ne sauraient constituer un aveu faisant la preuve d'une contre-lettre.

En outre, loin d'être la simple continuation de premier contrat, le second était relatif à des fonctions très différentes de celle du représentant puisque M. L. devait tout à la fois recruter des collaborateurs, les former, organiser leur activité et les contrôler.

En définitive les demandes de M. L. tendant à faire juger que les parties étaient liées par un seul contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 18 février 2000 et que sa nomination au poste d'animateur de force de vente doit s'analyser en une novation du contrat initial entraînant la poursuite de ce contrat toujours à durée indéterminée, ne sont pas fondées.

Sur la régularité de la rupture

La société Sapy reconnaît de même, en sollicitant de ce chef la confirmation de la décision attaquée, que la rupture du contrat intervenue à son initiative revêt un caractère illégitime à défaut de faute grave ou de juste motif établis.

La décision du Tribunal du travail doit, là encore, être confirmée de ce chef.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

Sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement

L'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et l'indemnité pour inobservation du délai de préavis instituée par l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ne sont dues par l'employeur qu'en cas de rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée.

M. L. ne peut donc pas y prétendre.

Ainsi que l'a justement estimé le Tribunal du travail, il n'est pas mieux fondé à demander une somme au titre des congés payés pour une période de préavis.

Sur le régime juridique applicable

L'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ne permet à une partie à un contrat à durée déterminée de le faire unilatéralement cesser avant terme que pour de justes motifs, en cas de faute grave ou de force majeure et dans les cas spécialement prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur.

Le Tribunal du travail a fait application au contrat litigieux de l'article 13 de la même loi selon lequel toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts.

Cependant, il est vrai que ce texte ne distingue pas selon la nature du contrat de travail, il n'envisage que le cas dans lequel une partie abuse du droit qui lui est légalement reconnu de mettre fin unilatéralement au contrat. Il en découle que des dommages-intérêts peuvent être dus, à la suite de la rupture d'un contrat à durée déterminée lorsque l'auteur de cette rupture la met en œuvre de façon abusive, alors même qu'il existe une des circonstances justifiant, au regard de l'article 12 de la loi du 16 mars 1963, qu'il soit mis fin au contrat.

En revanche, l'article 13 n'a pas vocation à s'appliquer lorsque l'auteur de la rupture, à défaut d'une de ces circonstances, n'est pas titulaire du droit de faire cesser le contrat par sa seule volonté.

En pareil cas, il engage sa responsabilité à l'égard de l'autre partie conformément au droit commun des obligations contractuelles, tel qu'il est régi par les articles 1001 et suivants du Code civil. Il est ainsi débiteur de dommages-intérêts parle seul fait que, même sans mauvaise foi de sa part, il s'est abstenu, malgré mise en demeure, d'exécuter son obligation.

La société Sapy reconnaît qu'elle ne pouvait « en droit, rompre le contrat... après la fin de la période d'essai ». Elle doit être considérée comme ayant été régulièrement mise en demeure de procurer à M. L. le travail et la rémunération prévus au contrat par l'effet de sa convocation devant le Bureau de conciliation du Tribunal du travail.

Il n'y a donc pas lieu, comme l'a fait ce Tribunal, de rechercher si la rupture a eu un caractère abusif. Il suffit de constater que la société Sapy est tenue, en raison de l'inexécution de ses obligations, de réparer intégralement le préjudice qu'elle a causé à son ancien salarié par l'effet de sa carence.

Motifs

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

Suivant acte sous seing privé du 18 février 2000, M. L. a été embauché, à compter du même jour, par la société anonyme monégasque Sapy en tant que voyageur, représentant et placier (VRP) pour vendre ses produits dans le départements français de la Seine-Maritime, moyennant une rémunération constituée par des commissions sur le montant des ventes et une « rémunération spéciale » qualifiée de « pourcentage d'intéressement » ; les parties ont prévu une période d'essai de trois mois ;

Par un message télécopié du 30 septembre 2000, faisant suite à divers courriers mettant en cause ses méthodes et ses résultats, M. L. a fait part de sa décision de démissionner de son poste ; cette démission a été acceptée le 2 octobre 2000 par la société Sapy ;

Une nouvelle convention, datée du 9 octobre 2000, est cependant intervenue aux termes de laquelle M. L. était désormais engagé par la société Sapy pour exercer les fonctions d'animateur de force de vente, consistant, dans les départements français du Calvados, de l'Eure, de l'Eure-et-Loir, de la Manche, de l'Oise, de l'Orne, de la Seine-Maritime et de la Somme, à proposer le recrutement de voyageurs, représentants et placiers, à les former, les suivre, les animer et les contrôler ;

Sa rémunération était fixée comme suit :

un salaire forfaitaire brut de 8 800 francs,

une commission de 10 % sur les ventes hors taxes effectuées par lui-même auprès de clients ne faisant pas partie de la clientèle affectée à un représentant,

une commission de 2,5 % sur le chiffre d'affaires réalisé, dans les deux premiers mois, par un nouveau représentant qu'il aurait formé ;

Une nouvelle période d'essai de trois mois de travail effectif était prévue.

L'employeur a fait connaître à M. L., par un courrier daté du 15 janvier 2001, qu'il résiliait le contrat pour les motifs suivants : « Par la présente, nous sommes obligés de constater d'une part n'avoir reçu aucune réponse à notre lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2001, dont vous avez pris connaissance le 8 courant et, d'autre part n'avoir remarqué aucune amélioration du travail (très en dessous de la moyenne) des VRP que vous avez formés pendant votre mission.

Nous considérons donc votre période d'essai comme non concluante et nous résilions le contrat qui nous liait » ;

I. - L'instance devant le Tribunal du travail

Par requête du 6 septembre 2001, M. L. a saisi le Tribunal du travail pour solliciter :

• au titre d'une indemnité de préavis... 27 809,04 francs

titre de congés payés sur préavis... 2 780,90 francs

pour indemnité de licenciement........ 4 078,66 francs

pour réparer le préjudice causé par son licenciement abusif..................... 80 000,00 francs

des intérêts de droit sur ces sommes à compter de la citation en conciliation ;

défaut d'accord devant le Bureau de conciliation, une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 8 octobre 2001 ;

Devant le Bureau de jugement, M. L. a demandé au Tribunal du travail de :

dire que les parties étaient bien liées par un contrat de travail à durée indéterminée avec prise d'effet au 18 février 2000,

dire que le licenciement n'est pas justifié par un motif valable et qu'il revêt un caractère abusif ouvrant droit à dommages-intérêts,

faire intégralement droit à ses demandes indemnitaires.

La société Sapy a formulé, en réponse, les prétentions suivantes :

dire que les parties ont été liées par un premier contrat qui s'est terminé par la démission de M. L. au 30 septembre 2000, date de son acceptation,

débouter ce dernier de toutes ses demandes du fait de l'insuffisance de sa prestation ;

Les moyens des parties, tels qu'ils ont été débattus devant le Tribunal du travail, peuvent être ainsi exposés :

- Sur la qualification juridique des relations contractuelles

M. L. soutenait que le nouveau contrat du 9 octobre 2000, conclu pour une durée déterminée très courte devant courir jusqu'au 28 février 2001, ne constituait qu'une modification du contrat initial, devant être analysée comme une novation, que sa démission et la conclusion de ce nouveau contrat ne résultaient que des « artifices » de son employeur, qu'il avait commencé à exercer ses nouvelles fonctions dès avant le 9 octobre 2000, et qu'il fallait en déduire qu'il n'avait existé entre eux qu'une seule relation contractuelle devant être qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée, ne comportant qu'une seule période d'essai de trois mois, ayant commencé à courir le 18 février 2000 ; selon lui, il a dû accepter une démission forcée pour obtenir l'avancement au poste hiérarchiquement supérieur d'animateur des forces de vente ;

- la société Sapy répondait qu'il n'avait été mis fin au premier contrat qu'à la seule initiative de M. L., que sa démission a donné lieu à l'établissement d'un compte accepté par lui, et que le nouveau contrat visait des objectifs et avait un caractère juridique différent ;

- Sur la date d'entrée en vigueur du second contrat

- selon M. L., ce contrat est entré en vigueur dès le 9 octobre 2000, de sorte que cette période d'essai, à la supposer opposable, était d'ores et déjà expirée au moment de la lettre de licenciement ; il précisait qu'il avait été rémunéré à partir du 9 octobre 2000 ;

- la société Sapy admettait avoir engagé M. L. à compter du 9 octobre 2000, mais ajoutait que son offre de contrat n'avait, en réalité, été formalisée que le 25 octobre 2000 ;

- Sur les manquements reprochés à M. L.

- la société Sapy lui reprochait une insuffisance notoire de développement des ventes dans le secteur géographique concerné, un défaut d'efficacité dans son travail d'animation, trois des agents recrutés par lui n'ayant pas été retenus à la suite de leur période d'essai et le quatrième ayant démissionné, une omission d'établir de façon journalière des rapports d'activité écrits et des lacunes dans les contrats de vente proposés par lui ;

- M. L. répliquait que sa promotion au poste d'animateur démontrait que ses résultats étaient conformes aux attentes de l'employeur, que ses rapports périodiques étaient faits le plus souvent par téléphone deux à trois fois par semaine, qu'il s'était acquitté de ses tâches de recrutement et de formation des représentants, et qu'il avait obtenu des commandes de divers clients, notamment la société Lyonnaise des Eaux et la société Astrée Ouest ;

- la société Sapy rétorquait que la conclusion du contrat avec la société Lyonnaise des Eaux n'avait été rendue possible que par l'intervention de son propre administrateur délégué, eu égard aux lacunes du contrat proposé par M. L., et que le contrat passé avec la société Astrée Ouest s'était révélé entaché de nombreuses erreurs ayant rendu nécessaire le remplacement des caisses livrées en raison de leur non-conformité aux exigences du client ;

II. - La décision du Tribunal du travail

Statuant le 25 septembre 2003, le Tribunal du travail a :

débouté M. L. de sa demande tendant à voir dire que les parties étaient liées par un seul et même contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 18 février 2000,

dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties est intervenue postérieurement à l'expiration de la période d'essai,

dit, à défaut pour la société Sapy d'avoir démontré l'existence de la faute grave ou d'un juste motif l'autorisant à mettre un terme de manière anticipée au contrat dont l'issue avait été fixé par les parties au 28 février 2001, que la rupture dudit contrat le 15 février 2001 à l'initiative de l'employeur revêt un caractère illégitime,

condamné en conséquence la société Sapy à payer à M. L., à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 878,16 euros, représentant le montant des salaires restant dus jusqu'au terme du contrat,

dit enfin que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à l'initiative de l'employeur ne revêt pas de caractère abusif,

débouté M. L. du surplus de ses prétentions,

fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;

La motivation retenue par le Tribunal sera exposée plus loin en même temps que les moyens des parties.

III. - L'instance d'appel

Par l'exploit susvisé du 24 novembre 2003, M. L. a interjeté appel du jugement prononcé par le Tribunal du travail ; il demande au Tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel, de le réformer en toutes ses dispositions et de :

dire que les parties étaient bien liées par un contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 18 février 2000,

dire que sa nomination au poste d'animateur force de vente au mois de septembre 2000, doit s'analyser, nonobstant les artifices de l'employeur, en une novation du contrat initial portant sur un changement de poste et qui s'est donc poursuivi toujours à durée indéterminée,

dire que la rupture dudit contrat de travail à l'initiative de la société Sapy doit s'analyser en un licenciement soumis au régime du contrat à durée indéterminée,

dire que ce licenciement n'est pas justifié par un motif valable,

condamner en conséquence la société Sapy à lui payer, à titre de préavis, 4 239,46 euros, les congés payés sur ce montant, soit 423,95 euros, et une indemnité de licenciement de 621,79 euros,

dire que le licenciement revêt un caractère abusif et condamner la société Sapy à lui payer, de ce chef, une indemnité de 12 195,92 euros,

et condamner la société Sapy aux dépens de première instance et d'appel ;

Il a soutenu ses prétentions dans ses conclusions du 16 juin 2004 ;

Concluant le 11 mars 2004 (et non 2003 comme indiqué par erreur), la société Sapy a sollicité la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, y compris celle l'ayant condamnée au paiement d'une indemnité de 1 878,16 euros, et le rejet de l'appel interjeté par M. L. ;

Les motifs retenus par le Tribunal du travail ont ainsi été discutés :

Sur la démission de M. L.

le Tribunal du travail a retenu qu'il n'apportait pas la preuve, qui lui incombe, d'une contrainte exercée par son employeur, alors qu'il n'a protesté ni lors de l'acceptation de cette démission, ni à la réception des bulletins de salaire, certificat de travail et solde de tout compte établis le 13 octobre 2000 par la société Sapy ;

M. L. réitère qu'il y a eu « artifices » de la part de son employeur dans le fait de l'avoir contraint à signer « une pseudo lettre de démission » et un nouveau contrat comportant une période d'essai presque aussi longue que celle du contrat ;

la société Sapy reprend les motifs du jugement et indique ne pas voir quel intérêt elle aurait eu à demander une démission pour réembaucher ;

Sur la qualification de la relation contractuelle

selon les premiers juges, les deux emplois successifs sont de nature fondamentalement différente, le premier relevant du statut particulier des voyageurs, représentants, placiers tandis que le second est soumis au droit commun du contrat de travail, et M. L. ne peut pas sérieusement soutenir avoir bénéficié d'une promotion dans le cadre d'un seul et même contrat de travail ;

M. L. soutient que les deux emplois ne sont pas intrinsèquement différents, les fonctions d'animateur ne constituant qu'un « poste de Super VRP » englobant la tâche de représentant avec la mission de former et superviser l'action d'un groupe de VRP sous ses ordres dans une zone géographique élargie ; il reproche au Tribunal du travail de ne pas avoir tenu compte du fait que les bulletins de paie établis postérieurement à sa « nomination au poste d'animateur » mentionnent comme date de son entrée dans l'entreprise celle de l'embauche initiale en février 2000 et considère que ce fait vaut reconnaissance formelle par l'employeur de l'existence d'un seul et même contrat de travail, simplement transformé par la novation en septembre 2000 ;

la société Sapy affirme qu'il existe entre les deux contrats une différence d'objet et de cause qui exclut toute continuation du contrat de représentant dans le contrat d'animateur, d'autant plus qu'elle avait fait des reproches à M. L. au sujet du bon exercice de sa fonction de représentant ;

Sur la licéité de la seconde période d'essai

le Tribunal du travail a estimé que la société Sapy pouvait licitement imposer à son salarié une nouvelle période d'essai en raison de la nature différente de ses deux emplois successifs, qui requéraient des compétences différentes eu égard à l'élargissement, tant qualitatif que géographique, des fonctions confiées à M. L. ;

M. L. critique implicitement cette appréciation en soutenant qu'il n'a été lié à son employeur que par un contrat à durée indéterminée ;

Sur le point de départ de la période d'essai

selon le Tribunal du travail, il y a lieu de prendre en considération la date à laquelle l'exécution du contrat a effectivement commencé et cette date doit en l'espèce être fixée, antérieurement à la signature du contrat, au 25 septembre 2000, compte tenu des termes de la correspondance émanant de la société Sapy ;

M. L. indique que les premiers juges ont « fort justement relevé » que la seconde période d'essai, à la supposer justifiée, était expirée au moment du licenciement ;

la société Sapy admet que, même si l'on devait retenir la date du 9 octobre 2000, la fin de la période d'essai resterait antérieure à la notification de la rupture ;

Sur la tardiveté de la rupture

les premiers juges ont retenu que, la rupture n'étant intervenue que postérieurement à la période d'essai, elle se trouve soumise à l'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui régit le contrat de travail à durée déterminée ;

M. L. fait valoir qu'étant lié à son employeur par un contrat à durée indéterminée, il a été licencié sans motif valable et a droit à l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, à calculer au regard de son ancienneté réelle, soit depuis le 18 février 2000 ;

Sur l'existence d'une faute grave ou d'un juste motif pour mettre fin de manière anticipée au contrat de travail

le Tribunal du travail a considéré que, faute d'avoir donné à son salarié le laps de temps nécessaire à la réalisation des objectifs unilatéralement fixés par elle, la société Sapy n'est pas recevable à se prévaloir d'une insuffisance de résultats et que, s'il est vrai que M. L. a manqué à son obligation d'établir un rapport journalier, la brièveté de la durée du contrat exclut qu'il y ait là un juste motif ;

M. L. conteste la qualification donnée au contrat ;

Sur les conséquences pécuniaires

les premiers juges ont alloué à M. L. le montant des salaires dus jusqu'au terme du contrat ; ils ont admis qu'il était recevable à solliciter des dommages-intérêts, l'article 13 de la loi n° 729 précitée étant applicable quelle que soit la nature du contrat, mais ont rejeté sa demande à défaut de preuve d'une faute commise par son employeur ;

M. L. prétend au paiement d'une indemnité de licenciement ; il sollicite également le bénéfice d'un délai de préavis qu'il entend voir fixer, pour son poste d'encadrement, à trois mois, « conformément aux usages et à la jurisprudence » ;

pour réclamer, en outre, des dommages-intérêts, il estime que les premiers juges se sont contredits en affirmant tout à la fois que son employeur avait pris illégitimement l'initiative de rompre la relation de travail et que le caractère abusif de la rupture ne serait pas établi ; il fait valoir que la faute de la société Sapy résulte de la soudaineté et de l'imprévisibilité qu'elle a données à la rupture, apparemment liée à la nomination d'un nouveau président, de la légèreté dont elle a fait preuve en le licenciant sans motifs et sans respecter les formes légales, faute de lui proposer et de lui régler les indemnités de licenciement et de préavis qui découlaient de la qualification réelle du contrat de travail, et du dénigrement de ses compétences professionnelles auquel elle s'est livrée ; il en déduit l'existence d'un préjudice tant matériel que moral ;

la société Sapy, sans contester être débitrice de la somme mise à sa charge par le Tribunal du travail, estime néanmoins qu'elle était en droit de rompre le contrat, « sur la base d'éléments constituant une cause réelle et sérieuse », en l'espèce l'omission de M. L. d'exécuter de manière sérieuse et suffisante les prestations auxquelles il était tenu ;

Sur quoi,

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que des difficultés sont rapidement apparues entre la société Sapy et M. L. à la suite de son embauche comme voyageur, représentant et placier ;

Que dès le 9 mai 2000, dans un courrier recommandé intitulé « Analyse de votre période d'essai », l'employeur s'est déclaré déçu des résultats obtenus par M. L. au cours du dernier mois écoulé et lui a exprimé plusieurs reproches :

l'établissement de nombreux bons de commande portant la mention « Attente de confirmation » et non confirmés,

l'insuffisance des résultats,

et le défaut de fourniture d'éléments de réponse en vue de l'établissement d'un devis, pourtant urgent, à l'intention de la société Lyonnaise des Eaux ;

Qu'elle exigeait de lui des explications au sujet de sa façon de rédiger les bons de commande, le mettait en demeure d'obtenir au plus vite l'accord de livraison des clients concernés et lui fixait l'objectif d'atteindre un chiffre d'affaires minimal, hors taxes, de 25 000 francs pour le 19 mai suivant ;

Qu'elle a apparemment obtenu satisfaction puisqu'elle n'a pas mis en œuvre la faculté de résiliation prévue au cours de la période d'essai et a poursuivi l'exécution du contrat ;

Attendu que par un second courrier daté du 12 juillet 2000, elle lui a encore fait grief de ne pas lui avoir adressé, depuis le 27 juin précédent, le rapport écrit d'activité journalière prévu à l'article 6 du contrat de VRP, a exigé « par retour, une explication quant à votre silence » et lui a demandé des explications au sujet de l'évolution de ses démarches auprès de la société Lyonnaise des Eaux ;

Qu'elle s'est fait encore plus pressante le 19 septembre 2000 en lui reprochant de n'avoir reçu que quatre rapports d'activité journaliers depuis le 28 août 2000 et de n'avoir aucune preuve de son travail depuis une semaine ; qu'elle lui a fait part de son intention de ne pas poursuivre leurs relations de travail s'il persistait dans son comportement et ne fournissait aucune explication ;

Attendu que M. L. a rapidement réagi à cette lettre, reçue le 23 septembre 2000, puisque dès le surlendemain, la société Sapy a accusé réception de son message télécopié, non produit aux débats, relatif au recrutement et à la formation de nouveau voyageurs, représentants et placiers dans les départements français de la Seine-Maritime, de la Somme, de l'Oise, de l'Eure et du Calvados ; qu'elle a envisagé les bases devant régir ces nouvelles fonctions :

rémunération constituée par un salaire fixe journalier et une commission sur les ventes,

prise en charge des frais de déplacement,

expérimentation jusqu'au 31 janvier 2001, échéance à laquelle « nous pourrions trouver un autre accord » ;

Attendu que c'est dans ce contexte que M. L. a adressé le 30 septembre 2000 au directeur du personnel de la société Sapy un nouveau message télécopié pour lui faire connaître sa décision de « démissionner de mon poste de VRP dans votre société dès réception de la présente » ;

Que la société lui a écrit le 2 octobre 2000 qu'elle acceptait cette démission, lui demandait restitution de la marchandise à lui confiée, s'engageait à lui payer, après cette restitution, les sommes qui lui seraient dues et renonçait au bénéfice de la clause de non-concurrence prévue au contrat ;

Que M. L. a signé le 20 octobre 2000 un reçu pour solde de tout compte visant une somme nette de 2 174,50 euros à titre de salaires et indemnité de congés payés ;

Attendu que les parties ont parallèlement poursuivi leurs discussions relatives au nouveau contrat de travail envisagé ;

Que J. G., comptable de la société Sapy, a rencontré M. L., le 6 octobre 2000, pour discuter de ses nouvelles fonctions d'animateur de vente ;

Que cet entretien est visé dans la lettre du 9 octobre suivant par laquelle la société Sapy confirmait à M. L. qu'elle préparait un contrat de travail relatif à cette mission, lui en fournissait les éléments essentiels relatifs à la rémunération et lui demandait son accord sur ce point ;

Que le nouveau contrat, bien que daté du 9 octobre 2000, n'a été adressé que le 25 octobre 2000 à M. L. ; que tant lui-même que l'administrateur délégué de la société Sapy ne l'ont signé que dans les jours suivants puisqu'un exemplaire régularisé du contrat a été envoyé le 31 octobre 2000 à M. L. ;

Attendu qu'il est constant que ce contrat n'a été conclu que pour une durée déterminée ; que les parties reconnaissent que son article 2, qui vise la date du 28 février 2000, comporte une erreur matérielle et qu'elles ont entendu fixer pour échéance le 28 février 2001 ; que cette intention est conforme à celle exprimée dans l'écrit du 25 septembre 2000 ci-dessus relaté ;

Attendu que cette convention est entrée en vigueur puisque la société Sapy admet que M. L. s'est trouvé placé à la tête des quatre voyageurs, représentants et placiers R., B., Q. et C. et qu'elle lui a fixé, le 22 décembre 2000, un objectif de chiffre d'affaires de 170 000 francs, hors taxes, pour le 25 janvier 2001, compte tenu des rendez-vous pris et des promesses de commandes recueillies ;

Attendu que la société Sapy a notifié à M. L., par un courrier recommandé du 15 janvier 2001, sa décision de « résilier » le contrat, considérant comme non concluante la période d'essai ; qu'elle lui a reproché un défaut de réponse à un courrier du 5 janvier 2001, non produit aux débats, et l'absence d'amélioration des résultats des VRP formés par lui ;

I. - Sur la qualification de la relation de travail

Attendu que le premier contrat du 18 février 2000, expressément soumis aux dispositions d'ordre public de la loi n° 762 du 26 mai 1964 fixant le statut professionnel des voyageurs, représentants ou placiers, a été conclu pour une durée indéterminée ;

Attendu qu'il ressort des conventions ci-dessus relatées que M. L. a accepté de mettre fin à ce contrat pour conclure un nouveau contrat de travail, soumis cette fois aux règles générales prévues par la loi n° 729 du 16 mars 1963, et comportant une durée déterminée ;

Attendu que le nouveau contrat apparaît être la contrepartie de la démission, ce contrat formant un tout avec la démission et le reçu pour solde de tout compte relatif à l'ancien contrat de travail ;

Attendu que l'article 6 de la loi du 16 mars 1963 prévoit que le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties ; que la loi du 26 mai 1964 ne déroge pas à ce principe, de sorte que M. L. pouvait valablement démissionner de ses fonctions de voyageur, représentant, placier ;

Attendu que M. L. invoque deux prétentions ou moyens de nature différente et en réalité incompatibles entre eux :

d'une part la contrainte exercée sur lui par son employeur pour l'amener à démissionner et à conclure le second contrat, ce qui implique la nullité de la démission et de ce contrat qui n'en serait que la conséquence,

d'autre part la novation, qui implique au contraire la validité de la démission et du nouveau contrat ;

A. - Sur la contrainte

Attendu qu'aux termes des articles 967 et 968 du Code civil, la violence, qu'elle soit constituée par une atteinte à l'intégrité physique ou une contrainte morale, n'est une cause de nullité d'une convention que si elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présente, compte tenu notamment de la condition de cette personne ;

Qu'il appartient à M. L. d'apporter la preuve de la contrainte qu'il allègue, susceptible de rendre nul l'ensemble de conventions constitué par sa démission, le nouveau contrat et le reçu pour solde de tout compte relatif au premier contrat ;

Attendu qu'il ne produit à ce sujet ni écrit probant, ni témoignage et prétend seulement tirer des présomptions des faits de la cause ;

Attendu qu'en réalité, il ne résulte pas de ces faits les présomptions graves, précises et concordantes exigées par l'article 1200 du Code civil ;

Que ni le mécontentement exprimé par la société Sapy en septembre 2000, ni le fait que M. L. ait renoncé à des droits en acceptant un nouveau contrat à durée déterminée à la place d'un contrat à durée indéterminée ne font présumer l'exercice d'une violence propre à vicier son consentement ;

Que s'il est vrai que le courrier du 19 septembre 2000 annonçait clairement l'éventualité d'un licenciement ou de sanctions disciplinaires, il n'y avait là que l'application de la clause, prévue à l'article 15 du contrat de travail, selon laquelle tout manquement du représentant à ses obligations, et notamment le défaut de compte-rendu d'activités, pouvait entraîner l'application de sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement après observations écrites restées sans effet ;

Que le nouveau contrat n'était pas entièrement désavantageux pour M. L. puisqu'il prévoyait une rémunération sous forme d'un salaire fixe et de commissions d'un montant au moins égal à la rémunération minimale mensuelle garantie par convention collective, alors qu'il ne percevait auparavant que des commissions sur les commandes effectivement acceptées et payées dans un délai de 90 jours ;

Qu'en outre l'employeur n'a pu surprendre le consentement de M. L. alors que dès le 25 septembre 2000, avant même sa démission, ce dernier savait que le contrat établi en contrepartie de la démission comporterait une durée déterminée particulièrement brève ;

Attendu que l'existence de la violence prétendue ne peut donc être retenue ;

B. - Sur la novation

Attendu que la demande de M. L. tendant à faire juger que sa nomination au poste d'animateur de force de vente doit s'analyser « en une novation du contrat initial qui s'est donc poursuivi toujours à durée indéterminée » constitue non une demande nouvelle prohibée par l'article 431 du Code de procédure civile, mais une demande incidente fondée sur la même cause que la demande initiale ;

Qu'elle doit donc être déclarée recevable pour la première fois en cause d'appel, conformément aux articles 379 et 435 du même code ;

Attendu que la novation peut notamment s'opérer, selon l'article 1119 du Code civil, lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte ;

Qu'à supposer que ce mécanisme soit applicable à la transformation totale d'un contrat de travail, il mettrait alors entièrement fin au premier contrat et ne pourrait pas laisser subsister les obligations qui en découlaient, seules les obligations prévues par le nouveau contrat engageant désormais l'employeur ;

Attendu que la novation alléguée aurait ainsi pour objet de substituer un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, désormais éteint ; qu'elle ne ferait qu'organiser la succession de deux contrats distincts et exclurait nécessairement toute indivisibilité entre eux ;

Attendu qu'il incombe à M. L. de démontrer que lui et son employeur ont, en réalité, eu la commune intention, contrairement aux stipulations apparentes de leur second contrat, de lui donner un caractère indéterminé et se sont ainsi livrés à une simulation, en convenant entre eux d'une contre-lettre valable, au sens de l'article 1168 du Code civil ;

Attendu que les moyens invoqués à ce sujet apparaissent inopérants ;

Attendu que le simple fait que M. L. ait commencé à exercer ses nouvelles fonctions avant même sa démission ou la signature du nouveau contrat n'est pas probant alors que, loin d'avoir été durablement confondue avec ses précédentes fonctions de VRP, sa nouvelle mission d'animateur, telle qu'elle ressort de l'écrit du 25 septembre 2000 analysé plus haut, n'a pu commencer que quelques jours avant sa démission, ce qui confirme plutôt qu'il y a eu succession de contrats entièrement distincts ;

Attendu que l'indication, dans les bulletins de salaire remis à M. L. en exécution du second contrat, d'une ancienneté tenant compte de sa période de présence dans l'entreprise relative au premier contrat n'est pas plus déterminante ; qu'en réalité cette indication paraît résulter d'une exigence du logiciel informatique utilisé par la société Sapy pour établir ses documents de paie ; que l'ancienneté dans l'entreprise est un fait concret indépendant de la qualification juridique du contrat de travail ; que les bulletins litigieux sont pour le moins équivoques et ne sauraient constituer un aveu faisant la preuve d'une contre-lettre ;

Attendu en outre que, loin d'être la simple continuation de premier contrat, le second était relatif à des fonctions très différentes de celle de représentant puisque M. L. devait tout à la fois recruter des collaborateurs, les former, organiser leur activité et les contrôler ;

Attendu qu'en définitive les demandes de M. L. tendant à faire juger que les parties étaient liées par un seul contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 18 février 2000 et que sa nomination au poste d'animateur de force de vente doit s'analyser en une novation du contrat initial entraînant la poursuite de ce contrat toujours à durée indéterminée, ne sont pas fondées ;

Qu'il y a donc lieu, sur le premier point, de confirmer la décision du Tribunal du travail et, sur le second, de débouter M. L. ;

II. - Sur la rupture du contrat et ses conséquences

A. - Sur la qualification de la rupture

Attendu que la demande de M. L. tendant à faire juger que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement soumis au régime du contrat à durée indéterminée constitue également une demande incidente recevable pour la première fois en cause d'appel ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les parties étaient liées au moment de la rupture de leur relation de travail, par un contrat à durée déterminée ;

Que la demande de M. L. doit en conséquence être rejetée ;

Attendu que la société Sapy admet en cause d'appel que la rupture est intervenue postérieurement à l'expiration de la période d'essai ; qu'il convient donc, sans qu'il y ait lieu de rechercher la date exacte du point de départ de cette période, de confirmer la disposition prise par le Tribunal du travail sur ce point ;

B. - Sur la régularité de la rupture

Attendu que la société Sapy reconnaît de même, en sollicitant de ce chef la confirmation de la décision attaquée, que la rupture du contrat intervenue à son initiative revêt un caractère illégitime à défaut de faute grave ou de juste motif établis ;

Que la décision du Tribunal du travail doit, là encore, être confirmée de ce chef ;

C. - Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

Sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement

Attendu que l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et l'indemnité pour inobservation du délai de préavis instituée par l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ne sont dues par l'employeur qu'en cas de rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

Que M. L. ne peut donc pas y prétendre ;

Qu'ainsi que l'a justement estimé le Tribunal du travail, il n'est pas mieux fondé à demander une somme au titre des congés payés pour une période de préavis ;

Sur les dommages-intérêts

a) Sur le régime juridique applicable

Attendu que l'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ne permet à une partie à un contrat à durée déterminée de le faire unilatéralement cesser avant terme que pour de justes motifs, en cas de faute grave ou de force majeure et dans les cas spécialement prévus au contrat ou déterminés par le règlement intérieur ;

Attendu que le Tribunal du travail a fait application au contrat litigieux de l'article 13 de la même loi selon lequel toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts ;

Attendu cependant que, s'il est vrai que ce texte ne distingue pas selon la nature du contrat de travail, il n'envisage que le cas dans lequel une partie abuse du droit qui lui est légalement reconnu de mettre fin unilatéralement au contrat ; qu'il en découle que des dommages-intérêts peuvent être dus, à la suite de la rupture d'un contrat à durée déterminée lorsque l'auteur de cette rupture la met en œuvre de façon abusive, alors même qu'il existe une des circonstances justifiant, au regard de l'article 12 de la loi du 16 mars 1963, qu'il soit mis fin au contrat ;

Qu'en revanche, l'article 13 n'a pas vocation à s'appliquer lorsque l'auteur de la rupture, à défaut d'une de ces circonstances, n'est pas titulaire du droit de faire cesser le contrat par sa seule volonté ;

Qu'en pareil cas, il engage sa responsabilité à l'égard de l'autre partie conformément au droit commun des obligations contractuelles, tel qu'il est régi par les articles 1001 et suivants du Code civil ; qu'il est ainsi débiteur de dommages-intérêts par le seul fait que, même sans mauvaise foi de sa part, il s'est abstenu, malgré mise en demeure, d'exécuter son obligation ;

Attendu que la société Sapy reconnaît qu'elle ne pouvait « en droit, rompre le contrat... après la fin de la période d'essai » ; qu'elle doit être considérée comme ayant été régulièrement mise en demeure de procurer à M. L. le travail et la rémunération prévus au contrat par l'effet de sa convocation devant le Bureau de conciliation du Tribunal du travail ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu, comme l'a fait ce Tribunal, de rechercher si la rupture a eu un caractère abusif ; qu'il suffit de constater que la société Sapy est tenue, en raison de l'inexécution de ses obligations, de réparer intégralement le préjudice qu'elle a causé à son ancien salarié par l'effet de sa carence ;

Sur le préjudice subi

Attendu qu'il appartient à M. L. d'apporter la preuve du préjudice tant financier que moral qu'il prétend avoir subi ;

Attendu que la société Sapy reconnaît être débitrice du salaire qu'elle aurait dû verser jusqu'à l'échéance du contrat, soit 1 878,16 euros ;

Attendu que les circonstances dans lesquelles M. L. a été privé de son emploi lui ont en outre causé, eu égard à leur brutalité et aux multiples erreurs d'appréciation commises par son employeur, un préjudice moral certain ;

Attendu en revanche qu'il n'est pas établi qu'il ait subi un préjudice financier excédant la valeur du salaire qu'il aurait dû percevoir puisqu'il ne prétend pas avoir été mis dans l'impossibilité de retrouver, après le 28 février 2001, un autre emploi et ne s'explique pas sur le déroulement de sa carrière professionnelle depuis cette date ;

Attendu qu'il ne peut reprocher à la société Sapy de ne pas lui avoir proposé une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis alors qu'elles ne lui étaient pas dues ;

Attendu qu'il n'apparaît pas davantage fondé à invoquer une volonté, de la part de son adversaire, de dénigrer ses compétences professionnelles ;

Qu'il n'est pas prétendu en effet que la société Sapy aurait cherché à le déconsidérer auprès de clients ou de concurrents ;

Qu'il n'est pas non plus démontré que les griefs qu'elle a exprimés dans ses écritures judiciaires, à les supposer excessifs, aient donné lieu à publicité auprès de tiers dans des conditions de nature à occasionner un préjudice ;

Attendu qu'il y a lieu, sur ces bases, de fixer à la somme de 2 500 euros l'indemnité totale due à M. L. en réparation de son dommage ;

Et attendu que les deux parties succombent respectivement sur certains chefs de leurs demandes ; qu'il convient, conformément à l'article 232 du Code de procédure civile, d'ordonner la compensation totale des dépens, tant en ce qui concerne ceux exposés en première instance que ceux occasionnés par la présente procédure ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS ET CEUX NON CONTRAIRES DES PREMIERS JUGES :

LE TRIBUNAL STATUANT CONTRADICTOIREMENT COMME JURIDICTION D'APPEL DU TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Déboute M. L. de ses demandes incidentes tendant à :

dire que sa nomination au poste d'animateur force de vente au mois de septembre 2000 doit s'analyser en une novation du contrat initial portant sur un changement de poste qui se serait donc poursuivi pour une durée indéterminée,

dire que la rupture dudit contrat de travail à l'initiative de la société Sapy doit s'analyser en un licenciement soumis au régime du contrat à durée indéterminée ;

Confirme le jugement rendu par ce tribunal le 25 septembre 2003 en ce qu'il a :

débouté M. L. de sa demande tendant à voir dire et juger que « les parties litigantes sont liées par un seul et même contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 18 février 2000 »,

dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties est intervenue postérieurement à l'expiration de la période d'essai,

dit, à défaut pour la société anonyme monégasque Sapy d'avoir démontré l'existence de la faute grave ou d'un juste motif l'autorisant à mettre un terme de manière anticipée au contrat dont l'issue avait été fixée par les parties au 28 février 2001, que la rupture dudit contrat le 15 janvier 2001 à l'initiative de l'employeur revêt un caractère illégitime ;

Le réformant pour le surplus,

Composition

M. Narmino, prés. ; M. Bellinzona, juge suppl. f.f. de subst. proc. gén. ; Mes Pastor-Bensa, Karczag-Mencarelli, av déf.

Note

Cette décision confirme pour partie le jugement rendu le 25 septembre 2003 par le Tribunal du travail.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27166
Date de la décision : 20/01/2005

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : L.
Défendeurs : Sam Sapy

Références :

article 6 de la loi du 16 mars 1963
articles 967 et 968 du Code civil
article 12 de la loi du 16 mars 1963
article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 1168 du Code civil
loi n° 729 du 16 mars 1963
article 431 du Code de procédure civile
article 1119 du Code civil
Code civil
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 1200 du Code civil
article 232 du Code de procédure civile
loi n° 762 du 26 mai 1964
article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
loi du 26 mai 1964


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2005-01-20;27166 ?

Source

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